idéologie  » Jésus foula cette Terre, et avec lui, douze apôtres. Douze pêcheurs que notre Sauveur bénit. Ayant pour mission de prêcher la bonne parole auprès des hommes, les Douze ont été pourvus de l'immortalité. Prenez, et buvez-en tous. Ceci est mon sang. Le sang du Christ, saint parmi les saints, coule à présent dans les veines de ses disciples. Les Enfants des Douze sont les directs descendants des apôtres qui jadis accompagnèrent Jésus dans sa quête et l'immortalité est léguée de générations en générations, depuis des siècles et des siècles.

PRÉCISIONS:

histoire  » Impossible de retracer l'origine exacte des Enfants des Douze. Une chose est sûre, ils ne sont pas réellement descendus des apôtres. Les premières preuves de leur existence datent du XIIIème siècle, dans la littérature espagnole moldue. Il est souvent mention d'une secte intégriste profitant du climat politique tendu lors de l'Inquisition, et pratiquant des rites sauvages pour expier les péchés. Une secte similaire apparait dans les livres d'histoire sorcière en Angleterre dès le XVème siècle. Mais avant, pas une trace, pas un mot, rien qui ne lie les Enfants des Douze au Seigneur Jésus Christ notre Sauveur.

chronologie - les douze crain:

organisation  » Les Enfants des Douze sont une véritable société secrète, un monde caché à la vue de tous, et pourtant infiltré dans les moindres recoins des mondes sorciers et moldus. Leur secret ? Une organisation impeccable, sans faille, réfléchie dans les moindres détails.

Il y a d'abord le père, le prêtre, Tobias Spencer. Son rôle a d'abord été de reformer les Douze. Une fois chose faite, il se consacre désormais à la parole de Dieu exclusivement. Il officie les nombreuses cérémonies religieuses du Manoir et veille à transmettre la volonté du Seigneur aux disciples et aux adeptes. Il a une fonction de leader, bien qu'il ne détient aucun pouvoir exécutif. Il manipule et tout le monde l'écoute. Ce sont généralement ses idées qui sont prises en compte pour faire avancer la Mission. Mais Tobias souffre de plus en plus d'être mis à l'écart et de ne pas être officiellement à la tête du clan. Son objectif à présent est de prendre le plein pouvoir, quitte à mettre en péril la Mission.

Il y a ensuite les disciples, au nombre de douze, considérés comme les descendants des apôtres. Tous immortels, tous extrêmement puissants et protégés, ils forment le conseil et prennent l'ensemble des décisions pour mener leur Cause jusqu'au bout. Chacun a une tâche particulière à remplir, pour permettre à cette société secrète de bien fonctionner. Leur rôle est tellement important qu'ils sont sous haute surveillance et extrêmement protégés. Comme tous les membres de cet ordre, ils sont marqués par différentes runes. La première, la plus importante, crée un lien entre tous les disciples et leurs adeptes. Chacun a une trace, une présence que l'on sent et qui permet à tout le groupe de flairer un danger. Ils sont également couverts de runes de protection, qui favorisent leur immortalité.

les 12 disciples:

Il y a enfin les adeptes, les nombreux fidèles de la Cause. Ils ont prêté serment lors de leur baptême et leur vie est désormais dédiée à Dieu et à sa mission. Leur allégeance est totale, et prouvée par leur vœu de chasteté (bien que celui-ci puisse être rompu dans le cadre de missions d'infiltration - il suffira de se repentir plus tard), mais surtout par la rune supplémentaire qu'on leur pose, qui permet de les exécuter à distance si leur rôle est compromis. Ils sont tous affiliés à un disciple en particulier pour l'aider à mener à bien sa tâche.

traditions  » Les Enfants des Douze étant un culte religieux ancré dans le christianisme, c'est sans surprise que leur vie est rythmée par de nombreuses cérémonies, coutumes et traditions, qui se rapprochent parfois d'autres religions connues, tout en leur restant propres. Du réveil au souper, du lundi au dimanche, du premier au dernier jour de l'année, la vie d'un disciple ou d'un adepte est marquée par ces divers événements qui ont lieu à rythme régulier, et qui leur sont demandés de respecter avec assiduité.

