stop sounding so fucking sad

We are all searching for
someone whose demons play well with ours.

La porte de la salle d’interrogatoire s’ouvre devant Göran, tandis que l’agent de la VB l’incite d’un signe de main à rentrer. Il espérait que Corban se trouve à l'intérieur pour lui expliquer que tout ceci est un malentendu, mais il n'y a pas âme qui vive. Göran tord un rictus sur sa gueule patibulaire qui ne fait ni chaud ni froid au fonctionnaire. A côté de lui, en retrait, le vampire qui les a escortés - et qui vient de temps en temps lui vendre des breloques - lui rend son regard ; Göran n’aime pas ce qu’il y voit, cette lueur hostile qui brille chez tous les hybrides qu’il croise. Même si celui-là, il le connaît, il n’est jamais à l’abri d’un raté de malédiction qui pousserait le type à se ruer sur lui. "I'm serious, tell him to back off…" C’est la troisième fois qu’il répète à l’agent ne pas vouloir être aussi près du vampire (au moins, dans sa boutique, l’épais comptoir en bois tient en respect les clients marqués d'un triangle). En général, quand il grogne ça en société, ça passe crème, on prend cette exigence pour du bon sens et les souhaits du citoyen sont aussitôt exaucés ; mais ce gars-là, cet Handler, lève la barre du zèle très haut. "I tell him to back off if I want him to back off. Now get inside, Mr. Falk, as you know, I have many questions for you."

Göran s’est assis sur la chaise en fer qu’on lui a désignée. Une table étroite le sépare de l’agent de la VB qui s’est également assis en face. Leurs postures n’ont rien à voir : l’interrogé est affaissé en avant, les coudes en appui, tandis que l’interrogateur est penché en arrière, le dos droit et les bras croisés. Göran jette un second coup d’oeil au vampire, au Hound, pour s’assurer qu’il ne bouge pas de là où il est - soit l’angle de la salle juste à côté de la porte ; il y reste bien, calé contre le mur en se curant les ongles avec un canif. "Let's start with an easy one: where were you three days ago?" Le colosse soupire. Il se prend la tête entre les mains pour se masser le cuir chevelu. "Aren’t you supposed to read my rights or something?" Un tour de passe-passe qu’il tient d’Iggy ; gagner du temps pour réfléchir, ou, comme c’est le cas à l’instant, pour calmer la migraine qui lui revient - depuis quelques temps maintenant Göran a l’impression qu’on lui passe le crâne au rouleau compresseur. "Ugh. Fine."

Sa position lui épargne la grimace horripilée du Handler. Pendant qu’on lui lit enfin ses droits, le suédois presse ses doigts contre les racines grises et grasses de ses cheveux sous lesquelles il sent la douleur lui échapper par filaments. Il a tout essayé ; la gnôle, les drogues douces, les drogues dures, les putes et même les charlatans, tout ça soigneusement gardé par le monde criminel qu’il a la bonne fortune de côtoyer. Et en même temps pas. Vu que tout ça n’a servi à rien. Il continue d’avoir mal. Et surtout d'avoir l’impression qu’un truc rampe sous sa peau. Le bouffe de l'intérieur. Le hante où qu'il aille, quoi qu'il fasse. "Now." La logorrhée est terminée. Les épaules de Göran se lèvent et s’affaissent (un instant, son bras gauche a eu un spasme). "Where were you three days ago, Mr. Falk? — At my pawnshop I guess. — You guess? That's quite vague. — Your question is vague. — You don't seem to realize how bad this is; we have every reason to believe that you’re involved in terrorist activities. — What?! (la gueule de Göran réapparait derrière ses battoirs) — Oh so now I have your attention! Great. Three days ago; where were you? — I told you! My pawnshop! — From dusk till dawn? Pfff, please… Don't play the hard-working guy with me. One look at you and anyone could tell; you’re bad news. — What did you just say? — Racial profiling, he does that a lot. With any race obviously... — Enough!! (le Handler donne un coup de poing contre la table) I won't repeat myself a third time!!"

La gueule de Göran se penche nerveusement.
Il va lui refaire son portrait d’abruti…

L’impatience le rongeant comme une fièvre, Corban se penche dans l’un des boxes des bureaux de l’open space. "Have anyone seen Rudyard? Mite lève à peine le nez de sa tasse de café. - Who? - Rudyard; I haven’t seen him this morning. - Who’s Rudyard? - I— what the— For fuck sake, not Rudyard, eeeh— Rug— - Oh Rug! I saw him heading for the interrogation room with some big scruffy lad— - Thanks. Corban a déjà tourné les talons: And for fuck sake, stop calling the kid Rug!!" aboie-t-il de l’autre bout de la pièce, en direction des salles d’interrogatoire.

Corban est de retour. Il avait disparu pendant quelques jours et, un matin, était réapparu comme si de rien était. Bien entendu, les handlers qui avaient remarqué son absence le mataient un peu de traviole, curieux de savoir ce qui était arrivé à l’intransigeant boss de la VB. Mais Corban aurait préféré se faire piétiner par une horde de centaures plutôt que de lâcher un seul mot sur la petite crise dont il avait été sujet quelques jours auparavant. Il comptait bien entendu sur Buck pour ne pas lâcher le morceau.
Corban est de retour, donc, mise impeccable, la paupière tressautant et la cannette de Crimson Bull prolongeant son bras droit (c’est une nouvelle édition, et le minotaure qui fait office de logo est de plus en plus musclé et aguichant…). Il a beaucoup de choses à rattraper; trois jours qu’il s’était barré (ou plus? il n’en a pas la moindre idée) et la VB semblait avoir pris feu (not in a good way). Aussi, une fois n’est pas coutume, c’était lui qui cherchait Rug, et pas l’inverse, histoire de s’administrer une petite piqûre de rappel de la part de son handler le plus zélé, avant de se prendre les gros poissons en pleine poire sans savoir pourquoi.

