Presque toutes les deux semaines, certaines têtes pensantes du Gouvernement portant la Marque du Dark Lord se retrouvent au Diogenes Club. Leur défilé devant les employés affables en livrée grise et dorée est bien rodé. On entre, on présente sa Marque et on est mené à la table qu'on a réservé quelques jours - ou alors la table permanente qui est réservée depuis des années.

Le Diogenes Club semble éloigné de toute réalité. Alors que c'est interdit depuis des mois, le bon whisky de Kingsfield's coule à flots et les cigares cubains sont servis dans des boîtes ornementées à fond de velours. Le club est divisé en plusieurs salles à la riche décoration criarde et parfois vulgaire par son opulence démesurée. Certaines salles accueillent des boudoirs enfumés, d'autres des tables de billard à l'apparence neuve, certaines sont religieusement silencieuses et les pages du Daily Prophet se tournent sans bruit pendant des heures. Certains appellent ces rendez-vous bimensuels les hautes instances à cause de leur caractère politique très précis et très important. Effectivement, il n'est pas rare que certaines décisions législatives ou économiques soient prises entre les Mangemorts les plus importants du Gouvernement, autour d'un débat enflammé ou d'une poignée de main secrète.

Même en n'étant pas employé du Ministère, il est important de faire acte de présence - ces soirées permettent aussi aux Mangemorts d'aviser de la loyauté des autres et à une époque où la délation est reine, il est important de se montrer comme étant toujours férocement fidèle au Lord.

Ce soir-là de fin avril 2007, il y a plus de monde que ces dernières semaines. Après tout, cela fait des semaines, non, des mois que le Dark Lord n'a pas montré son visage en public et, clairement, les rangs ont commencé à s'étayer... Il y a une semaine, Roy Flint (PNJ) a envoyé une lettre concise et chargée de remontrances conviant les absents à se présenter.

C'est même lui qui accueille tout le monde d'une poignée de main, à côté des employés au visage placide qui prennent les manteaux et mènent les invités aux différentes tables du club. Flint n'a jamais été aussi charmant, s'enquérant de chaque partenaire, partageant toute anecdote commune, riant aux éclats à la moindre blague. Vers 19h, quand les biscuits ont été avalés et les tasses de thé remplies de nouveau, Flint quitte sa table à l'écart des autres et s'éclaircit la gorge pour attirer l'attention de l'assemblée.

« Bonsoir à tous, et merci à vous d'être venus en si grand nombre ce soir malgré l'assiduité relative et hectique de certains ces derniers temps. » Ils échangent quelques regards complices et amusés avec quelques têtes qui se baissent honteusement. « Mais, pour être tout à fait honnête - et je parle ici en toute confiance, nous partageons après tout un lien plus profond que tout -, je comprends. Je comprends, les doutes, les inquiétudes, les appréhensions, la crainte, même... parce que je les partage. » Des yeux s'exorbitent, des mâchoires se décrochent et des regards incompréhensifs s'échangent. Roy Flint n'a jamais été un homme à partager ses états-d'âmes avec quiconque, et encore moins dans tel contexte.

« Voilà des mois que le Lord a disparu. Des mois que nous sommes dans le noir, que nous évoluons dans un monde incertain sans savoir si nos efforts et investissements seront remarqués et récompensés. Je ne suis pas naïf au point de penser que le Lord ne reviendra pas - après tout, il revient toujours, et rien sur cette Terre ne sera assez puissant pour le terrasser. En revanche, je vois nos concitoyens se faire attaquer dans leurs demeures, je vois notre beau pays courir à une perte sûre et certaine. Oui, je suis désolé de le dire ainsi, » reprend-t-il d'un air apitoyé quand quelques murmures s'élèvent, « mais je me suis toujours targué d'être juste et honnête, comme mon poste au département de la Justice Magique le suggère. Je suis donc là pour vous dire la vérité, et elle n'est pas agréable à entendre, et encore moins à comprendre. Nous sommes seuls. Et nous ne pouvons décemment pas attendre le retour du Lord pour reprendre le pays en main. »

Les yeux bleu acier de Roy balayent l'assemblée réduite au silence par son long discours aux airs presque... révolutionnaires. Il finit par lever une main en direction d'un autre membre de l'assemblée. « Mon cher ami Perseus Parkinson, que vous connaissez tous, aimerait votre support dans sa campagne ministérielle à venir. Le Lord est un grand sorcier, et un homme plus formidable encore. Mais il est grand temps qu'il se consacre à Son oeuvre entièrement et nous fasse confiance dans Sa grande sagesse pour nous assurer que le pays ne s'écroulera pas en son absence. »

Un lourd silence accueille cette dernière déclaration. Roy Flint.. veut remplacer le Lord à la tête du Ministère ? Pour beaucoup, cette pensée semble... impie. Pour d'autres, elle semble logique.

