Siham est trop bête. C'est du moins ce qu'Hunter se disait depuis qu'Al-Massri les avait fait prendre par Umbridge, leur octroyant ainsi des heures de colle jusqu'à ce que l'autre pompon rose en décide autrement. Hunter avait bien évidemment pesté plus d'une fois en amont de la sentence, jetant des regards assassins en direction de la brune, et redoublant de remarques acerbes avec Lena. Ça lui faisait du bien, mais suffisait à peine à extérioriser sa frustration, et le sentiment de trahison qui allait avec. Elle avait été, après tout, étonnamment sympa avec elle, elle lui avait même livré ses secrets alors... Hunter ne s'était (presque) pas sentie mal lorsque la soirée qui précédait la première heure de colle s'était transformée en débat sur ce pourquoi Al-Massri était vraiment sortie (parce qu'un tel cœur de glace ne pouvait se réchauffer à la vue de la neige). “ I bet she just turns into, like, an ugly ol' bat or some shit. ”

Et puis les heures de colle ont commencé. Au début, Hunter a cru que c'était une plaisanterie. Enfin pas vraiment, puisque c'était en train de se passer, sous ses yeux, qu'elle sentait chaque lettre se creuser dans sa chair. Mais elle a tout de même levé les yeux en direction d'Umbridge, avec incompréhension. Comment pouvait-on autoriser une punition pareille ? A Poudlard ? Et puis elle a rapidement compris dans le petit sourire satisfait de cette vieille tête de crapaud qu'il s'agissait bien de la punition qu'elle comptait leur administrer, et qu'elles ne pouvait rien y faire. Ce jour-là, Hunter a détesté Siham un peu plus. Cette cruche n'était même pas foutue de les balancer à la bonne personne. Tout était de sa faute, de toute façon, parce que si elle n'avait pas été là, elle s'en serait sortie. Elle aurait échappé à Umbridge, et il n'y aurait pas eu Filch sur son chemin, et évidemment que c'est de la mauvaise fois mais peu importe. Elle écrivait une phrase, encore et encore, jusqu'à en noircir des feuilles entières, avec son propre sang, alors elle avait bien le droit d'être injuste. Et quand Al-Massri a joué les petites malignes, et qu'elle s'est ramassé quelques heures en plus, Hunter l'a trouvée encore plus bête, et était bien contente que le petit supplément ne s'applique pas à elle au passage.

Elle n'en a parlé à personne, ce soir-là, pas même à Lena. Elle a caché sa main et demandé qu'on lui fiche la paix. Ça avait duré bien deux minutes avant qu'Alvarez n'insiste encore mais même à elle, elle n'était pas prête à en parler. Pas encore. Alors elle a changé de sujet, et plaisanté comme à son habitude. Sa meilleure amie a bien sûr compris qu'il y avait veracrasse sous roche mais n'a pas insisté, ce pourquoi Hunter lui en est très reconnaissante.

Je ne dois pas sortir la nuit. Je ne dois pas sortir la nuit. Les mots s'enchaînent à présent et chaque nouvelle séance se révèle plus douloureuse que la précédente. C'est que la plaie s'infecte maintenant, et qu'elle est de plus en plus profonde. A plusieurs reprises, Hunter s'est retenue de pleurer, parce qu'elle avait mal, parce qu'elle avait peur que ça ne se referme jamais, parce qu'elle était épuisée, tout simplement, à force de s'imposer cette torture à chaque heure de colle. Il y a quelque chose de particulièrement vicieux dans le fait d'être son propre bourreau. Mais elle attendait toujours de retrouver le silence de la nuit et l'intimité de son lit pour lâcher prise. Il ne s'agirait pas de donner la moindre satisfaction à cette face de troll. A la place, elle jetait quelques regards en direction d'Al-Massri, qui restait imperturbable en toute circonstance. Elle doit l'avouer, Hunter la jalousait sérieusement dans ces moments-là. Parfois, elle aimerait être aussi forte que la brune (même si elle ne lui avouerait jamais), et tenir tête à Umbridge avec assurance, mais déjà tenir l'heure de colle, c'était pas mal.