La journée type:

Les cérémonies:

le manoir  » Construit vers la fin des années 1800, le Manoir a été réhabilité par les Crain en 1872. Situé en plein cœur du parc national de Yorkshire Dales, il semble assez discret de l'extérieur, mais incroyablement spacieux de l'intérieur. Entouré d'un immense jardin et domaine forestier, il est également composé d'un lac et d'une Chapelle. Le Manoir est intraçable et entièrement invisible aux yeux des moldus et sorciers non désirés sur ces terres sacrées. Seuls ceux dotés de la clé, puissant élément magique forgé dans de l'or datant de plusieurs millénaires, seront capables de le retrouver. Bien sûr, les disciples et adeptes sont également capables de s'y rendre grâce à leurs runes.

TW: racisme Imelda Brown était originaire de la région de Cambridge, en Angleterre. Ses parents, jadis vendus à de riches colons anglais pour travailler dans les plantations de Jamaïque, furent déportés au Royaume-Unis alors qu'ils approchaient la trentaine. Une chance, si on ose le dire ainsi au vu de leur situation, puisque les Crain, famille pour qui il travaillaient à présent, étaient bien plus bienveillants qu'aucun sorcier ne l'avait jamais été avec eux dans les Caraïbes. Les Crain possédaient cette immense demeure, qui s'étendait sur des hectares de prairies et de forêts, et qui se composait un domaine viticole, d'un petit lac et d'un imposant manoir. Le terrain représentait un travail monstre et c'est pourquoi les propriétaires avaient besoin de main d'œuvre pour s'occuper de la manutention, du jardinage, du ménage, et plus de la cuisine et de l'accompagnement des enfants. Les Brown faisaient donc partie de cette main d'œuvre, au même titre que plusieurs autres familles, toutes venues de Jamaïque. Tous logeaient dans une seconde résidence, plus éloignée dans le domaine et camouflée par des arbres, et il régnait là-bas un esprit de camaraderie, de famille où chacun trouvait sa place une fois la longue journée de labeur terminée. C'est dans ce contexte qu'Imelda vit le jour et, très vite, elle développa un incroyable sens du devoir. Très petite, elle se rendait déjà utile sur le domaine. Là où ses parents travaillaient davantage la terre en entretenant les jardins, Imelda accompagnait les équipes de ménage, avant de porter un véritable intérêt à la cuisine. Elle y voyait là une magnifique occasion de créer des liens autour d'un bon repas, et c'était toujours avec des yeux émerveillés qu'elle observait avec envie les fastueux banquets servis à la table des Crain - là où de leur côté, les aides de maison devaient se contenter d'un peu de soupe faite par leurs propres mains. Il n'y avait qu'à Noël que les Brown et tous les autres pouvaient participer à ce service et partager les restes des festivités. De cet intérêt pour la cuisine est née une volonté de toujours bien faire les choses. Pour Imelda, tout doit être impeccable, tout doit filer droit et rien ne doit dépasser. Tout doit être parfait. Elle s'est aussi tournée très jeune vers la religion anglicane. Elle trouvait un certain réconfort dans sa relation avec Dieu, qu'elle imaginait comme une figure paternelle aimante mais intransigeante, un modèle de droiture qui guida depuis lors sa vie entière. La jeunesse d'Imelda Brown n'était pas malheureuse, tout au contraire. Elle ne jouissait peut-être pas des privilèges d'autres petites filles de son âge, plus fortunées, mais elle avait ce qu'il y a de plus important au monde : la santé, la sécurité offerte par les Crain, et l'amour de sa famille et de Dieu.