Et les Mangemorts n'ont jamais été du genre à garder leurs opinions pour eux.

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» PERSONNES CONCERNÉES.

— les membres de la haute société marqués, pas forcément besoin de faire partie de l'Elite; à noter que Flint a envoyé une missive à chaque Mangemort pour les convier
» NOMBRE DE PARTICIPANTS. illimités.

La nuitée venait à peine de tomber, ravivant dans la chute de l’astre solaire, le moindre des vices damnés. La bête se perd dans ce monde de péchés aux lumières tamisées dans l’attente du jugement dernier. Parce qu’il sait, sans avoir peur de se tromper, que cette ordure de Flint ne les avait pas convoqués pour rien. L’antre plein d’impuretés et saturé d’impiété du diogenes club les accueillait dans un but bien précis, qui restait pour le moment, un mystérieux secret. Un cigare entre les lippes, un nuage de fumée autour de sa carcasse, la rage dans les veines, il finit par se laisser tomber sur l’impeccable velours d’un canapé à portée. Les monstres fourmillaient autour de lui, voilà bien longtemps qu’ils n’avaient pas été si nombreux à se presser dans l’une de ces soirées où ne régnait qu’une sourde et tangible dangerosité. L’infernal prince des funestes abysses n’en avait n’en avait jamais manqué aucune. Parce que le savoir rimait avec le pouvoir et qu’il finissait toujours par grappiller des informations susceptibles d’aider son ascension.

Le flot déchainé de ses pensées finit par se calmer lorsque Flint l’en arrache pour prendre la parole. « Bonsoir à tous, et merci à vous d'être venus en si grand nombre ce soir malgré l'assiduité relative et hectique de certains ces derniers temps… » C’est ainsi qu’il entame son interminable diatribe. La cascade de ses mots le mène pernicieusement et volontairement vers sa propre chute. À mesure qu’il continue, le silence se fait plus pesant, plus oppressant, presque suffocant. De ses palabres, Dante ne retient qu’un constat ardent, le maître de la soirée se voyait déjà maître de leur univers embrasé. Il tente de les entraîner dans un tourbillon de déloyauté, en les poussant, insidieusement vers la trahison et la rébellion. Alors, sournoisement, le serpent s’éveille, son rire, mortellement glaçant s’élève. « Et tu penses que nous allons t’écouter ? En voulant remplacer le Lord, tu fais acte de trahison et tu veux nous entraîner dans ta chute programmée. Il t’exterminera pour te faire payer ton parjure et écrasera ceux qui t’ont suivi, parce que comme tu l’as dit, il reviendra. » Et sa vengeance se déchaînera contre ceux ayant voulu bafouer son impériale et infernale autorité. Bien qu’il s’inquiétât de la vacance du pouvoir, il ne pouvait se laisser entraîner dans cette impulsion suicidaire et encore moins ployer l’échine face à un Flint ou un Parkinson pour qu’il ne ressentait pas le moindre respect. « De plus, bien d’autres mangemorts, plus fidèles et plus compétents, seraient plus légitime à une telle place. Alors, pourquoi toi Parkinson ? »

La missive rédigée de la main de Roy Flint ne t’avait pas surpris outre mesure. Cela faisait près de trente ans que tu connaissais le vieux rapace, et son ambition n’avait d’égal que la puissance du Dark Lord. Celui-là même dont l’absence semblait inquiéter de plus en plus de têtes pensantes du gouvernement, et éveiller les rêves de grandeur de plus d’un mangemort zélé. Comme à ton habitude, tu étais arrivé à l’avance, afin de te mettre à ton aise et d’observer un par un les nouveaux arrivants. Tu avais serré la main de Roy et tâché de lui rendre la pareille, alors qu’il s’efforçait de faire la conversation. Tu ne l’avais certainement jamais vu aussi affable et tu comprenais que cela ne présageait rien de bon.

