La silhouette solitaire de Harry Potter se tient au milieu de la petite place qui se trouve au bout de Diagon Alley, près de Gringotts. Même ceux qui ne l'ont jamais connu peuvent voir qu'il est différent: il a une barbe tout d'abord, ce qui choque la plupart des spectateurs qui se souviennent de sa tête de bébé sur la Une du Daily Prophet pendant le Tournoi des Trois Sorciers; ses cheveux, réputés pour être indomptables, sont coiffés soigneusement et peignés en arrière, ils accentuent les traits minces de son visage. Le plus choquant, peut-être, c'est le fait qu'il soit épaulé par deux Mangemorts: Narcissa Black et Rodolphus Lestrange — le pire, c'est qu'ils n'ont pas l'air de l'inciter à rester calme ou à ne pas essayer de s'échapper. Au contraire, la main de Black sur son épaule est presque réconfortante et, avant qu'Harry Potter ne s'avance jusqu'au centre de l'estrade installée pour l'évènement, ils échangent un sourire complice.

Les chanceux qui se trouvent au premier rang peuvent voir ses yeux verts derrière ses lunettes rondes, ses doigts osseux, son sourire affable. Et surtout, la cicatrice rouge sur son front dégagé. Il y a une semaine, la nouvelle a fait le tour des journaux: Harry Potter est de retour, le Lord ne l'a jamais tué, mais seulement emprisonné. Beaucoup n'y ont pas cru, la plupart en a rit, certains ont pensé à une ruse. Il est difficile de savoir quoi penser en voyant celui qu'on appelait un jour l'Élu donner une conférence de presse sous l'égide du Lord. Celui-ci n'est nulle part; observe sans doute la scène de loin. Il n'y a que Potter, Black et Lestrange, ainsi que Dolores Umbridge qui sourit gentiment à l'intention des journalistes et spectateurs.

“ Sorciers et sorcières, d'ici ou d'ailleurs, ” commence le Survivant d'une voix hésitante. Il échange un regard avec Narcissa, et sa voix devient plus ferme, confiante. “ Je suis ici pour rassurer ceux qui ont pu s'inquiéter ces dernières années, et confirmer ce qui a été publié la semaine dernière dans le Daily Prophet. Je suis bel et bien, um, vivant. ” Il adresse un petit sourire à l'assemblée de sorciers dubitatifs. “ Je ne peux pas partager avec vous toutes les choses qui sont arrivées ces dix dernières années, mais je peux comprendre que mon retour dans ces circonstances puissent en attrister et inquiéter certains. Je veux assurer à mes amis que je suis en bonne santé et sain d'esprit. ” Il baisse la tête vers ses notes, remontant ses lunettes sur l'arête de son nez cassé. “ Pendant des années, je me suis battu à vos côtés et vous avez continué, contre toute attente, malgré l'annonce de ma mort. Je n'ai jamais été aussi fier de vous, et jamais été aussi impatient de vous revoir. C'est pour ça que j'aimerais que vous entendiez enfin la raison. ” Il relève les yeux et balaie l'assemblée du regard. “ Pendant toutes ces années, alors que le monde sorcier se déchirait dans une guerre intestine qui a fait se battre des frères entre eux, le monde moldu n'est devenu que plus puissant, et plus nocif. Que nous le voulions ou non, nos mondes sont liés. Quand les moldus sont faibles, quand ils se déchirent, quand ils se tuent, nous en subissons les conséquences. Et quand nous en faisons de même, ils en subissent les conséquences eux aussi. ”

La plupart des spectateurs a la bouche ouverte, l'air perdu: de quoi parle-t-il? Est-ce seulement le véritable Harry Potter, qui s'exprime sur ses amis et compagnons d'armes avec tant de détachement? “ La magie est puissance, ” assène-t-il avec foi. Ce motto est celui de Ministère depuis de nombreuses années maintenant. “ Nous pouvons aider nos confrères moldus, et montrer notre puissance au monde. Nous pouvons changer le futur et créer une société où chacun a la place qu'il mérite. Mais avant tout ça, il faut que le monde sorcier s'unisse et commence à agir pour le plus grand bien. Merci à tous.”