A l'âge de onze ans, Imelda reçut, comme tous les autres enfants de son âge, sa lettre pour Poudlard. Comme il était de coutume à l'époque, les Brown durent demander l'autorisation aux Crain avant de pouvoir envoyer leur fille à l'école de sorcellerie anglaise. Une forme de racisme institutionnalisé par le Ministère de l'époque, mais aussi extrêmement lié à la notion de "propriété" : les Brown appartenaient aux Crain. Fort heureusement pour la jeune Imelda, la famille Crain jugea bon de l'envoyer poursuivre sa scolarité à Poudlard, estimant qu'elle n'en serait que plus utile par la suite. Elle prit la direction de l'école et fut bientôt répartie à Gryffondor, en même temps que Robert Crain, le cadet de la famille. La relation entre les deux enfants a toujours été de l'ordre d'une amitié interdite, des regards en chien de faïence, des sourires échangés discrètement avant qu'on ne les remarque. Poudlard a ainsi été l'occasion pour eux de briser cette barrière invisible qui les éloignait et d'apprendre mutuellement à se connaître. Hélas, le racisme n'était pas l'apanage du monde extérieur et Imelda fut rapidement victime de moqueries et de harcèlement scolaire, en lien avec sa couleur de peau. Il n'y avait pas beaucoup de diversité, au dix-neuvième siècle. Et Robert prit régulièrement part à ces moqueries, ayant l'impression que c'était ainsi un moyen pour lui de se faire bien voir par leurs camarades. Malgré tout, Imelda demeurait une élève brillante, capable de passer des nuits entières sur un rouleau de parchemin afin que le rendu soit parfait. Elle avait énormément de mal à tolérer ses propres erreurs, et manquait cruellement de patience pour celles des autres. Première de sa classe dans bien des matières, elle pêchait cruellement dès lors qu'il fallut user de sa créativité. Imelda Brown ne vivait qu'à travers les règles dictées par la vie et par elle-même, et c'était mission quasi impossible de tenter de l'en défaire. Elle acheva ses études avec tout autant de brio et fut même félicitée par ses professeurs. On lui proposa alors de nombreuses opportunités - bien moins importantes que si elle avait été un homme, ou si elle avait été blanche, mais intéressantes tout de même. Mais Imelda Brown était une fille droite et juste, et elle avait la notion du sacrifice. Alors, elle refusa tour à tour les offres qu'on lui proposa, car sa destinée la menait ailleurs, au chevet de ses parents malades, et aux bras du premier époux qui voudra bien d'elle.



TW: racisme Imelda Brown a toujours eu un secret. Quelque chose qu'elle n'a jamais osé dévoiler à sa famille, pas pendant les dix-huit ans durant lesquels ils étaient toujours en vie et à ses côtés. Un secret si fort qu'elle-même se blâmait tous les soirs, le crépuscule venu, alors qu'elle enfonçait ses genoux dans le sol et qu'elle joignait ses mains pour implorer le pardon de Dieu. Un secret, qu'elle mit des années à apprivoiser, à comprendre, à accepter. Imelda Brown a un don. Une capacité hors du commun, quelque chose dont elle n'avait jamais entendu parler avant de le ressentir elle-même. Dès lors qu'Imelda touche un individu, elle est parcourue d'un pressentiment. Quelque chose de fort, d'entêtant, qui l'a poussa plus d'une fois à s'éloigner violemment de la personne concernée, tant l'émotion était forte. Il s'agit parfois de l'intention de la personne, et d'autres du destin qui l'attend. Elle peina longtemps avant de comprendre qu'elle n'était pas simplement folle, et que ce qu'elle ressentait avait un sens. Ne lui restait plus qu'à découvrir lequel. Mais cette condition la poussa à se tenir éloignée des autres et à éviter tout contact physique, ne l'aidant pas à démentir les remarques qui la qualifiaient de froide et de distante. Par ailleurs, il lui arrivait parfois de se réveiller en pleine nuit, pantelante, agitée par des rêves qui n'étaient pas les siens. Elle voit un homme se faire égorger dans les rues de Rome, et son sang couler sur les pavés. Elle voit une femme hurler parmi les flammes. Ou encore cet homme, les viscères à l'air. Imelda n'a jamais compris le sens de ces apparitions aussi soudaines que violentes. Elle n'a pas compris jusqu'à ce qu'elle arrive en cours de divination, et qu'on lui ouvre les yeux sur cet art. “ This is no curse, Imelda. It's a gift. ” Il lui fallut pas moins d'une dizaine d'années supplémentaires avant de voir son don de voyance ainsi. Elle refusa tout bonnement d'en parler à quiconque d'autre que sa professeure durant toute sa scolarité et même quelques années après ça. Il n'y a que lorsqu'elle parvint à maîtriser ce don et à en déceler les secrets, qu'elle accepta pleinement qui elle était réellement.