Ayant poliment refusé d’être conduit à ta table habituelle, tu étais venu t’installer sur l’un des tabourets entourant le bar. Coin sombre et reculé de la pièce, depuis lequel tu pourrais observer l’ensemble de tes comparses. Simple déformation professionnelle selon toi, irrépressible besoin de donner l’impression que chaque fait et geste était épié, selon les autres. La salle se remplit petit à petit, et au fur et à mesure que le début de la réunion approchait, les arrivées se multipliaient. Lorsqu’il sembla estimer que la taille de son public était suffisante, Flint prit enfin la parole. Ses premières palabres laissèrent suggérer qu’il valait mieux garder la tête froide, aussi tu renonças au verre de whisky que le personnel du Diogenes Club te proposa. Plus le discours de Roy prenait des tournures de coup d’état précautionneusement maquillé, plus le silence semblait peser sur la salle. Le premier à réagir à ces élans de félonie fut, sans grande surprise, Dante Burke. Le tempérament du jeune homme n’était certainement plus un secret pour les mangemorts ici présents, et il y avait fort à parier qu’il venait de dire tout haut ce que bien d’autres pensaient alors tout bas. Toi-même, tu partageais pleinement son avis et ne pouvais qu’approuver les accusations de trahison formulées par Burke. Et pourtant, le moment n’était pas encore venu pour toi de faire entendre ta voix. L’annonce, bien que peu surprenante en fin de compte, allait certainement connaître l’effet d’une bombe à retardement, dont le détonateur venait d’être activé par le handler hargneux. Bien d’autres réactions allaient surgir d’entre la foule, et tu préférais d’abord observer quel camp allait se dresser contre le tien avant de prendre la parole. L’heure n’était pas à la précipitation, pas lorsque l’enjeu de la discussion était à ce point primordial. Pas lorsqu’il s’agissait de s’opposer ouvertement aux projets que ton supérieur hiérarchique semblait fomenter depuis un petit moment pour sa précieuse marionnette, Perseus Parkinson.

La gloire des Lestrange avait beau ne plus être aussi reluisante qu’au temps de la première guerre, tu demeurais convaincu de ton propre rayonnement. Aussi ne fut-il pas surprenant que ton arrivée se fasse attendre et que tu sois le dernier à franchir les portes du Diogenes Club ce soir-là. Le public était bien plus dense que d’ordinaire, et pour cause, Roy Flint avait pris soin d’envoyer un carton d’invitation à quiconque portait la marque des ténèbres. Du coin de l’œil, tu aperçus Travers, tapi dans l’ombre à l’image d’un basilic attendant de faucher sa proie au moment opportun. Tu lui fis signe de la main et poursuivis ton chemin entre les nombreuses tables, jusqu’à ce que tu parviennes à te hisser dans les premiers rangs, et que tu te sois assuré que la majorité des mangemorts t’avait bel et bien vu. Un verre de whisky dans une main, un cigare dans l’autre, tu finis par te trouver une place bien douillette sur un canapé de velours dont l’autre moitié était occupée par ton protégé, Dante Burke.

Tu ne connaissais pas bien le vieux Flint, et pour cause, jusqu’à très récemment, tu t’étais tenu à bonne distance des affaires du ministère, préférant être envoyé sur le terrain plutôt qu’enseveli sous des tonnes de paperasse. Néanmoins, tu devais reconnaître que la scène lui seyait plutôt bien et que l’introduction de son discours était parvenue à attirer ton attention. Tu voyais bien où sa tirade allait finir par le mener et tu te doutais que tout ceci n’avait rien de désintéressé et pourtant, tu ne pouvais te résoudre à lui jeter la pierre. Parce que toi aussi tu te sentais floué, abandonné par ce maître auquel vous aviez voué votre existence tout entière, pour lequel Bella avait fini par perdre la vie après des décennies de bons et loyaux services. Il avait disparu sans prévenir, sans même se soucier de ce qu’il resterait de sa fidèle armée après l’attaque surprise des détraqueurs sur Clemency. Une fois de plus, il avait décidé de faire cavalier seul, sans une once d’intérêt pour ses mangemorts les plus fidèles.