Vasily prit une profonde inspiration, un sourire aux lèvres. Hmm, le parfum de la magie était si fort durant ces rassemblements de sorciers, presque intoxiquant. Un vampire moins expérimenté que lui se laisserait probablement happer par l'odeur et commettrait l'irréparable. Vasily avait appris à se contrôler. Et, surtout, il avait pris la peine de se nourrir avant l'événement, pour ne pas risquer d'être déconcentré. Après tout, il n'était pas ici pour le plaisir, ça, c'était certain...

Lunettes de soleil juchées sur le nez, ombrelle le préservant tant bien que mal de l'astre solaire et des méfaits qu'il engendrait sur sa santé, Vasily observait, humait, écoutait. Il préférait les missions nocturnes, pour lesquelles il était plus équipé, mais le Survivant allait prononcer son discours et un tel événement nécessitait la mise en place d'une sécurité ferme et infaillible, autant que faire se peut.

Le Survivant... Pfeuh. Vasily avait survécu à l'inceste et à la congénitalité et il n'en faisait pas tout un plat. Le vampire rangeait cela dans la catégorie de "choses incompréhensibles et ennuyeuses vénérées par les humains". Cela faisait plus de vingt ans que le Survivant avait survécu, il fallait peut-être passer à autre chose, au bout d'un moment... Mais personne ne demandait son avis à Vasily, bien malheureusement, et le discours du barbu avait attiré foule. Des curieux, des sceptiques, des détracteurs, des angoissés... Difficile de savoir quelles étaient les intentions de tous et toutes, le véritable motif de leur présence.

Le Survivant commença son discours et Vasily grimaça ouvertement, laissant échapper un audible "... et hybrides, merci de ne pas oublier." avant de retourner à sa tâche, scrutant, espionnant. Le reste du discours se perdit dans l'oreille du vampire, dans un "bla bla bla" inintéressant. Bla bla bla sain d'esprit bla bla bla moldus faibles bla bla bla magie est puissance bla bla bla. Vasily laissa échapper un bâillement. Tellement ennuyeux. Il ne se sentait pas concerné par ce discours, qui ne mentionnait nullement son espèce. Moldus, sorciers et voilà tout. Comme d'habitude, ils étaient les grands oubliés.

Le regard de Vasily se posa brièvement sur le Survivant, ses lunettes dissimulant l'aura gourmande qui s'y dessinait. Il avait beau se dire que le garçon ne méritait pas tout le ramdam déclenché par sa simple présence, il ne pouvait s'empêcher de se demander si le sang de celui qui avait su résister à un sortilège de la Mort était plus savoureux que celui de ses pairs... Enfin, pour savoir cela, il faudrait déjà avoir l'occasion de goûter au Survivant et ça n'était pas prêt d'arriver.

Vasily huma l'air. Magie, magie, magie. Rien qui ne sortait de l'ordinaire pour le moment. Peut-être que rien ne se passerait. Que le Survivant terminerait son passionnant discours et qu'ils rentreraient chacun chez eux avec la sensation d'avoir royalement perdu leur temps. C'était probablement ce qu'il pouvait se passer de mieux. Sûrement. Mais quel ennui cela serait !

Un sourire s'étira sur les lèvres de Vasily et il se balança légèrement sur la plante de ses pieds,  déjà prêt à se jeter sur celle ou celui qui ferait le moindre faux pas. Allez, que quelqu'un s'excite ! Que le chaos commence !

« Paaaaardon. Pardon. Excusez-mo- pardooon. » Les syllabes qui se traînent à mesure que tu joues des épaules, les coudes serrés pour ne pas froisser ton épaisse cape noire. Ton chapeau à large bord gêne le champ de vision des sorciers que tu doubles, mais tu n’en as cure. Tout comme le discours de Potter que tu n’écoutes -que tu n’entends que d’une oreille distraite. Tout ce qui t’importe pour le moment, c’est l’ombrelle sinistre vers laquelle tu te frayes un chemin avec la nonchalance et le dédain d’une grande femme du monde.
Ce culot t’était bien propre quand tu n’étais pas à l’aise. Et, même avant ta transformation, depuis ton augmentation comme l’appelait ta mère, ce genre de rassemblement ne te disait rien qui vaille. Une mémoire avisée aurait daté ce malaise de Hogwarts, où être convoqué dans la Grande Salle, en plein milieu de l’année, si ce n’était pour les repas, n’était jamais bon signe.