Trois ans après son départ de Poudlard, Imelda Brown venait d'enterrer ses parents et de s'affranchir de la famille Crain. Elle n'avait pas un gallion, ni de contacts pour l'aider à trouver un travail et elle vécu pendant quelques mois dans la misère la plus totale. Et puis, après avoir fait une scène dans sa paroisse, de laquelle elle était ressortie terrorisée par une de ses visions, elle fut forcée de constater que son don fascinait les fidèles qui l'entouraient, pas moins effrayés par ce pouvoir, mais indubitablement intrigués par cette excentricité, cet exotisme qu'elle représentait. Alors Imelda accueillit dans son salon quelques femmes au foyers avides de nouvelles sensations, puis d'autres désireuses de rencontrer l'amour. Des hommes, plus discrets sans doute, vinrent également la consulter et c'est ainsi que, peu à peu, Imelda Brown devint une figure incontournable de Grantchester.



TW: racisme Les années qui suivirent furent riches en émotions pour Imelda Brown. Son commerce de voyance commençait à lui rapporter gros, et sa clientèle, composée autant de sorciers que de moldus, ne cessait de croître. Alors bien sûr, il fallait ignorer les remarques à son sujet, les messes basses glissées sur son passage et les regards en coin. Imelda avait, déjà très jeune, une prestance qui imposait le respect, et jamais personne n'osa venir la confronter directement. Néanmoins, la sorcière était parfaitement consciente des rumeurs qui courraient à son sujet, et qui la dépeignaient comme un personnage d'une rare monstruosité, avide de rituels répugnants issus de cultures sauvages, et de toute autre remarque raciste qu'on pouvait bien lui affubler dans son dos. Malgré la peine, Imelda gardait la tête haute et riait bien de ces médisants qui ravalaient tantôt leur fierté pour venir la consulter.

Mais les rumeurs, elles n'ont fait qu'empirer alors que Robert Crain revenait en ville après de brillantes études de droit. Il voulait devenir Maire, disait-on, il voulait devenir quelqu'un. Il avait ce sourire que les hommes d'affaires ont, un sourire rempli de confiance qui fit chavirer les cœurs de toutes les jolies filles de Grantchester. Mais c'est sur Imelda qu'il jeta son dévolu. Parce qu'il n'y avait jamais eu qu'Imelda, à ses yeux. Parce qu'il l'aimait depuis le premier jour, lui disait-il, et qu'il avait été trop bête pour s'en apercevoir. Trop bête pour faire taire les moqueries et ne pas les rejoindre, surtout. Imelda se refusa à lui un nombre incalculable de fois, par fierté, parce que son comportement à Poudlard l'avait blessée. Mais elle mentirait si elle n'avouait pas ressentir la même chose à son égard. Ce qui la retenait aussi, c'était ce que pouvaient bien en penser les autres villageois. Elle n'était pas certaine de supporter un nouveau lot de remarques, ni de s'attiser encore davantage la haine de sorcières jalouses. Les relations telles que celle qui unirait Imelda à Robert n'étaient pas monnaie courante en Angleterre, et il était évident qu'ils deviendraient bien vite les parias de la société, mettant aux oubliettes tous leurs rêves de réussite respectifs. Mais au bout de deux ans, Robert et Imelda finirent par échanger un baiser. Il avait un goût d'interdit, entre deux rayons de bibliothèque. Il avait un goût de bonheur. Il tentèrent tant bien que mal de garder leur relation secrète. Mais bien vite, ils furent obligés de déménager à Liverpool, là où ils passeraient plus inaperçus. Imelda vécu à ses côtés, souvent cachée, jamais pleinement assumée. Elle dut oublier son salon de voyance pour se contenter d'entretenir la maison. Ses sorties principales consistaient à se rendre au marché et à la messe. Mais Imelda était bien trop aveuglée par l'amour, en tant que grande idéaliste, pour réaliser que son quotidien n'était que misère. Elle l'épousa, Robert. Dans une église reculée et aux mœurs avant-gardistes. Il n'y a que lorsqu'elle eut officiellement le nom de Crain qu'elle osa affirmer ses envies, et remonter son business de voyance. Imelda n'oubliera jamais la première fois que Robert l'a touchée, une fois le mariage consommé. La sensation, éveillée par son don, était incomparable. Et le lien qui l'unit dès lors à son époux, plus fort que jamais.



