Partir, échapper à la cacophonie de lumière et de sons, tapant contre son crâne pour s'y engouffrer et rejoindre le souffle de mort y régnant ; la voix d'Ezekiel le cueillit juste à temps, coupant court à cette fuite sans appel vers laquelle il tâtonnait gauchement, à la recherche, déjà, du chemin qui le guiderait vers le confort silencieux et familier de chez Benjamin et de sa tante. ”I’m not leaving you alone. I promised.” Le regard de Celyn grimpa à niveau, appréhendant, en un vieux réflexe, le degré de sincérité de son vis-à-vis – le degré de réalité de cette situation surréelle, où Zeke se levait pour lui tendre la main.

Le transplanage manqua de le balayer ; Celyn se raccrocha au bras d'Ezekiel, se sentant flancher sous une perte d'équilibre violente – lorsqu'il ouvrit les yeux, ils étaient sur le pas de sa porte, et son corps s'était légèrement avachi contre le sien, la solidité du sol, sous eux, la preuve qu'ils étaient de retour de l'autre côté du miroir. ”Sorry about the landing.” ”No, I'm sorry.” About everything, manqua-t-il de dire, son souffle s'arrêtant sous la pression légère des doigts d'Ezekiel contre sa paume, la prise de conscience du parfum subtil du CEO, dont il avait, par occasion, saisi les effluves lors de leurs dîners hebdomadaires. ”This is the first quiet place that came to my mind, I hope it’ll suit you.” Go. Go away. Celyn fronça les sourcils, son esprit tanguant sous l'assaut des voix à cette destination particulière. Go back home. ”It's perfect”, parvint-il à tirer d'entre le tumulte qui régnait dans son esprit surchargé, sa voix un murmure contrarié sous la présence encore vive de ses parasites.

Le contact dura, contre sa main – Celyn, naviguant dans le brouillard, s'y raccrocha comme à une ancre, ses pas suivant ceux d'Ezekiel au sein de la demeure qu'il connaissait pour y être venu en de rares occasions. Il était exceptionnel qu'il se rendît chez lui ; c'était un pas dans la vie personnelle de Zeke, dont il se rappelait sensiblement du premier qu'il avait effectué, lorsque son regard avait embrassé l'intérieur richement décoré, et parfaitement symétrique, du manoir Zabini.
Cette fois, Celyn garda les yeux rivés au sol, dans le vide, sans objet particulier ; seule comptait la main dans la sienne, la voix rassurante du businessman, l'assurance qu'il se trouvait dans un lieu tranquille, loin du caractère public, ouvert du restaurant français.
Celyn n'aurait pas pensé trouver un jour, enfin, l'intimité au sein de la maison de Zeke.

”Thank you”, fit-il lorsqu'il lui indiqua la banquette, y prenant place avec une grâce qu'il aurait jugé, en d'autres circonstances où il ne souffrait pas les réflexions sifflantes dans son crâne, affreusement limitée et indigne de lui. Les yeux mi-clos, il se retint d'un coude à l'accoudoir de son siège, ses doigts frottant sa tempe douloureuse, une partie de son front où s'était logé le mal de crâne battant contre son crâne – le silence, une seconde, tandis qu'il prenait conscience du confort sensible des lieux, loin des cliquetis polis de métal et de verre du restaurant, des rires discrets, de la conversation mondaine à tenir, même entre eux.

”Weirdly enough, I like my living room better than Sainte-Anne.” Le regard de Celyn se posa sur Ezekiel, un coup d'oeil qui s'accrocha au sourire engageant qu'il lui offrait, de l'autre côté de la banquette. ”Is it any better here?” Go away. What are you doing here with this man? Celyn cilla, détourna un instant les yeux, comme pour chasser les voix furieuses loin de la vue d'Ezekiel. ”Why, yes, thank you.” Il laissa retomber sa main sur l'accoudoir, referma ses doigts sur le tissu soyeux et riche couvrant la banquette.

Il lui manqua soudain le contact d'Écaille contre sa peau froide, les écailles fraîches glissant sous sa chemise, l'enveloppant d'une sensation familière, réconfortante – devant l'absence de cette dernière, Celyn prit soudainement conscience du vide, un creux contre sa chair, qu'il tâtonna un instant à travers sa chemise de ses doigts fébriles.
Il se redressa, comme réalisant l'endroit où il se trouvait, et son regard revint à Ezekiel, tandis qu'il s'éclaircissait légèrement la gorge pour en chasser la faiblesse. ”I'm sorry about our evening. This is terribly embarrassing, and absolutely inappropriate”, jugea-t-il sans prendre en compte le commentaire de Zeke sur sa préférence quant à son propre salon, tandis que ses pupilles sondaient celles de son vis-à-vis, trop loin et trop proche à la fois. ”I will properly make it up to you, next time.” Une légère pause, d'une seconde, sa tête retrouvant l'appui de ses doigts, massant doucement, de nouveau, sa tempe meurtrie par les grondements sourds et invisibles, tandis qu'il baissait de nouveau les yeux, loin de la lueur attentive de ceux d'Ezekiel. Et il reprit, presque à retardement : ”Your living-room is absolutely perfect. Thank you.”

En invitant, dans la précipitation, Celyn à venir trouver refuge au sein même de sa demeure, Ezekiel a rapidement mesuré l’implication d’une telle décision, la symbolique d’une soirée catastrophe se poursuivant dans ses propres quartiers. Le choix lui est pourtant apparu comme une évidence, tout autant que d’abandonner le Sainte-Anne, et avec le restaurant, l’illusion de ce qui n’a plus lieu d’être, de ce qui a perdu toute sa saveur ces derniers mois, en découvrant le confort naturel que de pouvoir se retrouver seuls. Offrir une forme d’intimité et un espace sécurisé, à l’abris du bruit, de la lumière et des regards, au coeur du Zabini Palace, n’est qu’un vague écho de leurs entrevues hebdomadaires, entretenues depuis le réveil de Celyn ; c’est ce qu’Ezekiel a pensé, en le menant sans hésitation jusqu’à la banquette d’où il l’observe avec une appréhension dissimulée derrière son sourire encourageant. Il n’avait pourtant pas anticipé l'envoûtante vision que serait celle du Rosier y prenant ainsi place, comme une pièce manquante d’un puzzle complexe et incomplet - et ce bien malgré les circonstances, tambourinant encore violemment à l’arrière de son crâne.

