tw:mention de prostitution

”Tu m’appelles quand t’as fini ? Que je sache quand tu rentres. − Euh ouais, bien sûr, t’inquiète”, répond Jesse avec l’ombre d’un sourire gêné en se détournant du regard de Kyung-Tae pour s’emparer du tas de vêtements qu’il sort de son sac de sport. Gêné, il l’est toujours, quand il s’agit de soutenir les yeux légèrement inquiets et précautionneux de Kay, et d’avoir à lui dire quand il part travailler. Gêné, mais également plus à l’aise, depuis qu’il sait trouver un filet de sécurité chez le sorcier qui, à plusieurs reprises, l’a sorti de situations délicates, dangereuses même - et il ne peut certainement pas compter sur ses employeurs pour assurer sa sécurité. Il évite toujours de rentrer dans le détail et ce n’est, de toute façon, pas ce que lui demande Kyung. Juste une adresse, un numéro de chambre si besoin ; le strict minimum pour qu’il puisse le rejoindre en cas de problème.

Jesse sait que l’esprit de Kyung-Tae est assez bien fait pour, en voyant l’adresse qu’il a griffonné sur un petit papier sur un coin de son bureau, reconnaître qu’il s’agit ce soir d’un client plus ou moins régulier. Il n’est pas rare que ce soit le cas, avec les clients demandant ce type de services. Il ne s’agit pas de simplement répondre à l’objet d’un fantasme le temps d’une nuit ; une prestation comme celle de ce soir est bien plus intime, personnelle, que lorsque Jesse est payé pour se mettre à quatre pattes ou s’allonger sur le dos. Et même après des années à virevolter entre les deux volets de ce job, il n’est pas tout à fait certain de celui qu’il préfère ; et par moment, comme en cet instant, Jay préfère largement quand il n’est payé que pour son corps et son don.

Une chance que ce ne soit pas la première fois qu’il lui faut endosser cette apparence, et jouer ce personnage. Depuis le temps, il sait comment se comporter, malgré le nœud qui se forme progressivement dans son ventre.

Car moins de chance, qu’il s’agisse de se rendre chez Rodolphus Lestrange.

”Je, hm, j’vais transplaner depuis la salle de bain, ok ? Et je t’appelle quand j’ai fini, promis.” Hors de question que Kay le voit comme ça - il en a déjà bien trop vu. Jesse referme la porte de la salle de bain dans son dos avant de se déshabiller avec empressement, ses vêtements pliés à l’arrache dans un coin, pour finalement empoigner la longue robe noire en dentelle et l’enfiler en se tortillant pour la faire passer sur son corps. Il passe les collants sombres, les remontant le long de ses jambes en des gestes mécaniques dont il a plus que l’habitude. Ce n’est qu’une fois parfaitement costumé que Jesse se tourne vers le miroir, cillant légèrement en observant ses traits se déformer, sa peau se blanchir, ses cheveux s’allonger, ses hanches s’élargir, tout comme sa poitrine.

Et en un rien de temps, Jesse devient Bellatrix Lestrange.

Son cœur bat un peu plus rapidement, quand il apparaît devant le Manoir Lestrange, ne pouvant s’empêcher de jeter des regards furtifs autour de lui pour s’assurer que personne ne l’aperçoit. ”Allez, c’est parti”, souffle-t-il pour lui-même de cette voix qui ne lui appartient plus, avant de s’avancer jusqu’à l’imposante porte de la demeure. Jay n’est que rarement nerveux comme il peut l’être au moment où il empoigne le heurtoir pour toquer à la porte. Mais ce n’est pas tout les soirs, qu’un Cercle 2 de l’Ordre du Phénix se rend chez un Mangemort. ”Bonsoir Rodolphus.” Et un sourire discret illumine le visage de Bellatrix, lorsque Rodolphus ouvre la porte sur cette reproduction factice de sa femme.

