Tu as réduit la cadence. Il a bien fallu, tenir cette putain de promesse que tu t’étais faite : de ne pas crever comme une conne avant cinquante ans, à cause d’une tendance dangereuse à recourir à ce petit bijou de stimagie que tu avais acheté la peau du cul pour un oui ou pour un non. C’est peut-être la première fois de la semaine que tu sors le pendentif qui ne quitte quasi-jamais ton cou de sous ton chemisier, alors que tu viens de revenir chez toi après une longue journée au Ministère. Oh quoique non, lundi il a fallu que tu grattes une heure pour aller retrouver Christopher dans sa librairie. Mh, mais bon, là, disons que c’est la première fois de la semaine que tu remontes une demie-journée, parce que sinon tu vas avoir du mal à régler les questions à régler avec l’Alberic, et surtout avec son chef en personne.
Il t’a fait marrer, Hades, à te faire dire que son chef voulait prendre la main dans les négociations d’un coup il y a trois jours.

Résultat, une fois le temps remonté, tu vérifias ta tenue, fis disparaître en soupirant une tâche de café sur le bas de ton chemisier, probablement faite pendant que tu travaillais et, après avoir mangé un reste de pie, tu fis en sorte de transplaner au niveau de Diagon Alley. Si tu en croyais la montre à ton poignet, tu étais en avance d’une demie-heure, ce qui valait bien un passage au dans une des échoppes sorcières de la rue commerçante pour un café bien corsé. Entrant, tu scannas logiquement le reste de la pièce, sans vraiment chercher personne mais en restant quand même curieuse de voir qui pouvait être dans le secteur. Et avisant une silhouette familière, que tu étais censée retrouver plus tard dans son antre de la débauche, tu t’approchas du diable en personne et de son sbire, te coulant sur une des chaises libres après avoir commandé la boisson qui te permettrait de tenir le contre-coup temporel. « Gentlemen, I thought we were meeting at your lovely place, weren’t we? - Well you know how things are: nobody knows how to make decent coffee anymore at the Snare… », répondit Cromwell en guise d’excuse. « Eh, not saying anything against it, but yeah, you might be right… » Vous discutez de sujets tout à fait banals pour des personnes comme vous, loin des affaires sérieuses qui vous attendent lorsque vous aurez pris place dans le bureau du Von Bäume -pas ton boss au Département de la Coopération Magique, mais son frère, un rien différent : les résultats des derniers matchs de Quidditch disputés, ce qu’il s’est passé au mariage de Marlon Travers et Freya Abbott, et dont les journaux parlent régulièrement depuis des semaines, les dernières nouvelles qui peuvent vous intéresser de près ou de loin, sans que ça paraisse louche ou quoi…

Lorsque ton café est fini et que vous semblez avoir épuisé les sujets classiques de conversation, vous finissez par quitter cette échoppe respectacle et vous dirigez sans vraiment hésiter vers Knockturn Alley, qui s’est agrandie et enrichie ces dernières années. Tu n’y as tes habitudes que lorsque tu te balades pour les Black Hands. Le reste du temps, tu évites d’y foutre les pieds, et il semblerait qu’aujourd’hui n’était pas un jour faste pour cette ruelle mal famée, vu la fumée et l’odeur âcre qui y règne.  « Who the fuck decided to burn shit down here? », grognes-tu entre tes dents serrées alors que tu tentes de voir clair à travers la fumée. Et alors que vous avancez en direct du Filet du Diable, tu comprends une fois que l’évidence est impossible à louper : « Shit, is that… » Ouaip. Les mots meurent sur tes lèvres tandis que tu comprends que c’est bien le Filet du Diable qui vient de prendre super cher. « The fuck? » comme ponctuation du constat, tu jettes un coup d’œil à Engel, à côté de qui tu marchais, et tu lui souffles, comme une évidence : « We didn't do that. »

La journée d'Engel avait commencé comme n'importe quelle journée. Elle avait même plutôt bien commencé, il avait regardé son petit fils voler sur son mini balai dans le manoir en mangeant son petit déjeuner et était sorti de chez lui accompagné du rire tonitruant de l'enfant et de sa fille Valeska qui suivait de très près son neveu. Il avait déjeuné avec sa femme Svetlana, chose plutôt rare aux vues de leurs emplois du temps respectifs. Il était ensuite parti avec Hades réceptionner des marchandises destinées au marché noir de l'Alberich qui allaient rendre ses affaires encore plus fructueuses.