"Why, yes, thank you." Ezekiel lui répond simplement d’un sourire compatissant, pour s’installer plus confortablement dans la banquette, sa posture assurée contrastant sévèrement avec le tumultueux torrent d’émotions se débattant dans sa poitrine. Contrastant plus sévèrement encore avec celle de Celyn, d’apparence toujours retourné par ce souffle qui ne semble pas le quitter, installant cette toile blême sur son teint alors qu’il se masse continuellement la tempe sous les yeux scrutateurs de Zeke. Quand bien même il semble avoir repris un semblant de couleur, ainsi sous la lumière chaude du petit salon du rez-de-chaussée, il n’y a absolument rien d’agréable à l’observer se débattre avec une souffrance qu’il n’est pas difficile de deviner. "I'm sorry about our evening. This is terribly embarrassing, and absolutely inappropriate." Aux excuses de Celyn lorsqu’il raccroche son regard, Ezekiel se surprend à froncer légèrement les sourcils. Évidemment, les événements ne se sont pas déroulés de manière idéale, mais y en avait-il vraiment une, après avoir manqué de passer l’un à côté de l’autre de la sorte, d’abandonner ce qu’ils ont bâti plus ou moins inconsciemment malgré l’incroyable prise de risques que cela pouvait représenter ? "I will properly make it up to you, next time." L’évocation d’une prochaine fois devrait faire naître une pointe de ravissement dans sa poitrine - un aveu qu’ils se reverront, que leur entrevue catastrophique de la semaine dernière n’aura plus d’incidence sur ce vers quoi ils se dirigent. Ce vers quoi ils se dirigent. Pour la première fois, Ezekiel peine à naviguer dans cet incertain qu’est ce qu’ils entretiennent, les nouvelles bribes d’informations s’imbriquant difficilement dans l’équation qu’est son train de pensées. Au prénom de Celyn se mêle toujours celui de Jasper, sentiment tenace et insaisissable, à l’origine de cette confusion qui ne parvient à être complètement effacée par la présence du Rosier au coeur de son intimité, dans un tel contexte qui plus est. Il lui semble être, en cet instant, dans l’oeil de la tempête, jouissant d’un calme assourdissant et trompeur, un équilibre qui ne tient debout que par l’existence d’un tourbillon ravageur et dangereux. Mais c’est, après tout, où ils se sont toujours trouvés.

"Your living-room is absolutely perfect. Thank you." Accueillant les paroles rassurantes avec un faible sourire, Ezekiel passe une main sur son col alors que ses yeux détaillent le visage de Celyn qui se détourne légèrement du sien, le regard presque fuyant. Il peut entendre que la situation n’est pas exactement idéale, d’autant plus pour le Rosier dont l’inconfort se lit dans chacun de ses gestes faibles et de ses traits plus tirés encore qu’en début de soirée. Néanmoins, il ne peut retenir le manque sensible qu’il ressent en perdant ce contact visuel avec Celyn - d’une façon purement égoïste, défait de son masque, il peine à digérer la distance que son invité met ainsi entre eux. Elle n’a plus lieu d’être, maintenant que l’illusion a été franchie. "Please, Celyn, don’t apologize or thank me." La demande file naturellement entre ses lèvres, ne demandant que brièvement l’accord de son esprit pour sortir sur un ton assuré. "As I said, I promised I’ll be by your side no matter what, and although some may think the opposite, I always stand by my words. If anyone has been acting inappropriate tonight, it would certainly be myself." Il se redresse à ces mots, le corps tourné vers Celyn, toujours tenu à l’autre bout de la banquette, dont il cherche à accrocher le regard. Il n’y a plus le moindre artifice, ni dans sa voix ni sur son visage, une sincérité certaine sur ses traits qui ne revêtent pas le moindre rictus poli et lissé. "I might have pushed too hard and too far, and it wasn’t my place to do so." Une erreur grossière, à ses yeux, que d’avoir ainsi interrogé Celyn, de l’avoir poussé à s’ouvrir violemment sous les désagréables relents d’une vie passée s’imposant dans son esprit. Ezekiel n’est certainement pas à l’aise à l’idée d’avoir provoqué l’inconfort de son interlocuteur en cherchant à évacuer le sien de la sorte. "Really, there is nothing to make up for. The only thing I would treasure is for you to know there is no need to pretend or hold things back around me. Not anymore." Porter son masque ne fait plus sens, et il s’en rend compte désormais, quand il assure à Celyn, glissant un sourire sincère en glissant ses mains sur ses propres genoux, que retirer le sien n’aura aucune forme d’incidence sur le respect qu’il lui porte. Plus maintenant.

"Please, Celyn, don’t apologize or thank me." L'assurance dans la voix d'Ezekiel, contrastant avec la lenteur presque pâteuse de ses politesses, fit papillonner, à distance, les yeux clos de Celyn pour les rouvrir. Il n'y avait dans son ton aucun accent artificiel, aucune marque de cette obséquiosité mielleuse qu'il lui avait reproché, dans la bibliothèque – et qu'ils lui reprochaient encore, à l'abri de son crâne. La sincérité d'Ezekiel était un présent inattendu, que Celyn, se rendit-il compte brusquement au détour de cette phrase si banale, avait tenu à distance sans oser l'ouvrir et en jouir pleinement ; une méfiance parfaitement ancrée dans son esprit angoissé et analytique, prêt à se refermer au moindre accrochage, que les évidentes intentions de Zabini envers Rosier Events avait décuplée lors de leurs premières rencontres. Et la méfiance était restée, au détriment des dîners et des sourires échangés – au détriment de l'étalage volontaire d'Ezekiel, depuis son réveil, à rester à ses côtés quoi qu'il arrive. Qu'il puisse vouloir endurer sa désormais pénible présence était absurde, improbable, sûrement intéressé ; Celyn n'avait pas cru à ces motivations purement personnelles, à la possibilité qu'Ezekiel, tout simplement, voulait l'accompagner et prendre soin de lui.
Absurde, vraiment ; Celyn n'oubliait pas qu'il était désormais l'une des plus grosses fortunes du pays, et le vice-président d'une compagnie qu'on projetait d'avaler au moindre faux-pas. Et quelque part, pourtant, dans l'intimité de ce petit salon où flottait un calme apaisant, il sentit son cœur battre plus rapidement à l'éventualité qu'Ezekiel, comme il le lui avait dit, faisait une nette différence entre l'homme et le business, et que Celyn pouvait prétendre au luxe de ne plus s'excuser, au moindre écart, auprès de lui.

"As I said, I promised I’ll be by your side no matter what, and although some may think the opposite, I always stand by my words. If anyone has been acting inappropriate tonight, it would certainly be myself." Celyn redressa la tête, sous la surprise, et relâchant sa tempe douloureuse, tourna de nouveau le regard vers son hôte. "How so?" s'entendit-il lui répondre, son étonnement perçant dans son ton courtois, tandis qu'il détaillait le regard d'Ezekiel, deux étoiles certaines, brillant à la lumière douce du petit salon. "I might have pushed too hard and too far, and it wasn’t my place to do so." Oh. Le cœur de Celyn se pressa plus sûrement contre sa cage thoracique, à ces excuses si surprenantes de la part d'un homme qui ne reculait, visiblement, devant rien comme Ezekiel. Elles l'étaient d'autant plus que Celyn l'avait recontacté suite à leur différend, où il avait commis un impair sensiblement déplacé et terriblement grossier ; qu'Ezekiel lui pardonne, pour mieux s'excuser à son tour dans la même soirée, était un tableau qui laissait Rosier coi d'agréable surprise, considérant le visage de Zeke, qui s'était désormais pleinement tourné vers lui à l'autre côté de la banquette. "Really, there is nothing to make up for. The only thing I would treasure is for you to know there is no need to pretend or hold things back around me. Not anymore." Il y eut un léger silence ; Celyn, pris de court, sentit une tiédeur envahir son buste – et il tenta de l'endiguer aussi rapidement qu'elle était survenue, essayant de réduire, en vain, l'impact de cette vague qu'Ezekiel avait produit, et produisait, déjà, de puis de longs mois chez le Rosier. No need to pretend, around me. Celyn détourna un instant le regard, sentant les couleurs lui revenir jusque sur son visage blanc, une chaleur entêtante qui le fit se redresser pour s'installer plus confortablement dans son siège ; l'expression d'une gêne qu'il réussissait, d'ordinaire, à contenir de façon stoïque, le regard rivé dans celui de son vis-à-vis. Quand celui-ci n'était pas un Zeke lui demandant d'être lui-même, avec lui. "Please, how could you have known?" reprit-il, avant de reposer ses yeux sur lui ; la tiédeur s'enroula de façon sensible au fond de son torse. "Besides, I pushed myself too hard in the first place by going out tonight, I'm afraid." Il esquissa les prémices d'un sourire d'excuse, encore faible, tandis que tournait, dans son crâne, la suite des mots d'Ezekiel, ensevelissant les voix qui se tenaient étrangement silencieuses.