tw:mention de violence sur moldus

“Blablablablabla… Les résistants sont tous des terroristes… Blablabla… Longue vie au Lord… Blablabla..." Les mots de Marlon rentrent par une oreille et ressortent par l’autre. Ton regard fixé sur la montre du chef de la brigade de police magique t’indique qu’il est grand temps de décamper d’ici. Tu ne peux pas courir le risque d’arriver en retard. Pas ce soir. Pas alors que tu attends un visiteur de la plus haute importance. Mais ça, tu peux difficilement l’expliquer à Marlon, il ne comprendrait pas. C’est pas qu’il soit con comme un manche de nimbus 1983 mais disons qu’il n’a pas ta sensibilité légendaire. Et puis, il serait certainement malvenu de l’interrompre dans ses remontrances. Bien que pour être honnête, tu ne comprends absolument pas pourquoi il fait tout un jus de citrouille de cette histoire de moldathon. Wickham et toi aviez simplement rendu un petit service à la communauté en remettant en place le service hygiène et propreté, le temps d’une soirée. Rien de plus. Mais voyant l’heure tourner, tu comprends qu’il est temps d'accélérer la manœuvre et de lui dire ce qu’il avait envie d’entendre depuis le début. Alors tu remues un peu sur ton siège et tu fais appel à tous tes grands talents d’acteur pour afficher la mine la plus désolée qui soit. “Ecoute, Marlon, je m’en veux que notre petite sortie ait interrompu la belle soirée que tu passais avec ton épouse…” Tu sais pertinemment à quel point il déteste que l’on aborde le moindre sujet intime. “Et je suis prêt à te promettre que je ne recommencerais plus. En tout cas, pas sans toi.” C’est plus fort que toi, tu ne peux t’empêcher de lui adresser l’un de ces clins d'œil irrésistibles dont tu avais le secret. “Mais là, il faut vraiment que je termine de relire les articles sur les exploits de la BPM durant la traque des fugitifs de la NSFW, si je veux qu’ils paraissent dans les éditions de demain.” Visiblement exaspéré par tes piètres tentatives de le flatter (bien que tu te persuades qu’au fond de lui, il doit bien ressentir une once de fierté), le maître des lieux te congédie d’un geste de la main indiquant la porte de sortie. Tu ne te fais pas prier et n’attends pas qu’il change d’avis pour détaler vers l’atrium. Pas le temps de niaiser, tu lances un accio sur l’employé lambda qui était sur le point de s’engouffrer dans la première cheminée, et une fois le chemin dégagé, tu te faufiles entre les flammes verdoyantes avant de disparaître dans la foulée.

A peine arrivé au manoir Lestrange, tu entends déjà le heurtoir à tête de corbeau résonner contre la porte. Saleté de Travers, à cause de lui tu n’avais pas eu le temps de te préparer. Et depuis que Rabastan vous avait contraint à faire des économies, vous n’aviez même plus d’elfes de maison pour aller ouvrir la porte et faire patienter les invités. Bien que les petites créatures n’aient pas reçu le moindre salaire, ton petit frère avait répliqué que les frais d’abonnement à verser à Travers Households étaient devenus exorbitants. Alors, c’est d’une main fébrile que tu allas finalement ouvrir la porte du manoir après t’être brièvement inspecté dans le miroir du hall d’entrée. La vision qui s’offrit alors à toi t’arracha immédiatement un franc sourire, l’un de ceux que l’on ne voyait plus illuminer ton visage depuis onze ans. “Bella, je t’en prie entre.” Comme toujours, tu prends bien soin de ne pas la toucher, ni même l’effleurer, au risque de voir la supercherie s’évaporer sous tes yeux. Parce que tout au fond de ton esprit se terre l’odieuse vérité. “Excuse-moi, je n’ai pas eu le temps de revêtir la cape que tu aimes tant. Travers m’a retardé pour une histoire stupide. Tu vas rire, quand je vais te raconter.” Tu laisses le mirage se débarrasser de ses affaires sur le guéridon de l’entrée avant de le mener jusqu’à l’aile du manoir qui t’était réservée et dans laquelle tu étais certain de ne pas être dérangé par Rabastan. “Que puis-je te servir à boire ce soir ?” Il était loin le Rodolphus exubérant, narcissique et cruel que tu donnais à voir dès lors que tu franchissais le seuil du manoir. Quelle douce ironie que Jesse Prince soit la seule et unique personne à avoir l’occasion d’apercevoir l’époux dévoué que tu n’avais jamais cessé d’être malgré la mort de ton âme sœur. “Tu te souviens de notre tout premier moldathon ? Celui que l’on avait fait juste tous les deux pour que Rabastan arrête de nous suivre à la trace ?” Bon d’accord, le Rodolphus cruel ne s’absentait jamais bien longtemps. Et pourtant le sourire empreint de nostalgie qui étirait les traits de son visage jurait atrocement avec le sens de ses paroles.