A peine le dernier mot de Flint prononcé, un rire carnassier retentit à quelques centimètres à peine. Inutile de tourner la tête pour savoir qu’il émane de Dante. Tout droit revenu des enfers, le Burke déverse son venin à l’encontre de celui qui plaidait pour un renouveau salvateur. Un mince sourire vient étirer tes lèvres, tu n’attendais pas moins de hargne de la part de celui que tu avais formé autrefois. Et bien que ton avis sur la question fût beaucoup plus mitigé que le sien, tu lui accordas une vigoureuse tape dans le dos, avant de prendre le relais, le visage flanqué d’une moue provocatrice. « Puisque tu parles déjà d’une campagne ministérielle, j’imagine que Perseus ne doit pas être le seul candidat potentiel. Es-tu allé démarcher d’autres étoiles montantes de la politique, Flint ? Par souci d’équité, comme ton poste au département de la justice magique le suggère. »

Antonin adorait recevoir des lettres d’admirateurs et admiratrices, mais il fallait avouer que depuis la prison, ça c’était vachement restreint — il avait fait une part de son deuil en se disant que les centaines de victimes qu’il avait à son actif avait éraflé son image de proche-du-peuple et impressionnait un peu trop pour le rendre tout à fait accessible à ses fans. Quoi qu’il en soit, il avait toujours ce petit moment d’excitation en ouvrant une nouvelle lettre qu’un hibou lui ramenait. On peut comprendre sa déception, ce jour-là, lorsqu’il reconnut l’écriture de Flint (ou plutôt l’écriture de sa plume magique, il doutait que Roy passe ses précieuses heures de Mestre de la Justice à faire de la calligraphie) sur la brève missive que la chouette effraie lui amena. Tout ça pour lui demander de ramener son (charismatique) cul au Diogenes club.
Ugh. Les britanniques et leurs clubs… les sang-pur et leur manie de s’enfermer dans des pièces molletonnées pour boire du whisky et fumer des cigares. Antonin avait beau faire parti de l’Élite Mangemorte il ne se sentait pas plus britannique que ça, n’était pas sang-pur, ne buvait pas d’alcool et ne fumait pas. Enfin plus. L’intérêt d’aller se caler les fesses dans un club qui portait le nom d’un mec qui se branlait en public lui échappait. Il y avait bien été quelques très rares fois, ces derniers temps, simplement pour faire coucou, checker les copains, faire quelques blagues, manger quelques gâteaux puis repartir d’un « Ciao à la prochaine les loulous ! ». Mais bon, là,  apparemment, c’était important et bon, comme il devait se coltiner Roy en réunion chaque semaine mieux valait ne pas le mettre en rogne sinon il lui ferait louper sa pause repas.

