Morrigan patine et fait même des figures artistiques admirables, alors qu’elle tente de rattraper son coup, ce rentre-dedans que Lance apprécie, en temps normal. Même si ce n’est pas nécessairement d’en avoir autant, en ce moment. Il s’est promis de ne pas intervenir, sauf en cas de problème majeur. La veiller, mais ne pas lui couper l’herbe sous le pied, ne pas saper son autorité et le peu d’intimidation qu’elle peut générer en ce moment.

Sa réplique ne manque pas de mordant, et d’un peu plus de subtilité (Helga merci, sinon ce ne sont pas des cours d’autodéfense et d’attaque qu’ils devront donner à la Farrow, mais des cours basiques de discussion), et la finale ne manque pas de panache. Si la O’Leary ne voit rien de la main noire qui s’imprime sur le tissu, lui ne manque rien, et le barman non plus, qui échange avec lui un regard amusé de connivence. La jeune sorcière revient vers lui avec un long soupir, son deuxième verre en main. Il lui aurait bien commandé un shooter pour lui remonter le moral, mais il n’y a plus rien de légal qui vaille la peine pour ce genre de chose. « Trop direct, c'est ça ? C’est ça. Une gamine intelligente, définitivement. La prochaine fois… attends plus d’trois phrases avant d’parler de nous. Un sourire en coin, sous la moustache, alors qu’il remue le pic dans son drink coloré. Un coup de baguette et il y fait apparaître quelques glaçons, avec l’espoir qu’en fondant, ils dilueront le goût sucré. Très joli, le coup de la main », complète-t-il avec sincérité, pour ne pas laisser sa nièce uniquement sur des critiques.
Lance aime le style. Et ça, ça avait du style.
Il reste seulement à le peaufiner.

Il tapote le banc à côté de lui, pour l’inviter à se rasseoir. « Bois un peu. On doit encore attendre. » Ils n’ont pas encore vu leur gros poisson. Ils ne savent pas encore combien de temps prendra le menu fretin dans leur alcôve et quelles autres filles y défileront. Ce soir, ils sont de corvée d’observation autant que le reste. Alors l’oncle et la nièce attendent, discutant à bâtons rompus, les yeux courant sur toute la seule et le rideau de l’entrée.

Le duo en est à quelques paris en l’air pour la saison hivernale de Quidditch lorsque le rideau s’écarte sur l’homme qu’ils attendaient. Ou enfin, presque. L’homme de main de Louis Travers, comme prévu. Les affaires du soir ne doivent pas être assez importantes pour que le sang pur se déplace lui-même… Ses prunelles dévient de la silhouette jusqu’à Morrigan. « Ce serait l’heure que t’ailles pisser, après avoir bu tout ça, mh. » Pas une question. Une suggestion autoritaire. D’aller se balader tout juste devant l’homme alors qu’il est encore en train de discuter avec Cromwell, à l’entrée du Filet du Diable. Et d'ouvrir bien grand ses oreilles.

@Morrigan Farrow

Aux excuses de sa nièce, il offre uniquement un sourire, au-dessous de son regard sévère - il est tout prêt à pardonner les bévues d’une débutante, tant que celle-ci ne s’y attarde pas. Heureusement pour elle, pour lui, pour eux, Moe n’est pas le genre à s’arrêter après un échec, ou lorsqu’elle se prend les pieds dans les plats, et c’est sans se faire prier qu’elle obéit à son ordre peu subtil.

Lance se force à ne pas la suivre du regard, pour ne pas sembler plus douteux que possible. Ils sont ensembles, ce soir, mais ça, l’homme qui parle à Hades Cromwell n’en sait rien et il n’a pas envie de le laisser deviner. Que sa méfiance s’étende aux deux Farrow en même temps, en un tout. Ils sont du Syndicat, mais il ne se fie absolument pas au Cromwell en ce qui a trait à une quelconque loyauté, à un quelconque fair play. S’il doit lancer les deux sang-mêlés sous le Magicobus pour protéger les affaires de son patron, il le fera sans hésiter.
Il ne la voit donc pas renverser le contenu de son sac près des deux hommes. S’attarder pour ramasser aussi lentement que possible chacun de ses effets, l’oreille tendue comme seule la vie voleuse, la pie moqueuse, la pie curieuse, sait faire, sans en avoir l’air. Entendre l’homme de main commenter à voix basse, les mots hachés par la musique qui parfois prend le pas sur la voix polie et plaisante : « [...] le Roi ne peut pas se déplacer, ce soir, mais sachez [...] beaucoup d’intérêt envers les dernières nouveautés présentées lors de [...] monsieur Engel [...] le convier à une soirée avec [...] »

Sans doute roulerait-il même profondément des yeux en l’entendant appeler Louis Travers le Roi, en français, de façon si prévisible.
Au moins autant qu’il apprécierait de connaître cette information, cruciale lorsqu’il en viendra à s’intéresser à de futures informations destinées à ce fameux Roi.