tw:mention de violence, mort prénatale

Le sourire qui vient éclairer le visage de Bellatrix semble plus vrai que nature. Tu sens ton cœur faire un bond dans ta poitrine alors qu’elle te complimente. L’égo regonflé, tu reprends la maîtrise de tes émotions et les tremblements qui secouent tes mains cessent instantanément. “Si tu le dis, je te fais confiance alors. Bon, il faut aussi préciser, que je m’entretiens et que ça se voit, hein.” Ce qui se voyait surtout à tes pupilles creusées et ton teint cireux, c’est que tu avais abusé des potions hallucinogènes pendant bien trop longtemps. Jusqu’à ce que tu trouves une nouvelle parade pour te remémorer les plus beaux instants de ton existence. Bien plus efficaces et fidèles que ces fichues potions, les prestations de Jesse Prince étaient d’une précision et d’une justesse qui valaient bien leur pesant de gallions.

“Et voilà un Juicy Doloris, pour celle qui sait les lancer comme personne.” Oui, tu avais donné un nom tout à fait approprié à ce cocktail inventé en l’honneur de ton épouse. Ce n’est pas pour rien qu’il s’agissait là de sa boisson favorite. Sans plus attendre, tu remplis ton verre avant de venir t’échouer dans le canapé aux côtés de Bellatrix. Tu l’observes un instant, silencieux, comme hypnotisé par la perfection de ses traits. Finalement, tu sors de ta torpeur lorsqu’elle reprend la parole, et tu laisses échapper un rire tonitruant, comme si tu avais entendu la blague la plus drôle de la décennie. “Rabastan se remettre à l’action ? Tu plaisantes ! C’est devenu un vrai petit employé de bureau. Chiant à mourir. Sans mauvais jeu de mot. En plus, ça fait une éternité que je ne l’ai pas vu. Depuis le mariage, il reste terré chez son Allemande.” Tu ignorais d’où te venait cette manie de t’épancher sur la relation (désormais plus si secrète que cela) de ton frère avec la jeune von Bäume. Mais il était important de mentionner que tu ne ratais jamais une occasion d’en parler au premier venu, comme pour souligner le caractère exceptionnel du fait que Rabastan ait trouvé chaudron à sa potion. “C’est Wickham et moi qui avons décidé de remettre le couvert pour un soir. Il faut bien montrer aux jeunes recrues de quoi les mangemorts sont faits non ? Mais bon, tu connais Travers, aucun humour. Il n’a pas été convié aux festivités alors il est venu piquer sa crise.” C’était pas tout à fait de cela qu’il s’agissait mais qu’importe, ton explication valait mieux que l’extrait du code du Magenmagot que Marlon semblait avoir appris par cœur pour te le réciter jusqu’à ce que tu t’endormes. “Il faudrait qu’on s’en refasse un, un de ces quatres. Rien que toi et moi, comme au bon vieux temps.” Envolée la promesse que tu avais faite au chef de la brigade de police magique quelques instants auparavant. Emporté par la nostalgie, tu en aurais presque oublié qui se cachait sous les traits de ta charmante épouse. Mais peu importe, tu étais prêt à faire des heures supp au ministère pour financer les extras d’une telle prestation. Tu n’étais certainement pas le client le plus fortuné ni même le plus régulier de Jesse, mais dès que tu étais parvenu à mettre quelques gallions de côté, la première chose à laquelle tu pensais était à faire appel à ses précieux services. Tu te fichais bien des motivations qui l’animaient, du camp qu’il servait dans l’ombre. Certains auraient été probablement étonnés de voir la façon dont tu le traitais, de constater que vos entrevues n’allaient jamais plus loin que la simple conversation autour d’un verre. Et pourtant, rien de tout cela ne te semblait anormal. Tu n’aurais risqué pour rien au monde de perdre l’accès à ces moments hors du temps. Tu n’aurais jamais eu l’idée de le conduire dans votre chambre. Celle-là même, où la véritable Bellatrix reposerait pour l’éternité.