Corban remonte le couloir, ouvrant chaque porte. Lorsqu’il trouve enfin la bonne, Rug est toujours en train de s’égosiller sur sa question. Pendant les premières secondes, Corban ne fait même pas attention à l’individu qu’il interroge. Il entre dans la pièce, repérant aussitôt l’hybride vautré dans un coin et calculant sa trajectoire pour ne pas trop s’en approcher. "Rudyard, I can’t find the file for— Corban s’interrompt en réalisant que la massive silhouette affalée en face de son sous-fifre n’est autre que: Göran?? avec un adorable accent. What the fuck are you doing here??" Un sourire un peu complice lui plisse les yeux.

Malgré la tournure chaotique de leur première chasse au kelpie, les deux compères avaient volontiers remis le couvert à deux ou trois reprises. Si Corban n’avait pas niqué le concept de l’amitié dès son plus jeune âge (see what i did there), il aurait pu sans conteste avancer que Göran figurait désormais dans la liste, courte et plutôt exhaustive, des acolytes dont il pouvait rechercher la compagnie.
Néanmoins, Corban fronce les sourcils quand il réalise que le brigand ne se trouve pas du bon côté de la table d’interrogatoire. "Boss, you— you know this guy? Dès son entrée dans la pièce, Rug avait bondi de sa chaise, presque au garde-à-vous. - It’s alright, Rudyard, I’ll take it from here." Et, comme à chaque fois que quelqu’un l’appelle par son véritable prénom (et d’autant plus s’il s’agissait de Corban), Rug ferme son clapet et, trépignant, quitte la pièce, Billy traînant à sa suite.

Corban ferme la porte derrière eux et vient s’asseoir en face de Göran. "Man, so long for the low-profile you were trying to keep! What did you do this time? Did you walk in a vampire rave party? C’est qu’avec sa malédiction (dont Corban avait appris à tiré profit), Göran était une bombe à retardement.
Et, en parlant de bombe, depuis la dernière fois qu’ils s’étaient vus, Corban avait fait la connaissance de la charmante Tula. Il constate donc que la jeune femme n’avait pas encore mis la main sur le bras de Göran, puisque celui-ci l’exhibe toujours, comme un trophée qui narguait de plus en plus le Mangemort.

Le poing serré de Göran se détend au moment où Corban fait son entrée. Trop occupé à lui adresser un regard appelant à l’aide et rugir un "Corban!" qui fait écho à son "Göran??", il ne voit pas, et ne sent même pas, que son poing gauche s’est au contraire fermé (si bien que les phalanges à la carnation morbide blanchissent davantage). "What the fuck are you doing here?? — The hell if I know!" Il jette un œil à l’agent qui a bondi de son siège, comme l’accusant de tous ses maux. Visiblement, même le chef de la VB ne sait pas de quoi il est question, ce qui confirme (il espère encore) que tout ceci n’est qu’un malentendu. "It’s alright, Rudyard, I’ll take it from here." Un certain soulagement appuie sur les épaules du suédois. De son point de vue, Corban et lui c’est devenu une affaire qui roule ; ils s’entendent bien, chassent bien, picolent bien (de temps en temps, histoire de clôturer une chasse). Il n’en faut pas plus à Göran pour qu’il le considère comme un gars sur qui il peut compter - l’inverse étant tout aussi vrai, la disparition de Corban n’étant d’ailleurs pas passée inaperçue chez le prêteur sur gage qui commençait presque à s’inquiéter.

Quand les deux gus finissent par sortir, Göran se réinstalle un peu plus confortablement sur son bout de table, penché en avant, dans une posture autrement plus confiante. "Man, so long for the low-profile you were trying to keep! What did you do this time? Did you walk in a vampire rave party?" Sa grosse main libre se reprend la tête et passe devant sa gueule avec dépit. "Ask your guy! He thinks I'm a fucking terrorist!" Sa voix de rogomme finit étouffée dans sa paume. Il secoue la tête. De tous les crimes qu’on pouvait lui imputer, c’est celui-là qu’on a choisi de lui foutre sur le dos. "He is obsessed with finding out where I was three days ago!" Le bras retombe et la main avec, claquant mollement la surface de la table qui le sépare de Corban. "And actually you know what? I can’t fucking remember…" Göran n’en a parlé à personne - en même temps, Göran n’a personne à qui parler. L’avouer à son acolyte le déleste donc un peu du poids qui lui écrase les nerfs (ça ne serait pas la première fois qu’il s’épanche avec Corban - probablement parce que Corban est ce puits sans fond dans lequel, décidément, il aime bien dégringoler).

"Last time I ended up in a graveyard with no idea how I got there…", l’accent du suédois se fait encore plus tranchant alors qu’il continue de se confier. Il se masse maintenant la nuque (son bras gauche, lui, continue de rester figé, le poing fermé). "Not to mention that other time when I ended up in front of a creepy mansion in the middle of nowhere! Man, the moment before I was in my bed!" A l’évocation du manoir des Carrow, le bras greffé s’est mis à trembler, les veines saillantes, comme si la magie vaudou de l’artefact répondait à une incantation.

Préoccupé, Göran continue de ne rien voir.
Son attention est ailleurs ; sur son récit ; sur sa migraine qui le lance de plus en plus.

"Something’s wrong with me Corban… sometimes I hear a voice a--and maybe it's not that maybe it's nothing, or maybe it's related, or... maybe I'm going crazy..." En répétant le prénom du chef de la VB, des flashs lumineux et douloureux ont explosé dans les pupilles du suédois. Il ferme les paupières en poussant un geignement qui termine sur son poitrail, maintenant qu’il est prostré, la tête basculée en avant et la main crispé sur sa nuque. "... fuck, I swear, if this is another curse..." L'énervement vrombit et les doigts se plantent davantage dans la chair tatouée du vieux prêteur sur gage ; comme s'il pouvait conjurer le sort qui décidément s'acharne, comme s'il avait ce pouvoir, comme s'il pouvait contrôler quoi que ce soit dans sa vie...

