Spoiler:

Une chappe de plomb alourdissait les épaules de Celyn depuis plusieurs jours. Un fardeau qui allait croissant au fil des dernières heures, que les derniers préparatifs (et les dernières urgences) de Rosier Events ne faisaient qu’augmenter.

Tout devait être parfait ; et tout devait être parfait pour ouvrir la voie à de nouvelles alliances entre bonnes familles de la haute société – dont la sienne. Un fait qui glaçait l’échine du fils héritier des Rosier, dangereusement célibataire et tout aussi dangereusement riche, partageant avec son cousin la tête d’une des entreprises les plus prestigieuses du territoire – on allait le suriner sans aucun doute, et il regretta, en arrivant sur les lieux après être retourné se changer dans la maison vide qui était censée être la sienne, de ne pas s’être fait porter pâle pour la soirée. « Nous comptons sur toi, aujourd’hui, » fit Ji-Eun en prenant son bras, d’une voix basse lourde de sens, qui ne fit que hérisser le poil sur la nuque de son neveu, tandis qu’Écaille se lovait dans la poche intérieure de son costume. Sa tante semblait, depuis sa convalescence chez elle, avoir pris à cœur l’avenir de Celyn – une impression désagréable, quand il connaissait les ambitions de Ji-Eun et ce qui en avait résulté pour Ben.

Son regard balaya l’assemblée à la recherche d’Ezekiel tandis qu’il entrait, raide et l’air mi-soucieux, mi-agacé (son expression naturelle) ; il détourna rapidement le regard en apercevant son parrain qui discutait avec l’engouement qu’il lui connaissait (comme s’il connaissait Marlon Travers, non merci), pour mieux le poser sur sa tante, le lémurien autour de son cou lui donnant l’air de porter un col de fourrure, et de Damian, sa cousine, l’air visiblement aussi enchantée que lui. « Song Mi-Ran est là, ce soir », souffla Ji-Eun en se penchant vers lui d’un air de conspiratrice. L’expression de Celyn se ferma un peu plus : il avait eu l'honneur de rencontrer l'héritière du conglomérat Sseom la veille, au détour d'une invitation à boire le thé impérieuse de sa tante. Il avait compris pouquoi elle avait tant insisté quand il avait pénétré dans le petit salon de chez Ji-Eun, où se trouvait la maîtresse de maison, ainsi que Mi-Ran et sa propre tante. « Je ne suis là qu’en qualité de vice-CEO de Rosier Events, » répondit-il en jetant un nouveau regard autour d’eux, se défaisant gentiment l’étreinte du bras de sa tante. « Un vice-CEO qui a assez de deux pieds pour danser. » Celyn en aurait presque regretté l’absence de Caesar et Jeong-Hee, qui faisaient ressortir son célibat, de par leurs mariages respectifs, avec d’autant plus de contraste. « Je vous rejoindrai plus tard, j’ai du monde à saluer », fit-il en l’enjoignant à rejoindre l’autre partie de la famille, évitant ses obligations le temps de reprendre son souffle, quand il lui semblait déjà étouffer.

L’accord qu’il avait passé avec ses parents s’était visiblement évanoui avec eux. Ses tantes étaient d’autant plus déterminées que la famille avait besoin d’assurer sa descendance, fauchée de moitié par… Les doigts de Celyn se refermèrent sur une coupe d’un cocktail sans alcool, qu’il porta à ses lèvres brièvement, avant de croiser la route d’un associé de leur société – malheureusement pas celui qu’il aurait voulu voir, sur l’instant, et un sourire crispé s’empara du coin de ses lèvres tandis qu’il serrait la main au sorcier.

en résumé:

Quelle plaie. A ne pas s’y méprendre, Ezekiel apprécie quelconque événement lui permettant de fréquenter l’élite sorcière britannique, de se pavaner sous son meilleur jour, de distribuer des poignées de main et des sourires hypocrites, de distribuer des anecdotes le mettant en valeur à quiconque croisant sa route, de mettre le nez dans des conversations ne le regardant absolument pas, de renforcer ses connections et, pourquoi pas, de sceller quelques accords préalables sur un coin de table autour d’une coupe de champagne sans alcool. Il y a deux exceptions à cette règle : les mariages, et le Purity Ball, deux traditions qu’il a en horreur. Il n’y a pas pire dans la hiérarchie de son esprit rigide qu’un étalage public d’affection, si ce n’est ces regroupements sordides n’ayant pour autre but que de voir des familles tenter de vendre leurs héritier.es au plus offrant, et par conséquent, à sa personne.

Une chance qu’il ait dépassé la barre des trente ans et ne soit ainsi plus considéré comme l’un des incontournables rois de la soirée, même s’il est conscient que son statut d’homme célibataire au sang-pur ne l’exclut malheureusement pas entièrement de l’obligation de faire acte de présence, et de devoir prétendre se montrer un minimum intéressé par les opportunités qu’on cherche à lui proposer – comprendre ici, des sorcières plus ou moins jeunes que l’on cherche à marier, ou pire encore, à remarier. L’exercice ne lui est pas inconnu, et Ezekiel l’exécute à la perfection. Paré d’un costume bleu sombre brodé de lourds motifs dorés, il progresse avec aisance dans la salle, passe de groupe en groupe pour saluer les convives, suffisamment longtemps pour se montrer poli et intéressé, et suffisamment rapidement pour ne pas s’embourber dans des conversations interminables qui pourraient déboucher sur un classique ”Dîtes-moi, Ezekiel, avez-vous déjà pu faire la connaissance de ma nièce ?”