Aussi, Engel Von Bäume ne s'attendait pas à ce que cette journée qui s'était si bien passée pour lui ne tourne au vinaigre et qu'elle ne devienne la pire journée qu'il avait jamais vécu.

Cela en disant pourtant long pour lui qui avait vécu le procès d'un frère adoré et sa fuite, sa trahison. Pour lui qui avait vécu la mort mystérieuse d'un père qui s'il n'avait jamais été parfait avait quand même contribué à faire de lui ce qu'il était. Il avait vecu les fausses couches successives de sa femme au fil des années, maux courants chez les sangs purs qui ne se mélangeaient qu'entre eux depuis des centaines d'années.  Il avait vécu le kidnapping de son petit fils et de celui de son frère, la mort de ce dernier si jeune qu'il n'avait laissé que peu de souvenirs derrière lui. Il avait vécu la chute brutale, la remontée, la mort, la trahison, la violence et la peur pour ceux qu'il aimait. Mais tout cela ne l'avait absolument pas préparé aux heures, jours, semaines, mois qui allaient suivre cette journée qui avait pourtant si bien commencé.

Engel était un homme multitâche, il avait toujours beaucoup trop de choses à faire, beaucoup de choses à gérer, beaucoup de projets sur le feu et il avait donc appris à déléguer les affaires de la famille à sa femme ou à son frère et celles de l'Alberich et du Filet du diable à Valeska ou Hades. Aussi, il ne gérait en réalité que les taches qu'il avait daigné suffisamment importantes pour qu'il s'y attelle personnellement, il était rare de le voir servir d'intermédiaire avec le « petit personnel » que ce soit dans son cabaret ou dans les affaires de son clan.

Mais il aimait bien Gina Marsh, il aimait bien sa manière d'être, sa personnalité. Il aimait sa franchise et sa volonté à toute épreuve. La seule tache au tableau était son statut de sang. Il avait donc décidé de s’intéresser lui-même aux dernières négociations entre les Black Hands et l'Alberich. L'allemand s'était donc posé avec son bras droit et amant dans un café du chemin de traverse. Détendu, un bras négligemment posé sur le haut de la banquette et un sourire paresseux aux lèvres alors qu'il buvait sa tassé de café. Il avait sourit plus fort encore en voyant débarquer Gina, ils avaient discuté des dernières nouvelles non sensibles qui les entouraient. Les mariages, les ruptures, les ragots et rumeurs variés. On en apprenait toujours beaucoup avec le bouche à oreille, restait ensuite au cadet des frères Von Bäume à décortiquer le vrai du faux mais il aurait presque pu passer pour une commère tant il était avide de potins mondains.

« As entertaining as it was, maybe we should go, we can't really talk about business here. »

Le chemin de traverse était bien trop gentillet, bien trop propre et sage même avec la gouvernement actuel. Les oreilles traînaient, les mots voyageaient plus vite qu'un nimbus 2005 et il n'était pas bon que des affaires aussi confidentielles que des négociations entre clans se fassent aux yeux de tous. Aussi, il emboîta le pas de Gina et Hades et ils tournèrent rapidement vers l'allée des embrumes. Endroit peu recommandé et peu recommandable mais qui avait l’intérêt de cacher secrets sur secrets. Ici, personne n'avait le temps ni l'envie de s’arrêter.

C'est en tournant dans l'allée que ses narines sentirent l'odeur caractéristique de brûlé. Il froissa le nez, toussa légèrement et jeta un regard vers l'avant essayant de deviner ce qui causait cette agitation.  « Who the fuck decided to burn shit down here? » lança la sorcière à ses cotés. « I don't know, maybe some cauldron exploded when some dumbfuck tried to create a new fancy drugs, who knows. »

C'est en bousculant des badauds qui lui barraient le chemin plantés comme des I au milieu du passage qu'il s’aperçut que la chose qui avait brûlé c'était ce qu'il avait construit de ses mains lentement mais sûrement depuis plusieurs mois. C'était son chef lieu, son empire qui dégageait cette fumée nauséabonde. « Scheiss. » lâcha t'il sombrement en accélérant le pas.