Bien vite, les joyeux souvenirs de vos traques de moldus communes furent balayés par une autre réminiscence, plus sombre, plus tragique. “Je ne cesse de me demander à quoi ressemblerait ma vie désormais, si notre enfant avait vu le jour.” Invisible, imprévisible, l’aveu tomba tel un couperet. Jamais auparavant tu ne t’étais confié à ce sujet. Personne en dehors de Bellatrix et toi n 'avait été mis au courant de cette tragique histoire.

tw:mention de violence, mort prénatale

“J’étais certain que tu serais partante. Rares sont les mangemorts qui savent encore s’amuser. De nos jours, même les recrues traînent les pieds devant l’action.” Un air affligé se glisse sur ton visage alors que tu repenses à l'attitude de Dante Burke durant votre dernière exaction moldue. “Tu vois, Bella, le problème majeur avec la jeunesse d’aujourd’hui, c’est que j’en fais plus partie. Je ne suis plus là pour animer les troupes. Maintenant on me voit comme un mentor, comme un gars tranquille reclu dans son bureau du ministère.” Mais évidemment, les gens se trompaient. Et Bellatrix le savait mieux que personne. Enfin, elle l’aurait su, si elle avait véritablement été encore en vie. Mais au vu de la petite somme que tu avais dépensé pour cette soirée, tu étais pratiquement certain que ton vis-à-vis te conforterait dans tes pensées. Payer pour se voir dire ce que l’on désirait entendre de la part de l’être aimé. Y avait-il meilleure façon de dépenser ses gallions ? Certainement pas. Toutes ces années passées à dilapider la fortune familiale dans des potions hallucinogènes t’avaient au moins appris cela. Les prestations de Jesse Prince étaient inestimables, tant elles te paraissaient réelles. Et pour la toute première fois, tu te laisses suffisamment duper par ses atours, pour évoquer ce sujet maudit, cette boîte de pandore que Bellatrix et toi vous étiez juré de ne plus jamais rouvrir. Mais voilà que dans la solitude de ton existence, tu avais inévitablement fini par te remémorer cette grossesse interrompue à la demande de ton épouse. Il t’était même arrivé d’en venir à regretter votre décision, maintenant que Bellatrix n’était plus à tes côtés. Si vous aviez jadis eu cet enfant, aujourd’hui, une part d’elle continuerait à vivre en cet être, fruit de vos entrailles. Alors oui, Bellatrix Prince avait raison de dire que ta vie serait très différente à l’heure qu’il est. Un soupir désabusé s’échappa d’entre tes lippes, alors que ton précieux mirage t’assura que tu aurais fait un bon père. “Je n’en suis pas aussi sûr. Tu sais, je n’y connais rien. Qu’est-ce donc qu’un père extraordinaire ? Le mien était un tyran. Quant à ceux que je connais parmi les mangemorts, je n’en vois aucun qui se soit illustré comme le géniteur de l’année. Tu avais raison quand tu disais que les gens comme nous n’étaient pas faits pour être parents.” Oui, mieux valait ne pas avoir de regret, et assumer les doloris dont tu avais couverts Bellatrix pour qu’elle perde cet enfant. C’est fou ce que ces rencontres avec Bella Prince pouvaient te remonter le moral et te permettre d’y voir plus clair, lorsque tout devenait flou. “Merci. Je suis soulagé que l’on ait enfin pu en reparler. Je sais bien que tu as longtemps voulu éviter le sujet. Et je ne souhaite pas t’importuner plus longtemps.” Entre-temps, Bellatrix s’était rapprochée, cela ne t’avait pas échappé. L’espace d’un instant, tu laissas le silence s’installer, comme pour mieux observer ton épouse. Elle n’avait absolument pas changé. L’étincelle de malice démente qui brillait jadis dans ses yeux était encore là. Il suffirait d’un rien pour que tes défenses ne flanchent, pour que tu esquisses un mouvement dans sa direction. Elle était si proche, si accessible. Mais la vérité, c’est que tu étais rongé par la peur. La peur de voir le château de cartes s’effondrer sous ton regard, la peur que les artifices ne disparaissent dès l’instant où tu aurais posé la main sur elle. Alors une fois n’est pas coutume, tu t’abstiens. Et tu te pares à nouveau du masque qui appartenait à ce Rodolphus que tu donnais toujours à voir en public. L’aîné des Lestrange, beau-parleur et exubérant, qui ne semblait s’intéresser qu’à sa propre petite personne. Tu vidas le reste de ton cocktail d’un trait avant de te lever vivement pour aller remplir à nouveau ton verre. Et surtout pour instaurer plus de distance entre toi et Bellatrix Prince. “Tu savais que j’allais à nouveau faire la une de Witch Weekly ? Adèle Travers m’a dit que sa remplaçante voulait à tout prix m’avoir, mais je suis sûr que c’est elle qui a dû insister. Elle m’a toujours considéré comme son fils.” Il faut dire aussi que tu avais la côte avec les vieilles dames. Tu étais le gendre idéal que toute la communauté sorcière rêvait d’avoir à sa table lors des repas de famille. “Entre ça et ma campagne de pub pour redorer le blason de la Values Brigade, je t’assure que je suis débordé. Mais bon, je crois qu’avec Bagshot, j’ai dégoté le hound idéal pour donner une image plus jeune et moderne du département de la Justice.” Cela ne faisait même pas un an que tu travaillais au bureau de régulation et censure des médias, et voilà que tu conversais déjà comme un véritable homme d’affaires. “Mais ne t’en fais pas, je ne t’ai pas oubliée pour autant. J’ai demandé aux journalistes de la Gazette de préparer un article double-page sur ta carrière. Il sortira à l’occasion de ton anniversaire.” Si la mine qui trônait sur ton visage se voulait ravie, ton regard lui, semblait empli de nostalgie.