« Il était de ma promotion à Hogwarts, vous saviez ? » que tu glisses d’un ton badin et un peu vantard à ton interlocuteur finalement atteint. Ton sourire est le pire, impeccable sous tes yeux grands ouverts, absolument pas rieurs. On dirait que tu vas faire une visite chez le dentiste. Et Merlin seul sait qu’avec des crocs pareils, tu aurais intérêt à en prendre soin.
Mais il fallait te comprendre ; de tous les vampires que tu avais pu croiser depuis la fin de ta convalescence, Orlov était celui qui te faisait le plus froid dans le dos. Tu ignorais encore tous des instincts dont la malédiction t’avait fait don, de fait, tu mettais ce sentiment d’intimidation et de dégoût sur le compte de son crâne parfaitement chauve et ses manies d’enfant fou.

Même un Flint aurait pu comprendre que tu ne le portais pas dans ton coeur au ralenti. Néanmoins, comme un instinct d’une nouvelle nature, et un besoin plus intestin, c’était vers lui que tes pas s’étaient dirigés.
Et pourtant, il faut dire que vous faisiez bien la paire, à ne pas biter l’importance de ce qui se produisait -l’un par détachement pour la race humaine, l’autre par pure sottise-, et de par votre look morbide et élégant. C’est que tu n’avais pas chômé pour l’occasion, tout en cape et en couvre-chef, le nez chaussé des lunettes fumées chaudement recommandées par ton obligé dégarni.
« Une vraie plaie » que tu continues en sifflant, légèrement penché à l’oreille de ton comparse, ne cherchant même pas à savoir s’il se réjouissait de ta compagnie. « Impossible d’avoir une seule année scolaire tranquille avec lui. Je n’ai jamais vu un besoin de se faire remarquer aussi indécent… » Et ce n’était pas faute de ne pas savoir ce que c’était… « Et sinon… il en est où ? »

Le Firewhisky manque de goût et pourtant, je le vide d'un trait avant de déposer quelques pièces sur le comptoir, pas besoin d'attendre la monnaie, j'ai un planning chargé. Je sors du Chaudron Baveur et je remarque enfin la foule amassée. Ah oui, c'est vrai, le revenant va parler. On l'a annoncé un peu partout comme l’événement de l'année et si je n'y croyais pas au début, je ne peux pas m'empêcher de vouloir la voir de mes propres yeux, cette tronche de binoclard et cette cicatrice devenue légendaire.
Et je ne suis pas déçu du spectacle qui s'offre devant moi. J'avance, je donne des coups d'épaule, mais je lâche une grimace quand je cogne trop fort. La plaie récemment fermée, mais encore fragile au côté droit me fait mal. La morsure est encore là et me rappel que le temps est compté, que je ne suis plus un sang-pur, même si je me pavane et me comporte comme tel, mais bel et bien un hybride parmi tant d'autres. Je ne peux pas m'empêcher de les mépriser et bientôt, c'est moi que je vais mépriser, mais chaque chose en son temps, Greg. Avant de me préoccuper de mon état, je veux le voir. Lui, Potter, Saint Potter, le voir et entendre sa voix, savoir ce qu'il va dire, même si j'imagine qu'il va répéter un speech savamment étudiée par d'autres individus que lui-même. Et voilà que j'arrive pratiquement au premier rang. Je me cale contre un mur et j'attends, laissant mes mains traînées dans mes poches, attentif à la scène qui se déroule devant mes yeux. Je ne peux pas m'empêcher d'être surpris, d'écarquiller brièvement les yeux quand je le vois enfin.
Potter. Et à ses côtés, deux figures connues, mais je les ignore. Je peux pas détacher mes yeux de celui qu'on appelait il y a déjà longtemps, the chosen one. Mes mains sortent de mes poches et je craque bruyamment mes doigts en écoutant le monologue de Potter. Ses paroles ne sont pas les siennes. Ca semble presque irréel et j'en viens à me demander si mon père était au courant. Bien sûr que non, il n'est pas dans le cercle intime du Seigneur des Ténèbres, même s'il porte la marque, même si c'est son plus grand souhait. Cette pensée m'amuse, tandis que le discours continue. La foule reste étonnant silencieuse, même si quelques murmures se font entendre.