Il observait d'un œil critique le filet du diable, essayant de mesurer les dégâts. Le feu avait été petit et contenu, il avait déjà été arrêté ne laissant derrière lui qu'une légère cendre projetait par le vent. D'un coup de baguette, il dégagea la fumée, heureux de voir que les dégâts n'étaient que superficiels.

« We didn't do that. »  Il jette un bref regard vers la sang mêlée, bien décidé à ne pas tirer de décision hâtive mais à ne négliger aucune piste. « We'll see about that. Come on let see the damages. »

La foule s'écarte rapidement en le voyant approcher tel un messie fendant la foule, même si l'homme en question n'a rien d'un messie. S'il avait cru en Dieu, il aurait su finir en enfer. La seule chose angélique le concernant était après tout son prénom. Il jette un coup d’œil à la foule, reconnaît ci et là des employés de son cabaret dont il ne se souvient pour la plupart même pas des noms. On sanglote sur sa gauche et c'est avec une moue méprisante en direction des pleurs qu'il interpelle l'un des hommes de l'Alberich qui se tient devant l'entrée du bâtiment. « What happened here ? »

L'autre homme ne répond pas assez vite, il bégaie, il n'avait certainement aucune envie d'être celui qui répondrait à ses questions. D'être la personne qui risquait de subir les sautes d'humeurs légendaires et violentes du propriétaire des lieux. Alors Engel le pousse durement hors de son chemin et passe la porte indiquant d'un signe de la tête à Gina et Hades de le suivre. « Come on, let's see what happened by ourselves. And Gina, we need to talk. If it's not the black hands, we may need the syndicate. You'll be my witness. »

A l’intérieur, il peut apercevoir certains de ses hommes, baguettes à la main déjà en train de réparer les dégâts, certains de ses « employés » les moins légaux forcés par des sorts à rester à l’intérieur à moins que lui, Hades ou Valeska n'en décide autrement. Si le bâtiment avait brûlé en leur absence, ils auraient tous brûlé avec lui.

« We didn't do that. » tu souffles, et un instant, un coin de ton cerveau t’interroge quand même. Es-tu vraiment sûre que les Black Hands n’auraient pas un intérêt dans ce genre d’opérations ? Mais non. Tu le saurais, si le Fist décidait de faire un mouvement aussi agressif contre un autre membre du Syndicat. Et, de plus, jusqu’à preuve du contraire, il n’y a pas vraiment de raison pour vous en prendre à l’Alberich, avec qui vos rapports sont plutôt bons depuis un certain temps.
Donc non, ta première intuition, ta première phrase face au chaos est bel et bien la seule qui doit, qui peut, qu’il faut sortir au chef de l’Alberich qui a sorti sa baguette et semble prêt à aller faire un repérage des dommages. Il t’invite, en tout cas, à le suivre et tu n’hésites pas du tout. Tu lui emboîtes le pas, Hades devant toi, qui se coule dans l’ombre du chef de l’Alberich. Tu observes autour de vous, tu scrutes les visages que tu croises, les identifiant sans grand problème pour les membres connus du gang allemand, sans vraiment t’y attarder. Les badauds sont éloignés par quelques gros bras. Finalement, malgré l’épaisse fumée noire qui vous avait accueillis, il semblerait que les dommages sont plutôt limités, du moins pour ce qui est de la façade. Mais il vaut mieux voir l’intérieur et c’est ce qu’Engel semble décidé à faire, en t’invitant par des mots qui laissent poindre un soupçon pas encore totalement estompé (prudent) : « And Gina, we need to talk. If it's not the black hands, we may need the syndicate. You'll be my witness. - Fine by me. », réponds-tu simplement, baguette en main, ne serait-ce que pour être prudente -on ne sait jamais, un pan de mur qui s’effondre d’un coup…

