Seuls les battements de son coeur résonnant jusque dans ses tympans viennent perturber le silence qui semble s’étirer indéfiniment entre Ezekiel et son hôte - quelques secondes battement en réalité, pendant lesquelles il suit du regard les gestes mesurés de Celyn, et accuse le contrecoup d’une telle confidence. L'exercice n’est pas, et n’a jamais été aisé pour quelqu’un comme Ezekiel, éloignant tout ce qui pourrait ressembler de près ou de loin à un sentiment, une émotion, pour les enfermer à double-tour et les enfermer dans la catégorie des faiblesses qu’il ne peut se permettre de porter. Celyn est une faiblesse ; une faiblesse risquée, calculée, maniée avec autant de précautions que nécessaires ; une faiblesse qu’il s’est autorisée, en dépit de cette fameuse et précieuse prudence. Peut-être parce qu’il n’avait pas le choix, comme il a pu le lui dire - peut-être parce que lutter contre ne lui est, après autant de temps, plus apparu comme sensé.

Désormais, cette faiblesse est étalée aux yeux de Celyn, et Ezekiel n’a plus qu’à retenir sa respiration, prenant soin de dissimuler la nervosité circulant librement dans ses veines sous cette impression désagréable d’être complètement à nu, de se tenir au bord d’un précipice qui pourrait se révéler aussi dangereux que salvateur. ”I can see how my question may have come as uneasy.” La question ne l’était pas tant que la réponse qu’il a décidé d’y donner, honnête, franche, exhaustive, sans faux-semblants ; tout comme Ezekiel ne se sent pas tant uneasy que vulnérable, un état de fait qui n’a fait que croître ces derniers temps.

La porte est ouverte, désormais, plus qu’elle ne l’a jamais été, et il ne tient plus qu’à Celyn de faire un pas à l’intérieur ou non. Ezekiel, lui, se tient de l’autre côté, son regard cherchant sobrement le sien dans cette brume d’incertitude. ”I do feel I have been holding onto you since you first visited me.” L’aveu le laisse coi, Zeke forcé de ciller un bref instant face à ce qui se dessine dans les paroles prudentes de son invité. Il n’a pas uniquement retenu Celyn sous la crainte de le perdre, agissant seul pour sa propre tranquillité d’esprit, poussé par ce qui est devenu bien plus que de la simple considération ; Celyn s’est accroché à lui, Celyn est revenu le chercher après l’avoir chassé, Celyn a saisi sa main, lui aussi.

Le ballet des regards se poursuit, Ezekiel offrant ses pupilles brunes comme ancre dès que son vis-à-vis relève les siennes - il écoute, il attend ce but qui menace dans l’avant-propos de Celyn, qu’il peut sentir approcher et s’enrouler autour de sa poitrine en une pression étouffante. ”However, your support did play an important part in my recovery. A most crucial one, to be fair.” Ezekiel reste immobile, lorsque Celyn joint ses gestes à ses paroles, le contact frais de sa peau sur le dos de sa main, de ses doigts effleurant sa paume, manquant de lui voler le souffle. Un impact surprenant, quand il connaît déjà la sensation de sa peau contre la sienne, pour avoir lui-même cherché son contact par le passé, quelques instants plus tôt même, pour l’avoir épousé pleinement de ses paumes imbibées de sang lors des rituels. Mais, de fait, son invité n’a jamais initié qu’un seul contact, jusqu’à ce soir - un contact qu’ils n’ont jamais réitéré, ni discuté, pour des raisons évidentes, un contact qu’Ezekiel a gardé précieusement dans un coin de sa mémoire, et qui ne manque jamais de lui souffler des émotions troublantes quand il s’autorise à y penser, des émotions similaires à celles le prenant en cet instant. ”I didn't think you'd come back, at all.” Le souffle de Celyn, presque un chuchotement, achève de former ce cocon qui semble s’être installé autour d’eux, pressant avec douceur le coeur d’Ezekiel contre sa cage thoracique. Il n’est plus uniquement question de ne pas prétendre, non - il s’agit de se rejoindre sur le pas de la porte, désormais, de se retrouver à mi-chemin pour mieux embrasser ce qu’il a laissé malgré lui grandir, et qu’il n’est plus possible d’ignorer en plongeant dans le regard de Celyn.

La paume d’Ezekiel se retourne doucement, presque en une caresse, pour venir à son tour enrouler ses doigts autour de la main dans la sienne, se joignant naturellement à ce contact, cette ancre, ce lien qui les unit dans ce monde comme dans l’autre. ”I didn’t think you’d come back either”, répond-il sur ce même ton bas, intime, brisant agréablement ces mois, ces années à emprunter une voix autrement plus solennelle, mesurée - Ezekiel a l’impression d’entendre sa propre voix pour la première fois depuis trop longtemps, un air dont il avait oublié la mélodie, et qui lui revient instinctivement sous la sensation de sa paume étreignant la sienne. ”But here you were. And it felt like seeing for the first time something that had been right in front of my eyes the whole time.” Quelque chose qu’il a tenté de maîtriser, qu’il a maîtrisé, et qu’il aurait ainsi maîtrisé, à cette distance confortable, si l’existence n’avait pas décidé de venir remuer les fondations de leur relation, uniquement pour les forcer à les rebâtir en un arrangement sensiblement différent. Un arrangement dont il ne peut que constater la nature, solidifié par les épreuves qui ont été mises sur leur chemin, et par leur union indéniable.. ”Ignoring it felt foolish at the time. Now, it just feels… impossible”, ajoute-t-il sur un souffle qui se veut stable, en réalité court et agité, emprunt de cette fébrilité qu’il n’est même pas capable de dissimuler derrière un sourire, ou de corriger en poursuivant. Probablement parce qu’Ezekiel n’a ni envie de faire voler en éclats cette bulle, ni quoi que ce soit à ajouter - le reste de ce qu’il cherche à exprimer ce logeant dans son regard, dans ses doigts enlaçant ceux de Celyn.

Pendant cet instant de battement qui s’étire, Ezekiel constate que Celyn a longtemps été un dossier, comme les autres, en dépit de sa différence et de ses reliures dorées le distinguant des autres - un dossier, tout de même. Et il lui est impossible de se rappeler le moment où il a cessé de l’être. En sondant, à cette distance étourdissante, les yeux sombres de son invité, il est frappé par la réalisation qu’il observe en chair et en os ces feuillets soigneusement organisé dans le secret de son esprit, qu’ils prennent vie en cet instant, qu’il peut les voir étalés face à lui, dans la lueur l’appelant au fond de ces deux ondes noires. Ces regards poliment exaspérés, les pupilles sombres et intriguées se plantant dans les siennes, la mélodie réservée et sincère du rire de Celyn, le rouge s’installant sur les joues du Rosier, ses fines analyses, sa capacité à déceler dans les discours d’Ezekiel ce que le commun des mortels ne peut seulement imaginer, ses propres palpitations provoquées par des sourires gênés au moment de se séparer sur le pas de la porte, celles plus récentes, au moment de plonger de l’autre côté du voile et de se fondre l’un dans l’autre - et ce contact, ces lèvres ivres cueillant les siennes, ce souvenir qui l’a effrayé pour ce qu’il représente, ce danger, cette vulnérabilité, que Zeke sent battre sous sa peau de la même façon que ce soir-là.

A la différence que Celyn n’est plus un dossier.
Celyn est face à lui, sa main dans la sienne est tangible, et Ezekiel ne ressent plus le besoin protecteur de vivre uniquement dans son esprit - pas avec Celyn, plus maintenant.