"Ask your guy! He thinks I'm a fucking terrorist! - That’s new…" Tant qu’à verser dans le préjugés et autres délits de faciès, Corban était à peu près sûr que Göran trempait dans les gangs, faisait de la contrebande et consommait une quantité pharamineuse de stupéfiants et d’alcools. Mais ça ne lui avait pas vraiment effleuré l’esprit qu’il puisse s’essayer au terrorisme. Il avait trop de bouteille pour ça.
"He is obsessed with finding out where I was three days ago! Corban se retient de lui demander où il était trois jours avant. And actually you know what? I can’t fucking remember…" Le Mangemort ne dit toujours rien, pensant qu’il s’agissait simplement d’un black out règlementaire, après une cuite trop violente ou un trip trop abrupt. Après tout, Göran avait une sacrée descente, comme il lui avait prouvé en mettant à mal ses réserves d’alcool lors de leurs escapades. "That’s odd…" fait-il simplement remarquer en se frottant le menton, avant de siffler une gorgée de sa Crimson. Il pouvait parler, lui! Il y a trois jours (non en vrai ça fait plus longtemps, mais il a du mal à se rendre compte), il était sûrement encore en train de décrépir, niché au fond de sa tente au beau milieu de la cambrousse, prêt à y finir ses jours (plus ou moins comptés), plutôt que de retourner chez lui pour affronter la nouvelle qu’Inès attendait un enfant.
Let’s not think about that. Let’s think about how Göran is losing it.

Göran lui explique qu’il avait atterri à plusieurs reprises dans des endroits incongrus. Si Corban avait voulu pousser la réflexion plus loin, il aurait peut-être fait le lien avec la rumeur stipulant qu’Abram aurait vu un terroriste dans son jardin (pour être honnête, Corban avait écarté l’info d’un revers de main, sous prétexte qu’Abram cherchait tout le temps à attirer l’attention) (clairement St Mungo qui se fout de la charité mais ok).
L’attention de Corban est ailleurs, son regard de puits avalant le tressaillement suspicieux de l’étrange bras de son comparse. Il étudie les ongles si noirs qu’on dirait qu’ils sont peints, si ce n’était pour la teinte noire presque verte que prenaient le bout de ses doigts. Il étudie la différence de taille du pouce, en comparaison à sa main valide. Depuis que le bras maudit semblait avoir désobéi à son propriétaire pour attaquer Corban lorsqu’ils essayaient d’attraper le kelpie, aucun autre incident n’avait été à déplorer. Néanmoins, Corban ne savait toujours pas d’où venait cette immondice et même Tula n’avait pas pu le renseigner, éloignant de fait la théorie qu’elle en soit aussi responsable.

Devant le désarroi du géant, Corban fronce les sourcils. Il se penche en avant et allonge son bras. Il pose la main sur l’épaule relâchée (enfin si je puis dire) de Göran, qui se finissait par son bras pourri. Corban n’est clairement pas le plus doué pour rassurer qui que ce soit, vu qu’il était lui-même la cristallisation de près d’un demi-siècle de nervosité et de tension. Et puis, de manière plus générale, dans l’éducation puriste et mangemorte que tous les darons du tieks avaient enseignée à leur progéniture, on ne faisait pas vraiment dans l’apaisement et la confiance en soi.

"... fuck, I swear, if this is another curse... Corban arrache son regard vide et grouillant à la fois des doigts putréfiés de Göran. "Don’t worry, I guess everything’s going to be fine… Une petite tape sur l’épaule, avant d’y laisser sa main encore un temps, comme s’il cherchait à sentir un tressaillement, voire le pouls (really?) de ce bras maudit. You know what? In fact, everything’s a mess. So I should say, don’t worry, it’s normal that you don’t feel normal. Magic is going apeshit for months now. So it’s probably nothing! I mean, nothing else than your multiple curses being messed up due to current circumstances!"
Corban réalise à quel point il est plus simple de se tourner vers quelqu’un qui a besoin d’aide, plutôt que de rester un instant de plus en face de lui-même et de l’abyssale nouvelle qu’il allait être père cette année.
Don’t think. Make him not think.

"By the way, so far I couldn’t find anything concrete about your little beasts issue, but I think I’m that close to get some leads… Your story is kinda hard to keep track of; you’re lucky I’m a hunter!" Il le gratifie d’un léger coup de poing complice, vu que Göran était celui qui avait un peu ravivé son engouement pour la chasse; et aussi, accessoirement, pour voir si son bras glauque allait moufter.

tw: possession, violence (mention), harcèlement (mention), maltraitance domestique (mention), bref amycus est le trigger

"Don’t worry, I guess everything’s going to be fine…" Le poids de la main de Corban sur son épaule est aussi creux que le sont ses mots de réconfort. Mais Göran n’attend pas de lui qu’il le soulage de la tension acide et désagréable nouant ses muscles, non plus qu’il trouve une solution à tous ses problèmes. Il aimerait simplement que ça s’arrête. Que tout s’arrête. (C’est quand il baisse les bras comme ça que ça devient facile ; quand il accepte que son désespoir minable le ronge sans même lutter ; quand il s’abandonne à sa lassitude ; c’est là, dans l’entrebâillement de ses pensées, qu’il est facile de l’atteindre, de lui susurrer let me be). Göran a un mouvement de tête. Il se met à regarder Corban avec confusion et si le Mangemort n’avait pas embraillé, sûrement lui aurait-il demandé did you hear that?! "You know what? In fact, everything’s a mess. So I should say, don’t worry, it’s normal that you don’t feel normal." Le suédois baisse derechef la tête, trop lourde à porter avec la migraine qui, maintenant, cogne brutalement contre ses tempes. "Magic is going apeshit for months now. So it’s probably nothing! I mean, nothing else than your multiple curses being messed up due to current circumstances!" Grognement. "Great." En même temps qu’il le prononce, le mot lui fait l’effet d’un coup de barre à mine dans le bide.

Great.