Il y va donc, et serre la main de Flint qui a l’air excessivement aimable aujourd’hui (au point de rire aux trois blagues d’Antonin ce qui était une première) et part s’installer dans la salle où les employés conduisent les invités. Évidemment quand il cherche à se servir à boire il ne trouve rien qui soit en deça de quarante degrés (ou du thé, évidemment… les anglais…) et colla un coup de pression à une jeune employée pour qu’elle lui ramène un jus de mangue. Frais. « Et avec une paille. » Ben oui quand même, c’est festif ou non?
Puis finalement, la pièce finit de se remplir. Il remarque Rodolphus non loin de lui et le salue d’un petit signe de la main et d’un grand sourire, pas plus cependant, Rodolphus il faut le laisser être broody dans son coin pour qu’il se sente épanoui, pensait-il.
Puis, at last, Roy vint sur le devant de la scène.
Antonin n’avait rien contre les gens qui parlaient beaucoup, c’était le cœur de son métier après tout, mais Roy avait une manie d’utiliser des mots qui lui donnaient davantage envie de se moquer plutôt que d’écouter sérieusement. Pourtant ce qui se passait était tout à fait sérieux.
Après un petit résumé rapide de la situation politique du moment : poste de chef vacant, chef disparu, mais chef habitué à disparaître pour faire ensuite des come-back, que faire en attendant ? prendre sa place ou laisser pays sans chef ?
C’était pas une question con, selon Antonin. C’était même assez bien tourné pour être convaincant. Rien que pour l’image du pays. Ils avaient l’air de quoi, à ne pas savoir où se trouvait leur propre dirigeant ? Des vrais guignols. Mais la proposition de caser qui ?… Perseus Parkinson à la place du Lord ? Enfin, on parlait du Royaume-Uni là, pas d’un magasin de fringues. Il étouffa un petit rire, au même moment au quelqu’un décida de s’indigner, avec des mots au moins aussi gros que ceux qu’avait eu Roy. Et v’la que je te parle de trahison, de parjure, d’extermination… Il dut se tourner un peu pour repérer le petit jeune qui se la jouait rhétorikor 3000 et crut reconnaître un jeune sang-pur déjà croisé au Ministère (mais bon, il croisait tellement de monde aussi… et il n’avait pas la mémoire des noms) bon il était bien biberonné à la loyauté le petit gars même si sur le côté de la légitimité de Perseus Parkinson clairement il n’avait pas tort.
Il but un peu de son jus de mangue quand Rodolphus sortit de son silence pour faire part de son avis — lui ne revenait pas sur l’idée de trahison mais plutôt sur le côté pratique de… cette affaire. Ah mais oui, silly me, on était en démocratie que diable : il se devait d’y avoir plus d’un candidat ! La chose tournait vraiment au burlesque selon Antonin alors que des tueurs et tueuses (ou autres collabos marqués) s’improvisaient Parents Fondateurs dans la fumée d’un temple de l’élitisme britannique. Antonin leva la main droite, portant de la gauche son verre de jus à sa bouche pour en inspirer une longue lampée bruyante avec sa paille. Avant de lâcher en souriant : « Franchement, Roy, choqué déçu que tu m’aies pas démarché moi. Je ferais un super premier Ministre enfin ! » Puis avant qu’on puisse lui dire d’arrêter de faire le con (parce qu’il était sérieux en plus) il reprit : « Parce que vraiment… pourquoi Perseus. Le petit là, il a raison… » Il pointe du pouce le jeune Burke, près de Rodolphus. « Y en a plein qui vont voir ça comme une trahison. Venant de ta part, personnellement, je ne suis pas surpris, on sait tous quoi penser des rats qui ont renié le Lord une première fois en quatre-vingt-un pour échapper à la taule. Franchement, je trouve pas l’idée bête dans le fond, parce qu’il faut bien redresser le pays et enfin s’y prendre un peu sérieusement, mais Perseus ? Enfin, tu aurais pu choisir quelqu’un qui a déjà prouvé à plusieurs reprises sa loyauté au régime plutôt qu’un vendeur de robes. » Les accusations de trahison n’effrayaient pas Antonin, qui avait dans son esprit une idée très idéalisé de sa relation au Lord, qui l’avait toujours soutenu, toujours guidé, qui l’avait déjà loué pour sa foi, sa loyauté et son dévouement. Mais il pouvait concevoir que ça effraie les plus jeunes bercés de récit sur la colère légendaire du Maître qui s’abattaient sur les incompétents. Il avait pensé Roy un peu plus fin dans son analyse de la situation. Ou alors Roy avait déjà plusieurs coups d’avance et était en train de se délecter de la scène, c’était dur à dire. En tout cas Antonin savourait son jus de mangue.

résumé…:

Le beurre fondit au contact du toast encore chaud, s’imprégnant dans les alcôves de farine cuite. A l’aide d’un couteau, une confiture épaisse et charnue s’étendit en couche fine telle la Vénus d’Urbin sur son lit. Des lèvres à peine pubères vinrent embrasser la fraise généreuse avant de mordre ardemment dans le pain doré. Encore et encore, la mâchoire avide de Mulciber se refermait sur son petit-déjeuner avant de le digérer prestement. L’homme s’humidifia le gosier d’une ou deux tasses de café noir puis, de ses mains délicates et tâchées de fruit, il ouvrit l’agenda en cuir qu’on venait de lui porter.

- Qu’on me prépare un costume simple, aboya-t-il sèchement, pour le Diogenes Club.

On entendit la voix étrange d’un majordome décrépit acquiescer. Par-delà les portes de la salle à manger, où la longue table familiale n’accueillait que le maitre de maison à déjeuner, seules les ombres bercées par des chandelles vacillantes s’offraient à la vue. Mulciber resserra son peignoir de soie verte et abandonna son festin dérisoire.

* * *

- Tout ce que vous nous dites me fait penser que vous êtes deux des garçons les plus crétins de ce pays, résonna une voix de gamin derrière toutes les autres

Phalaris Mulciber s’était dressé de son siège, son costume entièrement noir soulignant sa maigre taille d’adolescent. Chacun connaissait ici sa mésaventure dans la Salle du Temps, et les séquelles sur son corps. Pour autant, le sorcier restait un des membres de la première génération, un des puristes. Des membres de l’assistance, il n’y avait pas une mère, un père, une grand-mère, un oncle, une tante ou un grand-père qu’il n’eut connu.