Seul le tambourinement de son cœur cherche en vain à briser ce silence épais dans lequel ils s’observent, comme cherchant des réponses à des questions informulées dans les yeux de l’autre. Mais toutes les réponses sont là, trouvées et évidentes. Et plutôt que de les noter sur un énième feuillet dans un coin de son crâne, Ezekiel vient les cueillir, dans un instant où le temps s’arrête, directement sur les lèvres de Celyn, lorsqu’ils franchissent la distance les séparant, serrant ses doigts dans les siens - un contact évident qui ne l’effraie plus le moins du monde.

Celyn, le cœur pressant l'allure, allégea la pression de sa main ; sous elle, celle d'Ezekiel se retourna, effleurant sa peau de la sienne, pour mieux enserrer ses doigts des siens. C'était parfaitement désarmant, de se dire que ce n'était pas la première fois qu'avait lieu ce contact, que les doigts crispés de Celyn, moites de sueur, s'étaient déjà agrippés à ceux d'Ezekiel, puis la peau nue de son buste, à l'aveugle, mordu par le malaise suivant les rituels – et pourtant tout sembler se jouer dans ce simple geste, sa main dans la sienne, ses yeux dans les siens, son cœur battant comme si sa vie en dépendait.

C'était le cas, quelque part : cela faisait sept ans que les hommes n'avaient plus le droit d'en regarder d'autres, et quand bien même il ne s'était pas senti concerné, Celyn avait entendu, lu, constaté même au sein de Rosier Events, en voyant disparaître un employé, les conséquences directes, et définitives, de cette loi qui avait incité Aloysius à retenir Celyn, un soir après le dîner. Tout était différent pour ceux de leur classe, bien entendu – et pourtant son père l'avait regardé avec dans les yeux une inquiétude sensible : let's all be careful.
Il avait cru, jusqu'alors, que son conseil visait à protéger d'abord ses frère et sœurs (et lui-même, aussi) – Celyn comprenait maintenant, dans les yeux d'Ezekiel, qu'il s'appliquait d'abord à lui.
”I didn’t think you’d come back either.” Un souffle tendre, une caresse sur sa peau fraîche ; Celyn se raidit sous la vague de chaleur fleurissant à même son plexus, y embrassant le ton intime sur lequel Ezekiel lui répondait, se perdant pleinement dans ses yeux noirs. ”But here you were. And it felt like seeing for the first time something that had been right in front of my eyes the whole time. Ignoring it felt foolish at the time. Now, it just feels… impossible.” Impossible. C'était ce qui se passait, là, sur l'instant, qui était impossible ; la raison froide de Celyn, tentant vaillamment de se faire entendre, fut prise dans la spirale tournoyant lentement au creux de son torse. Impossible... Pour qu'un homme comme Ezekiel juge qu'il était impossible d'ignorer ces sentiments (il n'y avait pas d'autres mots), en dépit du danger de ces derniers, alors c'était qu'ils ne couraient aucun risque capital – car aucun risque aussi grand ne valait d'être couru, en dépit de la force et de la constance de ces émotions humaines qui les liaient l'un à l'autre.

... be careful. Toujours, à l'arrière de son crâne, le souffle inquiet d'Aloysius ; et les yeux de Celyn glissèrent sur les lèvres d'Ezekiel, sur lesquelles il se pencha avec précaution, une fébrilité délicate qu'il retrouva dans ses yeux, tandis que le sorcier se penchait de la même façon. Il trouva sa bouche le souffle court, son cœur marquant un rythme inconnu, qu'il découvrit dans la douceur de ce contact bouleversant.

C'était tout autre chose que d'embrasser de parfaits inconnus au détour d'un verre d'alcool moldu, ou ces baisers gauches à Poudlard – rien ne les unissait d'autre que leur nature secrète, interdite, à travers les décennies de ces brèves étreintes, toujours uniques.
Contre Ezekiel, Celyn trouva une tendresse qu'il n'aurait jamais cru effleurer un jour : l'écho de lointains souvenirs, la caresse perdue de sa mère contre son front, la pression chaleureuse des lèvres de son père dans ses cheveux, l'éclat de rires lui tirant un sourire discret, un rayon de soleil d'été coulant sur sa peau, le frottement lisse d'Écaille sur sa nuque – tout, et même au-delà, réuni dans un seul et chaste baiser. Un amour ancien, morcelé et oublié dans les recoins de son être, que faisait remonter en lui le souffle de Zeke contre le sien.

Sa main s'était posée sur le haut de son torse, se rendit-il compte en rompant l'échange, retrouvant le regard d'Ezekiel, tout proche ; et la gêne prit le pas sur cette foule d'émotions brutes, inhabituelles, le faisant ciller en sondant ses iris bruns, lui arrachant un souffle fébrile, le début d'une expiration embarrassée, émue, également inquiète à la fois. Il y eut une brève seconde de latence, et Celyn déglutit sa salive sèche en baissant les yeux sur la chemise fine que portait Ezekiel, sa main moite quittant son torse pour se poser sur sa propre jambe, un retrait pudique qui n'en restait que léger, comme l'indiquait la présence de son autre main sur et dans la sienne, qu'elle n'avait pas quittée. ”We're engaging in something very dangerous”, parvint-il enfin à dire sur un souffle bas, les yeux brillants d'une lueur inédite, revenant à ceux d'Ezekiel pour les parcourir avec une lenteur avide, comme s'il les découvrait pour la première fois – c'était le cas, en un sens, à la lueur de cette affection assumée, cristallisée dans ce baiser tendre qui lui pressait encore le cœur. ”We'll have to be discreet, and extremely careful.” Ezekiel en était conscient, autant que lui et plus que personne ; Celyn énonçait des évidences destinées à se rassurer d'une voix basse et fébrile – tout était si nouveau, teinté de ces nuances émotives qu'il rationalisait depuis toujours, ancré à sa réalité carrée, solide, où l'intellect primait sur les lois du cœur.

Et puis il y avait ces craintes, les autres, celles qui accompagnaient ses nuits et ses jours les plus noirs, latentes et tapies dans l'attente de ces heures sombres– Celyn les tut en scellant ses lèvres, pour masquer le gouffre qui lui fendait le torse, menaçant d'engloutir la chaleur de la fleur qu'avait fait naître Ezekiel dans sa poitrine. Il se contenta de ses yeux, rivés dans les siens en une expression incertaine – quand bien même il était convaincu qu'ils pourraient, s'ils le souhaitaient, en lui enserrant doucement la main.

Is this what you want?

La demande naïve, simple, resta coincée dans l'éclat de son regard – et lui ? Il n'était pas certain d'avoir le courage, lui-même, de pouvoir répondre à cette question, perclus de ces craintes, dont la première était la puissance de cette chaleur persistant contre sa bouche, et dans son cœur, un aperçu de ce qui les attendait vraiment.

Fréquenter Celyn, autant lors de leurs dîners à l’apparence innocente que, plus récemment, chez l’un ou l’autre dans un contexte plus intime, revenait déjà pour Ezekiel à embrasser avec précaution une humanité qu’il a tant peiné à déconstruire par le passé. Voyager avec Celyn, son âme fondue dans la sienne, leurs peaux unies, leurs essences mêmes confondues à cette frontière entre le tangible et l’invisible, a posé un sceau sur ce qui les uni, cristallisant ce qui était déjà parfaitement dessiné dans la poitrine d’Ezekiel.