C'est au cours de la troisième ou quatrième séance qu'Hunter a commencé à pardonner à Siham. Une partie d'elle lui en voulait toujours mais à force de passer des heures côte à côte, à souffrir aux mains d'une pseudo prof tyrannique... Ça remet les choses en place. Aux yeux d'Hunter, c'était presque devenu elle deux contre Umbridge. Parce qu'en fin de compte, ça n'avait rien à voir avec Al-Massri, si elle en bavait autant, et d'ailleurs l'autre Gryffondor était logée à la même enseigne. Elle aurait pu lui en vouloir, s'il s'agissait de n'importe quelle autre punition. Aller récurer les fientes d'hippogriffe avec Hagrid, rédiger cinq parchemins sur les animagi pour McGonagall, même inventer une potion qui viendrait à bout de la graisse imprégnée dans les cheveux de Snape lui semblait une situation plus séduisante. Mais ça, ce n'était pas de la faute d'Al-Massri. Elle ne pouvait pas lui en vouloir. Il n'y avait qu'une personne qu'elle détestait par-dessus tout à présent, c'était Umbridge.

Ses séances de l'AD et ses "cours" de Défense Contre les Forces du Mal nourrissaient également cette haine viscérale pour la suppôt du Ministère. Elle se montrait même de plus en plus farouche, craignant à peine des représailles (une heure de colle de plus ou de moins... c'est pas comme si sa main était rattrapable n'est-ce pas).

Une énième séance s'achève et Hunter refourgue ses parchemins avec un geste trop brusque, qui fait naître un sourire mièvre sur les lèvres de leur tortionnaire. Mais Hunter n'en a que faire. Elle a mal, et envie de se mettre sous un plaid en écoutant de la musique avec un air dramatique. En sortant, elle tombe sur Al-Massri, qui a l'air bien moins à l'aise avec sa blessure qu'il n'y paraissait deux minutes plus tôt. “ Ça se voit beaucoup toi ? ” Hunter jette un regard à sa main, comme si elle avait besoin de ça, comme si elle n'avait pas l'image de sa plaie boursoufflée gravée dans la rétine. “ On dirait un début d'éclabouille. ” Elle y connaît un rayon, sa mère est guérisseuse au service des virus et microbes magiques de St Mungo. Elle laisse tomber sa main d'un air désabusé. Y a rien à y faire de toute façon. “ J'aurai du choisir le côté de Filch. ” Hunter a un rictus. Quand Siham croise son regard, elle croit y lire une once de remords et ça la pousse immédiatement à répondre. “ Il nous aurait sûrement jetées aux cachots et pendues par les pouces alors c'est peut-être pas plus mal. ” C'est bien sûr complètement faux, quoi que Hunter n'y mettrait pas sa main à couper depuis les derniers événements. Elle lui sourit timidement, sans doute pour signaler qu'au vu de la situation, la hache de guerre pouvait être enterrée (à moins qu'elle n'ait encore la judicieuse idée de les jeter à nouveau dans la gueule du chat, cela va sans dire). “ Attends. ” Elle fait quelques pas en direction des escaliers tout en fouillant dans son sac, invitant Al-Massri à la suivre, histoire qu'elles ne soient plus collées au bureau d'Umbridge qui pourrait surgir à tout moment et confisquer ce qu'Hunter s'apprêtait à sortir. “ J'ai un truc bien pour calmer la douleur. ” Elle sort un tube de crème qu'elle tend à Siham. “ Ma mère est guérisseuse, elle est douée avec ce genre de trucs. Ça soignera pas mais... ” Elle hausse les épaules. “ Ça fait du bien. ” Elle n'en a évidemment pas parlé à ses parents. Elle craint qu'il fassent un scandale et sans doute auraient-ils raison mais elle a trop peur des conséquences que cela pourrait avoir sur eux, sur leurs carrières. Les Wallace ne roulent déjà pas sur les gallions, et Umbridge est capable de tout. “ Même si t'as pas l'air d'avoir besoin de ça. ” Elle a un rire gêné. Peut-être parce qu'elle admire un peu trop son stoïcisme. Peut-être parce que c'était bien plus agréable de l'observer elle plutôt que la multitude de chatons écœurants qui lorgnaient sur elles comme sur des souris en cage. Hunter avait toujours préféré les chiens. “ Par contre s'il pouvait exister une crème pour laver tout ce rose de mes yeux, ce s'rait pas désagréable. ” Nouveau sourire. Hunter se rend compte qu'elle a peut-être besoin de contact humain en sortant de ces séances. Juste avec quelqu'un qui comprend.