Ils furent interrompus par l'arrivée du thé ; la Née-Moldue déposa le service sur la table basse devant eux, et se retira avec une discrétion remarquable. "May I?" demanda-t-il en désignant poliment sa veste – un poids léger entravant ses épaules, participant à la sensation d'étouffement qui pesait sur son crâne. Il s'avança au bord de la banquette pour s'en défaire, des gestes que la tournure de leur soirée manquée et la douleur battant contre sa chair rendaient possibles en ces circonstances ; il n'empêchait que se mettre à l'aide chez et devant Ezekiel était un exercice dont il se serait bien passé, par pudeur et par égard.

Il déposa sa veste sur l'accoudoir, qu'il lissa un instant pour ordonner le désordre qu'il provoquait en se déshabillant ainsi. "It is funny you should say that." Les mots avaient filé sans sa permission, profitant de l'accalmie des voix dans son esprit. My little brother told me just a few days ago how we were born and bound to pretend, il releva le regard vers Ezekiel, l'amertume de cette discussion virulente encore présente sur sa langue lourde. He told me I ought to do so and start playing my part, pretending." Il considéra, sans se servir immédiatement, le service en porcelaine sur la table, cherchant, inconsciemment, le contact d'Écaille à travers sa chemise, ses phalanges pressant doucement sa peau où l'absence se faisait durement ressentir. "But I don't feel like it anymore. Especially not around my family, nor around you." Et il releva les yeux vers Ezekiel, le silence retombant souplement sur ses mots, son regard sombre accrochant le sien avec une certitude nouvelle, la réalisation qu'il pouvait, dans la mesure qu'offrait son caractère renfermé et méfiant, s'ouvrir, lui faire confiance. "After all, we have been through a lot, haven't we?"

Les voix s'étaient tues ; un moment de paix où Celyn put savourer toute la force de ce we, plongé dans les yeux d'Ezekiel.

"Please, how could you have known?" Parce qu’il aurait dû anticiper, comme toujours, choisir avec plus de soin ses mots, et avancer pas à pas en sondant avec un recul plus important les réactions de Celyn - plutôt que de se laisser porter par son irrépressible besoin de savoir et de se rapprocher d’une vérité effrayante. C’est quelque chose qu’Ezekiel a eu tout le loisir d’observer et de décortiquer, cette dernière semaine : doser ses émotions et ses paroles, exercice qu’il maîtrise avec une aisance presque innée, se révèle particulièrement délicat au contact du Rosier. Comme si leur rapide et saisissante confrontation avait créé une brèche insoudable dans cette distance polie et rassurante qu’il a toujours maintenue avec Celyn. De fait, Zeke aurait dû savoir qu’il allait trop loin, mais il lui aurait été incapable de revenir en arrière et de prétendre ne rien voir, porté par ce vent nouveau et, d’une manière tout à fait destabilisante, sensé. "Besides, I pushed myself too hard in the first place by going out tonight, I'm afraid." Au sourire poli de Celyn, alors qu’il raccroche son regard, Ezekiel sent la tiédeur dans son torse s’étendre un peu plus, faisant naître sur ses propres lèvres un rictus presque complice.

La sang-de-bourbe n’est accueillie d’aucune forme d’attention, lorsqu’elle fait irruption pour déposer le service à thé sur le table sous leurs yeux, disparaissant tout aussi rapidement - une ombre bien dressée à faire oublier sa présence pour répondre aux seules fonction qui sont attendues d’elle, en somme. "May I?" Ezekiel lève vers Celyn ses pupilles brièvement baissées sur le plateau, détaillant l’espace d’une seconde le tissu sombre de la veste qu’il désigne de son habituel regard aimable et réservé. Il hausse un sourcil, un nouveau sourire s’installant sur son visage avant d’ouvrir la main pour l’y inviter "Please." Une satisfaction certaine, chaleureuse, prend possession de son esprit, en observant Celyn se défaire de sa veste, comme il se déferait d’un artifice, d’une barrière entre eux pour se retrouver à adopter aussitôt une position plus confortable. Ezekiel le couvre en silence de ses pupilles brunes, suivant les gestes soignés avec lesquels il retire le vêtement, pour le plier avec une délicatesse similaire. Malgré les circonstances, il ne peut s’empêcher de réaliser que Celyn prenant ainsi ses aises chez lui, en chemise sur la banquette de son salon, est un spectacle auquel il pourrait facilement prendre goût.

"It is funny you should say that. − How so?" Ezekiel raccroche avec le regard de Celyn, considérant un instant sa posture plus détendue, avant de se pencher en avant pour s’emparer de la tasse fumante face à lui ; les rôles inversés, pour la première fois depuis longtemps, se retrouvant désormais dans la position de l’hôte. Pourtant, la dynamique est à des années lumières, après ce soir, que celles qu’ils ont connue ces dernières semaines, au coeur de la petite bibliothèque de Benjamin Rosier. "My little brother told me just a few days ago how we were born and bound to pretend. He told me I ought to do so and start playing my part, pretending." Aussitôt, les yeux d’Ezkiel s’arrondissent, alors qu’il éloigne la tasse qu’il avait commencé à approcher de ses lèvres, la reposant doucement sur la coupelle dans sa main gauche. Difficile, et surtout révoltant, d’imaginer Caesar donner des leçons de vie à Celyn, du haut de son incompétence évidente et de son manque de savoir-vivre flagrant, qui lui ont value la déception d’Ezekiel - un sentiment qu’il n’accorde que peu, les élus de son estime étant tout aussi rares. Quelle hypocrisie terrible de la part du cadet des Rosier, lui qui n’a même pas su prétendre plus de cinq minutes, le temps d’une entrevue - et qui n’a non plus su faire l’effort de prétendre être un coordinateur convenable pour sa prendre entreprise. Les restes de son irritation resurgissent à l’arrière de son crâne, en percevant le ton amer de Celyn, couplé au récit des bons conseils de Caesar. Ezekiel finit par secouer faiblement la tête, plongeant dans sa tasse pour y tremper les lèvres, une quantité de thé ridicule roulant sur sa langue ; il se garde bien, pour une fois, de faire étalage de son opinion, ce ne serait certainement pas de circonstances, et n’apporterait rien de positif à la conversation. "But I don't feel like it anymore. Especially not around my family, nor around you." Le visage de Zabini se fend d’un sourire inhabituel, ses lèvres s’étirant sans dévoiler ses dents en un rictus sincère, étrangement touché, presque soulagé ; les paroles de Celyn un contraste sensible avec les propos tenus une semaine plus tôt, autant qu’une acceptation à son invitation à mettre de côté les apparences pour se révéler sans le bouquet d’artifices qu’ils s’épuisent à présenter depuis le début de leurs entrevues.