Embrasser Celyn, néanmoins, lui apparaît bien au-delà de ce qu’il était prêt à risquer dans cette relation à demi-mots, cette proximité suivant une fréquence unique, mais suivant des contraintes qui n’apparaissaient comme telles tant qu’Ezekiel n’avait encore réellement découvert la tendresse des lèvres de Celyn contre les siennes. Embrasser Celyn revient à renouer avec quelque chose de plus enfoui encore que son humanité, avec la dangerosité de cet abandon et de ces envies vertigineuses qu’il récolte à même son souffle court. Cela fait des années qu’Ezekiel n’a pas écouté cette voix étouffée, bâillonnée au fond de son être, sa captivité la raison même d’une vie confortablement solitaire ; en se laissant aller à ce baiser étourdissant, il peut l’entendre de nouveau, ce murmure familier portant les mêmes teintes que sa propre voix, couvrant le brouhaha frénétique dans son torse, où se pose la main de Celyn.

Et il s’y abandonne, parce que le Rosier efface de la douceur chaste de son souffle les craintes qui pourraient se trouver dans le sien ; embrasser Celyn est aussi censé et naturel que de nouer leurs esprits au-delà du voile.

Une inspiration brève franchit ses lèvres entrouvertes lorsque le baiser est rompu, et les yeux de Zeke s’ouvrent sur le regard brillant de Celyn accroché au sien, injectant une dose supplémentaire de réalité à cet échange rompu, mais presque encore tangible contre sa bouche qu’il referme en détaillant ses traits. Pour la première fois de sa vie, peut-être, aucun mot ne cherche à remonter le long de sa gorge, toutes ces paroles bloquées dans sa poitrine où se joue quelque chose de plus grand que lui, que Celyn, qu’eux. ”We're engaging in something very dangerous.” Le mot est même faible, comparé au risque qu’ils sont en train de prendre, ce danger au cœur même de ces échanges platoniques qu’ils peuvent avoir depuis toujours. De nombreuses fois les rouages de l’esprit d’Ezekiel se sont automatiquement penchés sur cette problématique, pour arriver toujours à la même conclusion : il tient bien trop à sa vie, à son statut, à sa position, à son entreprise pour regarder un autre homme et embrasser la trivialité inutile qu’il a connue par le passé que de s’engager dans plus que de l’innocente séduction.

Rien ne lui semble trivial, en sondant les ondes sombres du regard de Celyn, en sentant ses doigts dans les siens, et la saveur de ses lèvres toujours présente sur les siennes. Ignoring it now just feels impossible.

”We'll have to be discreet, and extremely careful.” Évidemment ; l’existence d’Ezekiel repose sur ces piliers, et il ne pourrait en être autrement dans le cas présent comme dans un autre, ils ne peuvent tout perdre, l’un comme l’autre. Une faible expiration s’échappe d’entre ses lèvres étirées en un sourire fin, sans aucune once d’amusement néanmoins, l’émotion lui enserrant la gorge audible jusque dans sa voix basse. ”Danger and cautiousness are things we've been navigating through quite successfully lately.” Le seul fait que Celyn se trouve chez lui, ce soir, à loger dans l’aile réservée aux invités de sa demeure en est la preuve ; et qu’ils pratiquent une magie mécomprise dans la majorité du monde sorcier, dangereuse elle aussi, dans le plus grand secret, en est une plus grande encore.

Mais comme avec tout, le doute n’a pas sa place dans l’esprit d’Ezekiel, pas quand une décision a été prise, en témoignent ces rituels auxquels il se rend sans hésitation, lui volant avec une lenteur qu’il n’est pas encore capable de ressentir la force de ses muscles. En témoigne également sa main dans la sienne et ses yeux toujours fermement ancrés à ceux de Celyn, ainsi que ce soutien qu’il a promis de lui apporter dès le premier jour, une promesse rafistolée par la force des choses mais solide et tenue. ”Unknown too.” En dépit du fait qu’il n’a pas (ou plus) exactement la sensation de se jeter dans l’inconnu ; il a pu effleurer dans ce baiser, ou même dans ce contact de sa peau contre la sienne, ce vers quoi ils se dirigent, un aperçu aussi bref que tenace, fermement accroché à la conviction qu’il sait ce qui les attend. ”And that’s one of many risks I’m willing to take”, poursuit-il sur ce même ton bas, intime, son sourire ayant disparu de ses lèvres pour faire de nouveau place à cette émotion éclatant sous sa peau. Celyn a toujours été un risque, dès les premiers instants, et surtout depuis son réveil, où miser sur son rétablissement revenait, cette fois-ci, à plonger dans le vide. Ezekiel comprend mieux, désormais, pourquoi il a souhaité le prendre ; il savait avec assurance que les raisons de cet investissement viendraient à lui un jour ou autre, simplement pas sous cette forme surprenante.

”As long as we trust each other to understand the gravity of this risk, I’m quite confident we’ll manage this as successfully.” Il s’agit d’un pari, encore un, dont l’issue est presque certaine cependant, du moins pour Ezekiel - il a pleinement confiance en Celyn, et sa compréhension de ce danger qu’ils embrassent, ensemble, leurs regards unis sous la lumière feutrée du salon.

Il y avait une douceur veloutée dans la voix basse d'Ezekiel, différente, que Celyn n'avait entrevue que par brefs éclats en de trop rares occasions ; des accents de tendresse étouffés pour lesdites raisons qu'ils évoquaient sur l'instant, et qui ressortaient désormais dans le souffle du sorcier comme autant de caresses cherchant à apaiser ses craintes. Malheureusement, les peurs de Celyn étaient profondément enfouies en lui, imprimées même à son corps froid – se déroulait en lui une bataille muette entre ses incertitudes d'anxieux et la tiédeur enserrant son cœur encore fébrile du baiser qu'ils venaient d'échanger.

Il avait embrassé Ezekiel. Enfin – Celyn cilla légèrement devant la réalité de ce geste irréel, et ce qui ressemblait au soulagement d'avoir pu trouver de nouveau le chemin de ses lèvres, qu'il avait cru condamné jusqu'alors. ”Danger and cautiousness are things we've been navigating through quite successfully lately.” ”We have”, reconnut-il sur le même volume, accroché aux yeux brillants d'Ezekiel, une lumière similaire à sa présence éthérée dans l'Invisible, baignant dans la chaleur sèche de sa paume contre la sienne, bien trop conscient de l'humidité légère et naturelle de sa propre peau. ”Unknown too.” Il n'était pas certain de pouvoir encaisser plus d'incertitude et d'inconnu désormais ; son regard chuta jusqu'à la chemise colorée d'Ezekiel devant ce lourd constat, s'empêchant de dégringoler d'avantage et de céder à sa mélancolie habituelle, retenu par le souffle invisible qu'Ezekiel diffusait contre sa chair (et contre ses lèvres, encore). ”And that’s one of many risks I’m willing to take.” Ses yeux remontèrent de nouveau jusqu'aux siens, tirés vers le haut par cette main dans la sienne. Ezekiel lui avait promis qu'il ne le laisserait pas – plus, pour des raisons qui l'impliquaient trop personnellement pour être ignorées.

Et lui ? S'interrogea-t-il de nouveau en sondant le regard sincère d'Ezekiel, était-il prêt à prendre ces risques lourds de conséquences, inconnus, égoïste ? Il était étrangement dur de penser sans l'écho des voix dans son crâne – il était toujours plus complexe de penser par soi-même au-devant d'un tournant crucial de l'existence, plutôt que de suivre les conseils furieux de ces fantômes.