D’un œil avisé, ayant déjà plusieurs fois mis les pieds dans l’établissement, tu regardes autour de toi et constates que certains sont déjà sur le pied de guerre pour tenter de réparer les dégâts. Tu passes sur le caractère mixte de quelques figures et silhouettes, et tu regardes autour de toi encore, attentive. Tu sais d’ores et déjà qu’il te faudra faire un rapport précis au Fist dès que tu seras sortie d’ici, et qu’il te faudra sans doute prévenir Farrow aussi de cette affaire, puisque Londres est le cœur de son secteur. Alors tu scrutes tout, et ton regard circulaire est peut-être plus long que d’habitude, plus précis. Ton sens de l’observation est alerte et tu graves dans ta mémoire, par plusieurs impressions même, le récit et la description des dégâts. « Clearly not our M.O. », que tu souffles, plutôt pour toi-même, avant de te rapprocher d’Engel et de son sbire, pour commenter, sans pour autant avoir l’air d’être d’humeur à plaisanter : « I was expecting something far much worse, given the smoke and the chaos. » Pas que tu aurais souhaité que le Filet du Diable crame complètement, loin de là, mais il était vrai que tu t’attendais à une situation bien plus calamiteuse, avec bien plus de cadavres et de destructions. « Was it all an act? Who would— », hasardes-tu même, avant de t’interrompre soudainement, alors qu’une silhouette s’approche de vous trois, à travers les débris, empressée, se tordant les mains et tentant de contenir une expression de désespoir immense qui perçait pourtant ponctuellement : « Herr Von Bäume, Mister Cromwell, I’m af— afraid I have some terrible news. », balbutie l’employée dont les yeux sautent du visage du chef, dont elle ne peut pas soutenir le regard très longtemps, à celui du bras droit, qu’elle a l’air d’implorer en silence pour une raison encore impossible à deviner. Elle ne t’adresse aucun coup d’œil, ne se souciant pas d’une observatrice extérieure, mais tu es loin de te douter du drame qui se joue encore plus loin dans l’établissement, derrière des portes qui sont fermées en temps normal.

TW Sang, corps
Engel aurait presque pu louer l'efficacité et l'esprit d'initiative de ses hommes, s'il n'avait pas été à deux doigts d'étrangler quelqu'un. Le sentiment ne lui était pas inconnu loin de là, il avait un tempérament de braise qui s'enflammait beaucoup trop rapidement. Il en avait fait les frais par le passé mais surtout les autres en avaient fait les frais.

Aussi, il ne sembla pas plus choqué que cela par les regards fuyants de ses employés, pour lui la situation n'avait rien d'inconnu. Ils savaient après tout qu'il valait mieux ne pas croiser son regard dément par peur d'être pris pour cible. S'il avait été plus attentif, s'il n'avait pas eu autant d'ego, il aurait pu remarquer que les regards de peur étaient aujourd'hui mêlés d'une certaine pitié à son égard. Un regard qui disait qu'il valait mieux ne pas être dans le coin lorsque le patron allait apprendre la nouvelle.

Il donna deux trois ordres d'un ton sec, gardant la face, gardant son image d'homme dur et sûr de lui. Surtout devant ses employés, surtout devant Gina. Il doutait que les Black hands aient vraiment commandité cette attaque. Ce n'était pas vraiment leur genre. Ils respectaient les règles du syndicat, ils étaient en général plutôt pour la diplomatie et ils entretenaient de bons rapports avec lui. Il n’écarterait cependant pas totalement l’hypothèse tant qu'il ne saurait pas avec certitude qui avait fait cela. La prudence était toujours de mise par peur de se retrouver avec un couteau planté entre les omoplates à la première ruelle sombre.

« The damages are not that bad, we should be able to get back on our feet pretty quickly » il annonce à la Black Hands sans avoir vraiment fait le tour du propriétaire. Il ne peut pas se permettre de montrer un quelconque signe de faiblesse dans cette situation.