Un rire grossier, inaudible pour Corban, grimpe le long de ses tympans et contamine son écœurement d’un enthousiasme soudain. Amycus aime ça, quand Göran se noie. Il y met d’ailleurs du sien en s’étalant partout dans son hôte comme une énorme flaque de goudron collante, lourde, et chaude. "By the way, so far I couldn’t find anything concrete (…)", sans crier gare, la mort se met à ramper sous les chairs de Göran, tout droit issue du bras à moitié pourri que Corban touche et tâte entre chacun de ses laïus, "(…) about your little beasts issue, but I think I’m that close to get some leads…", elle s’écrase contre les organes, grimpe sur les os, coagule les idées noires de Göran, recouvre son libre-arbitre, "(…) Your story is kinda hard to keep track of; you’re lucky I’m a hunter!", et la voix de Corban se perd en un écho de plus en plus ténu, ravalé par les ténèbres qui ont elles aussi fini par ravaler Göran ; sa conscience, ses doutes, ses peurs…

… Amycus, lui, en est ressorti, comme le débris puant et toxique qu’il est. "Ain’t that right Yucky-boy…" Les grandes oreilles de Corban n’avaient pas entendu ce surnom depuis Poudlard. Il traîne avec lui des souvenirs éprouvants, sans nul doute laids. Amycus sourit, du moins s’y essaie, levant les commissures rouillées du suédois en une grimace gênante (autant pour la figure de Göran, que pour Corban en face de lui). Le regard bleu s’est tapissé de noir. Il se plante dans celui quasi identique qui lui fait face. Quatre énormes gouffres se répondent en silence quand, soudain, l’aberration s’anime avec un entrain qui ferait sursauter le béton dans les murs. "What a disgusting piece of work you've become! You aged like milk!" La voix, moins grave, plus âcre, avec ce soupçon de sophistication typique des sangs-purs, n’a plus que l’accent de la moquerie. Il pourrait être celui d’un camarade perdu de vue, car c’est après tout ce qu’ils sont, si les pupilles ne flamboyaient pas d’agressivité. Corban a toujours su trouver chez Amycus un complice motivé et assidu pour exaucer ses death wishes.

"Shut up", lui crache-t-il, alors que le chef de la VB allait lui répondre. Le menton est levé et les yeux le toisent d’en haut, dans une posture dominante qu’Amycus a toujours cherché à avoir - avec n’importe qui et avec n’importe quoi. Mais Amycus n’est pas totalement Amycus, et le corps qu’il habite est toujours aussi pénible à investir, parce qu’il est trop grand, trop gros, trop long, il est trop, simplement trop, et s’il correspond bien à la stature de colosse qu’avait le défunt avant de crever et s’il ne boude pas la présence écrasante qu’elle lui offre dans cette vie-ci, reste qu’il met toujours quelques minutes à savoir bouger le tout. En attendant de pouvoir se ruer sur Corban comme ça lui démange de le faire - c’est après tout lui, sa voix, ses contacts, la simple évocation de son nom, qui l’a aidé à reprendre le contrôle sur son hôte - Amycus comble. Et Amycus est très doué pour combler (n’importe quoi et n’importe qui).

"Still dodgy though…" Il retente un sourire gras qui ressemble déjà un peu plus à un sourire gras. "You’re lying to the fella as clearly as you breathe." Cette horrible petite respiration qu’il lui est arrivé de faire siffler à force de cogner son nez ou de l’enfoncer profondément dans un oreiller de dortoir. "He's a stupid fuck, but I can tell. I recognize that glint in your eye." Amycus se penche en avant. L’effort lui demande une énergie considérable mais il se sent de plus en plus physique - de plus en plus vivant. "Every time you whined you had it, (les traits du visage se tordent en grimaçant un masque pitoyable duquel sort une voix aigüe, grossière et éxagérée) I don't feel anything! my papa’s worse than you! Boohoo!"

Corban n’y croit pas trop, à ce qu’il lui raconte, mais il apprécie Göran, alors, s’il doit se forcer à lui raconter de la merde pour lui changer les idées, il le ferait, juste pour instiguer l’ombre d’une réaction autre que la peine chez son compère.
"Ain’t that right Yucky-boy…"
Corban tressaille.
Une part de lui se dit qu'il a mal entendu. Après tout, Göran n'est pas d'ici, et plus d'une fois, Corban s'est moqué de son accent à couper au couteau.
Une autre part de lui se dit que c'est juste une coïncidence pas très drôle que Göran l'ait appelé par ce surnom qu’il n’avait jamais entendu que d’une seule personne jusqu’à présent. Mais après tout, il y avait bien un moment où on avait fait le tour de tous les surnoms peu affectueux.
Une part vide de lui se rappelle de qui l'appelait comme ça. Et avec le surnom, c’est tout un tas d'émotions et de sensations qui se bousculent derrière ses yeux noirs, gonflant son regard confus. Un poing fermé qui brosse violemment sa joue. Le craquement lugubre de l'arête de son nez qui se pète. Le cuir chevelu tiré en arrière. Les genoux écorchés et les bouts de chair sous ses ongles. Et surtout, surtout le désespoir, le vide grandissant qu’il cherchait désespérément à remplir de quoi que ce soit, fût-ce d’une violence gratuite.
It has to come from somewhere; there has to be a reason for all this violence.

"What did you call m—" Le soudain changement de couleurs des iris de Göran lui coupe le sifflet.  
Le regard qui lui fait désormais face est aussi sombre que le sien. Ça n’est plus le lourd regard d’eau de Göran, qui semble avoir embrassé les nuages de son pays. Personne ne peut vivre dans cet abîme-là. Corban sursaute et lâche l’épaule de Göran. Pendant quelques secondes, plus que des souvenirs qui lui reviennent, c’est aussi sa gorge qui se serre, son estomac qui se retourne, et une pellicule de sueur qui tapisse ses bras, ses mains et son front. Pendant quelques secondes, Corban ressemble à une licorne prise dans les phares du Magicobus lancé à toutes allures dans sa direction. Il ressemble à un adolescent de quinze ans prêt à se faire avaler par les coups du bourreau qu’il est venu lui-même chercher, arracher à l’abysse.
"What a disgusting piece of work you've become! You aged like milk! Corban se reprend, furibond. - What the fuck is wrong with y— - Shut up."