Sitôt qu'il voix reviendraient (car elles reviendraient, il en avait la conviction intime, comme soufflé par l'Invisible sous sa peau, comme Ezekiel le lui avait fait comprendre à demi-mots, avec les pincettes polies qu'il empruntait avec lui), on lui reprocherait de s'être laissé aller à un moment de faiblesse dans les bras d'Ezekiel Zabini, à un stupide élan du coeur au lieu de se consacrer à Caesar, à Jeong-Hee, à aider Ben à la direction de l'entreprise, et même à prendre soin de sa propre santé. Était-ce seulement la bonne chose à faire, le bon moment ? I wish there was, but there is no such thing as « the right time » or « the right thing ». You will always know you're making a mistake for sure only once you are making it, or worse, after you've made it. Celyn doutait que son père, précautionneux dans le choix de ses mots et dans la pertinence de ses interventions, lui ait jamais dit une chose pareille... Qu'importait ; tout conseil, même recréé par son esprit endormi par le déni, était bon à prendre à l'aube d'un changement crucial à sa vie. ”As long as we trust each other to understand the gravity of this risk, I’m quite confident we’ll manage this as successfully.” La confiance d'Ezekiel suintait jusque dans la douceur de ses mots ; Celyn, qui peinait à faire preuve de la même sur l'instant, baissa les yeux sur leurs mains jointes. Ses doigts s'étaient crispés sur ceux du sorcier comme pour s'y retenir, traverser avec lui cet instant trouble et confus. ”There are so many things at stake...” Le danger de la loi, les mensonges que tout cela entraînerait, les risques de voir son cœur morcelé de façon très personnelle, celui d'une arnaque de longue haleine tissée par Ezekiel, que ce dernier découvre chaque parcelle de son être, jusqu'aux plus secrètes, jusqu'à cette tristesse infinie, quasi-intrinsèque, qui lui dévorait silencieusement le corps depuis l'enfance – qu'il finisse par le haïr et le pousse au fond du gouffre, lui aussi.

Son souffle se perdit entre eux, en retrouvant les pupilles noires d'Ezekiel. Lui aussi, avait tout à perdre ; et il avait pris plus de risques en l'espace de deux mois que Celyn n'en avait jamais pris dans son existence. Pour lui – entre autres choses, mais pour lui, avant tout. ”This won't be easy, at all,” reprit-il sur le ton qu'il avait précédemment employé, retournant sur ces précautions répétitives, inutiles, et pourtant nécessaires dans son esprit tourmenté, sans savoir s'il s'adressait plus à lui ou à Ezekiel, laissant une seconde filer devant la prise de conscience qu'il radotait nerveusement ; puis il cilla, et ajouta avec une expression sérieuse, presque fataliste au visage : ”But I'm afraid I want to be with you.” Depuis les tréfonds de son être, au-delà de ses craintes lui mordant le cœur ; la sincérité de ses propres mots lui coupa le souffle, peu habitué à ces élans d'honnêteté brut. ”For as long as can be, if you let me.” Et ses doigts revinrent chercher le contact, comme cherchant un soutien face à la vague d'émotions trop fortes pour lui, sa main instaurant le haut de son torse en un geste fébrile, encore incertain, n'osant empiéter sur ce corps qui n'était pas le sien.

À l'assurance dont Ezekiel fait preuve en toute situation, Celyn oppose un regard confus qui se dérobe au sien quelques instants. Il ne pourrait pas se permettre de lui en vouloir, si ce risque apparaissait comme trop important aux yeux de son invité pour être pris - ni se permettre d’en souffrir, de fait. ”There are so many things at stake...” Et c’est bien pour cette raison. Demander à Celyn de risquer sa vie, en un sens, pour quelque chose d’aussi trivial et secondaire qu’une relation pour explicite, n’est en aucun cas raisonnable ; tout comme il n’est pas raisonnable pour Zeke de s’y jeter avec cette confiance qui le caractérise. Non, il n’y a rien de raisonnable à embrasser ces sentiments lourds qui se sont cristallisés dans son torse au fil des mois, des années, pour revêtir un visage encore différent ce soir. Mais l’homme d’affaires sait mieux que quiconque que certains risques valent le coup d’être investis - et cela fait longtemps qu’il a saisi que Celyn rentrait dans cette catégorie.

Et si Celyn n’était pas prêt, lui, à signer cette inattendue et nouvelle clause de ce contrat intangible qui s’est rédigé entre eux au fil du temps ? Ezekiel ne pourrait que s’y tenir. Il n’a en vérité jamais désiré autant de lui - sa main dans la sienne, son souffle sur son visage, ses lèvres contre les siennes, ouvrir une parcelle de son esprit pour lui livrer ce qui se cache dans sa poitrine. Il n’aurait pas d’autres choix que de relâcher sa main et de retourner à ce qu’ils ont eu pendant longtemps : cette relation à mi-mots, platonique et distante. Il pourrait, et il devrait. Mais la perspective d’un retour en arrière, maintenant qu’il a goûté à la tendresse de l’essence de Celyn, fondue dans son âme ou à même sa bouche, lui semble étrangement désagréable, presque douloureux.

”This won't be easy, at all. − Well, we’re not the type to play easy”, répond instinctivement Zeke sur ce même ton de confidence en retrouvant le regard de Celyn rivé dans le sien, se permettant de détailler la lueur confuse, et presque agitée qui s’y loge. Il y trouve également autre chose, une émotion différente et inédite, semblable à celle brillant au fond de ses pupilles, une certitude similaire à celle qui s’est perdue dans leurs mots et cet échange bien trop sincère qu’il n’aurait jamais cru pouvoir avoir - avec qui que ce soit, autant qu’avec Celyn. ”But I'm afraid I want to be with you. For as long as can be, if you let me.” Ezekiel parvient à ne pas ciller au devant de cette déclaration sensiblement explicite, ses yeux restant ancrés à ceux de son vis-à-vis ; néanmoins, il est incapable de contrôler son souffle lui manquant sur l’instant. With you. Deux mots rendant cette situation incroyablement réelle et précise, qui se dessine dans l’esprit organisé d’Ezekiel sous le ton grave de Celyn, ce dernier joignant les gestes à la parole lorsqu’il vient étendre sa paume sur le haut de son torse ; son coeur se presse aussitôt contre sa cage thoracique, cherchant lui aussi à se fondre dans ce contact si singulier. ”For as long as can be”, répète-t-il à voix basse, scellant cette promesse qu’ils échangent pour de bon, simple et pourtant porteuse de tant d’implications et de responsabilités, pour l’un comme pour l’autre.

Ses doigts se sont refermés sur le dos de cette main investissant le haut de sa chemise, pour mieux cristalliser ces mots, qu’il prononce les yeux dans les siens, un lien de plus entre eux. For as long as can be. Ezekiel sait que cette mesure est incertaine, pour avoir vécu la même certitude aveugle dans sa jeunesse ; mais Celyn n’est pas Oscar, et lui-même n’est plus le jeune et naïf entrepreneur déraciné prêt à se laisser emporter par un courant qui ne lui convient pas. Celyn lui convient, et Celyn n’est pas Oscar. Celyn n’est pas Oscar, Celyn n’est pas Oscar, et Ezekiel a besoin de se le répéter en secret une dernière fois pour permettre à un sourire discret de naître sur ses lèvres, tandis que son regard tombe sur celles de Celyn, vers lesquelles il finit par se pencher pour revenir sceller ce for as long as can be en un baiser plus assuré mais tout aussi tendre que le précédent, ses doigts relâchant les siens pour glisser dans son cou et venir chercher la tiédeur fraîche qui s’y trouve.