"On dirait un début d'éclabouille." Regard un peu dégouté à sa main. Siham ne savait pas du tout à quoi ressemblait un début d'éclabouille mais ça sonnait pas particulièrement glorieux. Après, si ses parents pouvaient prendre ça pour une maladie plutôt que pour un signe qu'elle s'était encore faite coller... Mais l'éclabouille passait-elle des messages comme ça ? Certainement pas et plus ça allait, plus on pouvait distinguer clairement les lettres sur sa peau. Elles étaient même un peu en relief à cause des séances successives entre lesquelles une croûte se formait pour être de nouveau enlevée (Siham observait le processus avec un mélange de fascination et de dégoût). Dans tous les cas, ça faisait mal et si elle était pour faire coller Wallace pour l'emmerder, elle n'était pas trop sûre d'être pour que cette dernière se fasse torturer (quand à son cas, c'était un peu mérité : elle avait décidé toute seule comme une grande d'aller faire coucou à l'autre crapaud). "Il nous aurait sûrement jetées aux cachots et pendues par les pouces alors c'est peut-être pas plus mal. - Haha oui" répondit la brune, un peu rassurée que Wallace n'ait pas l'air de préméditer son meurtre ou autre. Un sourire un peu gêné en réponse à celui de Wallace plus tard et elle tournait les talons pour filer très loin de la salle de détention.

"Attends." Ah bah non. Air étonné peint sur la gueule, elle suivit Hunter jusqu'à l'escalier, se demandant si finalement cette dernière n'allait pas se venger là maintenant tout de suite. "J'ai un truc bien pour calmer la douleur." Ah bah non bis et Siham sentit ses joues chauffer encore plus que sa main alors qu'elle récupérait le tube de crème. "Ma mère est guérisseuse, elle est douée avec ce genre de trucs. Ça soignera pas mais... Ça fait du bien. - Merci..." fit-elle en contemplant ses chaussures, un peu gênée par tant d'attention alors que c'était de sa faute si Hunter avait besoin d'une crème pareille. "Même si t'as pas l'air d'avoir besoin de ça." Un instant elle hésita à continuer de jouer les dures avant de se dire que ce ne serait pas forcément cool vis-à-vis d'Hunter qui avait l'air moins bravache qu'elle quand elles écrivaient leurs lignes. "Si si, c'est juste pour pas qu'elle soit trop satisfaite tu vois ?" marmonna Siham, joues de nouveau un peu rouge alors même qu'elle se disait que sa méthode n'était pas forcément la bonne. Umbridge devait vouloir la faire craquer maintenant et si elle y arrivait... Mais plutôt mourir, hein.