"After all, we have been through a lot, haven't we?" C’est le moins que l’on puisse dire. Zeke a eu l’impression de traverser un champs de bataille, encore incertain des blessures avec lesquelles il pourrait en ressortir - il sait néanmoins qu’il en ressort avec une assurance autrement plus significative que quelques égratignures : celle de pouvoir embrasser pleinement une facette de Celyn débarrassée des prétentions imposées, d’un côté comme de l’autre, par une éducation stricte, et une société peu conciliante. "We have indeed", acquiesce-t-il dans un sourire, reposant la tasse pour libérer ses mains et se tourner à nouveau vers Celyn, les yeux dans les siens. "As much as I understand where your brother is coming from, I think we’ve both had our fair share of pretending, haven’t we? We have proven we are more than able to play along, and there’s no reason to go back to it, from where I stand." Un haussement d’épaules se glisse dans ses propos, une main ouverte pour souligner l’absurdité que serait un retour vers leurs vieilles habitudes - il n’est plus question d’abaisser le voile soulevé par les aveux et le laisser-aller de Celyn, désormais.

Habillant les quelques secondes de silence d’un sourire engageant, Zeke décroise les jambes pour se redresser, baissant un instant les yeux sur les doigts croisés sur ses genoux, avant de les planter dans le regard de Celyn. "I’m glad you’re here, Celyn. Thank you for trusting me earlier. And for trusting me now."

"We have indeed." La confirmation déclencha une nouvelle vague de tiédeur douce, que Celyn put sentir couler doucement entre ses côtes, comme lorsqu'il trouvait, avec Ezekiel, un terrain d'entente, une complicité qui, aujourd'hui, se cristallisait dans ce we ayant franchi ses lèvres sans qu'il pût l'en empêcher vraiment. "As much as I understand where your brother is coming from, I think we’ve both had our fair share of pretending, haven’t we? We have proven we are more than able to play along, and there’s no reason to go back to it, from where I stand." La main d'Ezekiel chassa cette possibilité absurde, renvoyant les paroles de Caesar au rang de ces inepties qui ne les concernait ni l'un ni l'autre – we are a different breed, lui avait-il déjà dit, au détour d'une plaisanterie, lors d'un de leurs nombreux dîners.

On lui avait appris, dès le plus jeune âge, que tout était une question de contexte ; qu'il fallait, dans leur monde d'aristocrates, savoir saisir et comprendre ce qui se cachait entre les lignes, savoir parler et maîtriser ce langage propre à leur classe. Certains comportements qui, en public, auraient été jugés inappropriés pouvaient trouver, dans l'intimité, aisément leur place, et il s'était rapidement avéré que chez Rosier peu de choses personnelles trouvaient leur place, en privé : les caprices, les débordements, les épanchements et les émotions en pagaille – autant de scènes qui se trouvaient être embarrassantes dans un cas comme dans l'autre, en dépit du confort et de la sécurité de se savoir en famille, à l'abri des yeux et des oreilles indiscrètes, des occurrences dont Celyn se tenait, encore, aussi loin que possible, un vieux réflexe imprégné.

Dans d'autres circonstances, Celyn aurait pincé les lèvres en un semblant de sourire, les traits tirés par une gêne légère ; pour qui connaissait leurs codes, la remarque d'Ezekiel était limpide comme du Felix Felicis, et pour qui connaissait le CEO, d'autant plus directe, surprenante, dérangeante de par cette franchise inhabituelle et toute dirigée vers Celyn, par son choix de mots évocateurs. Ne plus faire semblant, dans leur monde, était une chose ; ne plus faire semblant, dans leur relation à demi-mots, en était une autre.
Mais les circonstances, aujourd'hui, étaient bien différentes des habitudes bancales, au goût temporaire, prise dans la bibliothèque des Rosier ; il y avait l'urgence créée par son mal-être, l'imprévu de cette visite, le décalage sensible hors du cadre de leurs rencontres rythmées par les mondanités.

Celyn cilla, sentant contre l'arrière de son crâne la pression douloureuse de sa migraine, et le poids de murmures qui s'élevaient de nouveau. He's tricking... Tricking you... "You're probably right." Dans le regard vif et clair d'Ezekiel qu'il soutenait encore, pourtant, il ne parvenait à lire les traces de cette tromperie dont il s'était tant méfié lui-même ; this has nothing to do with business. Le souvenir de l'indignation d'Ezekiel souffla un léger inconfort au creux du ventre de Celyn ; quittant les deux pupilles brillantes de l'homme, il se pencha pour récupérer une tasse du thé aux accents floraux – de la bergamote, reconnut-il par réflexe en se redressant, tasse et coupelle entre ses doigts fins. "I’m glad you’re here, Celyn. Thank you for trusting me earlier. And for trusting me now." Le regard du Rosier revint s'arrimer à celui d'Ezekiel, un aimant pudique cherchant sa contrepartie chez l'autre, tandis que naissait un léger sourire au coin des lèvres, comme un assentiment à ces remerciements qui, pour qui ne maîtrisait pas leur langue, n'auraient fait de sens.

You're trusting him now? How stupid of you. Son cœur fit une embardée au souffle puissant dans son crâne ; Celyn détourna le regard un instant pour le baisser sur sa tasse, avant de tremper les lèvres dans son thé chaud pour en boire une gorgée. This is dangerous, son. Get yourself out of here when there's still time to escape... Or is there? This heart of yours... "Thank you for trusting me." L'esprit de Celyn s'enroula autour de cette faible réplique, et des mots de Zeke, prononcés au restaurant, comme autour d'une bouée, secoué par l'écho de voix autrement plus modérées, autrement plus réalistes – il le croyait, lui avait-il dit, whatever this is. Les doigts tremblants de Celyn se refermèrent autour de l'anse de sa tasse, posée de nouveau sur la coupelle. "What I  said, at the restaurant..." Son cœur battait plus fort, une alarme secouant les présences tranquilles du fond de son crâne – Celyn concentra son regard dans l'onde lisse de son thé fumant. Screaming, howling. "You should think I'm a mad man, son regard grimpa de nouveau vers celui d'Ezekiel ; il sentit la griffure désagréable de cette honnêteté dénuée de la barrière de politesse habituelle, la débâcle des voix contre ses tempes, shouldn't you?" Un homme aussi sensé, rationnel, logique qu'Ezekiel – au devant du regard intense de ce dernier, une mare de chaleur dont on cherchait à le détourner, il les entendit, encore une fois : He is the mad man. We're here to help you, brother.

En d’autres circonstances, Ezekiel aurait été révolté par l’aveu en demi-teinte qu’il laisse filer entre ses lèvres avec assurance, respectant les codes de leurs échanges détournés et policés ; une infraction à ses propres règles, érigées il y a des années de cela comme une barrière brutale et infaillible contre quiconque pourrait l’atteindre de la sorte. Il n’a pourtant aucun mal à balayer, enfin, ce qu’il a dressé avec précaution pendant tout ce temps, lorsqu’il plonge dans le regard du Rosier, les pupilles brillantes de son invité comme un rappel de ce contre quoi il a cessé de lutter - le résultat de l’effet que lui procure Celyn, une chaleur insidieuse qui fait croître ses convictions.