Les traits sont durs et francs. Familiers. La voix résonne parfois haut dans les aigus, juste comme il faut. Les artifices sont puissants, redoutables même. Ils lui redonnent vie l’espace de futiles instants. Et pourtant, le fond dénote légèrement de la forme. Suffisamment pour te permettre de garder les pieds sur terre, te rappeler que ce n’est pas véritablement elle. "Rodolphus, pas de ça entre nous, tu sais très bien que tu peux me parler de n’importe quoi. Et tu ne m’importunes jamais, sinon je ne serai pas là, voyons, ne dis pas de bêtises." La complaisance qui accompagne ses propos ne lui ressemble pas. Elle t’arrache un drôle de rictus méprisant, comme si tu venais tout juste de t’éveiller d’un rêve avant de retrouver ton véritable visage. Jesse Prince ne serait pas là si tu ne lui versais pas une somme conséquente de gallions, durement gagnés à la sueur de ton… enfin au sang et à la sueur de quelqu’un. Néanmoins, un seul regard dans sa direction suffit à te convaincre de poursuivre cette macabre mascarade. Pour l’instant.

D’un air presque rêveur, tu t’épanches à propos de tes projets pour rendre honneur à sa mémoire. Pour rappeler à tous en ces temps si troublés, qui sont les véritables héros et héroïnes de notre ère. Point de Kingsley Shacklebolt, point d’Ordre du Phénix ou de NSFW. Seule Bellatrix Lestrange trônera en couverture de la presse nationale à l’occasion de cet énième anniversaire, qu’elle ne pourra fêter à tes côtés.

A l’autre bout du canapé, la réaction de ton vis à vis ne se fait point attendre. Le mirage s’agite avec un peu trop d’enthousiasme et de gratitude. Tu as l’impression de voir les contours de cette cruelle fantaisie s'estomper quelque peu. La silhouette de Bellatrix te paraît devenir floue à mesure que l’âme qui l’habite poursuit sa tirade. Bien sûr que ta Bella aurait approuvé cette idée, bien sûr qu’elle aurait été bouffie d’orgueil en apprenant la nouvelle. Mais elle ne te l’aurait certainement pas témoigné avec autant d’entrain. Fière et glaciale, telle était la Bellatrix Black que tu avais toujours connue.

Voyant l’illusion s’effriter sous tes yeux, tu remarques que ta respiration s’accélère inéluctablement. Ce mélange de bonheur indicible et de mélancolie, qui t’avait pris aux tripes lorsque tes yeux s’étaient posés sur sa stature dans l’encadrement de la porte d’entrée, se teintait dangereusement d’une colère sourde et profonde. She’s not her. Les doigts tremblants, tu poses ton Juicy Doloris sur le guéridon avoisinant. ”J’espère que tu n’en as pas trop dit, par contre. Il y a certaines choses qui valent mieux se rester entre nous.” She’s not her. Ta mâchoire se contracte.Tu ne peux pas lui faire confiance. Jesse Prince cherche à t’attirer dans un piège, à te faire parler plus que nécessaire. Et si ce mirage là était au service de l’ennemi ? Après tout, tu ne savais absolument rien de la personne qui se dissimulait derrière les traits de ta défunte épouse, si ce n’est que ses qualités de métamorphomage étaient tout à fait remarquables. She’s not her.