”Si vous voulez bien m’excuser, je dois aller saluer quelques amis. Mais j’adorerais que nous reprenions notre conversation plus tard, et que vous m’en disiez plus sur ce fascinant voyage en Espagne !” Dear Gods, grince intérieurement Ezekiel avant de se détourner de son interlocuteur et de prendre une gorgée dans sa coupe. Ses yeux ne manquent pas de se poser sur Celyn, avec un brin de soulagement, ne serait-ce que de l’apercevoir dans cette foule presque hostile, et c’est tout naturellement qu’il se dirige vers lui, ne prêtant qu’à peine attention à la personne avec qui il est en train de converser, dos à lui, jusqu’à reconnaître en arrivant vers eux la voix de Marlon. Et bien malgré lui, ses oreilles ne ratent pas l’horreur qu’il surprend sortir de la bouche du nouveau Directeur du Département de la Justice. Peut-être Ezekielle aurait-il dû continuer à écouter Rodric Goyle lui parler de son voyage en Espagne.

”Eh bien, Marlon, je vois que tu ne perds pas de temps !”, s’exclame Ezekiel pour faire savoir sa présence, sa soudaine intervention suivie d’un rire semblant naturel. A cette distance, il peut voir au fond du regard de Celyn, dont il connaît toutes les nuances désormais, un semblant d’horreur, qu’il partage amplement ; heureusement, ils sont l’un comme l’autre habitués à dissimuler la moindre émotion. C’est pourquoi Zeke maintient un large sourire en abattant sa main dans le dos de Marlon, à qui il revient : ”Nul besoin de me présenter Sophia, voyons ! Nous nous connaissons bien après des années à travailler ensemble.” Évidemment qu’il exagère ; il la connaît un peu, et ne s’est jamais intéressé plus que cela à elle, ni à son métier qu’il jugerait presque superficiel. Moins il a à parler à des artistes, le mieux il se porte. ”Ah, les hommes mariés, vous ne pouvez jamais vous empêcher de jouer les entremetteurs, pas vrai ?”, ajoute Zeke avec un nouveau rire, histoire de balayer cette terrible idée sous la porte et de passer rapidement à autre chose, pour sauver autant Celyn que lui-même de cette situation inconfortable. C’est pourquoi il se tourne vers son business partner pour glisser (et changer de sujet) : ”Je me permets d’en profiter d’ailleurs : toutes mes félicitations Celyn pour cette somptueuse soirée. Rosier Events ne fait définitivement que dans l’excellence. N’est-ce pas Marlon ?” Cela devrait suffire. Lui et Sophia, quelle idée grotesque.

tltr:

Le Purity Ball. Enfin.
Ils se préparent depuis tant de temps pour cet événement incontournable de la société sorcière, qu’il est vraiment content de savoir que d’ici cette nuit, ils pourront enfin passer à autre chose. Rosier Events mène de front de nombreux projets, Benjamin est habitué à avoir de gros dossiers de ce type sur son bureau - mais il est content de voir celui-ci se concrétiser enfin. D’abord parce qu’il va pouvoir re-dispatcher les équipes sur d’autres choses dès demain matin, mais aussi et surtout parce qu’il prend beaucoup de plaisir à savoir que grâce à son travail, des alliances vont être liées ce soir. Dire qu’il y a quelques mois, il redoutait cette soirée… Il a du mal à comprendre comment il a pu passer à côté aussi longtemps du sentiment d’excitation qui étire son sourire désormais devant toutes les perspectives offertes par l’événement. Alors, oui, bien sûr. Peut-être qu’il se sentait moins concerné, parce qu’il y avait Maxine.
Il préfère ne pas penser à elle. Il sent la colère lui chatouiller les tempes à chaque fois que ses pensées effleurent le prénom de la traître qui l’a mené en bateau tout ce temps. C’est compliqué, de se défaire de l’attachement qu’il avait pour la personne qu’il croyait qu’elle était. Mais il n’a pas de temps à perdre. Les crises d’anxiété qui l’empêchent de dormir ne doivent pas le ralentir. Il doit laver sa réputation au plus vite, et pour ça, il doit être irréprochable ce soir. La soirée doit être parfaite, il doit redorer son blason auprès de ses camarades mangemorts, et se plier joyeusement à la recherche d’une nouvelle fiancée. Pourquoi pas aider d’autres alliances au passage… Bref, il y a du boulot.
Il s’est posté à l’entrée du Covent Garden Hotel, en tant qu’organisateur de l’événement, pour accueillir les invités - débutants, débutantes, familles de ces derniers, et autres invités de choix. Dans son costume sublime, il serre des mains, lance des sourires d’un naturel effarant, et a un mot pour chacun. Il observe qui arrive, quand, et avec qui. Dans la grande salle, sa mère est sûrement quelque part avec Celyn, à commencer à faire l’état des lieux des jeunes femmes sur lesquelles elle a déjà mis des options. Elles ne sont pas nombreuses, on les compte sur les doigts d’une main, évidemment… Ils en ont déjà parlé ensemble, il a ses préférences. Mais il laisse à Ji-Eun Rosier le dernier mot. Elle a toujours plus d’instinct que lui. La preuve, elle n’aimait pas beaucoup Maxine.