Il s’est engagé sur cette route sans rien presser, avançant pas à pas tout en laissant cet intérêt se développer en quelque chose de plus conséquent, dont il lui est incapable désormais de détourner ses yeux ; il lui semble être arrivé au bout du chemin, sans un regard pour les détours pris par le passé, ne se tournant plus que vers cette certitude avouée entre les lignes. "Thank you for trusting me." Les mots de Celyn, un miroir des siens, achève aux yeux d’Ezekiel l’accord implicite de se défaire des mondanités opaques dans lesquelles ils ont toujours baignées, pour s’offrir quelque chose de véritable, où la confiance et l’absence d’illusion sont maîtresses. Un accord de plus, qui ne semble cette fois pas nécessiter de la moindre signature, tant ses termes apparaissent comme une évidence, sans avoir besoin d’être évoqués.

Imitant Celyn, Zeke se penche à son tour pour s’emparer de sa tasse, la porte à ses lèvres en humant quelques instants les arômes du thé. Si la mise en scène peut paraître similaire, la situation n’a plus rien en commun avec leurs rencontres hebdomadaires ; en abandonnant la bibliothèque du manoir Rosier avec précipitation la semaine dernière, pensant qu’il laissait derrière lui l’ébauche d’une relation, Ezekiel n’aurait pas pu anticiper la forme qu’elle revêtirait quelques jours plus tard. "What I said, at the restaurant..." Les yeux du CEO quittent la fine fumée s’échappant de la tasse pour se poser sur le visage de Celyn, le retour à la gravité de leur conversation au coeur du Sainte-Anne faisant sensiblement bondir son coeur dans sa poitrine. "You should think I'm a mad man, shouldn't you?"

So we’re doing this. En reposant délicatement la tasse sur la table basse, Ezekiel invoque avec peine ce qu’il a cherché à enterrer en menant Celyn jusqu’à chez lui. S’engager à nouveau sur ce terrain glissant revient à prendre le risque de provoquer une nouvelle réaction brusque et gênée de la part du Rosier, la panique visible sur ses traits encore présente dans l’esprit d’Ezekiel. Avec plus de maîtrise qu’auparavant, il trie rapidement ses pensées, prenant soin de ne pas se laisser submerger, comme plus tôt, par les émotions indésirables qui l’ont poussées à se montrer si insistant. D’un autre côté, il a également promis, à demi-mot, une certaine sincérité. Celyn lui fait confiance, et ce n’est pas le moment de faire preuve de son talent à esquiver les questions délicates.

"Madness is a concept I hardly believe in. Human psychology is way more complex than splitting individuals into narrow categories", débute-t-il en posant son bras sur l’accoudoir, sa main libre se refermant brièvement sur son col alors qu’il accroche le regard de Celyn. Il navigue précautionneusement, dosant l’étendu de ce qu’il se sent capable de révéler - et pourtant, encouragé par les traits du Rosier qu’il détaille un instant, une chaleur indéniable logée dans son abdomen, il poursuit d’un ton qui lui ressemble peu, grave. "And I know for a fact, some things are above psychology." Jasper, à nouveau, bondit dans son esprit, son regard terne et ses murmures s’élevant dans la nuit, ses récits qui ont hanté les rêves d’Ezekiel toute sa jeunesse, et son visage qui le hante encore à ce jour. Son inconfort grandit, et en même temps, son sourire sur ses lèvres, comme un rempart pour ne pas se laisser envahir par les souvenirs désagréables de sa jeunesse - tout comme pour ne pas faire machine arrière, et tenir sa promesse envers Celyn. "Where I come from, we call it the Invisible - all these manifestations the eye can’t see, but the soul can carry. People bound to the physical world tend to misinterpret this as madness. But people like me know there is no such thing as madness." Il prend une seconde pour sonder les réactions qui pourraient éclore dans les yeux de son vis-à-vis, lui-même incertain, jusque dans sa voix, de ce qu’il est en train de dévoiler - un secret bien gardé, dans un coin de son esprit. "Thus what you said earlier was not coming from insanity, in my humble opinion and experience. Not even close to it."

"Madness is a concept I hardly believe in. Human psychology is way more complex than splitting individuals into narrow categories" Celyn, patiemment, attendit la suite ; chaque entrée en matière d'Ezekiel faisait partie intégrante d'une déduction logique, le début d'un fil de pensées menant élégamment, et habilement, aux conclusions tirées par le sorcier. Au fil de leurs dîners, il avait appris à attendre ces réflexions qu'il écoutait avec une attention discrète, patiente, observant Ezekiel tandis qu'il déroulait devant lui l'enchaînement sensé logeant dans son esprit brillant. "And I know for a fact, some things are above psychology." Celyn reprit une gorgée de thé, spectateur attentif qui ne manqua rien de la teneur plus large de son sourire. Liar. He's the madman. The madman, Celyn. Celyn reposa la tasse sur sa coupelle dans un tintement léger, laissant souffler la voix révoltée contre ses tempes pour se concentrer sur la voix posée d'Ezekiel – une tâche aisée, au vu de ses talents d'orateur. "Where I come from, we call it the Invisible - all these manifestations the eye can’t see, but the soul can carry. People bound to the physical world tend to misinterpret this as madness. But people like me know there is no such thing as madness." Une légère hésitation, dans la voix d'Ezekiel – sans qu'il n'en connaisse les détails, Celyn comprit ce qui méritait plus de précaution, sur ce terrain glissant pour les sorciers éclairés de leur génération. De plus, Ezekiel parlait rarement de ses origines. "Thus what you said earlier was not coming from insanity, in my humble opinion and experience. Not even close to it." C'était la conclusion finale, que Celyn put reconnaître dans le ton, impossiblement calme, d'Ezekiel.

Il y eut un léger silence, une brève seconde de battement, où il sonda les billes noires de son hôte. "I didn't know you were a spiritual man", commenta pour commencer Celyn, presque par politesse, le regard qu'il posait sur lui, à la fois inquisiteur et presque surpris d'apercevoir cette facette de l'homme qu'il avait si longtemps fréquenté à l'extérieur, à travers de ce we inclusif. People like him : cowards, traitors, cockroaches, s'arrachèrent aussitôt les voix, heurtant un instant ses tympans fragiles. Celyn choisit de repousser la tasse de thé jusqu'à la table, se penchant avant de revenir s'installer dans la banquette, avec, cette fois, moins de confort apparent ; il posa une main sur l'accoudoir, sans se laisser aller contre le dossier moelleux de son siège, avant de revenir, après quelques secondes de réflexion, au regard profond d'Ezekiel. "This makes much more sense indeed", fit-il en esquissant les prémices d'un sourire presque craintif – il aurait préféré pouvoir faire rentrer ces symptômes dans l'expertise de la psyché humaine, un domaine que quelques rendez-vous hypothétiques chez le psychomage aurait pu couvrir. "The Invisible, you said?" Un lourd pressentiment s'affaissa sur son cœur, comme une ombre descendant sur lui de l'autre côté du miroir.