"Par contre s'il pouvait exister une crème pour laver tout ce rose de mes yeux, ce s'rait pas désagréable." Elle rigola un coup avant de surenchérir. "Genre de l'acide ?" dit d'un ton dramatique, comme si elles n'avaient plus aucune autre solution. Siham grimpa quelques marches avant de poser son sac par terre, plus si pressée que ça de s'enfuir. Elle ouvrit le tube, huma la pommade par réflexe - odeur ni trop horrible, ni  celle du muguet -, avant de s'en mettre sur la main et de commencer à l'étaler. "J'ai trop de crème, tu en veux ?" demanda-t-elle avant de tilter qu'elles n'élevaient pas les boursoufs ensemble non plus. Gênant. Elle s'empressa de finir d'appliquer la pommade qui calma quasi immédiatement la douleur (ok, il fallait qu'elle s'en trouve une comme ça) avant de revenir sur leurs heures de colle, Hunter étant la seule personne à qui elle pouvait décemment en parler. "En fait, c'est une nouvelle forme de torture qui repose sur trois sens sur cinq. Le toucher, - regard vers la main blanche de crème - la vue et l'ouïe..." Siham se racla la gorge avant de reproduire le petit hem hem haut perché d'Umbrige (elle n'était pas si mauvaise en imitation, elle passait sa vie à faire genre après tout). "Pas hâte de tester la version finale." Avec un peu de chance, elle aurait fini Poudlard avant (elle ne comptait pas trop sur le fait de ne plus se faire coller, elle connaissait son amour pour le respect de l'autorité). Tube revissé, elle le tendit à Hunter, sourire reconnaissant aux lèvres. "On est un peu tard pour le dîner alors je pensais aller directement au cuisine. Tu veux venir ?" proposa-t-elle, comme si ça valait plus ou moins le prêt de crème (ou plutôt qu'Hunter était sympa alors manger avec elle était plus plaisant que manger avec les elfes qui s'affairaient dans tous les sens).

Siham a l'air mal à l'aise, ce qui la sort complètement de son personnage et ce qui n'est pas pour déplaire à Hunter. C'est qu'elle est beaucoup plus sympathique ainsi, quand elle ne se cache pas derrière cinq mètres de béton armé et un regard condescendant. La voilà même qui confesse ne pas être taillée dans la glace, imperturbable face aux assaults glacés d'Ombrage. “ Si si, c'est juste pour pas qu'elle soit trop satisfaite tu vois ? ” Hunter ne sait pas si elle lui dit ça pour être sympa ou si c'est vrai. Quoi qu'il en soit, elle lui sourit à nouveau. Elle se retient cela dit de lui dire qu'elle aimerait pouvoir faire de même, ou qu'elle la trouvait bien plus cool soudainement, parce que ce serait juste gênant. Après tout, sans être de mortelles ennemies, elle ne sont pas non plus amies et ont passé la majeure partie de leur scolarité à se juger cordialement. Sans doute que passer des heures à se faire torturer côte à côte rend leurs tensions passées plutôt futiles.

“ Genre de l'acide ? ” Wallace laisse échapper un éclat de rire (proche du son que produisent les dauphins) parce qu'elle ne s'attendait pas à cette réponse pour le moins extrême. Elle ne s'attendait pas à ce que Siham soit drôle ?? Elle jette un regard inquiet en direction de la porte du bureau d'Ombrage. Cette vieille folle serait bien capable de pondre un nouveau décret interdisant de rire dans les couloirs. Mais la porte reste fermée et elle se retourne vers la brune. “ Ouais, ça serait pas mal. ” Pas sûre qu'elle veuille mettre de l'acide dans ses yeux, cela dit elle ne désespère pas qu'une substance pareille parvienne à dissoudre ces hideux portrait de chats accrochés aux murs de la Grande Inquisitrice.