Par contre, Farrow est aux premières loges lorsque l’homme cesse de parler et baisse le regard sur Morrigan, toujours accroupie et penchée au sol, et lui mate le cul sans gêne, avant de poursuivre son chemin vers l’arrière du club, étroitement escorté par Cromwell. Il fait tout pour ne pas s’étouffer dans son drink, qu’il a réussi à diluer avec ses fameux glaçons, et profite que Moe soit partie prendre vraiment, ou faussement, l’air pour se rincer le gosier d’un simple verre d’eau. Il imagine très bien le mur vide par lequel Hades a fait passer l’autre homme, d’un mot de passe discret, pour lui-même déjà être entré dans ces salles secrètes où les affaires criminelles se discutent autour de véritables drinks. Autour d’un vrai bon whisky (et ça y est, maintenant, il en a encore plus envie).

Il balance quelques Gallions supplémentaires sur le comptoir du strip club et emporte leurs manteaux avant de quitter le bar, pour rejoindre sa nièce à l’extérieur. « Je t’offre le resto. Tu me raconteras tout ça. » Il a assez passé de temps ici. Il a eu ce qu’il voulait. Et qu’importe que l’Alberich se demande ce que deux Black Hands font dans les entrailles de leur club. Ils n’ont rien fait de mal. Pour l’instant.

La pie voleuse, moqueuse, malicieuse, serait sans doute surprise de savoir que son oncle n’est pas déçu d’elle. Même pas un peu. Elle a fait ce qu’il lui a été demandé, sans rechigner, avec son propre style, ses propres méthodes. Elle n’a même pas eu besoin de lui pour comprendre ses erreurs, dès le moment où elles ont été faites. Moe est en apprentissage et Lance ne peut pas exiger qu’elle sache tout faire. Ni même quoi que ce soit, à part ouvrir grand ses yeux et ses oreilles, comme elle le fait déjà si bien depuis son entrée chez les Black Hands.
Il s’est porté garant d’elle et il veut un jour en faire l’héritière de ce poste hautement convoité de Middle Finger, lorsque son tour sera venu de prendre moins de responsabilités, de lever le pied sur le contrôle du crime organisé. Lance a confiance en Morrigan et c’est au fil de missions parfois simplistes, parfois plus complexes, qu’il apprendra à comprendre les forces et les faiblesses de la jeune femme, qu’il lui montrera comment en jouer, qu’elle deviendra une criminelle digne de ce nom.
Un plan de carrière très noble, pour une Farrow.

La sorcière s’enthousiasme pour le repas (grassement payé, en plus, ça doit définitivement aider), et lui aussi doit reconnaître qu’il crève la dalle - son estomac gargouille d’approbation à cette pensée. Tous ces drinks épouvantablement sucrés lui ont levé le coeur et il a besoin de manger quelque chose de bien gras, histoire de faire partir cette sensation. Le goût du bon whisky, aussi, qu’il ne pourra même pas trouver dans ses pénates personnelles. Pas avant d’aller à l’une des planques de leur gang. Saleté de gouvernement rabat-joie. « Un resto chinois. Range ta baguette, tu n’en auras pas besoin, là-bas. » Une façon de lui indiquer qu’ils partent du côté moldu, dans le quartier chinois plus précisément, dans une gargote un peu pourrie, où il pourra échanger sa petite réserve de livres sterling bien moldues contre assez de plats pour ne pas manger pendant deux jours. Là, ils pourront discuter de la soirée en paix, sans personne pour s’immiscer dans leur conversation, et surtout, terminer ces paris de Quidditch évoqués un peu plus tôt.

C’est que sa nièce avait une offre très intéressante, à propos des Ballycastle Bats, et que Lance n’est définitivement pas au-dessus de voir les choses autrement, y compris à propos de son sport favori. à travers le regard différent et intelligent de Moe Farrow.

Lui aussi, il apprend encore.