Treize années durant, nombre des Mangemorts de l'assistance avait passé leur existence à Azkaban. Les autres, trouillards et couards, avaient préféré leur liberté plutôt que la fidélité au Seigneur des Ténèbres. Roy Flint était de ceux-là, et à bien des égards, Mulciber ne voyait pas cela d'un très bon œil.

- Je n’ai jamais vu réunis tant d’impatience et d’inélégance, reprit-il glacial. Lord Voldemort ne pardonnera pas, et il n’oubliera pas. La ferveur de votre génération serait mieux employée à retrouver le Maître qu’à pratiquer un putsch aussi grossier.

Il était resté à sa place, droit comme la justice, derrière les autres. Sa voix d’adolescent, à peine muée en des sons rauques, crachait ses mots au visage de Flint et de Parkinson avec fanatisme. Mulciber avala d’un trait le whisky stagnant dans son verre puis il se rassit en se grillant une cigarette.

Il est rare qu’Ezekiel manque de se rendre au Diogenes Club ; il ne manquerait tout de même pas une occasion de rappeler son existence à ses confrères Mangemorts, et encore moins de pouvoir fourrer son nez dans les affaires gouvernementales, plutôt aisément étalées sous son sourire avide après quelques verres de whisky. Qu’est-ce que ça aime parler, un politicien, presque autant qu’un homme d’affaires, et le CEO de la BCBC n’a aucun mal à naviguer dans les conversations officieuses qui se tiennent deux fois par mois dans l’espace privé du Club enfumé. Supporter les anecdotes ennuyeuses, les manières douteuses, et les tempéraments parfois discutables de certains porteurs de la Marque est un maigre prix à payer pour prouver son appartenance à ce cercle restreint.
Que Flint prenne la peine de leur faire parvenir une missive pressante pour les convier sans équivoque est surprenant, assez inhabituel pour attiser la curiosité de Zabini. Avec un peu de chance, le directeur du département de la Justice Magique aura quelque information croustillante à leur mettre sous la dent, et avec plus de chance encore, des nouvelles du Lord à leur fournir. C’est ce qu’espère Ezekiel, en quittant le Ministère aux côtés de Benjamin et Théodore, apparaissant avec eux dans un même craquement à l’entrée du Club.

Une chose est sûre, il ne regrette pas le déplacement.

Le ton doucereux de Flint avait déjà trahi son intention de se mettre les convives dans la poche, mais on ne peut pas dire qu’Ezekiel s’attendait à ça quand il l’observait papillonner de Mangemort en Mangemort pour faire la conversation quelques instant plus tôt, quand il s’est installé aux côtés de Rosier, un verre de vin rouge à la main.
Zabini n’est pas à proprement parlé impliqué dans les affaires gouvernementales anglaise, mais a un sens politique suffisamment aiguisé pour reconnaître que la proposition de Flint fait sens. Avoir un leader aux abonnés absents ne renvoie une bonne image, ni auprès de la communauté sorcière internationale, ni auprès de la société britannique. C’est même surprenant, que personne n’ait tenté de profiter de la disparition du Lord pour grappiller un peu plus de pouvoir plus tôt. Parkinson, cependant… Flint sait probablement très bien ce qu’il fait.

Ceux qui savent moins ce qu’ils sont en train de faire, sont certainement les quelques langues trop hâtives qui laissent échapper leurs pensées sans la moindre retenue. Ezekiel coule un regard exaspéré à Benjamin en portant son verre à ses lèvres. Peasants. Il oublie, parfois, que tout le monde n’a pas la décence de peser ses mots avant de les jeter hasardeusement. Des Burke au Mulciber, se redressant sous le coup d’émotions peu maîtrisées, il n’y en a pas un pour rattraper l’autre, et seuls Yaxley et Travers semblent exprimer la même réserve prudente que lui. Zeke, au moins, se garde bien d’exprimer ce qu’il pense de la situation - et risquer de se prendre un retour de flammes si le Lord pointe à nouveau le bout de son nez ? Thanks but not thanks. “Quelqu’un d’autre ressent le besoin urgent de partager son opinion, ou peut-on passer à la suite comme des adultes civilisés ?” finit-il par adresser au reste du groupe dans un sourire poli, l’accent américain glissant dans son ton douceâtre, avant d’ouvrir la main vers Flint et Parkinson.