Elle lui refile son tube de crème - c'est sans doute la première fois qu'Hunter est contente du côté surprotecteur de sa mère qui lui refile toujours une pharmacie entière au moment de faire ses valises pour Poudlard - et vient s'asseoir à côté d'elle. Elle fixe sans vraiment s'en rendre compte la main d'Al-Massri, sur laquelle elle étale du produit, et ne sort de son état semi-hypnotique que lorsque cette dernière reprend la parole. “ J'ai trop de crème, tu en veux ? ” Leurs regards se croisent en silence. Hunter met trop de temps à répondre, faut dire qu'elle ne s'attendait pas à cette proposition. Siham doit sentir le malaise puisqu'elle retourne étaler sa crème de plus belle, pendant que les joues d'Hunter prennent une couleur plus rosée que d'habitude. Heureusement, Al-Massri est trop occupée pour s'en rendre compte, et elle semble très douée pour faire comme s'il ne s'était rien passé (un talent qu'elle continuera à maîtriser au fil des années, Hunter finira par le découvrir à ses dépens). “ En fait, c'est une nouvelle forme de torture qui repose sur trois sens sur cinq. Le toucher- ” Hunter lève la tête dans sa direction, l'air vaguement curieuse de voir où elle compte aller. “ la vue et l'ouïe... ” Son air perplexe disparaît au moment ou Siham refait la toux insupportable d'Ombrage (qui savait qu'une toux pouvait sonner aussi hypocrite ?). “ Oh god, lâche-t-elle après que son cœur se soit arrêté un instant. Je savais pas qu'on pouvait souffrir de syndrome post-traumatique à cause d'une toux... Tu la refais trop bien ! ” Hunter laisse échapper un nouveau rire et sa main trop tactile vient se poser sur le bras de Siham, exactement comme elle fait avec Lena, jusqu'à ce qu'elle se rende compte que ça aussi, c'était gênant. Elle retire sa main aussitôt et heureusement l'instant semble passer inaperçu. “ Pas hâte de tester la version finale. ” “ Moi non plus... On a déjà l'odorat en plus, avec son parfum horrible là. ” Une moue de dégoût passe sur son visage. “ Honnêtement à part nous faire bouffer de la pâtée pour chat je vois pas ce qu'elle pourrait nous infliger de plus.. ” Hunter reprend le tube avec le reliquat d'un sourire et entame de soulager sa propre douleur.

Elle se sent plus légère, soudainement. Plus légère que depuis un moment. Il faut dire que l'ambiance au château est de plus en plus pesante et l'AD seule ne parvient plus à lui redonner espoir. Le fait qu'elle n'ose pas se confier à Elena ou à ses parents au sujet de ses heures de colle la fait se sentir plus seule que jamais. Alors cette simple petite conversation lui fait un bien fou. Et le fait que ce soit avec Al-Massri of all people lui donne l'espoir que tout est possible. “ On est un peu tard pour le dîner alors je pensais aller directement au cuisine. Tu veux venir ? ” La surprise d'une telle proposition passée, elle affiche un grand sourire. “ Miss Al-Massri, je ne vous savais pas aussi rebelle... ” Elle rigole. “ Voir la neige en pleine nuit, s'infiltrer dans les cuisines... Je suis impressionnée ! Tu caches bien ton jeu. ” Nouveau sourire amusé avant de se lever. C'est ce moment que choisit son ventre pour produire un son digne des créatures décrites à la page 394 d'une certain livre de Défense Contre les Forces du Mal. Ses joues s'empourprent à nouveau et elle tente de cacher son malaise avec humour. “ Une bonne idée, les cuisines, je te suis. ”

Les deux élèves descendent donc les escaliers en direction des cuisines. Hunter n'y est allées quelques fois durant toute sa scolarité, souvent sous l'impulsion des jumeaux ou de Lee. Elle avait secrètement envie d'y retourner tous les soirs parce que c'était sans doute l'endroit le plus magique du château avec la salle sur demande (après tout, l'endroit où on produit de la nourriture est toujours un endroit magique). Mais elle avait un peu honte d'y aller seule, encore plus d'apprécier se faire traiter comme une princesse par une armée d'elfes de maison. Ça faisait très famille bourge pro-sang-pur et c'était pas trop comme ça qu'on l'avait éduquée. “ J'espère qu'ils ont encore du pudding ! ” Hunter jette un regard à sa camarade. C'est franchement étrange d'avoir une conversation normale avec Siham mais ça lui fait du bien. Ça l'aide vraiment à tourner la page sur l'heure de torture qu'elles viennent d'endurer. “ T'es hyper cool en fait, laisse-t-elle échapper au bout d'un moment, avant de se mordre l'intérieur de la lèvre. ” Dire ça revient à admettre qu'elle ne la trouvait pas cool jusque là. Et si Siham lui rendait sans doute bien... Hunter devait avouer avoir quelques remords sur sa façon de la traiter au fil des années (en face ou non). “ Je- euh... ” Elle détourne son attention sur les escaliers, histoire de pas tomber à la renverse, un très bon prétexte pour ne pas la regarder en face. “ J'suis désolée de pas... toujours avoir été très sympa. ” Hunter-je-n'aime-pas-le-conflit-et-j'ai-honte-de-me-laisser-entraîner-dedans bonjour. Heureusement, elles arrivent au niveau des cuisines, le moment idéal pour dévier l'attention de ses joues devenues bien trop rouges.