Retrouver les iris sombres de Celyn revient à prolonger ce baiser qu’il peut encore ressentir contre sa bouche conservant la saveur de la sienne. Une expiration basse lui échappe, sous l’intensité de ces échanges et de ce moment crucial qu’ils sont en train de vivre, venant chambouler leur existence, probablement à tout jamais. Sa main quitte la peau de son cou pour glisser sur la naissance de son épaule, ses doigts s’étendant sur le tissu fin de son cardigan sur lequel Ezekiel baisse les yeux une brève seconde, avant de les remonter jusqu’à son visage. ”Now is probably the time I must act as a reasonable host, and offer to walk you back to your room”, dit-il doucement, son sourire remontant jusque dans sa voix basse, et dans son regard duquel il caresse les traits de Celyn avec une tendresse non dissimulée. Il n’a, en vérité, aucune envie de rompre ce moment, et de quitter les eaux confortables de leurs confidences et de leurs baisers. Si l’opportunité lui était offerte, probablement Ezekiel passerait-il la nuit sur cette banquette, aux côtés de Celyn, à tenir sa main et à baigner dans la lueur nouvelle de ses pupilles. Mais c’est avec ce sens des responsabilités et sa définition propre de ce qui est raisonnable qu’il lui fait cette proposition - et surtout, avec l’assurance que ce moment vivra éternellement, ou du moins for as long as can be, qu’ils emporteront avec eux en quittant le petit salon, et qui existera toujours demain matin, quand il retrouvera Celyn. ”Would you let me?”, finit par demander Zeke en reprenant sa main sur son épaule en un geste pudique, pour mieux venir la refermer sur les doigts de son invité, toujours liés aux siens, sa paume complétant cet étau autour de la main de Celyn.

"For as long as can be." C'était un autre oui, porté depuis le regard d'Ezekiel jusqu'à ses lèvres dénuées de sourire - une étrangeté témoignant de la sincérité de cet instant presque solennel. Dire qu'Ezekiel ne faisait pas partie de ceux planifiant sur le court-terme était un formidable euphémisme, voire une profonde abberation ; l'entendre sceller de sa voix basse, éloignée des accents enthousiastes de ses atours de businessman, ce contrat privé et intime, à la durée indéfinie, se trouvait néanmoins être, comme Celyn le découvrit en cillant, une douceur qui étouffa l'espace d'un instant ses craintes et sa méfiance de toujours. Son coeur pressa doucement l'allure en le voyant baisser les yeux sur ses lèvres, et il accueillit le second baiser avec autant de fébrilité que le premier, son souffle rendu court sous le raté soudain dans son torse ; jusqu'à sentir les doigts d'Ezekiel étreindre sa main à même son coeur, les vibrations de ce dernier absorbées par ses sens tactiles aiguisés par la présence d'Ecaille, puis dans son cou. Son contact et sa tendresse étaient autant d'invitations à se laisser aller à ce baiser plus confiant, plus franc ; Celyn sentit fondre une raideur inscrite depuis si longtemps à même ses os qu'il en avait oublié la présence.

L'impression de ses lèvres contre les siennes l'accompagna jusque dans l'après, lorsqu'il rouvrit les yeux pour retrouver son visage, bercé un instant par la chute douce de sa main sur son épaule. "Now is probably the time I must act as a reasonable host, and offer to walk you back to your room." Le regard de Celyn parcourut brièvement les traits d'Ezekiel - le fourmillement nouveau dans son abdomen vacilla sous la torsion inquiète de cette surprise presque malvenue. Ils n'avaient même pas bu leur thé, il était désespérément tôt - et ils se trouvaient à l'aube d'une relation désespérément dangereuse, aux conditions inconnues ; Celyn s'était attendu à discuter longuement de leur plan jusque dans les détails les plus prosaîques, et se retrouva coi d'être confronté à une pause prématurée, brusque, le chamboulant alors qu'il venait tout juste de lâcher le bord pour s'avancer de sa démarche anxieuse et peu assurée. "Would you let me?" Il y eut une brève seconde de battement, le temps pour Celyn d'ordonner les pensées qui s'agitaient sous son crâne, tandis qu'il glissait un regard à leurs mains liées, celle d'Ezekiel se posant sur la sienne pour l'entourer parfaitement de ses paumes.

"Already?" Il releva les yeux vers lui, chassant la désagréable impression d'être un enfant refusant d'aller se coucher à l'heure appropriée, ajoutant rapidement pour ne pas laisser également à Ezekiel cette image immature de lui : "I thought we could talk a bit more, if you aren't called somewhere else just yet." Un peu, comme une heure, peut-être plus ; le temps qu'il faudrait pour mettre les termes de leur union à plat. Il récupéra sa main, laissée sur son torse, pour la poser sur sa propre jambe. "I have never been with someone, il pouvait entendre son coeur battre sourdement devant cette confidence qu'il n'avait jamais eu à faire à haute voix - tout le monde chez Rosier savait ce qu'il en était depuis longtemps, et personne d'extérieur aux siens n'avait eu l'occasion de s'immiscer dans ses affaires privées, "and I must confess all this novelty is quite unsettling still, though we made our intentions clear." Our affection, vit-il briller dans les yeux d'Ezekiel qu'il sondait avec une interrogation pudique. "I know you wouldn't sign a contract without having a clear idea of how things are going to come into motion." Celyn baissa les yeux sur leurs mains, s'humecta les lèvres, puis releva le regard tout aussi rapidement, en un battement de cils. "Would you like to see me often? I gather meeting here would be for the best, until I get familiar with my new place, and once I'm well we could finally go out again aswell..." Il eut un imperceptible froncement de sourcils, déroulant le fil de ses pensées nerveuses où avaient fleuri mille questions pratiques, personnelles, déroutantes - des questions qu'il n'avait jamais eu à se poser auparavant, son regard allant et venant dans les pupilles noires d'Ezekiel. "Are there times my presence would be a bother? Do you like to be kissed much, or touched?" Celyn sentit ses joues rosir, au-devant de ce touched final entre eux, son regard coulant malgré lui sur ses lèvres, avant d'être repris avec rigueur par le reste de son corps, retrouvant les yeux du sorcier. "Are there things you don't like, or, on the opposite, things you expect in a relationship?" Ses doigts anxieux se refermèrent sur son propre genou, guettant les réponses sans savoir exactement à quoi s'attendre, sur l'instant ; c'était un embarras certain, mais nécessaire, de devoir lui poser ces questions dignes d'une interview de Witch Weekly pour ce bachelor américain qui, de fait, n'en était plus vraiment un.

Déjà, dans cette quasi imperceptible surprise qui s’installe sur les traits de Celyn, ainsi que dans ces quelques secondes de silence suivant son invitation, Ezekiel peut sentir qu’elle risque de se voir refusée. ”Already?” Le souffle d’Ezekiel s’interrompt, un bref instant, sous l’impression d’avoir donné celle à son invité qu’il cherche à se débarrasser rapidement de lui. Et peut-être, en un sens est-ce le cas, qu’il préfère s’arrêter à cet échange-ci pour ce soir, le temps de digérer ces nouvelles informations (qui n’en sont pas réellement, tant elles étaient une évidence pour l’hommes d’affaires, qui ont néanmoins été confirmées et actées). Bien sûr, la perspective de passer le reste de la soirée aux côtés de Celyn est absolument délicieuse, et si une partie de lui aimerait s’y laisser aller, une autre, plus raisonnable, plus forte et protectrice, l’enjoint à ne pas s’exposer davantage.