Du coin de l’œil, il peut apercevoir deux de ses employés contre un mur. L'une d'elle au sol se cache le visage en pleurant à chaudes larmes. Le second semble être en train de la réconforter. Il peut entendre ses sanglots jusqu'au plus profond de ses tympans. Des sanglots alors que c'était son gagne pain qui était en feu, c'était son domaine qu'on avait attaqué. Aussi après leur avoir lancé un regard méprisant, il lance à River d'un ton sec « Calm her down and get her out of the way. » Sans attendre une réponse, oubliant pratiquement leur existence alors qu'il entend les sanglots s'éloigner, il continue son chemin.

« Yes, it doesn't have the black hands' signature on it. But it's weird, why would they not burn this place to ground ? As I said it's only minor damages, if someone attacked the Alberich » attacked me « Why would they do such a sloppy job ? »

Il pouvait sentir au fond de sa moelle qu'il y avait quelque chose de plus, la situation n'était pas normale, les dégâts pas assez importants. Si quelqu'un avait voulu faire du mal à son clan, du mal à lui ou du mal à sa famille pourquoi le filet du diable n'était il pas en cendre ? Engel avait toujours été méfiant et l'incident avec son petit fils il y a quelques mois l'avait mis sur ses gardes, la sécurité de sa famille avait été renforcé. Les sorts de protection du manoir avaient été renforcé avec l'aide de Wolf, Svetlana et Valeska. Le mot d'ordre avait été que personne ne devait plus jamais avoir la possibilité de blesser leurs enfants. Grigor, l'armoire à glace russe ne quittait pas d'une semelle sa femme, ses enfants et ses petits enfants. Seuls Wolfram, Engel, Valeska et Ulrike ne bénéficiaient pas de cette protection, préférant la laisser aux membres les plus vulnérables de la famille. Il n'avait aucun doute sur le fait que son frère, sa nièce, sa fille était capable de faire regretter à toute agresseur l'idée même de vouloir les blesser. Wolfram avait un don pour les sortilèges, Valeska ne s'était jamais laissée faire par personne et Ulrike était un subtil mélange des deux.

Aussi, il regardait d'un œil perplexe l'état du filet du diable. Est-ce que tout ceci avait été simplement un avertissement ? Mais de qui ? Un clan rival ? Le gouvernement allemand ? Il fut interrompu dans ses réflexions par la voix chevrotante d'une de ses employées qu'il reconnaissait vaguement. Elle avait un nom français, des cheveux dorés et dans les veines du sang de velane. Aussi dilué soi-il. Il la fixe d'un regard qui en aurait fait reculer plus d'un mais malgré sa voix tremblante et ses mains qui se contorsionnent elle ne bouge pas.

«  What ? » Ses suspicions sont confirmés, il le sait et il est à la fois terrifié et curieux de voir ce que les commanditaires de cette attaque ont fait.

« May..maybe you should see for yourself Herr Von Bäume. In your office. » Elle jette un dernier regard presque suppliant à Hades à ses cotés et il la regarde s'éloigner doucement en marche arrière sans les quitter des yeux. Prudente sans aucune doute des conséquences d'un message funeste.

Devait-il laisser Gina l'accompagner ? Et si le « cadeau » des commanditaires était quelque chose qui pouvait lui retomber dessus auprès du Syndicat ? Il avait, après tout, fait plusieurs choses qui auraient pu lui valoir des explications auprès de celui-ci. Il observe Gina silencieusement pendant plusieurs secondes avant d'hocher la tête. Il avait besoin d'un témoin et il la savait suffisamment franche pour ne dire que l'exacte vérité. Peut-être se trompait-il mais il avait choisi en ce moment de lui faire confiance. « Come on then. »

Il pousse rapidement la porte de son bureau et au premier coup d’œil il ne voit rien de particulier. Certes, le bureau est saccagé, ses bibelots sur le sol. Mais il sait que son argent est en sécurité et que ses documents importants le sont aussi, il aurait été stupide de les laisser sur place. Il retourne son regard sur la scène la balayant rapidement. Ses yeux s'attardent l'espace d'un instinct sur sa chaise de bureau depuis laquelle il peut voir une chevelure familière. « Valeska ? What happened here ? » le are you okay lui brûle les lèvres mais il sait qu'elle peut l'entendre malgré tout, qu'elle le connaît suffisamment pour cela.