Celyn sentit un vent de panique souffler, détourna les yeux en caressant, entre son pouce et son index, le haut du col de sa chemise en un geste d'inconfort. "I think," hésita-t-il, avant de reprendre sur une nouvelle inspiration, une bouffée de confiance et de courage mêlées, tandis que lui collait le profond embarras de se confier enfin, "I may have been to the Invisible." Il tourna de nouveau la tête vers Ezekiel, le cœur battant en accrochant de nouveau son regard. "I had a very long dream, when I was away, but it felt too real, too deep, to be just a dream." Don't say it, don't tell him, what are you thinking? Il ravala le chaos de son crâne à grand peine, renforçant le mal de crâne qui tambourinait des mesures douloureuses contre sa tête. "I was in a house, with a white corridor and numerous doors, and each of them had a number. Some were silent, others I could hear noises, voices – screams." Les mêmes qui résonnaient désormais contre ses tympans – Celyn sentit son cœur palpiter, comme un avertissement physique qu'il prenait d'énormes risques, à déverser ainsi les secrets de son esprit. "I think something may have gotten into me, that day." Il n'y avait plus besoin de préciser ce à quoi ce jour faisait référence ; un voile opaque camouflait ce pan de ces souvenirs, une protection inconsciente que Celyn n'était pas prêt à dégager encore, en détournant les yeux aussi vite qu'il les y avait posés par erreur. "I fell unconscious in the office we used for calligraphy. My mother stocked some of her works in this room – some of which were pure, ancient magic." Il joignit sa main libre sur celle posée sur l'accoudoir, comme pour se raccrocher à cet élément tangible du mobilier Zabini ; il avait terriblement chaud, et à la fois pouvait sentir la trace inratable de sueurs froides dans son dos. Et un sourire sans joie, laissant, cette fois, filtrer toute son appréhension apparut sur ses lèvres : "What have I gotten in?"

tw:racisme culturel

La pause brève qui s’installe laisse à Ezekiel le temps nécessaire pour digérer le chemin qu’il emprunte en révélant ainsi à Celyn, d’un ton calme, l’ombre discrète d’une éducation marquée par une spiritualité qu’il n’aborde jamais ; aux États-Unis, déjà, il n’a eu aucun mal à comprendre qu’une telle philosophie était observée comme une bizarrerie, un exotisme éloigné des coutumes locales qu’on balayait souvent d’un regard confus et d’un sourire poli. Et, de fait, Zeke a enterré la majorité de sa culture avec les souvenirs de sa jeunesse à Sao Tome, revêtant les codes Occidentaux pour façonner cette personnalité enviable et parfaitement alignée avec ses prétentions et ambitions. Il doute cependant, à ce stade, que l’exposition brève et succincte de ses connaissances - pourtant approfondies - en la matière, compromettra le regard que lui porte Celyn. "I didn't know you were a spiritual man." Spirituel est peut-être un bien grand mot pour le décrire - sans compter que les éléments évoqués sont bien concrets, ce que le terme de spiritualité a tendance à balayer. Le commentaire de Celyn ne comprend cependant aucun discrédit, plutôt une pointe de surprise - aussi Ezekiel étire discrètement ses lèvres à son intention en lissant le haut de sa chemise de sa paume.

"This makes much more sense indeed. The Invisible, you said?" Le regard calme de Zabini sonde un instant le sourire peu rassuré de son invité - déjà, il peut sentir que la pente sur laquelle ils se laissent tomber n’est pas seulement glissante, elle est vertigineuse, ne serait-ce que par l’écho que ses mots semblent trouver chez Celyn. "Yes", acquiesce-t-il sobrement, une invitation brève à poursuivre sa réflexion. Comme à son habitude, Ezekiel offre toute son attention à son invité, gardant pour lui la suite de sa propre pensée pour recueillir celle de Celyn patiemment. Il chasse la douce appréhension qui s’enroule autour de sa cage thoracique en se concentrant sur les pupilles sombres du Rosier - un baume à l’efficacité alarmante, autant que les notes cachées dans sa voix réservée lorsqu’il reprend avec une prudence sensée.

"I think." Tel un pivot, le premier pas de Celyn pourrait les mener n’importe où ; ainsi Zeke est d’autant plus attentif, le couvrant de son regard en inspirant discrètement, une main refermée sur l’accoudoir à sa gauche. Attendre la suite revient à regarder dans le vide, une fraction de seconde, infime, qui fait chuter son assurance, et avec, fait bondir son coeur dans sa poitrine. "I may have been to the Invisible." Comme par réflexe, les lèvres d’Ezekiel s’étirent, soutenant le regard grave et craintif de Celyn, pouvant ressentir jusque sur ses traits et dans son timbre la tension sensible qui semble l’habiter en confiant sa pensée. Pour la Santoméen, il a toujours été évident que pendant son absence, le Rosier flottait quelque part dans l’Invisible - logiquement, il n’aurait pu se trouver ailleurs. Mais l’entendre de sa bouche a un effet inattendu sur ses nerfs, sa respiration de bloquant un instant rien que d’en parler ouvertement avec lui. "I had a very long dream, when I was away, but it felt too real, too deep, to be just a dream. I was in a house, with a white corridor and numerous doors, and each of them had a number. Some were silent, others I could hear noises, voices – screams." Au fil des paroles de Celyn, Ezekiel tente de se représenter l’image qu’il lui peint ; surprenante, inattendue, inconnue, surtout. L’Invisible peut prendre bien des formes, quand il se matérialise dans un esprit, et celle qu’il a revêtu aux yeux de Celyn est certainement révélateur - autant de son hôte que du mal qui s’accroche à son âme. Car Zeke n’en doute plus désormais, encore moins que précédemment, maintenant que la langue de Rosier se délie : il a été touché par quelque chose. "I think something may have gotten into me, that day. I fell unconscious in the office we used for calligraphy. My mother stocked some of her works in this room – some of which were pure, ancient magic."

Les yeux d’Ezekiel quittent le visage de Celyn, cherchant un point d’ancrage autre pour assimiler ce qu’il lui révèle, délaissant leur habitude naturelle à s’exprimer en demi teinte pour ne laisser aucune zone d’ombre dans son récit. Il chasse l’image d’un Celyn entouré par les flammes, inconscient au coeur de l’attaque terroriste qui a emporté les siens, pour se concentrer sur les bribes d’informations qu’il lui expose - méthodiquement, il trie ses pensées, les pose à plat, un exercice salvateur qui lui empêche de se laisser envahir par toute émotion parasite. Pure, ancient magic. Il n’y a rien de surprenant, à ce que l’aîné des Rosier ait survécu à l’incendie criminel, ainsi protégé par les travaux de sa mère ; rien de surprenant non plus, à ce que cette protection ait laissé dans sa chaire et son âme une trace indélébile. Il ne s’agit pas que d’une oeuvre de l’Invisible, semble-t-il. "What have I gotten in?" Au ton empli d’appréhension de Celyn, Zeke relève les yeux vers son invité, délaissant la fumée s’échappant de la tasse sur laquelle sont regard s’était accroché.