Et la surprise de Celyn est un rappel qu’il n’est pas seul dans cette situation. Et il ne s’agit pas d’un exercice mental aisé pour lui, qui ne jette jamais qu’un regard vers ses propres intérêts, ou ressentis dans ce cas précis, et qui s’est promis il y a longtemps de cela de ne prendre en compte que sa propre personne. Ce n’est plus une possibilité, à la lumière de ce qu’ils viennent d’échanger avec Celyn ; Zeke en prend tout juste conscience, et ses yeux s’arrondissent légèrement sous la surprise qu’il ressent lui-même d’être ainsi rattrapé, presque pris la main dans le sac à déjà chercher à se soustraire à la plus simple des convenances : respecter le sorcier, et lui offrir un espace nécessaire dans ce qu’ils s’apprêtent à bâtir. Mais où débute le respect pour l’homme qu’il veut voir prendre une place privilégiée dans sa vie, et où s’arrête celui qu’il doit conserver pour lui-même ? Une question dont la réponse ne s’impose à lui, mais qu’il sait devoir étudier avec précaution, quand par le passé cette frontière n’a été définie, et surtout bafouée. Celyn n’est pas Oscar. ”"I thought we could talk a bit more, if you aren't called somewhere else just yet. − Of course”, acquiesce Ezekiel dans un faible sourire, presque pincé, en se redressant légèrement face à Celyn, sans néanmoins relâcher sa main, qu’il tient toujours entre les siennes.

”I have never been with someone, and I must confess all this novelty is quite unsettling still, though we made our intentions clear.” Il n’y a rien de surprenant à ce que lui révèle Celyn, quand bien cet aveu sur le ton d’une confidence soulève légèrement le coeur de Zeke, battant toujours sur ce rythme irrégulier au-devant de ces émotions qu’il ne s’était permis de ressentir avec une telle intensité jusqu’alors. Rien de surprenant, non ; il est dans un premier temps conscient de leur différence d’âge, aussi insignifiante soit-elle à ses yeux. De plus, ses recherches poussées sur la famille Rosier en arrivant au Royaume-Uni, puis au fil des ans, lui ont rapporté qu’aucune relation n’a été officialisée par le passé entre Celyn et qui que ce soit. Quant à la possibilité qu’il ait eu des relations moins officielles, elle lui a évidemment frôlé l’esprit ; avant d’être quasi-écartée en apprenant à le connaître, et en commençant à le fréquenter de manière parfaitement informelle et indéfinie. Cependant, en avoir la confirmation, de ses propres mots, lui souffle un soulagement inattendu, dont il ne saurait définir la source avec précision. ”I know you wouldn't sign a contract without having a clear idea of how things are going to come into motion.” Un nouveau sourire étire discrètement les lèvres d’Ezekiel ; Celyn sait très bien à qui il s’adresse, et comment l’inciter à avoir cette conversation, pour le moins unsettling pour lui également. Non pas par manque d’expérience, de son côté, mais bien à cause de son expérience, justement. ”You’re not wrong”, avoue-t-il en penchant la tête sur le côté dans un haussement de sourcils. Non, il ne peut décemment pas garder pour lui les termes déjà définis de ce contrat-ci, dans le secret de son esprit - il n’est plus seul, encore une fois, et il doit cela à Celyn, une communication claire et transparence, nécessaire pour les deux parties impliqués.

La vulnérabilité et nervosité de Celyn sont visibles dans le ballet de son regard, alternant entre leurs mains jointes et les yeux d’Ezekiel, résolument rivés sur son visage ; celle de Zeke, elles, si elles ne transpirent peut-être moins, restent inscrites partout sur lui - dans son immobilité, dans la stabilité de son regard, dans son silence, attendant patiemment ces termes que son invité voudrait voir levés ou apposés sur leur contrat. ”Would you like to see me often? I gather meeting here would be for the best, until I get familiar with my new place, and once I'm well we could finally go out again aswell… Are there times my presence would be a bother? Do you like to be kissed much, or touched?” Peut-être était-ce cette question, qu’Ezekiel redoutait plus que les autres - sûrement, même, tant elle le déstabilise lorsque Celyn la lui pose en rougissant légèrement. Elle le déstabilise, parce que la réponse n’est en rien évidente ; mais elle ne l’effraie étrangement en aucun cas. Le simple fait que Celyn prenne la peine de lui demander en amont est, de fait, terriblement rassurant. ”Are there things you don't like, or, on the opposite, things you expect in a relationship?” Relationship. Le mot résonne dans sa boîte crânienne, autant que dans son torse, où son cœur presse doucement l’allure, buttant contre ce I want to be with you qu’a pu lui dire Celyn un peu plus tôt. Sous ces mots, sous ces questions, leur situation prend doucement forme dans l’esprit d’Ezekiel, désespérément peu habitué à l’inattendu - et de toute évidence, peu préparé à cet imprévu, qui vient sensiblement chambouler ce qu’il s’autorisait jusqu’alors.

”You do have a lot of questions”, dit Zeke d’un ton faussement léger en souriant de plus belle - en vérité, une introduction vaine pour se donner le temps d’organiser ses pensées. Ses doigts se resserrent doucement sur ceux de Celyn, en une pression semblable à une caresse, avant de reprendre l’une de ses mains, un outil nécessaire pour lui, pour s’exprimer avec confort. ”That’s perfectly understandable, and probably for the best to review any specifics before moving forward.” Sa voix revêtirait presque ce ton plus sérieux et formel qui s’y glisse naturellement lorsqu’il s’agit de négocier - presque, si elle n’était pas foncièrement teintée par une émotion nouvelle et sensible, cette tendresse similaire à celle présente dans son regard lorsqu’il détaille les traits de Celyn. ”First thing first: if you agree, then yes, I would prefer meeting here. I’m afraid I would not be entirely comfortable meeting anywhere else, really, for this place is an impenetrable fortress and would keep our secret well hidden.” Parce qu’il a le contrôle intégral sur les sortilèges protégeant son palace, ainsi que sur son personnel, Ezekiel n’envisage pas un seul instant retrouver Celyn ailleurs qu’entre ces murs rassurants, bâtis à son image. ”I’m talking about private meetings, of course. You know more than well I’m fond of having dinner outside with you”, précise-t-il avec une expiration légère en ayant un discret mouvement de la main dans sa direction pour souligner ses paroles - un aveu dont il ne s’est jamais réellement caché. ”But I already told you, and I didn’t mean it lightly: you’re home here. Never your presence will be a bother, quite the opposite, actually. You can stay here as long and as much as you want, and if what you want is being here everyday, so be it. I would just kindly ask you to let me know ahead when you want to come, so I can make sure I can grant you access and, well, spend time in your company.” Et peut-être parce que, comme Celyn le sait parfaitement, Zeke a un besoin maladif de pouvoir s’organiser en amont - il lui serait aussi désagréable de savoir Celyn à la porte, que de devoir annuler à la dernière minute un rendez-vous professionnel sous l’imprévu d’une visite surprise du Rosier.