Quand les entrées se font moins régulières, il finit par quitter le hall pour s’engouffrer dans la salle principale, somptueuse et remplie de silhouettes sur leur 31. Cette ambiance est presque rassurante : il a grandi dans cette effervescence, et elle a quelque chose de familier.
Naturellement, ses pas le guident jusqu’à son cousin, entouré de Marlon Travers et de Zeke. Kate n’est pas sur ses talons, ce soir. Elle ne se sentait pas très bien, alors il l’a laissée dormir dans une salle à l’arrière, comptant bien aller la voir dès que la soirée le lui permet.
Il entend en se rapprochant les compliments de Zeke. ”Messieurs.” salue-t-il le petit groupe. ”Cela me touche venant de toi, Zeke.” dit-il en adressant un sourire chaleureux au CEO de la BCBC. ”Presque tous les invités sont là.” annonce-t-il avec un regard entendu et une étincelle dans l’oeil à son cousin. ”Ça va être une très belle soirée.” Il s’en frotte les mains. ”Je compte sur toi, Marlon, pour vanter les mérites de la vie de jeune marié à tous les débutants.” Après tout, son mariage avec Freya Abbott date d’il y a quelques mois à peine. ”Tu fais un excellent ambassadeur.” le flatte-t-il sans hypocrisie - après tout Marlon est un mangemort haut placé, marié à une sang-pure brillante.

Spoiler:

Zoya se dresse bien droite, sourire franc aux lèvres, entre Brygida, Vera et Mikhail. Ses yeux observent la tenue des invités, le décor à la fois audacieux et charmant, le buffet, les autres jeunes filles dans la même situation qu’elle. Elle est heureuse d’être là, mais elle a un léger goût amer. Sans doute que si Bry n’avait pas en tête de lui trouver un autre fiancé, la jeune fille serait en train de papillonner d’une convive à l’autre pour discuter de tout et de rien, faire ce qu’elle fait de mieux : Charmer et faire honneur à sa famille. Le cœur n’y est pas, pourtant.

Bien qu’elle adore les soirées mondaines, elle ne comprend pas pourquoi Brygida insiste autant pour la mettre aux devants, alors que techniquement, la plus vieille a déjà trouvé un fiancé à la plus jeune. Les choses ne se sont pas développées comme souhaitées avec Hector, mais est-ce une raison pour abandonner? Pour passer au suivant alors qu’ils n’ont pas encore eu la chance de bien se connaitre ou d’établir une certaine complicité et un équilibre? Pour trouver un meilleur parti, alors qu’on n’a pas cessé de lui répéter à quel point cette alliance est un grand coup et nécessaire à leur implantation au Royaume-Uni, qu’ainsi on s’assure d’avoir le monopole dans le domaine de l’architecture magique? Brygida sait aussi bien qu’elle que les célibataires purs ne courent pas les rues. Pourquoi ne pas se contenter du Rowle? Un homme un peu fade, mais facilement manipulable et façonnable, qui l’épaulera sans broncher et restera derrière elle pour lui permettre de briller? N’est-ce pas le but? Qu’on ne fasse pas de l’ombre à Zoya et aux Strugatsky? Hector est le candidat parfait pour ça. Pourquoi vouloir tout chambouler encore une fois? Est-ce que Bry profite du fait que Zoya cherche encore à se faire pardonner pour sa petite incartade et accepte tout ce que son ainée lui dicte sans broncher? Est-ce qu’elle cherche à s’amuser, montrer son autorité, son emprise? Elle remonte son bustier et lisse la tulle de sa robe, choisie aux soins de Brygida. Ainsi, Zoya s’évite les remontrances sur son accoutrement. Heureusement que son ainée à bon goût. " Non, pas vraiment. " qu’elle répond lorsque Bry tente de l’envoyer dans la fosse. Elle sait très bien qu’Hector ne viendra pas. Il lui a effectivement fait part qu’il ne se sentait pas très bien le matin même et que sa présence au bal était compromise. Zoya n’a rien dit, mais elle doute de la véracité de sa maladie. Elle sait très bien que l’homme a en horreur ces événements et qu’il les fuit autant qu’il peut. "Mon fiancé ne semblait pas allé mieux, je doute qu’il nous fasse honneur de sa présence." Elle met l’accent sur le mot fiancé pour faire comprendre à Brygida qu’elle n’est pas intéressée à recommencer à zéro. Elle pense plutôt que c’est sa sœur qui devrait trouver nouvelle chaussure à son pied, maintenant que ses fiançailles sont annulées et qu’Hadriel est parti refaire sa vie.

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