Ezekiel aperçoit dans cet échange un reflet de ce qu’ils ont pu entretenir autrefois - disserter oralement sur des sujets complexes, laisser l’autre parler pour exposer sa pensée par la suite, réfléchir ensemble, leurs opinions buttant parfois l’une contre l’autre. A la seule, et conséquente, différence, qu’il ne s’agit plus d’une joute, ni d’un jeu d’esprit divertissant et séduisant - et que, pour une fois, Ezekiel peine à trouver une réponse assurée. "Not in a dream, I’m afraid, this I’m quite positive." Il lui rend un sourire crispé, se redressant légèrement avant de s'éclaircir la gorge, joignant les mains sur ses genoux alors qu’il se tourne complètement contre Celyn. Sentir ainsi sa confusion, sans barrière - si ce n’est cette douce pudeur bienvenue, dont il a toujours fait preuve -, est une épreuve déstabilisante, pour le moins désagréable. Une pensée s’impose à lui, alors qu’il laisse une seconde de silence s’installer entre eux : s’il avait l’opportunité de chasser l’appréhension qu’il lit sur son visage, la douleur que Celyn conte, Ezekiel la saisirait. Il lui a promis, après tout, et n’a jamais compté revenir sur sa promesse - il ferait tout ce qui est en son pouvoir pour l’accompagner dans son rétablissement. "From where I stand, it all makes sense, indeed. Stepping into the Invisible, for so long, especially if you’ve been in contact with what you called pure and ancient magic, would hardly let you come back to the Visible empty-handed." La contrepartie est un concept allant bien au-delà des pratiques qui lui ont été enseignées plus jeune - il a pu l’observer tout au long de sa vie, et l’observe à nouveau dans les paroles de Celyn.

Décroisant ses mains pour les aplatir sur ses genoux, Ezekiel se fait assaillir parce qu’il tente de contenir pour se concentrer uniquement sur Celyn - des souvenirs insidieux, profonds, qui cherchent à s’échapper depuis leur conversation au Sainte-Anne, qui se déversent naturellement maintenant qu’il a ouvert la porte sur ce sujet glissant. Une chaleur inconfortable s’installe dans son abdomen, sensiblement différente de celle qui l’envahit quand il est en présence du Rosier, mais non moins intense. "But nothing is irreversible. Especially when it comes to these things." Un souffle d’hésitation se glisse à l’arrière de son crâne, son coeur battant jusque dans ses tempes lorsqu’il pose un instant ses pupilles sur ses doigts, crispés sur ses genoux. "There are ways, débute-t-il en raccrochant le regard de Celyn, le dos droit et le visage sérieux. To get in touch with the Invisible. Ancient and risky ways." Jasper - son visage blême, ses doigts moites et tremblants dans les siens, ses yeux révulsés, les chants encore ancrés dans sa mémoire. ”Ways with no guarantee of success”, ajoute-t-il, plus gravement, pour souligner le risque de ce qu’il avance. ”But I’ve seen it do wonders before, for someone who, just like you, had brought something back with him.”

Une nouvelle pause est marquée, reprenant son souffle et le fil de ses pensées - le chemin sur lequel il est bien trop engagé pour faire marche arrière. Son regard sonde celui de Celyn, alors qu’il se penche un peu plus vers lui, une main glissant sur la banquette, comme pour faire un lien entre eux, s’adressant à lui avec un ton complice, sincère. ”I promised I would do anything to help you during these hard times. And if that’s a possibility you would be willing to explore, I would walk you through it, and be by your side every step of the way.” Enfin, les prémices d’un sourire se dessine sur ses lèvres, engageant, chassant la naissance discrète d’un malaise qu’il lui est difficile d’ignorer.

"Not in a dream, I’m afraid, this I’m quite positive." Celyn sentit sa gorge se serrer devant la confirmation de ce qu’il savait déjà, au fond de lui, depuis de longues semaines. Revenir à l’avant était douloureux, désagréable, remuait au fond de lui une brume épaisse et lourde qui rendait l’exercice impossible, épuisant ses maigres forces face à l’immensité de ce souvenir d’un autre monde. Il y avait entre lui et l’avant une barrière qui lui semblait infranchissable - une protection solide contre lui-même, où il avait buté une fois, avant que sa curiosité ne meure étouffée devant la grandeur de la tâche - avait-il réellement envie de se rappeler ? A cette simple pensée, à l’évocation de ce non-rêve qu’il partageait désormais avec Ezekiel en dépit des avertissements sonnant dans son crâne, Celyn pouvait sentir, déjà, la lourde chape de brouillard s’enrouler autour de ses intestins, soufflant un vent glacé jusque dans son buste. Et la bienveillance d’Ezekiel, le sourire crispé face à cette vérité difficile à entendre, le tenaient tout juste hors de portée de cette vague de froid montant lentement, lourdement dans son corps. "From where I stand, it all makes sense, indeed. Stepping into the Invisible, for so long, especially if you’ve been in contact with what you called pure and ancient magic, would hardly let you come back to the Visible empty-handed." You are not alone. Celyn serra légèrement ses phalanges, sur l’accoudoir, se raccrochant aux traits ouverts d’Ezekiel. Une part de lui peinait à croire qu’il le croyait - sans appel et sans condition. Que le directeur de la CEO, un homme d’affaires connu pour sa logique redoutable et son intelligence pragmatique et cartésienne, prenne le temps de l’entendre, et le comprenne… Il y avait une raison, constata Celyn dans les yeux brillants de Zeke, quelle qu’elle fût alors ; et l’irrépressible sentiment qu’il avait été en contact, d’une façon ou d’une autre, avec cet Invisible lui aussi renversait d’autant plus la sensation glacée, brûlante, rampant sous sa peau grise.

Ça, ou Ezekiel cherchait à l’avoir d’une manière ou d’une autre. Mais Celyn préférait ne pas y penser ; la perspective de se retrouver avec le coeur brisé lui était d’avance insurmontable, une autre blessure s’ajoutant à la longue liste des plaies enfouies par son retour écorché à la réalité. Se laisser convaincre et guider par lui, sur l’instant, semblait être la seule option, dans son état d’épuisement avancé, les tempes battues par une migraine pressante - il verrait pour les dégâts éventuels ensuite, quitte à se montrer, sur l’instant, moins méfiant et moins prudent qu’il ne l’aurait dû.

"But nothing is irreversible. Especially when it comes to these things. There are ways.” Ways? Le coeur de Celyn battit sourdement dans sa gorge muette. Don’t listen. He’s tricking you. - Is he now? “To get in touch with the Invisible. Ancient and risky ways." Il aurait dû se redresser, se détourner des yeux rivés sur lui, lui offrir les dernières politesses et rentrer chez Ben avant de s’enfoncer plus avant dans cette conversation risquée ; mais le regard de Celyn resta accroché à celui d’Ezekiel, luisant d’un intérêt certain, bien que pudique, à la fois révélé et masqué par la douleur qui le saisissait. Sa mère l’avait, depuis toujours, mis en garde contre ces magies anciennes, autant qu’elle lui en avait soufflé les bienfaits - si elles étaient pratiquées dans le cadre fermé de leur famille, bien sûr. Ezekiel, pourtant, ne répondait en rien au portrait de cet étranger que Jae-Hwa avait esquissé afin de dissuader son fils de pratiquer avec autrui. ”Ways with no guarantee of success. But I’ve seen it do wonders before, for someone who, just like you, had brought something back with him.” Il y avait donc bien eu quelqu’un ; parlait-il de lui-même ? Celyn desserra ses doigts crispés sur sa propre main, s’humecta les lèvres, souffrant le silence d’Ezekiel avec la même incertitude, la même impression de faire un pas dans le vide. “What are you suggesting?”, s’entendit-il demander, le souffle plus court, tandis qu’il rabattait sa main moite sur son genou en un geste fébrile.
”I promised I would do anything to help you during these hard times. And if that’s a possibility you would be willing to explore, I would walk you through it, and be by your side every step of the way.” Il y eut un silence, durant lequel Celyn observa, sans s’en cacher, le visage inédit que lui offrait Ezekiel. Un guide, à travers l’Invisible ; et au fond de lui, la même alarme, étouffée par le souffle d’une confiance aveugle, quant à cette proposition trop facile, trop alléchante - qui pouvait le sortir de son propre crâne ? Que pouvait-il contre les parasites, contre la racine de ces maux qui le rongeaient depuis son réveil ? Il pouvait encore sentir la lourdeur de l’autre côté du voile, contre sa peau - il lui paraissait impossible, effrayant de pouvoir (vouloir) s’en défaire de façon définitive.