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« Et tu penses que nous allons t’écouter ? » Les yeux de Flint se tournent vers le jeune homme qui vient de parler et, pendant un bref instant, il semble confus. Il fronce les sourcils et, alors que le jeune Dante Burke continue dans sa lancée, balaye l'assemblée du regard à la recherche de Mr Burke, son père, en vain. L'insolence du gamin, sa familiarité gênante et ses propos violents n'ont pas sa place ici et Flint se contente de soupirer en secouant légèrement la tête. « Paix, monsieur Burke. Si vous n'êtes pas capable de vous tenir, je vous invite à vous asseoir et à boire une gorgée d'eau. » Malgré son air affable, sa voix est tranchante. Il se tourne ensuite vers Perseus qui a l'air tétanisé par l'attention qu'on lui accorde. « Monsieur Parkinson est plus que compétent et surtout, et c'est le plus important, il sait s'entourer. » Il est plutôt clair que, peu désireux de se mouiller, Flint présente Parkinson comme son homme de paille.

À la question de Rodolphus Lestrange, Flint se contente de sourire. « Je serai ravi d'entendre toute proposition que tu pourrais avoir, Rodolphus. » Son sourire, néanmoins, se crispe à l'interjection d'Antonin Dolohov et ses yeux acier le vrillent tandis qu'il parle, apparemment agacé par les manières excentriques de l'autre Mangemort. « Perseus a un sens inné des affaires, Antonin, et une tête bien faite. Malheureusement, certains d'entre nous ne peuvent pas simplement se contenter de notre charisme pour réussir. Et puis regardez-le. » Flint pose une main brusque sur l'épaule de Parkinson qui s'empêche de sursauter d'un air inconfortable. « Souris donc, Perseus. Voyez ? Tu devrais faire attention Antonin : je crois que tu as là un sérieux rival pour ta place de petit favori de Witch Weekly. » Les yeux pétillants que Flint posent sur l'assemblée semblent parvenir à dissoudre un peu de l'ambiance à couper au couteau. « Je pense que tout le monde est curieux d’entendre ce que Mr Parkinson a à dire. » Les yeux de Flint se posent sur Kalen Yaxley et il hoche la tête. « Merci, monsieur Yaxley, vous avez raison. Perseus... » Mais il est interrompu par un autre gamin, nettement plus dangereux que le premier.

Quand Phalaris Mulciber se lève et les accuse de trahison, Flint a au moins la décence de paraître choqué. « Je crains que vous méprisez notre inquiétude pour le pays pour une ambition dénudée de scrupules. J'ai personnellement investi énormément de temps et d'argent à la recherche de notre Lord. Il ne se passe pas un jour sans que je m'inquiète de sa situation, croyez-moi. Mais je vois aussi notre pays courir à sa perte sans la poigne ferme d'un leader à sa tête. » Il se tourne vers Antonin, son expression plus dure qu'auparavant. « Ce qu'est monsieur Parkinson, » insiste-t-il, espérant éviter à Parkinson d'entendre une autre remarque déplaisante à son adresse de la part d'Antonin. À la remarque d'Ezekiel Zabini, Flint sourit et lui adresse un hochement de tête reconnaissant, avant de se tourner vers son compère : « Perseus, je t'en prie, vas-y. »

Parkinson et Flint échangent un long regard et ce premier finit par s'éclaircir la gorge. « Après une longue conversation avec monsieur Flint, j'ai décidé d'examiner sa proposition de devenir Premier Ministre par intérim non pas par ambition mais par devoir envers mon pays. Mon respect et ma loyauté pour le Lord n'ont jamais vacillé, et ne vacilleront jamais, et même si je ne me targuerais pas de seulement comprendre ce à quoi le Lord pense, » à ces mots, ses yeux se posent sur Phalaris, « je sais qu'il n'aimerait pas voir notre beau pays en perdition sans lui. Ce n'est pas par vanité ou aspiration politique que je me présente. » Il hoche la tête sous le regard des autres Mangemorts, osant enfin rencontrer certains de leurs regards. « Après réflexion, je pense qu'un système parlementaire serait approprié, avec une Chambre uniquement composée de Mangemorts. Nous sommes, après tout, les sorciers les plus puissants et importants du pays. Il est grand temps que chacun de nous fasse ses preuves et prouve sa loyauté. » Ces mots semblent adressés à Dante, sur lequel les yeux de Parkinson se posent quelques instants. « Je suis bien entendu disposé à discuter avec quiconque voudrait prendre cette place. »

Avalant sa cigarette comme l’on gobbe une huitre imbibée de citron, Mulciber plongeait son regard lourd dans ceux de Flint quand celui-ci tentait de le rassurer quant à ses desseins. Regrettait-il à cet instant de ne pouvoir sonder profondément l’âme de son cadet ? Certainement. Nonobstant, le vieillard prit soin de ne montrer plus aucune émotion lisible. Qu’y avait-il de vrai, du reste, dans la prose qu’on tenait en ces lieux ? Au bout de peu de temps, on donna la parole à Perseus Parkinson.