TW: racisme, fausse couche, stérilité La lune de miel des Crain dura quelques années d'insouciance. Le couple surmonta ensemble les nombreuses épreuves que la vie pouvait bien mettre sur leur chemin - la plupart du temps, en lien avec leur différentes origines. Mais Robert et Imelda étaient heureux, ensemble. Elle était la femme parfaite, capable de préparer de véritables banquets pour les rares amis qu'ils se permettaient d'inviter, de faire briller la maison du tapis au plafond avec un perfectionnisme proche de la maniaquerie, tout en menant son mari à la baguette à coups de remarques acerbes. Robert, quant à lui, s'était contenté d'un poste de libraire, bien loin des prétentions qu'il eut pu avoir étant jeune. Et ensemble, ils se montraient modèles de vertu, se rendant à la messe chaque jour, aidant leur prochain comme de bons samaritains. Alors, quand Imelda annonça la grande nouvelle, il ne leur restait plus qu'à remercier le Seigneur pour la chance d'avoir une vie aussi comblée. “ We're pregnant. Robert, my darling, God granted us a child. ”

Except God didn't. Quelques semaines après l'annonce, Imelda Crain se réveilla en pleine nuit. Dans son rêve, un diable aux cornes rouges et recouvert d'une épaisse fourrure lui arrachait son fils de ses entrailles et partait avec. Et au réveil, Imelda sentit son ventre se déchirer en deux, et constata avec effroi que du sang avait imbibé les draps. “ Robert! ROBERT! ” Il n'avait servi à rien de crier. Il n'avait servi à rien de pleurer. Aucune prière ne pouvait ramener son enfant à la vie. Pire encore, aucune prière ne lui accordera jamais plus aucun enfant. Une maladie emporta avec elle toutes les chances de conception d'Imelda Crain et la laissa avec pour seule consolation le souvenir du mariage heureux qu'elle eut jadis. Parce que dès que Robert Crain apprit qu'il n'aurait aucun héritier, l'amour dévoué qu'il portait jusqu'alors à sa femme se transforma en une indifférence totale à son égard, qui se teintait souvent de ressenti et d'amertume. Robert Crain alla trouver réconfort dans les draps des jolies filles de Liverpool et dans les pintes d'hydromel. Et Imelda, quant à elle, porta tout l'amour qu'elle avait en elle en direction de Dieu.