Si Hunter avait voulu plonger Siham dans un état voisin de l'error 404, elle n'aurait pas pu mieux faire entre le rire (le deuxième ??), le compliment (ok ce n'était que sur son imitation d'Umbridge) et maintenant la main sur son son bras ? Siham ouvrit de grands yeux surpris alors que ses joues se mettaient à chauffer, un peu (beaucoup) étonnée que ses blagues dites sur le ton cynique de l'ado émo moyenne rencontrent autant de succès.  Elle passa une main nerveuse dans ses cheveux, enchaina comme si de rien n'était. Umbridge donc, ses petites séances de tortures (pas les joues roses d'Hunter au moment elle lui avait proposé de la crème), sa théorie sur les cinq sens. "Moi non plus... On a déjà l'odorat en plus, avec son parfum horrible là. - Ah oui j'avais oublié" confirma-t-elle dans un froncement de nez. "Honnêtement à part nous faire bouffer de la pâtée pour chat je vois pas ce qu'elle pourrait nous infliger de plus.." Siham réfléchit quelques instants à ce qu'il pouvait y avoir de pire que la pâté pour chat mais vu qu'elle préfèrerait encore avaler du poison que partager une ration avec les félins de l'inspectrice (même si ils n'étaient que peints), elle ne trouva rien.

Elle agita les doigts de sa main engourdie (tiens, ça refaisait mal quand la peau s'étirait), en profita pour jeter un œil à la montre à son poignet, eut le droit à son deuxième bug intersidéral de la soirée. "Miss Al-Massri, je ne vous savais pas aussi rebelle..." Depuis quand Wallace lui souriait en si grand ?? "Voir la neige en pleine nuit, s'infiltrer dans les cuisines... Je suis impressionnée ! Tu caches bien ton jeu." La plume d'Umbridge avait des effets psychotropes ? Siham se sentit rougir de nouveau, bafouilla un "Mais non, pas du tout" parce que c'était normal de faire ses conneries en scred (genre les Weasley n'avaient clairement pas le même modèle de parents qu'elle) et tourna la tête vers la fenêtre pour regarder l'état du ciel. Rempli de nuages, bientôt tout redeviendrait blanc (cool). Un bruit bizarre vint la tirer de ses pensées - sourire un rien moqueur décoché à Wallace - et Siham se releva avec une question supplémentaire : depuis quand Wallace acceptait ses invitations (et depuis quand elle l'invitait d'ailleurs ? certainement la culpabilité causée par les heures de colles).

Elle dévala les escaliers à toute vitesse, espérant presque perdre la blonde dans l'opération parce que cette dernière agissait pas comme d'habitude (possession ? mauvais coup en préparation ? Hunter devenait sympa quand on l'enlevait de son groupe ?) mais sa camarade suivait le rythme, bavassant tranquillement. "J'espère qu'ils ont encore du pudding !" Siham, que la gastronomie britannique n'avait jamais enthousiasmé (on parlait quand même de mecs qui gélifiaient les anguilles), jugea un instant avant de hocher la tête. "Ils ont tout tout le temps. Une fois, on leur a demandé des frites à cinq heures du matin et on les a eues" raconta-t-elle avec une pointe de morgue, visiblement pas très touchée par la condition de pauvres elfes levés aux aurores pour préparer les petits-déjeuners à qui l'on venait demander des plats très random (on, c'était Joseph et Siham qui avaient les crocs post petits défis pourris vaguement très dangereux). "T'es hyper cool en fait" Siham faillit rater une marche, se rattrapa in extremis au mur de pierres, fit comme si tout était sous contrôle (pas du tout). "Je- euh... J'suis désolée de pas... toujours avoir été très sympa." Pas du tout, du tout.