Corban s’exécute, comme s’il ne contrôlait plus son corps, comme si c’était une force plus ancienne, des réflexes enterrés au fond de lui qui refaisaient surface, à l’instar des morts revenants à la vie.
"You’re lying to the fella as clearly as you breathe. Corban retient sa respiration. He's a stupid fuck, but I can tell. I recognize that glint in your eye. Every time you whined you had it, I don't feel anything! my papa’s worse than you! Boohoo!" A la mention de son père, Corban aboie: "Shut up!!!" et d’un coup de baguette, il expulse la chaise vers l’arrière, le projetant contre le mur d’en face. Il se lève à son tour, un peu confus de ce coup de sang, puisque malgré le sombre et terrible discours, c’était Göran qu’il avait envoyé valdinguer. Il se précipite sur lui, l’attrapant par le col de sa veste.

"How do you know about— Where are y— where is Göran?! gémit-il, cherchant par-delà les yeux noirs, si Göran pouvait encore l’entendre. Puis, le secouant de plus bel: What the fuck are you?!"
Une fébrilité le gagne, les jointures de ses doigts blanchissent à cause de la force et de l’effort qu’il met à l’agripper. Le corps de Göran est lourd, avachi, et il semble peiner à se mouvoir, comme s’il portait un manteau lesté mais que ce manteau était l’entièreté de son corps. Quelque chose grouille au fond des yeux noirs de Corban, bouillonnant, comme une huile qu’on soumet à la flamme. Sa main droite entrave le menton de Göran pas Göran, la pulpe de ses doigts piquée à la barbe de trois jours. "Who’s in there??" interroge-t-il, en le regardant en face, les yeux plissés, cherchant à deviner un fantôme dans le vide de ses pupilles.

Il ne sait pas ce qu’il se passe, mais dans ses idées folles, c’est comme si Göran avait perdu la raison. Ou peut-être que c’est lui qui devient fou, peut-être qu’un sortilège a été posé dans la pièce, ou que la magie du Ministère fait encore des siennes et le fait halluciner.
Il pourrait l’immobiliser avec un sort, il pourrait le mettre hors d’état de nuire, le faire arrêter et étudier par n’importe quel autre département de chercheurs fous.
Mais il n’en fait rien.
Parce qu’une vanne s’est ouverte dans son regard, quelque chose s’est perdu, et il a retrouvé autre chose.
Corban est secoué de spasmes et de sentiments contradictoires. Tout son corps tremble de terreur, d’excitation, son rythme cardiaque crevant ses tympans, à cause de la boisson énergisante tout juste consommée qui rend son haleine désagréablement sucrée quand il siffle à la figure de l’Etranger d’une voix crissante: "Tell me now what the fuck is going on?!"

tw: violence, mort (mention)  

Le corps qu’Amycus a investi est projeté en arrière et s’écrase contre le mur de la pièce. Le bruit sourd de son poids se joint à celui métallique que fait la chaise en tombant à sa suite. Il y a un hoquet grave. Et le frottement des tissus épais lorsque la silhouette s’effondre. Les yeux de l’hôte on brillé de bleu, un instant, pareils aux ailes d’un phalène reflétant un rai de lumière dans l’obscurité. Le choc de l’attaque a secoué Göran ; mais Amycus persiste. Il est teigneux. Envahissant. Se fait impérieux sur ces terres ravagées qu’il conquière sans façon - est terrifié à l’idée de retourner dans le creux de la mort où rien ni personne ne l’attend.

"How do you know about— Where are y— where is Göran?!" Plus Corban s’égosille et le triture dans tous les sens, plus il donne du pouvoir à la possession de son compère ; Amycus s’accroche à cette voix crénelée, à cette odeur aigre qu’a la sueur de Corban, à ses tremblements dans les doigts quand il le saisit par le col, il s’accroche au moindre détail somatique qui pourrait lui rappeler sa vie d’avant pour faire le pont entre sa version intangible et sa version tangible. "What the fuck are you?!" Les mèches grasses luisent sous la lumière de la salle d’interrogatoire, suivant le mouvement brusque des mains de Corban. Un rire monte à travers larynx, lourd et fétide, plus que ne l’aurait été celui de Göran - celui-là n’est pas chargé d’alcool mais de perversité. Amycus continue de s’accrocher à Corban, à ses accents paniqués, à ses grimaces, à son corps tordu en avant comme un oiseau tombe du ciel après qu’on l’ait foudroyé.

"Who’s in there??" La main gauche d’Amycus se lève et se plante sur le bras de Corban. Le contact de la peau morte magiquement préservée du pourrissement naturel sur celle chaude et bien vivante rompt le rire moche du prévenu. Il a l’air soudain grave - se concentre en fait, et une dernière fois, pour prendre le contrôle sur cette foutue carcasse. "Really?! I feel offended…!" La colère d’Amycus est aussi palpable que le devient sa prise sur le bras de Corban. Les yeux noirs traquent ceux étroits de son vis-à-vis. "Come on. I'm pretty sure I scarred you for life." Les ongles noirauds se décalent à peine pour s’insérer sous les plis de la manche de chemise retroussée, y révélant une cicatrice épaisse que Corban n’a de toute évidence pas voulu masquer. Comme c’est touchant. Un nouveau sourire méchant vient imprégner les babines hispides, cela même si les doigts nerveux de Corban sont plantés sur la mâchoire. Amycus est soulagé. L’idée qu’on puisse l’oublier est presque aussi affolante que celle de retourner dans le creux de la mort.