Aucune réponse.

« Val ? » Il ressaye avant de faire un pas en avant puis deux avant d'être stoppé par une main ferme lui attrapant soudainement l'avant bras et il se retourne pour en dévisager le propriétaire « Engel.... Don't. » Il peut déceler dans les yeux d'Hades une émotion qu'il a du mal à placer, il a sans doute vue quelque chose que lui n'a pas vu. Ou qu'il n'a pas voulu voir. Compris quelque chose qu'il n'a pas voulu comprendre. Ses sourcils se froncent et il se dégage un peu violemment de son emprise pourtant bien ferme. S'il pensait pouvoir se mettre en sa fille et lui-même, il faisait erreur.

En deux enjambées, il se retrouve à coté de la chaise. Il entend le bruit régulier de gouttes toucher le sol. Il sent sous sa chaussure un liquide. Et en baissant les yeux il se rend compte qu'il s'agit de sang. Rapidement, il retourne la chaise de son bureau.

Valeska.

Ses yeux sont fermés, sa poitrine ne fait plus aucun mouvement et c'est son sang qui est sur le sol. Son sang qui goutte lentement et qui a envahi ses chaussures. L'allemand ne pense plus à rien à part la sécurité de sa fille, il refuse d'admettre la vérité et il tombe à genoux face à elle ses genoux baignant dans le liquide. Il lui attrape le visage désespérément et la secoue d'abord doucement puis plus rapidement en constatant qu'il n'obtient aucune réponse.

« Val, wake up, come on love. Wake up. » Son souffle se coupe, ses mots se font plus rapides, plus désespérés. Il se ferait presque pitié s'il était un spectateur de son supplice. « Please Valeska, wake up. »

Vous vous posez la même question, finalement. Pourquoi laisser le bâtiment debout ? Pourquoi ne pas tout détruire, comme cela aurait pu être le cas s’il s’était agi d’une attaque volontaire, dans le but d’annihiler un adversaire dans le monde du crime organisé. Il n’y avait pas là de signe de respect des règles du Syndicat, ou en tout cas ce n’était pas de cette manière que tu lisais la situation. Engel n’avait pas l’air d’avoir plus d’élément que toi, tandis qu’il faisait le tour de la pièce principale. Un instant seulement, tu redoutais que le bâtiment n’ait été piégé : après tout, ça aurait été la solution la plus évidente pour se débarrasser de la concurrence et, s’il n’était pas sur place au moment de l’attaque, peut-être y avait-il quelque chose qui s’enclencherait d’ici peu. Prudente, tu regardais autour de toi, scrutant et cherchant les endroits ou recoins où tu aurais pu tenter de dissimuler un sortilège à retardement. L’employée interrompt en tout cas vos réflexions, incertaine et craintive, bouleversée également, sursautant à l’adresse cinglante d’Engel et fournissant bien trop peu d’informations pour que ce soit rassurant.

Tandis qu’Engel décide de prendre la tête de votre trio, et t’invite brièvement à le suivre, tu adresses un regard à Hadès, comme pour tâcher de le mettre en garde alors que tout ceci ne te dit rien qui vaille. Il y a quelque chose qui pue le piège à plein nez, et tu aurais aimé en savoir plus sur cette fille qui a pris congé : sa détresse avait l’air sincère, mais des sortilèges de toute sorte existent et il n’aurait sans doute pas été difficile de la passer sous Imperium pour un instant crucial. Ta baguette n’est pas loin et tu fais confiance à ton instinct de survie pour réagir avant que ton cerveau ne le fasse s’il le faut, mais tu n’aimes pas cette sensation poisseuse d’horreur qui stagne entre ces murs.