TW: mort Imelda et Robert retournèrent à Grantchester, dans un dernier espoir de raviver la flamme dans un mariage qui n'en avait plus que le titre. Dormant dans deux chambres séparées, Robert ne remarquait plus tous les efforts de sa femme. Il ne voyait plus les festins qu'elle lui préparait au sortir de sa journée, puisqu'il ne rentrait même plus à la maison. Imelda Crain passait le plus clair de son temps seule, à astiquer chaque recoin de la maison, à plonger ses mains dans la terre comme ses parents lui avaient appris jadis pour y faire pousser de quoi nourrir cette famille qui n'en serait jamais une, et à prier le Ciel nuit et jour qu'on lui rende son enfant et l'amour de son mari. Le seul moment où le visage d'Imelda Crain s'illuminait d'un sourire, c'était lors de la messe. Depuis son départ, l'église de Grantchester s'était dotée d'un nouveau prêtre. Un homme plus jeune et charismatique que celui qu'elle connaissait à l'époque. Et très rapidement, il naquit entre Imelda et Father Tobias un lien indescriptible, le lien d'une dévote en quête de sens et d'un berger prêt à guider son troupeau. Imelda passait de plus en plus de temps à l'église, se portait toujours volontaire dès qu'il fallait faire la quête ou organiser un événement pour la paroisse. Et très vite, elle vit en Tobias un confident, même en dehors des confessions régulières qu'elle venait lui faire. Elle en vint même à parler de son don, qu'elle ne pratiquait plus depuis la perte de son enfant. “ I see... things. When I sleep, I have... visions of stories that aren't mine, of people I haven't met. And when I touch someone... Imelda saisit fermement la main de Tobias. The way I'm touching you right now... I can feel it... I can feel... How intrigued you are. And I can see... I can see us working together. We're... We're building an enourmous mansion. And we're not alone. I cannot see their faces but... We're not alone. ” Tobias ne retira pas sa main, pas comme il aurait dû. Parce qu'il savait qu'il avait rencontré la bonne personne pour l'accompagner dans sa Mission. Mais Tobias savait tout aussi bien qu'Imelda ne le suivrait pas. Pas tant que son mari était encore en vie. C'était une femme bien trop droite. Jamais elle ne le quitterait, même pour entrer dans les ordres.

Et alors qu'Imelda Crain se réfugiait dans la religion, alors qu'elle trouvait réconfort dans les paroles de Father Tobias, elle n'était plus au chevet de son époux. Elle n'était plus là quand il contracta une forme rare de dragoncelle. Et elle arriva trop tard. Toutes les quintes de toux qu'il eut pu avoir devant elle, elle les avait reléguées au vieux rhume qui traînait toujours en hiver. Son manque d'appétit, ce n'était dû qu'à l'absence de sentiments et de bonheur dans leur mariage, rien d'autre. Et peut-être n'avait-elle pas fait revenir les oignons suffisamment ? A aucun moment, Imelda Crain avait imaginé que son mari puisse mourir. Et pourtant... Alors qu'elle rentrait du goûter organisé par Father Tobias à l'occasion de l'assomption, elle trouva son mari, le corps inerte, gisant à ses pieds dans l'entrée. Et malgré le ressenti, malgré l'amertume laissée par toutes ces années d'infidélités, Imelda sentit son cœur se briser en deux, de la même façon qu'il s'était brisé pour son fils. Robert Crain avait toujours été l'amour de sa vie. Celui qui la faisait rire. Celui qui la comprenait. Mais Robert Crain était mort.

On n'eut aucune pitié pour la veuve éplorée, à Grantchester. Parce qu'Imelda Crain n'y était pas populaire. Pas après avoir ravi l'homme le plus adulé du comté de Cambridge. Pas après l'avoir rendu malheureux pendant toutes ses années. Pas après s'être montrée être une femme froide et intolérante auprès de toute le village. Alors c'est avec un regard condescendant qu'on l'observa se rendre une énième fois à l'église, la tête baissée cette fois. Ce n'est avec aucune pitié que toutes les maîtresses de Robert Crain vinrent le pleurer sous les yeux de sa femme. Et c'est sans un regard en arrière que la veuve décida de quitter Grantchester, pour se donner complètement à Dieu.



Imelda Crain avait senti un grand vide à la mort de son enfant. Et ce vide n'avait cessé de s'agrandir depuis la mort de son époux. Un vide, que rien ni personne ne pouvait combler. “ Jesus looked at them and said, ‘With man it is impossible, but not with God. For all things are possible with God.' ” Et dans ses lectures, Father Tobias avait raison. Ce vide, seul Dieu sut le remplir de son amour. Lorsque Tobias lui annonça quelle mission le Seigneur lui avait confié et lui parla des Douze, Imelda Crain sut immédiatement quelle était sa place. Elle se rappela de ce rêve où un homme fut assassiné sur les pavés de Rome. Il ne pouvait s'agir que de Meshach. Alors, Imelda embrassa cette nouvelle destinée, persuadée que tous les malheurs de sa vie avaient soudainement un sens, puisqu'ils la menaient jusqu'ici, sur le chemin de Tobias, et promise à un destin extraordinaire.