"Tell me now what the fuck is going on?!" Se servant de cette surtension dont Corban déborde, Amycus inspire, les dents serrées, avant de lever son bras droit qui vient se fracasser contre la figure le surplombant. C’était trop hâtif. Il aurait dû attendre quelques minutes supplémentaires pour être sûr d’avoir la maîtrise totale sur son hôte : l’impact, mal coordonné, lui déboîte instantanément le majeur. La douleur grimpe jusque dans son épaule puis termine dans sa nuque, où la sueur perle aussi par gouttes acides. Ironiquement, cette petite détonation de douleur parvient à le réveiller complètement. Il profite de la surprise de Corban pour se ruer enfin sur lui - la chaise émet un crissement strident quand la botte de braconnier tape dedans. Les postures s’inversent. La baguette est arrachée de la main moite et envoyée brutalement de l’autre côté de la salle. "Don't ever raise your wand on me again!!" Un second coup de poing frappe les contours délicats de ses maxillaires (la majeur se déboîte encore un peu plus). Le nez se colle presque à celui de Corban quand Amycus reprend. "Or on my host, for that matter…" Il se redresse un peu - pas assez cependant pour éviter à Corban la puanteur de sa gueule. "I'm getting a second chance Yucky-boy; that’s what’s going on!" Derrière l’enthousiasme excessif et cinglé (dont il a toujours fait preuve), une certaine fébrilité flotte. Amycus ne sait pas plus que Corban what the fuck is going on, en d’autres termes, il ne sait pas de combien de temps il dispose ; c’est pourquoi chaque fois qu’il parvient à prendre le contrôle sa seule priorité est de retrouver Alecto.

Il a hanté les abords de Carrow Manor.
Il a hanté les cimetières.
Et il continuera d’hanter le pays tout entier tant qu’il ne l’aura pas retrouvée.

"Enough with your questions!" Son poing s’est enroulé dans les cheveux noirs de Corban et, quand il se referme dessus, son cuir chevelu se tire douloureusement (le majeur, foutu en l’air, reste un peu surélevé). Il force la tête à ne pas bouger, comme il force le corps à ne pas bouger en se faisant poids mort. "My turn, now." La main gauche, pour l’instant molle, rampe jusqu’à la gorge de Corban. "Where is Alecto?" La tête s’enfonce un peu plus dans l’espace les séparant, l’haleine fétide sifflant maintenant à l’oreille de Corban. "And don't play with me, or I'll choke you to death." Allez savoir s’il est sérieux. Sa main gauche prend en effet la forme de sa gorge, et la pression qu’elle y exerce peu à peu ne présage en effet rien de bon. Mais Amycus a toujours menacé de mort Corban. Et pourtant Corban continue de vivre. Lui.

"Really?! I feel offended…! Come on. I'm pretty sure I scarred you for life."
Corban perd ses moyens lorsque les doigts pourris du bras maudit de Göran viennent griffer la peau de son avant-bras, là où une vieille cicatrice gonfle un peu sa peau. Avec l’âge, il lui devient plus fastidieux de dissimuler ce genre d’incidents. Mais déjà, quand il était jeune, il ne s’aimait pas suffisamment pour les cacher non plus. Peut-être même qu’au fond de lui, il espérait que quelqu’un voit les marques de brûlures sur ses omoplates, ou à ses poignets, et lui demande s’il avait besoin d’aide, avant de comprendre que personne ne pouvait l’aider.
Celle-ci prend la forme de deux V; l’un renversé et l’autre incliné sur la droite; un A et un C anguleux, brouillons, dont les pointes prenaient naissance dans des impacts de brûlures faites par son père. Désormais, son tatouage de la VB en masquait une partie, et à force, Corban avait oublié que ces cicatrices étaient là.
En revanche, il n’avait pas oublié qui en était l’auteur assidu.

Quand il était à Poudlard, Corban avait tendance à aller trop souvent titiller l’écorce du saule cogneur. Alors, de temps en temps, un professeur un peu plus zélé que les autres demandait aux fantômes ou aux tableaux de surveiller les déambulations nocturnes de l’adolescent.
Mais Corban n’était pas sans reste; s’il voulait se faire du mal, il trouvait toujours un moyen, et notamment en la personne d’Amycus Carrow, his own private whipping willow, qu’il venait réveiller au beau milieu de la nuit, pour passer un sale quart d’heure.
C’était si simple, automatique, viscéral; le fastfood de la violence, le guilty pleasure du harcèlement.
Une dangereuse habitude qui n’était jamais vraiment passée, et avait même empiré quand Corban s’était séparé de Buck pour rejoindre les Mangemorts, se jetant aux pieds de la toxique fratrie Carrow, marquée par elle avant même de se faire imprimer la Marque des ténèbres, comme si elle eût pu le sauver de son père.
Une habitude qui n’était jamais passée, jusqu’à la mort d’Amycus.

Lorsqu’il lui demande ce qu’il se passe, il reçoit pour toute réponse un poing dans la figure qui l’envoie bouler en arrière. L’intérieur de sa tête vrille à l’impact, et Corban sent son nez céder, du sang barbouillant sa lèvre supérieure. C’est maintenant l’autre homme qui l’agrippe férocement. "Don't ever raise your wand on me again!!" Les phalanges de l’étranger viennent essuyer sa bouche barbouillée d’un second coup. Corban se mord brutalement la langue par accident. L’arête de son nez tire quand il colle son visage au sien, lui offrant toute l’horreur de son haleine et le vide furieux de son regard. "I'm getting a second chance Yucky-boy; that’s what’s going on!"
Corban gémit d’effroi: "Amycus… You’re supposed to be fucking dead," bafouille-t-il sur le ton de la plainte, comme on ferait la remontrance à un mâtin désobéissant ayant chié dans la cuisine.