Il détourna soudain, comme brûlé par la perspective, le regard du sourire engageant d’Ezekiel. Il ne pouvait pas - il ne voulait pas, les lois de l’indicible n’étaient pas modifiables selon leur bon vouloir. Sa mère l’avait prévenu - il y avait d’autres moyens, sûrement, sans aucun doute. Les médicomages parviendraient à expliquer ses troubles, et chasser le souffle désagréable rongeant sa chair, et les premiers remparts de sa sanité.  Don’t. Don’t.Don’t. ”How?” De nouveau, sa voix avait franchi ses lèvres, comme mue par sa propre volonté ; la menace de sueurs froides, sous son col, le rendait fébrile, et il porta de nouveau ses yeux jusqu’à ceux d’Ezekiel. No need to pretend. Une bouffée tiède s’écrasa contre le froid s’invitant jusque dans ses phalanges crispées sur son pantalon. ”How exactly?” Et il put sentir le tumulte s’agiter de nouveau dans son esprit ; le signe encourageant qu’il prenait le risque nécessaire, en suivant la guidance d’Ezekiel avec cette confiance certaine, révélée dans l’intimité de cette conversation hors de l’espace et hors du temps.

D’un regard prudent, Ezekiel explore le visage de Celyn qui, à cette distance, semble révéler les profondeurs des maux ancrés dans sa chair - dans son être, sait-il désormais. Pour la première fois, il a l’impression de le voir, réellement, autant qu’il laisse les pupilles de Celyn sonder le visage qu’il lui offre tout juste ; les fissures dans leurs masques sont suffisamment profondes alors pour entrapercevoir ce qui pourrait se cacher derrière, des images floues et incertaines, comme celles que l’on pourrait déceler à travers le trou d’une serrure - et pourtant hautement satisfaisantes et saisissantes. No need to pretend. L’effort est étouffant, assommant. Il y a cependant quelque chose de naturel à regarder Celyn à travers cet oeillet étroit, et de lui donner le loisir d’examiner quelques brèches perdues dans ses mots et sur ses traits.

Ezekiel voit Celyn ; et aussi douloureux est le tableau qui se dessine sous ses yeux, effrayantes sont les possibilités qu’il trace, il sait qu’il est incapable d’en détourner le regard, désormais.

Il se voit pourtant contraint de se redresser, lorsque Celyn se détache de ses pupilles. Sa main glisse à nouveau sur ses genoux, refermant ses doigts sur le tissu luxueux pour être certain de ne pas chanceler ou trahir la moiteur sèche de ses paumes. "How?" Les lèvres d’Ezekiel s’étirent faiblement à la question, accueillant le regard de Celyn en se laissant aller contre le dossier de la banquette, les jambes maintenant croisées en une position légèrement plus détendue - un réflexe, seulement, pour amasser plus aisément ses pensées. C’était une évidence, que le deputy-CEO de Rosier Events demanderait à passer en revue les détails de ce que l’hôte lui expose sans définitions exactes, à peine un brouillon jeté à ses yeux, de ce qu’il se sent capable de révéler sur l’instant. Renouer avec les prémices d’une confiance solidifiée par l’intimité et l’échange sans artifice qu’ils entretiennent est une chose, se jeter aveuglément dans l’inconnu en est une autre - et cela, Ezekiel le comprend parfaitement. Il n’oserait, d’ailleurs, pas demander à Celyn de prendre un tel risque - quand bien même il le prend lui-même, en retenant sa respiration pour plonger dans les eaux troubles de ses désagréables et encombrants souvenirs.

"How exactly?" En parler à demi-mot n’est, de toute évidence, plus une solution. I would walk you through it, lui a-t-il promis, Celyn est dans son bon droit. Aussi, Ezekiel inspire profondément, ses yeux toujours ancrés à ceux du Rosier, dont il extrait toute la demande et la précaution, ainsi qu’une forme de complicité qui fait se glisser dans son torse une vague tiède et enivrante. "Well", débute-t-il avant de se racler discrètement la gorge, une main remontant inlassablement à son col pour calmer les remous dans sa cage thoracique - une geste inutile, en l’absence de son noeud de cravate, et en la présence des pupilles sombres rivés dans les siennes. "As you’re familiar with now, the Invisible is far from being empty. It’s actually way more crowded than our world. It has its own rules and its own souls. Some wander for a short amount of time, just like you have, in my opinion. Some are trapped for eternity. And some have always been there, and will always be." Ezekiel marque une pause pour estimer l’impact de ses paroles sur Celyn, sur lui-même, avant de reprendre avec une précaution confiante : "They are the ones ruling over the Invisible."

Cela fait des années, qu’il n’a pas entendu ces propos, cristallisés profondément dans son être. Zeke peut entendre jusqu’à la voix d’Esmée lui détaillant les voies de l’Invisible et du Divin lorsqu’il s’adresse ainsi à Celyn - un sentiment poisseux, que de se retrouver dans cette position, qu’il est pourtant prêt à assumer sans ciller désormais. "And the ones taking into consideration any requests souls like ours could make." Il peut sentir un frisson glacé parcourir son échine à la peur d’en dire plus que ce dont il a besoin en cet instant - Dan, dans l’ombre, resserre ses doigts sur son esprit, un rappel de ce que personne ne doit jamais savoir, Celyn y compris. Et il n’a absolument pas besoin de savoir ; cela ne concerne en rien leur échange, ni ce que lui propose Ezekiel. "And, I-" Une pointe d’hésitation se glisse dans sa voix, le force à s’interrompre un instant en baissant les yeux sur la distance qui le sépare de Celyn. No need to pretend. "I happen to know precisely how to get in touch with some of them, some who could be helpful in your situation." Ce n’est pas tout à fait vrai, mais il balaye l’étendu des détails qu’il lui faudra régler plus tard. L’heure n’est pas aux détails - elle est à la confiance de Celyn.

"I’m not going to lie to you, this can be quite a long and exhausting process. But as long as we trust each other, I promise no harm will come to you." Une promesse qu’il lui fait en retrouvant son regard, l’esquisse d’un sourire au coin de ses lèvres, et l’assurance vertigineuse d’emprunter la bonne route, aux côtés de la seule personne, en trente-et-un ans d’existence, à qui il dévoile de son plein gré un recoin sombre de sa personne. Et ce, sans un regard en arrière. Celyn est une certitude - il le sait, maintenant, plus que jamais. "You’re safe now, Celyn."