- Après réflexion, je pense qu'un système parlementaire serait approprié, avec une Chambre uniquement composée de Mangemorts. Nous sommes, après tout, les sorciers les plus puissants et importants du pays. Il est grand temps que chacun de nous fasse ses preuves et prouve sa loyauté.

Plus que jamais le sang des Mulciber bouillonna dans ses artères, irrigant ses cellules grises d’un oxygène bienvenu, alors que la fumée du tabac lui avait un temps reposé l’esprit en des volutes épaisses et réconfortantes. En les entendant dire un mot ou en les voyant faire un geste, on entrevoyait mal les sombres secrets de l’avenir que se planifiaient Flint et Parkinson. L’ombre présente dans le regard des Mangemorts les dénonçait quant à leurs pensées sur cette nouvelle organisation des pouvoirs, en "pour", "contre" et "ne se prononce pas".

De son corps frêle, Mulciber se déplaça dans la pièce pour se rapprocher d’Ezekiel Zabini. Il n’appréciait pas qu’on le dise aussi immature que son apparence le laissait penser. Glissant parmi les Mangemorts jusqu’à son nouvel « ami », il se tint à ses côtés avant de s’adresser, les yeux dans les yeux, à Parkinson.

- Vous nous demandez de la hauteur de vue, lâcha-t-il nonchalant et contenu en posant une main sur le bras d’Ezekiel, toujours le regard porté sur Perseus, et nous allons dés lors en faire la preuve. Il serra sa poigne adolescente autour de la chair de Zabini jusqu’à en blanchir ses phalanges distales. L’absolutisme n’a de vertus que si règne un homme éclairé, en notre cas le Seigneur des Ténèbres. Aussi, si la société sorcière - sous notre commandement renouvelé - doit adopter le monocamérisme, le Ministre de la Magie ne saurait régner avec les prérogatives du précédent. Autrement dit, aucun d’entre nous ne peut prétendre à exercer un pouvoir aussi étendu que celui de Lord Voldemort.

Il lâcha l’épaule d’Ezekiel. Mulciber s’alluma une nouvelle cigarette, soutenant du bout des yeux le regard de Parkinson. Il commençait à décerner – du moins il le pensait – les dérives machiavéliques que le monocaméralisme leur ferait subir.

- Selon toute vraisemblance, une déclaration des plus officielles devra définir les pouvoirs de notre système politique intérimaire, poursuivit-il pensif. J’ose émettre l'hypothèse politique que notre Parlement flambant neuf sera indispensable à la suspension des lois, à leur exécution, à la levée des impôts, à l’effort de guerre, aux droits fondamentaux des sorciers et aux dispositions judiciaires. Autrement dit, le sorcier de Sang-Pur qui sera à la tête des « sciences de la Chambre » guidera la main de notre Ministre…

Un nuage de fumée épaisse se distillait entre ses lèvres et par son nez alors qu’il parlait. Phalaris ménagea un silence puis fronça les sourcils, se faisant plus soucieux, un ton sournois sifflant entre ses dents.

- Aussi, dans l’intérêt de notre puissante organisation, la tête du Parlement devrait être lui aussi désigné par le vote. Une nomination arbitraire par le futur Ministre se révélerait être un non-sens caméral jamais vu dans l’histoire de l’Angleterre... Il prit un sourire insolent. Manifestement plus calme qu’à sa première intervention, il déporta ses yeux perfides vers Flint qu’il soupçonnait – à tort ou à raison – de vouloir ajouter le pouvoir législatif à sa collection. Où  serions-nous en train de réinventer la dictature de Cromwell ?

Mulciber se tut et décida en son for intérieur qu’il laisserait dès lors les débats aux jeunes. Claquant des doigts avec arrogance pour qu’on lui fasse porter un verre, il l’arracha presque des mains de l’employé et se pencha à l’oreille d’Ezekiel dans le but de lui susurrer quelques mots.

- C’est assez civilisé à votre gout, Zabini ? et de lui tapoter l’épaule en se délectant d’une gorgée tannique de son vin.

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