Enfin, je tique quand je l'entends affirmer que les moldus sont faibles. Les souvenirs vont et viennent en moi. Je me souviens de Potter aux côtés de cette mademoiselle je-sais-tout de Granger, pour rester poli, avec sa tignasse indomptable. Je lâche quelques paroles, je pense que je les murmure, mais elles sont malgré moi, plus audibles que je ne l'aurai pensé. Et c'est Potter, l'ami des sangs de bourbe qui dit ça ? Celui qui avait Granger comme meilleure amie ? Incroyable. Un sourire délicieusement mauvais se dessine sur mes lèvres, je ne le quitte pas du regard pour autant.
Ce qui me choque le plus, c'est la voix de Potter. Elle ne tremble pas, ou alors je ne le remarque pas. Il apparaît comme persuadé de ce qu'il dit, pas simplement comme un pantin qui agit contre sa volonté. Impressionnant. C'est un gentil chien bien élevé et dont le mental semble avoir été brisé ? Bien joué. Je ne suis pas le plus malin, mais je reconnais là le travail efficace des intimes les plus proches de Lord Voldemort.

Je me détache enfin du mur contre lequel je m'adosse depuis le début de ce fascinant discours quand j'entends une voix traînante familière. Bagshot. Je le reconnais facilement pour travailler à ses côtés parmi d'autres hybrides. Je le considère d'un oeil mauvais, le regard supérieur. Ca me dégoûte de penser que je suis censé avoir le même statut que lui maintenant, mais ses paroles sont une douce mélodie à mes yeux et mon visage change pour laisser échapper un sourire entre mes lèvres. Tu oublies ses séjours réguliers à l'infirmerie. Quelques pas en avant, je m'approche de l'homme pour me tenir à ses côtés. Je ne suis sans doute pas le plus bavard ni le plus loquace, mais le whisky semble faire effet et j'ai envie de cracher du venin sur l'élu d'hier et le toutou d'aujourd'hui. Ce discours est-il satisfaisant à tes yeux ? Un Potter, plus âgé, plus soigné dirions-nous et qui se tient du bon côté, surprenant non ?

Pansy a reçu une invitation, ce qui n'est pas étonnant, évidemment, puisqu'elle est invitée partout. L'invitation toutefois s'adressait à elle en tant que journaliste — mention flatteuse car si elle est l'heureuse détentrice d'une carte de presse, elle se sait souvent dénigrée pour ses articles jugés frivoles — ce qui tout en la brossant décidément dans le sens du poil, l'étonna malgré tout quelque peu. Fière de son métier et tannant son monde pour être reconnue comme véritable gourou de la mode et journaliste de talent, on ne peut pas, objectivement, la qualifier de reporter. Alors à moins qu'il ne s'agisse d'un défilé spontané à la Kenny East en plein milieu de Diagon Alley, elle a du mal à comprendre ce qu'on peut bien attendre de sa couverture du mystérieux événement. Et à sa grande déception ce n'est pas l'américain chanteur-designer de génie qui vient présenter ses œuvres devant ce qu'il reste de Gringotts, mais un fantôme de sa vie étudiante. Ce que Harry Potter peut bien avoir à annoncer au monde sorcier ne l'intéresse pas vraiment. Mais l'idée d'avoir reçu cette invitation — peut-être par erreur, peut-être par moquerie condescendante de son auteur, qui sait — la flatte trop pour qu'elle se garde d'y aller, badge autour du cou pour bien montrer aux flâneurs et voyeurs qu'elle elle a de bonnes raisons d'être là — à grands coups de : Je travaille moi madame.