À première vue, le bureau a l’air mis à sac de façon normale. Mais dès lors qu’Engel s’adresse à la silhouette assise dans le fauteuil, un sombre pressentiment te fait regarder ailleurs, au niveau du sol sous le bureau, et un « What the fuck. » s’échappe d’entre tes lèvres sans que tu ne puisses le retenir. L’horreur de la scène t’hérisse les poils des avant-bras et tandis qu’Engel tourne la chaise et révèle le corps inerte de Valeska Von Bäume, plutôt que d’y voir la fille du chef de l’Alberich, tu y vois, superposé, la figure de Dan. Un haut-le-cœur te prend, toi qui a pourtant le cœur bien accroché après toutes les horreurs perpétrées pendant ces longues années au sein des Black Hands, et tu portes une main à tes lèvres, couvrant un autre juron.

Il te faut ciller, déglutir, et entendre la voix d’Engel implorer sa fille pour reprendre tes esprits. La frénésie monte en lui, analyses-tu rapidement, tandis que sa voix se teinte d’accents désespérés que la tienne a pu prendre en d’autres occasions. Tu ne penses pas que tu en mènerais plus large si tu étais à sa place. Tu ne sais pas vraiment quoi faire : tu n’es pas non plus une des proches du Von Bäume. Interrogeant en silence son bras droit, droit comme un i derrière lui, mais probablement en proie à une émotion sincère qu’il refoule, tu n’obtiens pas vraiment de réponse satisfaisante. Un instant, tu t’interroges sur la pertinence d’avoir recours à ton retourne-temps, mais tu te raisonnes sur le risque que tu pourrais courir si tu révélais posséder ce genre d’objet. Alors tu restes là, bras ballants, l’échine glacée par le tableau macabre, à contempler la détresse du criminel. Quelques secondes, seulement, avant de porter le regard ailleurs, à tenter de trouver un indice qui permettrait d’identifier l’assassin.

Il est là, le piège, finalement.
De l’emplacement où tu te trouves, tu comprends que la mort de Valeska Von Bäume est susceptible de déclencher un enchaînement d’évènements dramatiques qui pourraient déboucher sur l’implosion du Syndicat. Voilà donc pourquoi le Filet du Diable n’a pas brûlé intégralement : parce que quelqu’un voulait qu’Engel trouve le corps de sa fille, et qu’il parte en guerre.

« I’m sorry, Engel… » commences-tu, sans t’approcher pour autant. Tes pas s’approchent certes du bureau, dans un mouvement parallèle à celui décrit par la tête de l’Alberich et son ombre, mais tu restes de l’autre côté, en évitant soigneusement la flaque de sang qui s’est lentement étalée en une poix carmin. « I’m really sorry, but I’m afraid she’s not gonna wake up. », dis-tu avec le plus de douceur possible, sans prononcer le ever qui te paraît pour l’heure trop cruel, tout en sachant que ça n’adoucira certainement pas sa peine incommensurable.

La posture du chef de l’Alberich qui s’accroche à sa fille te semble si familière, si déjà-vu, que tu t’interroges un instant sur le fait qu’une personne dans un rêve n’aurait pas déjà eu cette attitude dans tes nuits agitées. Pour autant, l’hypothèse est sans doute fausse et c’est simplement une impression tout à fait erronée, détournée par tes propres sensations horrifiées vis-à-vis de cette scène sanglante. En silence, tu te fais oublier et tu l’observes, sans te mouvoir d’un centimètre, tentant de comprendre qui, comment, pourquoi, a pu faire une chose pareille et réaliser une mise en scène si macabre qu’elle te révulse. Tu en as vu d’autres, même du temps où tu commençais tout juste à jouer à l’infiltration pour la WUSS, mais cette scène te hantera sans doute encore pendant quelques mois. Ne s’échappe pas de sous ta carne le fiel glacé qui t’avait parcourue lorsque tu avais cru voir non pas la Von Bäume mais la silhouette de ton propre rejeton dans ce putain de fauteuil.