Corban se débat avec acharnement, cloué par terre, sa poitrine écrasée, ses côtes broyées par le poids énorme de son adversaire, si lourd, comme s’il y avait réellement, plus que deux âmes, deux corps empilés sur lui. Les semelles de ses chaussures glissent sur le lino, couinant, et après avoir essayé de le repousser, ses mains rampent fiévreusement le long des bras qui lui emprisonnent le visage, exposé à cette haleine fétide d’au-delà, profitant au passage pour tâter fébrilement si Göran avait gardé sa baguette sur lui - il semble que non, vu qu’il était en interrogatoire. Son cœur bat dans ses oreilles, dans sa gorge, et à voir la hargne et la terreur se roulant un patin dans ses yeux, il se demande un court instant s’il ne le lui vomirait pas à la figure, pour pouvoir s’échapper. Corban ne fait pas le poids, il n’a jamais fait le poids.

"And don't play with me, or I'll choke you to death. Un rire grince, mauvaise idée, il peine à reprendre sa respiration. - I’d like to see you try, big boy. You never had the balls to finish me off!!" Il ricane, grimace et se crispe entièrement quand la poigne se resserre momentanément autour de sa gorge. Son corps panique un instant, à l'idée qu’il ait peut-être eut tort, et qu’avec la dépouille d’Amycus aient été enterrées ses dernières miettes de scrupules.
Corban plante à son tour ses mains sur son visage, ses doigts griffant ses abominables yeux noirs, ses pouces creusant la commissure de ses lèvres pour déformer son rictus goguenard. Il est haletant, manquant d’air, et le peu qu’il inspire a l’odeur nauséabonde de cette haleine d’outre-tombe. Le noir de ses propres yeux scintillent tellement qu’on pourrait s’attendre à ce qu’il dégouline de ses orbites, comme des larmes de suffocation. "I’ve missed you so much, you fucking twat..."

Le dégoût que Corban ressentait pour Amycus était à la mesure de son respect pour Alecto. Il n’a jamais compris ce qui les unissait, et l’a naturellement jalousé. Alors il sait que si Alecto avait la chance de retrouver son frère, elle donnerait n’importe quoi. Il sait que c’est tout ce qu’elle désire. Il l’a vue, il a vu son état, sa descente aux enfers, après la disparition de son jumeau. Mais de fait, Corban ne comprend pas; tout ce qui lui importe à l’instant, c’est de provoquer la rage butée, passionnée du revenant, et de se la prendre en pleine face.
"I’d rather drag your sorry ass back to the grave than telling you where she is!" Et, profitant d’une seconde où la prise dans son cou s’est vaguement relâchée, Corban lui fout un coup de boule, avant de se tortiller dans tous les sens pour essayer de s’extirper de là.

tw: violence, blessure, sang, harcèlement (mention), meurtres (mention), mort (mention)

"I’d like to see you try, big boy. You never had the balls to finish me off!!" Quelque part, dans la crypte de Carrow Manor, le cadavre d’Amycus frémit de rage. Un malaise d’outre-tombe qui parcoure des kilomètres de lande et de Voile pour venir pincer la nuque de l’hôte.

Le mépris qu’il voue et a toujours voué à Corban est épidermique ; leurs rapports ont toujours été organiques, faits de chair et de sang, d’os et de bris, de bave et de larmes. L’humiliation pour tout langage. Mais Amycus ne déteste pas Corban. Amycus déteste Abram. Amabella. Leto. Il déteste cette figure paternelle terrifiante, immense et lourde dans l’ombre de laquelle il a voulu s’élever en supportant ses regards froids et ses mots amers ; il déteste avoir été l’aîné, celui qui marche dans les pas du paterfamilias, celui qui se compare sans cesse à cette version idéale de lui qu’Armand laissait traîner dans ses silences déçus.

Amycus ne déteste pas Corban. Il se déteste ; et parce que Corban se trouvait être là, sous ses poings tremblants de hargne, et parce que Corban aussi, était un fils que le père écrase, il s’est vu comme un reflet, comme l’occasion de se venger. "I’ve missed you so much, you fucking twat… Missed you too, jackass." La pression de son infecte main se renforce.

Suivant leurs déclarations touchantes ne succède que le couinement du lino sur lequel la semelle de Corban s’agite, sa respiration de plus en plus réprimée, et les battements de cœur du colosse tambourinant dans chaque tympan comme autant de coups de poings répétés. "I’d rather drag your sorry ass back to the grave than telling you where she is!" La figure grimace de colère. Alecto est la seule chose qu’il veut (qu’il a toujours voulue) ; et Corban se met en travers de son chemin (encore). Le coup de tête que lui adresse le crâne épais envoie sa gueule en arrière. Quand elle revient, le nez est pété et dégouline de sang - la ressemblance entre Corban et lui s’aggrave davantage.

Il rit. D’une manière laide où le dégoût barbotte entre gencives. "Still falling for her, ain’t ya?" Amycus ne déteste pas Corban. Il se déteste. "Still hoping she'll give you more than her pity…" Lui non plus n’a jamais compris ce qu’Alecto lui trouvait. En dehors de leurs entretiens privés (en dehors de ces quelques minutes flottant ensuite, quand ils étaient trop épuisés pour continuer d’infliger et de subir, et qu’ils se taisaient en respirant d’un même rythme), il ne trouvait pas Corban particulièrement intéressant. Une raison supplémentaire de ne pas vouloir s’y intéresser : Abram, qui traînait de temps en temps avec lui comme les deux rats malingres qu’ils étaient. Amycus avait un jour dit à Amabella "oh please, not you too", en la voyant échanger un sourire complice avec Corban (c’était après une tuerie - ça lui avait gâché le plaisir).

Le battoir pourri s’arrache de la gorge et vient lui aussi s’enfoncer dans le cuir chevelu. Il tient sa tête comme un cognard, prêt à le tambouriner contre le sol crasseux de la salle d’interrogatoire. "You don't want to die, Yucky-boy, trust me on this one. There’s nothing quiet down there, it's not worth it." Une goutte de sang dégouline sur le visage de Corban, s’emmêle au sien - un avant-goût de la mort. Mais celle-là n’est pas celle que cherchait Corban au pied du Saule Cogneur. Ça n’est pas celle avec laquelle il venait flirter dans le dortoir des Serpentards. Celle-là n’a rien d’un fantasme. C’est un vide permanent dans lequel on tombe, escorté de près par l’angoisse d’atterrir. Et ça dure. Et ça dure. Et ça dure… Les ongles d’Amycus et ceux de son hôte s’enfoncent dans le cuir chevelu. Y provoquent des coupures. "But if you're that desperate to follow me to my grave, I can take you with me…" Amycus tremble de colère. D’un chagrin que Corban ne peut pas non plus comprendre. Il sourit de toutes ses dents (un éclat d’or rappelle que non, ce ne sont pas les siennes). "I have nothing left to lose." Et de répéter, tout sourire effacé. "Where. Is. Alecto."