L'importance qu'elle cherche à se donner est quelque peu diminuée par les centimètres qui lui manquent pour bien voir ce qui se joue sur la place, en dépit de ceux qu'elle a grappillé grâce à ses escarpins. Heureusement elle a pensé à tout et elle n'a pas oublié d'emporter avec elle en quittant son appartement son arme la plus fatale : Blaise Zabini. Il a ronchonné mais il l'a laissée, las et habitué, monter sur ses épaules pour surplomber la foule. Elle a peut-être un peu abusé en revanche, en posant son carnet de note en équilibre sur ses cheveux. Il n'a pas trop apprécié. « Pour l'amour de Merlin arrête de bouger je n'arrive pas à écrire. » geint-elle alors que sa plume à papotte, qui fait en réalité tout le travaille pour elle, laisse pour la bonne forme une tâche d'encre sur le parchemin déjà bien noirci. Il n'y a pas à dire, ça sort de son domaine d'expertise et Pansy n'a pas du tout envie de s'improviser reporter politique, mais à son grand plaisir Potter en plus de balancer des généralités sans grand intérêt, est aussi venu habillé comme un clown, ce que ses lecteurs seront ravis d'apprendre. Il y a les photos bien sûr, que prennent les photographes environ toutes les trois secondes, mais voir ne leur suffira pas ; sans l'avis de Pansy sur la question, comment sauront-ils que Harry Potter, le Survivant, ne sait pas s'habiller ? Ceci dit, tout ça, elle peut bien l'écrire depuis son bureau. « Qu'est-ce qu'on s'ennuie, il lui faudrait définitivement embaucher quelqu'un pour écrire ses discours — en plus d'un styliste. » Elle roule des yeux et enfonce un peu les doigts dans la crinière frisée de Blaise pour retrouver son équilibre qu'elle croit un instant perdu. « Hmph j'te parie cinquante Gallions qu'il est sous impérium. » Qu'on ne la méprenne pas : ce qu'Harry dit n'est pas faux. Mais c'est Harry Potter. Même Pansy Parkinson sait qu'il faudrait sacrément le casser pour qu'il se mette à prêcher la bonne parole.

The Boy Who Lived est au premier plan de la scène. Poppy ne sait pas vraiment ce qui l'a amenée ici, pourquoi elle se retrouve au milieu d'une foule qu'elle a du mal à supporter, en train d'écouter un discours qui lui écorche les oreilles, sorti de la bouche de celui qui représentait l'espoir de vaincre le Seigneur des Ténèbres. Dumbledore doit se retourner dans sa tombe.

Pauvre vieux fou.

Elle n'écoute que d'une oreille, désintéressée maintenant qu'elle sait qu'il ne fait que recracher la propagande écoeurante que le Ministère leur enfonce dans la gorge depuis des années. Elle préfère laisser ses yeux se balader sur la foule autour d'elle — elle reconnaît quelques anciens élèves de Hogwarts qu'elle a pu croiser pendant ses propres années d'études, puis la silhouette ombrellée de Vasily et la tête blonde de Boris à son côté. S'il y a bien deux personnes qu'elle peut supporter dans ce lot de crétins avides de scoops, c'est eux. Pardon... Pardon, excusez-moi, j'aimerais passer, merci... Elle se fraie un chemin à coups de coudes dans les côtes jusqu'à apparaître à côté des deux vampires, silencieuse comme une ombre, petite tête blonde innocente. Juste à temps pour entendre la dernière question de Boris, apparemment.

T'as pas perdu grand-chose, il est juste en train de nous raconter la même merde que le Ministère. Poppy fait un vague signe de la main aux deux hommes, peut-être bien les deux seules personnes qu'elle peut appeler ses amis, même si sa mâchoire se ferme avec un clic parfaitement audible. Mauvaise idée que de critiquer ce cher Ministre dans une telle foule. C'est parfois risqué de le faire derrière les portes closes de sa propre maison, alors sur Diagon Alley...