Silencieuse toujours, statue de sel, tu suis son échange rapide avec Cromwell, sans pour autant le comprendre exactement. Le seul mot d’allemand que tu comprends dans cet échange est « kinder », et sur le coup, tu restes impassible, surtout que ce n’est pas avec un seul mot que tu vas capter le reste de la phrase, ta carrière de traductrice t’a bien permis de t’en rendre compte avec le temps. La silhouette du bras droit s’éclipse et vous n’êtes plus que tous les deux. Une pensée fugace traverse ton esprit : s’il s’était agi d’un coup de votre part, et qu’il avait fallu que tu termines le travail, tu aurais sans doute eu un boulevard devant toi pour le faire…
Quoique. Un animal blessé est toujours plus dangereux lorsqu’il est à l’agonie.
Une bonne chose, donc, que ça ne soit pas une attaque perpétuée par les Black Hands. Le cynisme de ta réflexion t’écœure un peu à cet instant, il faut bien le reconnaître.

Les yeux de l’Allemand se plantent dans les tiens, tandis qu’il te demande une faveur -du moins est-ce ainsi que tu l’interprètes, tu ne vois pas comment il pourrait en être autrement, il n’a aucun moyen de te donner des ordres. « Don't tell anyone not important about that. Not now. I need... time. » Tu hoches la tête sans mot dire, ne sachant pas vraiment comment répondre sans paraître lapidaire, voire insensible. T’es une mère, toi aussi, tu peux comprendre ce que peut ressentir Engel (au moins survoler sa peine, sans être capable d’en mesurer l’ampleur et la profondeur exactes). Si bien que, sans être de son gang, tu préfères quand même faire preuve de tact et de douceur à l’égard du Von Bäume.

Tu l’observes aussi, se retourner, se figer un instant infime, repérer quelque chose -et à cet instant, tu scrutes davantage le visage d’Engel que d’autres éléments dans la pièce, parce que tu sais qu’il est capital que tu rapportes les faits avec exactitude au Fist, chez qui tu vas te rendre juste après que le patron du Filet du Diable t’a donné congé. Alors tu détailles, avec une précision chirurgicale, le moindre de ses plissements d’yeux, mouvements des lèvres, frémissements des muscles faciaux et corporels. Parce que tu le sais avant que tu l’entendes le dire et l’entériner : cette affaire ne fera que déverser des litres de sang dans le Syndicat. SI bien que tu ne trembles pas quand tu entends sa voix d’outretombe le prophétiser : « There will be blood. Mark my word, after I'm done with this, there will be nothing left of that little bitch, her friend, her family. » Là encore, pas grand chose à dire. Ce n’est pas le moment de faire de l’esprit, tu en es convaincue. Pas le moment non plus de rappeler les règles du Syndicat : tu n’es pas de sa trempe ni même de son rang et ce n’est certainement pas à une Ring Finger que reviendrait la responsabilité d’une éventuelle mise en garde. Tu sais néanmoins qu’il va falloir tâcher de démêler les fils de cette histoire, ne serait-ce que pour remonter la piste et comprendre les ressorts de la certitude qui a allumé un feu pareil dans l’esprit du père endeuillé. « How do y— » commences-tu à articuler, pour tâcher de comprendre, d’avoir suffisamment d’éléments à rapporter à celui que tu appelais encore fut un temps « Duke ». Mais voilà que Cromwell revient et annonce à Engel, en anglais, « Your brother is on his way. », ce qui a le don de te glacer. Un signe, peut-être, que le bras droit de l’Alberich n’est pas dupe sur ta couverture dans le monde normal. Tu articules le plus calmement possible un : « I’d better go, then. » Cromwell t’observe d’une façon entendue, sans une once de soupçon, mais tu ne t’intéresses pour l’heure qu’à Engel, histoire de ne pas partir non plus comme une voleuse : « I don’t know yet how you can be so sure it is Carrie’s doing, but I’ll explain the situation as is to the Fist and no other. And, Engel, believe me when I say I am terribly sorry for your loss, truly. » Tu pourrais ajouter un truc du style Let me know when the service will be. mais tu doutes qu’il ait vraiment envie d’y songer à cet instant précis. À la place, tu adresses un signe du chef bref à Hades et tu fous le camp sans vraiment attendre ton reste, en louvoyant entre les débris avec grâce pour transplaner dès que tu as mis les pieds hors de l’établissement, et faire en sorte de ne surtout pas croiser ton autre patron.