Imelda accepta la Morsure comme un immense honneur. Allongée sur l'autel, elle accueillit la douleur comme une bénédiction. Un moyen de purger toute la peine qu'elle avait pu ressentir dans sa vie de mortelle, avant de renaître, plus grande et plus forte, et surtout, fidèle servante de Dieu. Imelda Crain était morte. Mother Imelda était née.

La mission que Tobias confia à Mother Imelda Crain était simple : parcourir le monde à la recherche de ses futurs infants, ceux qui seront suffisamment vertueux pour devenir disciples à ses côtés et faire régner sur le monde la volonté de Dieu. Si le concept était simple, la tâche n'en était pas moins difficile, et bien vite, la religieuse fut confrontée à la lourdeur de sa mission. Nul ne semblait être à la hauteur de la Cause. Chaque rencontre, chaque nouvel échange, se solvait par une cuisante déception. Et Imelda avait encore du mal, à l'époque, à concevoir le temps long, maintenant que ses jours n'étaient plus comptés comme avant. Qu'importait si elle trouvait le premier disciple dans quatre-vingts ans, pourvu qu'il fut le bon ? Eh bien, pour Imelda Crain, c'était inconcevable. Elle ressentait une certaine urgence dans son devoir, un besoin irrépressible de mener à bien sa mission, puisque cela justifierait enfin qu'on lui ait accordé un tel honneur. La servante avait besoin de trouver un sens à sa vie et les Enfants des Douze répondaient précisément à cette quête.

Elle s'épuisait à ses recherches quand, presque cinq ans plus tard, elle fit sa rencontre. Jivan. Elle avait entendu parler de lui dans le Daily Prophet, en premier lieu. L'homme avait été emprisonné à Azkaban pour trahison. Une affaire d'espionnage en faveur de l'Inde indépendante face à l'Empire britannique. Le pauvre homme avait perdu sa femme et sa fille dans l'histoire, en plus de sa liberté. Imelda était parvenue à prendre contact avec lui en se faisant passer pour son avocate. La sécurité de l'époque n'étant pas ce qu'elle est aujourd'hui, le faire s'échapper du Ministère était une chose relativement aisée, surtout lorsqu'on pouvait compter sur un réseau d'adeptes déjà infiltrés et à disposition. Le plus dur restait de le convaincre. “ The Children of the Twelve? ” Jivan n'avait jamais été un grand dévot. Malgré une culture extrêmement riche et une forte influence de l'indouisme dans sa vie, Jivan Mahal s'était toujours refusé de croire en une force supérieure quelconque. Mais c'est incroyable ce que la peine et le deuil peuvent faire naître chez quelqu'un. “ We only have one purpose. And that's peace. I believe that it's what you were already looking for? ” “ I was, yes... ” “ Then it's settled. There's nothing I loathe more than a man who lost his convictions. ” Pour la première fois en trois ans, le visage de Jivan s'était fendu d'un sourire. La droiture d'Imelda, presque caricaturale, avait quelque chose de réconfortant, de familier. D'attendrissant, presque. “ If you believe that I'm going to let an interesting wizard like you rot in a cell full of rat faeces, for believing in what's right, you are very wrong. ” Jivan ne resta pas un jour de plus à Azkaban.