Corban n’a pas le temps de se dégager après son petit coup d’éclat qu’Amycus lui agrippe la caboche. Pendant une courte seconde, il a peur que son bully ne lui crève les yeux, ne lui serre tellement les tempes que son cerveau écrasé allait finir par dégouliner par ses narines. Tout ce qu’il a réussi à faire, c’est de faire postillonner Amycus du sang sur sa gueule.
"Still falling for her, ain’t ya? - Look who’s talking!" gémit-il en essuyant les gouttelettes de sang qui lui font de sulfureuses taches de rousseur. "Still hoping she'll give you more than her pity…" Corban se fait violence pour ne pas répliquer qu’elle lui avait déjà donné davantage, du temps où ils étaient fiancés; des frasques et des faveurs qui n’avaient bien entendu rien de comparable avec l’amour fusionnel qu’elle vouait à son frère, mais qui avaient quand même le don de mettre le jumeau hors de lui.
Et, si dans sa jeunesse, c’est précisément là où Corban avait besoin d’Amycus (hors de lui), il voulait éviter que le revenant ne repeigne le sol de la salle d’interrogatoire avec sa matière grise.

"You don't want to die, Yucky-boy, trust me on this one. There’s nothing quiet down there, it's not worth it. But if you're that desperate to follow me to my grave, I can take you with me… Un pincement au coeur vient lui plier les sourcils de désarroi. - Thanks for the invite, really; but I’m not sure I want to spend my afterlife stuck with your ass…"
Quand il était adolescent, Corban aurait réfléchi davantage à l’offre d’Amycus. Et, comme à chaque fois qu’il repense à cette époque, il repense à Buck, il repense à la tour d’astronomie, au saule cogneur, aux bagarres dans les dortoirs, dans les couloirs, il repense à Buck avec lui à l’infirmerie, avec lui dans les bagarres. Il repense à toutes ces fois où Buck était là, et à toutes ces autres fois où Corban veillait à ce que Buck ne soit pas là, quand il débarquait au chevet du lit d’Amycus et lui pinçait le nez dans son sommeil jusqu’à ce qu’il se réveille.
A l’époque, Corban ne cherchait pas les raisons à la violence d’Amycus; il cherchait juste à libérer cette violence désintéressée, et de préférence, sur sa jolie petite gueule boutonneuse.
Un jour, après qu’Amycus ait essayé de le noyer dans les chiottes, il lui avait demandé: "Why are you doing this?", ce à quoi Amycus avait surenchéri: "And you, why you let me do it?" Corban aurait bien aimé poser cette question à son père.

"I have nothing left to lose." Well, now that he’s back, he does have something to lose: his sister, once again. Corban est à mille lieux de s’imaginer ce qu’Alecto a pu ressentir quand on lui a arraché son jumeau. Il avait perdu Kalen, mais si les deux frères avaient fini par se rapprocher, ils n’auraient jamais pu être aussi fusionnels que des jumeaux. Et de fait, Corban portait toujours dans un recoin de sa tête l’état de fait accablant qu’il avait laissé son petit frère, the best of both of them, se faire tuer par de stupides rebelles doublés de terroristes et d’hybrides.
"Ooh, I think you do, big boy, siffle Corban, souriant à mesure que le rictus d’Amycus gravé dans le visage de Göran se déforme et s’efface. And you’re going to give me the very reason right about n— "Where. Is. Alecto."

"Fine I’ll tell you. But first, let go of my fucking hair; I fucking aged you piece of turd, I have to be careful with my hairline!" Corban a agrippé ses mains, ses doigts s’enfonçant affreusement dans la chair maudite.
Peut-être qu’à ce moment-là, Amycus a vaguement perdu le contrôle du corps, ou peut-être que Corban a réussi à forcer suffisamment pour le renverser sur le côté et inverser ainsi leur position. Un regard furtif pour sa baguette toujours hors de portée. Il serre les genoux contre ses flancs, comme on materait un stupide canasson, se débattant un moment avec ses énormes battoirs.

"Even if I told you, they won’t let you in; not with this… body. But I can help you; I need to get to her first. I need to get her out!" Corban rend la tâche un peu plus énigmatique qu’elle ne l’est. Après tout, Alecto entrait et sortait de St Mungo comme dans un moulin hébergeant une soirée échangiste; elle n’avait peut-être même pas besoin de l’aide de qui que ce soit, et surtout de Corban.
Mais Corban aime à penser qu’il peut apporter quelque chose dans la vie d’Alecto, même quand elle est face à l’inexorable réalité de ses cauchemars. Pour autant, quand Amycus avait disparu, Corban n’avait pas non plus prétendu pouvoir changer quelque chose à ça. En revanche, il était plutôt doué pour naviguer dans les eaux noires et immuables du désespoir. Et de fait, sans pour autant l’en tirer, il lui avait montré que, pour désespérer, il fallait tout de même continuer à vivre, à pleurer, à chasser.

"I’m not doing this for you— siffle-t-il en attendant la réponse de son inquiétant interlocuteur. That’s why I want something in return…" Si Corban savait naviguer dans l’abime, il avait aussi un don pour plus simplement faire chier et naviguer dans les emmerdes, observant consciencieusement un ouragan de merde s’abattre inéluctablement sur son esquif, épinglant son lourd adversaire au sol et un sourire insupportable à son visage. "What says you?"