”As for the rest...” Maintenant que ce détail logistique est réglé, Ezekiel se retrouve face à un océan d’incertitudes. Do you like to be touched? Cette question-ci est pour le moment évincée, du moins soigneusement contournée dans un premier temps ; s’en approcher de trop près le plonge dans un inconfort qu’il ne vaut mieux pas inspecter pour l’instant. Il est préférable de se tourner vers ce qui se dessine comme des évidences pour lui, et qui le sont probablement également pour Celyn - peu importe. ”There’s not much I will be expecting from you, other than what we already have. Trust, respect for each other’s desires and boundaries, probably patience as well”, abat-il d’une voix plus basse, retrouvant cette vulnérabilité à mesure qu’il s’approche de ces sujets plus intimes, privés, tandis qu’il repose sa main sur le dos de celle de Celyn, sans avoir décroché son regard du sien un seul instant. ”You are well aware my work is above any aspect of my life, and that might be one of the things I will need you to respect, even though I’m not really worried about that.” Ezekiel ne doute en effet pas : il sait que Celyn comprend, et qu’il ne lui demandera jamais de devoir faire un choix entre la stabilité qu’il trouve dans son travail, et la nouveauté vers laquelle ils se dirigent. ”Other than that Celyn, really, mainly, I just want to be with you. Having you by my side as much as possible would be way more than I could dream of already.” Un sourire tendre se creuse sur son visage alors que sa voix retombe, baissant un instant les yeux sur leurs mains jointes, caressant distraitement le dos de celle de Celyn de son pouce. ”What about you? Is it how you had envisioned this? Is there anything you’d like to specify or come back to? Any expectations on your end I haven’t mentioned? ”, demande-t-il en relevant ses yeux vers Celyn, cette nervosité toujours présente sous sa peau en lui rendant ainsi la parole, étourdi simplement par ce qu’ils échangent - et appréhendant, peut-être, une dissonance entre ce qu’il attend de Celyn, et ce que Celyn pourrait attendre lui.

”You do have a lot of questions.” Celyn balaya du regard les traits faussement légers du visage d'Ezekiel, peu déphasé par cette remarque et son sourire appuyé - s'il avait, en effet, posé certaines questions avec nervosité, elles étaient nécessaires, si ce n'était cruciales, et il attendait sa réponse avec un sérieux visible jusque dans la tension des muscles de sa mâchoire. ”That’s perfectly understandable, and probably for the best to review any specifics before moving forward.” Les yeux de Celyn restaient accrochés aux siens, sa main dans la sienne, l'observant avec attention déployer l'introduction précédant toute discussion d'affaire - c'en était une, à vrai dire, une affaire sensiblement personnelle à traiter avec toutes les précautions dûes à ce dossier particulièrement délicat. C'était la première fois, néanmoins, que le sorcier entendait Ezekiel parler avec une telle tendresse (la différence cruciale entre les affaires professionnelles, et la leur) : il sentit son coeur se presser légèrement, en détaillant discrètement ses traits, devant la beauté raffinée d'Ezekiel, le charme de sa voix basse et claire résonnant dans son torse. ”First thing first: if you agree, then yes, I would prefer meeting here. I’m afraid I would not be entirely comfortable meeting anywhere else, really, for this place is an impenetrable fortress and would keep our secret well hidden. I’m talking about private meetings, of course. You know more than well I’m fond of having dinner outside with you.” Celyn, après une brève seconde de réflexion, marqua son accord d'un discret et bref hochement de tête : il n'y avait pas d'inconvénient à se voir chez lui, où tout pouvait être surveillé, loin des regards indiscrets (en lui faisant visiter, la première fois, Celyn n'avait pu empêcher d'émettre une réserve sur la présence de domestiques impurs, ce à quoi Ezekiel avait répondu qu'ils étaient, eux aussi, parfaitement sous contrôle). ”But I already told you, and I didn’t mean it lightly: you’re home here."

Celyn cilla de nouveau à cette déclaration lourde de sens, avec laquelle il peinait à se sentir en accord : chez lui était la maison Rosier, ses parents et ses (certes insupportables) frères et soeurs - il n'en dit rien, néanmoins, se contentant d'écouter avec ce même intérêt ce qu'Ezekiel avait à coeur, la présence fraîche d'Ecaille un pansement léger sur cette cassure profonde. "Never your presence will be a bother, quite the opposite, actually. You can stay here as long and as much as you want, and if what you want is being here everyday, so be it. I would just kindly ask you to let me know ahead when you want to come, so I can make sure I can grant you access and, well, spend time in your company.” As much as you want. Celyn cacha la nervosité de se savoir désiré en tout temps - tous les jours, s'il le désirait ; l'improbable de cette occurrence le fit se concentrer sur cette dernière demande, hautement compréhensible, au vu de l'emploi du temps et du tempérament d'Ezekiel. "I will." Un engagement sincère, qui entrait d'autant plus en collision avec le terme de home ; on ne s'annonçait pas pour rentrer chez soi, et cette distance supplémentaire rassura légèrement Celyn, étourdi par la perspective de trouver, dans la villa Zabini, un semblant de chez lui. ”As for the rest... There’s not much I will be expecting from you, other than what we already have. Trust, respect for each other’s desires and boundaries, probably patience as well.”

Celyn décela, dans ces mots, dans le contact de sa main sur la sienne, un ersatz de réponse à la plus personnelle des questions qu'il avait posées - une fuite légère, mentionnant les clauses intimes de leur relation en restant loin de cette question autrement plus pragmatique. Comment lui en vouloir ? Si Celyn ne se genait, d'ordinaire, pour revenir sur un point négligé (volontairement ou non) de l'un de ses collaborateurs, insister sur cette question particulièrement personnelle aurait été de très mauvais goût - et particulièrement embarrassant pour lui, presque désarçonné, de fait, d'avoir en premier lieu eu l'audace de la poser, ou d'imaginer ce qu'on aurait pu lui répondre. Il était quasiment certain, de fait, qu'il aurait évité cet écueil de la même façon que le Mangemort. ”You are well aware my work is above any aspect of my life, and that might be one of the things I will need you to respect, even though I’m not really worried about that.” "Indeed", commenta-t-il avec la sobriété qui lui était propre, connaissant à la fois l'appétit féroce d'Ezekiel, en affaires, et les priorités explicites de sa vie professionnelle. ”Other than that Celyn, really, mainly, I just want to be with you. Having you by my side as much as possible would be way more than I could dream of already.” La sincérité de son sourire tendre déroula une langue de chaleur tiède autour de son coeur : c'était la première fois que Celyn voyait cette douceur avec autant de netteté, jusqu'alors de simples éclats dans les sourires d'Ezekiel, et il suivit ce sourire tandis que ce dernier baissait les yeux sur leurs mains jointes, son regard rivé sur le spectacle inédit de sa tendresse. ”What about you? Is it how you had envisioned this? Is there anything you’d like to specify or come back to? Any expectations on your end I haven’t mentioned?”

Desires. Boundaries. Ces deux termes, soulevés par Ezekiel sans savoir qu'il touchait là à un point essentiel dans l'existence de Celyn, revinrent se glisser entre ses côtes en une sensation dérangeante, désagréable, presque. Qu'il en fasse la mention dès leurs premiers pas était, néanmoins, rassurant : tout viendrait avec le temps, les gestes, et si Celyn restait nerveux à l'idée du moment où Ezekiel chercherait à vouloir plus, il croyait assez le connaître pour savoir qu'il ne s'en formaliserait pas (ou ne le montrerait pas en tant que tel, néanmoins).
"You've got most covered thoroughly, and all of the requirements you mentioned are, indeed, appropriate." Contrairement à ceux des négociations dans le cadre de leur profession : Celyn, s'il n'en pensait pas moins, se garda de faire la remarque, la rangeant au côté des autres, celles jugées comme inappropriées, flirtant avec l'impudence, déplacées, inutiles, ou tout bonnemment dérangeantes pour un parti comme pour l'autre. "I'm afraid I don't have anything else to add, as for now", conclut-il en soutenant tout autant qu'en sondant son regard, oblitérant volontairement les interrogations lui tournant en tête, son esprit décortiquant avec une lenteur dûe à la fatigue et aux divers chocs émotionnels du jour, les implications de ces réponses, du choix de certains de ses mots, du sens de ce qui se trouvait entre les lignes : Celyn ne pouvait conclure autrement devant l'inconnu qui se profilait, comprenant que les ajustements viendraient, malheureusement, probablement en temps et en heure. "And I don't have specific expectations either, besides what you have already mentioned, and the obvious fact that both our businesses should stay out of the matter." That Rosier Events should stay out of the matter. Ezekiel savait, pour l'avoir fréquenté lors de leur dîner : ce serait d'autant plus vrai désormais qu'il en portait la responsabilité à moitié, avec Ben. Son pouce glissa sur le sien en une caresse, la première depuis qu'Ezekiel avait repris la parole, se raccrochant à ce contact devant la mention inattendue de l'entreprise familiale, un sujet désagréable qu'il avait évité jusqu'alors, avec tous.