Jivan Mahal, devenu Crain, n'était que le premier des onze autres disciples qu'Imelda devait recruter. Rassurée par cette réussite et par la présence du nouveau vampire à ses côtés, la sorcière parcourut le monde pendant des années en quête de ses frères et sœurs. En Autriche, en France, en Russie, au Japon, en Italie, en Espagne, en Égypte, en Colombie, au Nigeria, aux États-Unis, ou à Jakarta. Des succès, des échecs, parfois même des morts. Mais jamais Imelda Crain ne baissa les bras. La Cause était trop grande, l'honneur aussi. C'est avec l'aide de Tobias et de son échange avec Meshach, disciple de l'ancien ordre, et celle de Jivan, pour sa connaissance impeccable de la géopolitique sorcière et des renseignements, qu'elle parvint à faire une liste des compétences nécessaires aux Enfants des Douze : juger, renseigner, punir, protéger, soigner, prêcher, nourrir, exécuter, recruter, former, savoir et déconstruire. Au fil des rencontres et au fil des expériences, Imelda précisa les contours d'une société secrète capable de se subvenir à elle-même et de survivre envers et contre tout. Elle bâtit de ses mains un ordre à part entière et rallia à sa cause des dizaines d'adeptes, en plus des disciples. Et bientôt, c'était une affaire qui roulait, sans accroc ni retour en arrière.



Sans accroc ni retour en arrière... C'était du moins ce qu'Imelda se répétait sans cesse dans ses prières. “ May us live, and may the voice of God be heard by every soul, for we are only preaching what is righteous and good. May no evil come our way, and may all the Children be safe forever. ” Imelda avait espéré que le Seigneur écoute sa prière. Mais elle se souviendra toujours du déchirement ressenti dans ses entrailles quand Ishmael leur signala grâce aux runes qu'il avait été compromis. La peine était aussi grande que lorsqu'elle avait perdu son fils ou son mari. Après tout, les Enfants des Douze étaient cette gigantesque famille qu'elle s'était toujours rêvée d'avoir. Et l'un de sien venait d'être compromis. Non sans peine, mais sans hésitation aucune, la Mère ordonna la mort de son enfant, comme il avait toujours été prévu de le faire dans une telle situation. Imelda Crain s'éloigna des autres pendant un mois, accueillant difficilement cette peine qu'elle ne pensait plus jamais ressentir, ce vide incommensurable laissé par Ishmael après sa mort. Elle avait suivi, peut-être avec un peu plus de distance qu'elle ne l'aurait dû, le recrutement du nouveau disciple. Mais c'est comme si elle avait rencontré Abraham pour la première fois le jour de sa Morsure. Elle espérait que le jugement des autres fut le bon. Mais son instinct criait déjà méfiance, quand elle voyait le regard de Tobias se déposer sur la jeune recrue. Quelque chose se tramait...



Imelda Crain était une sorcière puissance, nul ne pouvait en douter. De par ses accomplissements, bien sûr, et sa place au sein de l'ordre. Mais Imelda Crain était avant tout un puissant oracle. Ce don, qui lui provenait certainement de sa grand-mère maternelle, qu'elle n'eut malheureusement jamais rencontré, mais dont elle retrouva la trace avec l'aide de Sister Agatha. Ce don, qui s'exprimait toujours sous forme de rêves ou de pressentiments au contact des autres, elle était parvenue à le maîtriser, au fil des années, et à en déceler les secrets. Lire entre les lignes d'une vision parfois obscure n'avait plus de secret pour elle. Mais, lorsqu'elle reprit conscience au beau milieu de son bureau, sans avoir le moindre souvenir de ce qui avait bien pu se passer, et qu'elle avait fait face au regard mi-fasciné, mi-effrayé de Dewie, elle réalisa l'ampleur jusqu'alors inexploité de son don. Dewie l'aida à retrouver la mémoire en lui partageant son souvenir dans la pensine située dans son bureau. “ Le danger guette les enfants du Seigneur... Le crucifix se renverse et le goût de la trahison est amer... Le Mal guette les hommes tandis que l'année s'achève... Il faudra faire un choix... Il faudra faire un choix... ” Première prophétie de l'oracle, qui choisit de la taire et ordonna à son adepte de garder le secret. Si un air de trahison plane sur les Enfants des Douze, il faudra débusquer le Judas avant la fin de la Cène.