Effectivement, mieux vaut qu'elle se taise pour une fois. Une ombre leur tombe dessus, cache le soleil pour une fois présent dans le ciel anglais, et elle cligne des yeux pour ajuster sa vision — jusqu'à reconnaître Gregory Goyle. Un autre ancien de l'école, quoique pas de sa promotion. Elle se souvient avoir toujours été vaguement effrayée par sa carrure. Une moue ourle ses lèvres à la question que Goyle pose, préfère rester silencieuse cette fois. Pas certaine qu'il l'ait remarquée, surtout qu'elle a arrêté sa croissance à l'âge de treize ans et qu'elle n'a jamais été épaisse. Mieux vaut rester discrète.

Ils ont essayé de le convaincre de rester à St James - Kingsley et Molly, surtout - qu’ils allaient envoyer du monde pour analyser la situation, que c’était un piège, que ce n’était probablement même pas Harry, qu’ils devaient réfléchir à un plan avant de tenter quoi que ce soit.

Sirius leur a ri au nez à l’idée qu’ils s’imaginent une seule seconde pouvoir l’empêcher de se rendre à Diagon Alley et voir de ses propres yeux ce qu’il en est réellement. Et puis il a retrouvé les membres du sixième Cercle qui l’attendaient tous dans son bureau, prêts à argumenter pour qu’il les laisse y aller et Sirius les a coupés nets avec un “Allons-y,” avant de taper dans sa réserve de polynectar et de se tirer sans un mot, sans même dire quoi que ce soit à Remus, qui semblait à deux doigts de s’aligner avec Kingsley. Il sait pourquoi. Remus a peur qu’il fasse quelque chose de stupide, qu’il se mette en danger, pire, qu’il se fasse tuer.

Et Remus a absolument raison, alors ça ne servait à rien que Sirius reste plus longtemps pour débattre avec lui.

Bien évidemment qu’il va faire quelque chose de stupide. Tout comme les plus jeunes qui le suivent, il est impossible de le tenir loin de ce qui est sur le point de se produire à Diagon Alley. Alors autant qu’ils y aillent tous ensemble et que Sirius puisse garder un oeil sur eux, pas vrai ?

Il est parfaitement irresponsable, il se lance encore dans quelque chose qu’il va regretter, mais Sirius est incapable de penser aux conséquences à cet instant.

Après avoir pris leur dose de polynectar pour camoufler leur apparence, ils se sont rendus à Diagon Alley et ont fait en sorte de légèrement s’éparpiller dans la foule, mais Sirius s’assure de toujours les avoir dans son champ de vision. Bien évidemment, l’endroit est bondé et bruyant, mais toutes les voix se taisent et Sirius oublie complètement le monde qui l’entoure lorsqu’il l’aperçoit enfin.

Il ne voit plus tellement l’adolescent qu’il a connu, il ressemble encore plus à James, même s’il est plus âgé que son meilleur ami ne l’a jamais été. Plus maigre, plus pâle aussi. Voir sa cousine et Lestrange se tenir à côté de lui donne envie à Sirius de hurler, mais il serre les dents et observe.

Il a sa gestuelle. Sa gêne et sa maladresse, lorsqu’il prend enfin la parole. Harry n’a jamais été à l’aise avec sa célébrité, s’exprimer en public, face à une si grande foule, ça n’a jamais été son truc et celui qui se tient devant eux aujourd’hui semble éprouver le même inconfort.

Et puis Sirius écoute réellement ce qu’il est en train de dire et son sang se glace dans ses veines. La nausée qui lui occupe la gorge l’empêche presque de respirer.

Ce n’est pas Harry.

Il ne sait pas qui se tient devant eux, mais ce n’est pas Harry, ça ne peut pas être lui. Son filleul ne dirait jamais une chose pareille, il ne s’alignerait jamais avec Voldemort.