Un ange passa, puis deux, puis trois, puis Siham (les joues aussi rouges que celles d'Hunter) avait l'air tout simplement fascinée par la technique utilisée pour peindre la nature morte qui cachait l'entrée des cuisines (non mais la peau de cette poire avait l'air si réelle, quel talent). "D'accord." qu'elle finit par dire avant de capter que ce n'était pas exactement la réponse attendue à des excuses (même si elles sortaient de nulle part, même si on les soupçonnait de ne pas être totalement sincères, même si on se mettait à douter de son audition). "Je t'ai juste proposé d'aller aux cuisines hein" ajouta-t-elle dans un rire nerveux pour faire passer la gêne. Elle ne sut pas trop si ça avait marché parce que le tableau pivota pour laisser place à une nuée d'elfes de maison qui eurent tôt fait de les faire asseoir avant de leur proposer de quoi manger pour environ un siècle.

La première chose que fit Siham fut de desserrer sa cravate rouge et or, la deuxième fut de demander si elle ne pouvait passer au dessert direct (pour pouvoir fuir plus vite et parce qu'on ne pouvait pas mettre d'anguilles gelées dans un muffin), la troisième fut d'observer Hunter à la dérobée en essayant de comprendre ce qu'il se passait dans son cerveau (parce que si Alvarez en était définitivement privée, Wallace était soupçonnée d'avoir deux-trois neurones fonctionnels). Alors pourquoi ses excuses  quand c'était la faute de Siham et seulement de Siham si elles se retrouvaient avec le dos de la main gravé ? Dans le guide comment se comporter dans la haute société (guide imaginaire mais que Siham avait fini par connaître sur le bout des doigts tout en réussissant l'exploit de ne jamais réussir à appliquer), il n'y avait rien sur les excuses. Même que son père lui avait déjà asséner un discours qui lui les déconseillaient fortement. "Le jour où ils te piétineront, tes ennemis ne s'excuseront certainement pas, alors ne perd pas ton temps à avoir l'air faible sauf si tu as à y gagner" avait-il dit, ou un truc du style et Siham était à peu près certaine qu'il s'entendrait à ravir avec Umbridge (quoique c'était une parvenue).   

Elle baissa les yeux sur son muffin, revint sur Hunter, rebaissa les yeux, pensa aux joues rouges de la blonde, eut les joues rouges, releva les yeux pour les planter dans ceux de la fille pour enfin se lancer. "Désolée pour la dernière fois" dit pas très fort, sourire carrément gêné aux lèvres. Pour leur avoir fait écoper d'heures de colle qui s'apparentaient à des séances de torture, pour avoir sous-entendu qu'Hunter n'était pas normale. Puis pour le reste, plutôt mourir ou presque. S'excuser auprès d'Hunter reviendrait à s'excuser indirectement auprès d'Alvarez (urg), de Jordan (urg) et des jumeaux (pourvu qu'ils n'aient pas besoin de cobaye pour leur prochaine invention, elle avait saigné du nez des heures à cause de leur putain de nougat) alors qu'il y avait quand même de grandes chances que tout soit un immense piège (la paranoïa avait de l'avenir). Elle espérait pourtant sincèrement que la hache de guerre soit enterrée avec Hunter, parce qu'il était déjà suffisamment difficile de ne pas craquer devant Umbridge sans avoir besoin d'y ajouter des ondes négatives (et que l'on était plus fort à deux). Maintenant, elle avait presque autant envie de disparaître qu'au moment où Hunter lui avait dit qu'en fait elle était sympa et, les yeux suspendus aux lèvres de la blonde, Siham attendait le verdict. (Elle était prête à faire comme si de rien n'était s'il trainait trop, il faisait gris aujourd'hui, pas vrai ? il va bientôt neiger.)