Il détourna le regard vers le plateau sur la table basse, considérant sa tasse où ne manquaient que quelques gorgées ; l'idée du thé lui était passée depuis leurs baisers, et sa main dans celles d'Ezekiel - il était plus agréable de lui prendre la main, se rendit-il compte, que de boire un thé aussi délicieux que le darjeeling qu'il lui avait offert. "I was thinking of going back to work soon." Ses yeux virèrent de nouveau pour retrouver l'onde des siens - prendre ses nouvelles fonctions, avant que les voix ne reviennent. "Next week, part-time at first as the mediwizards won't allow it otherwise." Et il se voyait bien incapable de déroger à leurs recommandations, tant il pouvait encore se sentir faible - petit, inutile.

En n’effleurant ainsi que la surface de ce que peut impliquer et demander une relation aussi personnelle, et dangereuse, qui plus est, de par sa nature illégale, Ezekiel peut tout de même voir se mettre en place les fondations de quelque chose de plus grand, de différent, de nouveau - sans l’être réellement, pour lui, du moins, tout en l’étant terriblement à la fois. Et si son esprit empêtré dans une nervosité latente le lui permettait, probablement serait-il même reconnaissant envers Celyn de l’avoir arrêté dans sa fuite pour les forcer à poser les premières pierres de cette nouvelle direction qu’ils se voient emprunter. Cette direction-ci est distincte de la précédente, celle appartenant à son passé, sans aucune doute - Ezekiel peut le voir, ne serait-ce qu’au travers de ces nombreuses questions et précautions, ainsi que les signes d’approbation discrets de Celyn lorsqu’il lui a répondu en toute sincérité.

Il y a toujours cette possibilité, infime, qu’ils ne soient pas alignés sur leurs attentes, aussi simples puissent-elles être, ou du moins pas sur toutes ; mais la majorité des doutes et appréhensions de l’homme d’affaires ont été avalées non seulement par ces hochements de tête silencieux, mais également par cette intuition qui ne lui fait que rarement défaut, mêlée à sa connaissance du Rosier. ”You've got most covered thoroughly, and all of the requirements you mentioned are, indeed, appropriate. I'm afraid I don't have anything else to add, as for now.” Une onde de soulagement se diffuse dans son torse, comme à chaque fois que tous les termes d’un contrat sont scellés, à la seule différence que celle-ci se trouve être plus intense, se répercutant dans tout son buste et remontant jusqu’à sa boîte crânienne. Il reste néanmoins attentif, ses yeux toujours ancrés aux pupilles luisantes de Celyn rivées dans les siennes. Ezekiel connaît suffisamment son invité pour savoir que cette question écartée avec soin a été notée, et qu’il n’est pas à l’abri qu’elle soit de nouveau pointée - auquel cas, il lui faudra bien trouver une nouvelle façon de la détourner, subtilement, comme toujours. ”And I don't have specific expectations either, besides what you have already mentioned, and the obvious fact that both our businesses should stay out of the matter.” Si le sujet épineux que Zeke cherche à contourner ne revient pas sur le devant de la scène, il se retrouve légèrement surpris par la mention de leurs entreprises respectives - ou plutôt, de Rosier Events, la référence à son appétit féroce et régulièrement dirigé vers l’agence événementielle britannique très claire dans la bouche de Celyn. ”Of course, these are two strictly separate matters”, répond-il en caressant doucement le dos de ses doigts de son pouce, un sourcil haussé sur son front. Cela n’a pas toujours été le cas, Ezekiel lui-même est bien obligé de l’admettre. Et s’il est conscient que leurs vies professionnelles auront une place considérable dans leur quotidien, leur relation, cela fait longtemps que ce qu’il entretient avec Celyn et son ambition de mettre la main sur Rosier Events sont deux dossiers rangés à des endroits opposés - et qu’il n’a aucune intention de les mélanger.

Lorsque Celyn détourne le regard, Ezekiel se permet d’observer brièvement son profil offert, la courbure de ses cils, l’angle de sa mâchoire, la forme de ses lèvres, les mèches de cheveux parfaitement rangées derrière son oreille, autant de détails qu’il connaît par coeur, se rend-il compte, et qui lui apparaissent pourtant différent, ce soir, à la lueur de leurs échanges et de cette chaleur vive, inédite dans sa poitrine. ”I was thinking of going back to work soon. Next week, part-time at first as the mediwizards won't allow it otherwise.” Les yeux du Santoméen s’arrondissent légèrement, en même temps qu’un sourire vient fleurir sur ses lèvres à l’entente de cette nouvelle qu’il attendait depuis un certain temps - autant que de savoir Celyn en état de reprendre le travail, que d’avoir l’opportunité de travailler de nouveau avec lui, par le biais du partenariat entre Rosier Events et la BCBC. S’ils ont des styles relativement opposés, voir entrant parfois en conflit, il ne faut pas s’y tromper : Ezekiel a une admiration sincère pour la rigueur de chaque sorcier parvenant à lui mettre des bâtons dans les roues. Et Celyn en fait définitivement partie. ”That’s absolutely fantastic to hear. And right on time, I shall say: I happen to have a meeting with Benjamin next week. Is there a better way to endorse your new responsibilities than starting with a meeting with your favourite business partner, I wonder?”, avance-t-il dans un sourire, une pointe d’humour dans la voix qui ne chasse néanmoins pas le sérieux de ses mots. Ils devront naviguer avec précaution dans cette situation, elle aussi, nouvelle - devoir travailler ensemble, maintenant qu’ils se sont avoués leur affection. Mais il ne fait aucun doute, aux yeux d’Ezekiel, qu’ils seront à la hauteur de la tâche - encore une fois, il s’agit de deux choses complètement indépendantes l’une de l’autre.

”You will be a brilliant and incredible deputy-CEO, Celyn. I’m excited for you, really.” Sa voix retombe sur cette fréquence plus sincère, plus basse, tandis qu’il sonde ses iris sombres, la chaleur de sa main au creux des siennes voyageant jusqu’à son coeur mis à rude épreuve ce soir ; une épreuve qu’il ne regretterait pour rien au monde, qui lui apparaît désormais comme ayant été nécessaire. ”There’s so much ahead.” Pour Celyn, pour Ezekiel, pour eux, au cœur de ces changements radicaux dont ils sont les seuls acteurs. Zeke n’a pas besoin de le préciser : il peut lire dans le regard tendre de Celyn tout ce qu’ils n’expriment, et ne retiennent plus à la fois. No need to pretend.