Sans crier gare, tu bondis hors du canapé et pointes ta baguette droit sur le visage de Bella. Soutenir son regard si familier t’es insupportable, tu en viens immédiatement à te haïr de la mettre en joue de la sorte. She’s not her. “Qu’est-ce que tu veux savoir, hein ? Qu’attends-tu que je te racontes ?” La respiration haletante, tu hurles à travers ce manoir d’ordinaire si silencieux. Les traits de ton visage sont déformés par l’expression de ta fureur. She’s not her.

tw:glauque

Ton bras, tendu en avant, se met à trembler inévitablement, alors que Jesse parvient à maintenir sa métamorphose intacte. Tu t’étais presque attendu à voir les traits de Bellatrix disparaître dès lors que tu braquerais ta baguette sur son visage. Et pourtant, il n’en fut rien. Ton épouse était toujours là, sous le joug de ton arme. How dare you, Rodolphus? Tu pouvais presque entendre sa voix t’accabler de reproches bien mérités. Devant l’absence de réaction de la part de Jesse, tu te décides finalement à baisser le bras, tout en continuant de l’observer avec la plus grande des méfiances.

Finalement, sa reddition et ses mains levées finirent d’apaiser ta colère. Pour l’instant. Lorsqu’il se décida enfin à sortir de sa torpeur pour prendre la parole, le ton de sa voix entreprit de te calmer quelque peu. C’était encore Bellatrix qui te parlait, et qui te rappelait les termes de votre marché. Il ne semblait pas y avoir de pitiponk sous roche. Les intentions du métamorphomage ne paraissaient pas sortir du cadre financier. Non, il ne faisait pas uniquement la conversation. Ses services allaient bien au-delà de cela. Grâce à son don inouï, il te permettait de renouer avec un passé désormais inaccessible. Il t’apportait un peu de réconfort quand la présence de la dépouille de Bellatrix ne suffisait plus. “Non c’est vrai, je n’ai jamais eu à me plaindre…” Tu réalises une nouvelle fois à quel point tu étais devenu dépendant des services de Jesse Prince. Un air désabusé se glisse sur ton visage, alors que tu repenses à la façon dont tu t’étais procuré les gallions pour financer sa dernière prestation. Mais cela en valait la peine. “Tu fais même du très bon travail. Vraiment, tu assures. La voix, l’accent… Et puis ton visage. C’est… c’est elle.” Tu te rapproches, tu tends une main en avant. Puis, tes doigts restent figés dans les airs, à quelques centimètres à peine du visage de Jesse. Tu ne peux te risquer à le toucher, de crainte que le charme ne soit rompu et que les traits de Bellatrix disparaissent dans le néant. Tu l’observes encore un instant, dans le plus grand des silences. C’est comme si tes yeux cherchaient à capturer son visage pour le figer dans l’éternité. Jesse te ramène soudain au moment présent alors qu’il évoque des prestations supplémentaires. Tu t’éloignes finalement de lui, comme pour lui laisser à nouveau l’espace suffisant pour reprendre son souffle. “Non, non, je ne veux pas te menacer. Je ne lui ferais jamais ça. Jamais.” Dans tes paroles, les personnalités s’entremêlent à nouveau. Jesse et Bellatrix ne font qu’un. Si Bellatrix ne te veut pas de mal, alors Jesse non plus. Tu reviens t’asseoir sur le canapé que tu avais occupé quelques instants auparavant, avant de perdre pied. “C’est juste que parfois, certaines paroles font remonter des choses à la surface. Des choses sur lesquelles je n’ai pas d’emprise.” L’air penaud, tu te dévoiles à cœur ouvert face à cet inconnu, sans qui tu n’imaginais pas poursuivre ton existence. Tu espérais qu’il ne te tiendrait pas rigueur de ce petit écart de conduite. Tu avais besoin de Jesse Prince. Tu avais besoin d’elle. “Tu veux bien fermer les yeux sur ce qu’il vient de se produire ?” Du moins jusqu'à la prochaine fois, jusqu’à la prochaine crise incontrôlée qui ferait détaler ton précieux mirage.