Sauf si… sauf si…

L’idée le révulse et le fait chanceler. A sa droite, quelqu’un le rattrape de justesse avec un grognement et Sirius lève les yeux pour marmonner des remerciements - il ne doit pas attirer l’attention sur lui, il--

Ginny se tient à quelques pas de là, ses grands yeux remplis d’horreur rivés sur Harry, toujours debout sur l’estrade.

Ses longs cheveux roux clairement visibles alors que les gens qui l’entourent s’écartent un peu d’elle et que des murmures s’élèvent dans la foule.

Peter est là, lui aussi. Seul. Éloigné des autres, en retrait. Il est sagement installé à l'arrière de la scène, loin de la foule et de tous ceux qui défigurent Harry. Mieux vaut ne pas trop en rajouter. Voir le point central de la résistance aux côtés de l'ennemi est suffisamment douloureux. Et puis, il n'est pas du genre à chercher à ce que les regards se posent sur lui, sa vie est déjà assez compliquée comme ça. En revanche, ça serait mentir de dire qu'il n'aurait pas aimé se tenir à ses côtés, l'aider autant qu'il le peut. Ses lèvres se resserrent légèrement l'une contre l'autre en voyant Harry poser ses yeux sur ses notes, utilise tes propres mots mon garçon. C'est quelqu'un de courageux. Il va s'en sortir, va affronter le jugement des autres et vivre avec. Il va avancer, continuer et changer le monde. Rêves d'un enfant. Exemple à suivre pour beaucoup ; mais également cible à abattre pour tromperie, création malsaine du Lord, pantin fabriqué ou balafré manipulé. Les rumeurs circulent déjà, se forment et goûtent à la vie dans cette foule. Il en est persuadé, les visages et émotions ne trompent pas. Combien semblent déçus ? Combien semblent abattus ? Combien semblent heureux ? Elles sont toutes là, logées sur ces visages, sur ces gueules de vipères. Il n'était pas partant pour ce discours. Pas ici. Pas maintenant. Jamais. C'est trop dangereux, ça peut éveiller des monstres endormis - sauf qu'il a signé pour ça. Alors Peter n'a pas refusé, s'est habillé de manière à se fondre dans la masse, garde fermement sa baguette en main. Prêt à bondir au moindre faux pas, loin de lui l'idée de s'enfuir en courant. Quoiqu'elle puisse revenir. Il ne peut s'empêcher de se redresser légèrement pour tenter de reconnaître quelques visages. Patmol et Lunard doivent être de la partie, enfin, sous un autre faciès. N'espère pas. Il ferme quelques secondes ses yeux, chasse les deux hommes de son esprit pour se focaliser uniquement sur Harry. Ce même Harry qui vient de terminer son discours et qui tient de manière plus apaisée ses notes. Un fardeau en moins, des explications offertes à ceux qui souhaitent les entendre, un devoir rempli. Le côté droit de ses lèvres remonte légèrement vers ses oreilles, c'est quasiment imperceptible, mais il voudrait sourire, bien joué gamin. Pourtant sa mâchoire se resserre, son visage perd de sa lumière. Le ton semble monter. Une réaction, peut-être ?

Vasily se contenta de hausser les épaules lorsque Boris arriva à sa hauteur et précisa que Harry Potter était à l'école avec lui. Quelqu'un d'autre que lui serait probablement plus intéressé. Mais Vasily n'avait jamais mis les pieds à Poudlard ou dans le moindre établissement magique et ce n'était pas prêt d'arriver.

Boris aurait pu lui dire qu'il était le meilleur ami du Survivant et qu'ils avaient l'habitude de faire des batailles de polochon, Vasily n'aurait pas été plus intéressé. A part au sujet de la bataille d'oreillers, peut-être. Ca aurait pu être divertissant, dans cet océan d'ennui. Peu à peu, les deux vampires se retrouvèrent entourés et l'ouïe de Vasily se perdit entre le brouhaha ambiant et les interventions de chacun.

De sa main libre, il massa l'une de ses tempes, sentant la migraine poindre. A première vue, rien ne se passait. C'était absolument assommant, mais au moins, si les choses continuaient de la sorte, cela serait vite fini. Vasily pourrait quitter la chaleur du soleil et n'aurait plus à craindre d'être brûlé s'il sortait la tête de son ombrelle. Finies les lunettes, qui lui permettaient actuellement de voir un tant soit peu dans un environnement beaucoup trop lumineux pour lui...

Un soupir se glissa hors de ses lèvres. Vasily promena son regard sur son environnement, adressant un sourire à Poppy, jusqu'à ce que ses yeux accrochent une étrange scène. Des cheveux aussi roux que le feu le plus ardent, des murmures, des gens qui s'écartent... Vasily posa sa main sur l'épaule de Boris pour rediriger son attention, soufflant à son oreille :

"Tiens-toi prêt à intervenir. Potentiel membre de la résistance à 5 h."

Lâchant l'épaule de Boris, Vasily tira discrètement un couteau de sa poche. Ses doigts se resserrèrent autour de son ombrelle d'une main et son arme de l'autre, prenant le temps d'analyser la situation. Trop de monde les séparait actuellement de l'agitation potentielle.

Tenter une attaque à cette distance et dans ce contexte, ce serait profondément stupide. Et, bien qu'il n'en avait absolument rien à faire, il se doutait que le discours du Survivant était trop important aux yeux du pouvoir pour être éclipsé par la présence potentielle de résistants ou l'intervention des hounds pour les maîtriser. Ils devaient faire preuve de subtilité, de discrétion...

Un instant, Vasily reporta son attention sur Poppy, hybride, comme lui, mais qui n'était pas formée à se battre comme il l'était. A mourir comme il l'était. Il songea à Boris, si jeune, tout juste jeté dans la fosse aux lions, mais s'il n'avait que lui à se préoccuper, il pouvait s'en sortir...

"Tu devrais te mettre à l'abri. J'ai un mauvais pressentiment..."

Vasily aurait été tenté d'envoyer Boris en éclaireur ou en distraction pour lui laisser le loisir d'approcher et de soumettre discrètement le ou la potentiel(le) membre de la résistance, mais c'aurait été l'exposer au danger. D'un autre côté, tous deux ensemble, ils étaient définitivement remarquables... Lui avec son ombrelle et son crâne si caractéristique, Boris avec son sens du style qui lui était propre...

Pas le choix. Ils allaient devoir avancer, tous les deux.

"Ce n'est peut-être rien, mais je préfère m'en assurer. Viens."

D'un signe de tête, il indiqua à Boris de prendre sa suite, son regard focalisé sur sa cible, ses doigts refermés sur son couteau. Maintenant, se frayer un chemin dans la foule. Concentré sur son avancée, il manqua de percuter un homme qui semblait en piteux état. Ce dernier chancela et, dans un réflexe, Vasily s'empressa de le rattraper. Son ombrelle glissa de ses doigts dans la manoeuvre, exposant sa peau aux rayons du soleil, lui tirant un grognement douloureux.

Il regrettait d'avoir choisi cet objet pour se protéger de la chaleur. S'il le fallait, il s'en séparerait et supporterait aussi longtemps que possible les effets de l'astre solaire. Boris avait été plus malin que lui avec son chapeau, ça, c'était certain. Enfin, il l'atteignit, la source des murmures, de la curiosité d'autrui. Vasily n'avait pas le temps de vérifier que Boris l'avait suivi. Il devait agir, vite.

"Veuillez me suivre, s'il vous plaît. Vous perturbez le bon déroulé de ce discours."

Plus rapidement cela serait réglé, mieux cela serait. Ecarter le problème. La sortir de la foule. Laisser le Survivant et ceux qui l'entourent reprendre le contrôle de la situation. Comme si de rien n'était.

Vasily avait glissé son couteau sous sa manche, le dissimulant aux badauds les plus proches. Mais il savait que la demoiselle pouvait le voir et percevoir la menace qu'il représentait. Qu'il valait mieux ne pas le prendre à la légère. Si elle ne le suivait pas bien gentiment, Vasily ne se contenterait pas de lui demander une nouvelle fois bien poliment. Non.

Il s'occuperait d'elle. Personnellement. A sa façon. Tel était son travail.