“ Careful, that's a gift. ” Le lynx aurait pu le remarque grâce à l'emballage un peu maladroit; Lee, bien entendu, le sait. Plus tôt, il lui a dit qu'elle pourrait l'ouvrir quand elle le désirait, et non devant lui. Il a changé d'avis... en réalité, il se demande juste pourquoi Flora ne l'a pas encore fait. Lee a du mal à comprendre le besoin de solitude. Une part de lui comprend — la part de lui qui accepte les autres tels qu'ils sont, qui ne pose pas de question — mais une autre part de lui... eh bien, ça va complètement à l'encontre d'une autre part de lui. Lee aime être seul, mais avec modération. Sinon, il aime les autres. Il a beaucoup d'amis, encore plus de personnes avec qui il est amical, avec qui il passe du temps. Il est actif, réactif, extraverti, bavard, charmant, séduisant, le genre qui met tout le monde à l'aise.
Flora, quant à elle, reste dans sa petite chambre avec ses cadeaux encore emballés, et mange à peine quand elle va se cacher avec son assiette. Comme un petit oiseau effrayé. “ I think it's a book.  I didn't open it yet… ” Lee pourrait presque sourire — perspicace, cette Flora —, et le lynx s'asseoit, la darde toujours d'un air interrogateur, sa tête penchée légèrement sur le côté.

Il attend la suite, patiemment, entendant l'hésitation qui reste, pesante, dans l'air. “ It doesn't feel right. ” De recevoir un cadeau? “ It's o- my birthday today. ” Lee sait tout de suite où elle va en venir. Hestia. Toujours Hestia. “ I'm not used to celebrating it alone. ” L'animal se relève lentement, fait un pas dans sa direction. “ I mean without my- my twin- without Flora. ” Il aimerait lui dire qu'elle n'a pas à lui mentir... il aimerait vraiment, mais alors, ce serait rendre la situation réelle. Possible. Et sa trahison, réelle aussi.
Le lynx saute dans un mouvement gracieux sur le lit en étouffant un miaulement, et puis se faufile de nouveau sur ses cuisses. S'y étale, maladroitement, ses grosses pattes la poussant un peu pour la forcer à poser ses mains sur sa fourrure. On s'en fiche du livre et du cadeau, il veut juste qu'elle arrête de faire la tête et d'avoir l'air si fragile. Même quand elle le caresse, Flora semble inconsolable donc le lynx finit par repousser ses mains et par se redresser pour lui lécher la joue, le menton, le cou, le nez, jusqu'à ce qu'elle proteste et essaye de le repousser en rigolant un peu. Il s'arrête seulement quand elle le lui demande, mais ne se détache pas pour autant, préférant se rouler en boule sur ses jambes et enfouir son museau dans ses pattes, ronronnant quand les doigts de Flora se glissent de nouveau dans sa fourrure pour le caresser avec douceur.

Flora ne sait pas trop pourquoi elle parle autant. Elle n’a pas décoché une centaine de mots depuis que le lynx est entré dans la pièce mais pour elle c’est beaucoup, du moins depuis qu’elle est arrivée à Sweet River. Elle n’offre jamais aux autres que le strict minimum, à tel point que beaucoup ignorent encore le son de sa voix. Mais avec le lynx elle parle et surtout elle se révèle. Ce n’est pas du small talk, ce sont des bribes de ce qu’elle ressent, de ce qu’elle ne peut partager avec personne et qu’elle décide arbitrairement de laisser un peu sortir devant lui. Elle ne sait pas trop pourquoi lui. Peut-être parce qu’il ne peut pas lui répondre, peut-être aussi parce que même alors qu’elle voit toute l’intelligence dans ses yeux, elle peut, en s’ouvrant à lui, se donner encore l’impression qu’il n’est qu’un animal qui ne comprend pas ses mots. Le félin saute de nouveau sur son lit, s’étale un peu sur ses cuisses et elle cesse de se recroqueviller pour mieux l’accueillir, lui faire de la place et puis, comme il semble en avoir envie, effleurer sa fourrure de ses doigts. Elle le caresse avec douceur et patience, mais avoir mentionné sa sœur, même avec le mauvais prénom, l'a rendue maladivement triste et son cœur n’y est plus vraiment.

Peut-être s’en rend-il compte car il se lasse rapidement et vient lui lécher le visage, le cou, la faire grogner et le repousser des mains, lâcher même un rire à cause des chatouilles, un rire qui ne laisse aucun sourire derrière lui. “ Stoooop ” il finit par lui obéir, mais il ne s’en va pas — au soulagement embarrassé de Flora — et s’installe confortablement sur ses jambes, énorme boule de poils qui vibre en ronronnant dès que de nouveau elle vient le toucher. Flora reste silencieuse un long moment, pensive, triste, reconnaissante aussi, de sa présence même si celle-ci l’inquiète beaucoup. Qui est-il ? Veut-il lui voler ses secrets ? Elle a peur de continuer à prétendre que ce n’est qu’un animal et peur aussi de découvrir de qui il peut s’agir. “ I miss my sister.” murmure-t-elle après de longues minutes d’un silence seulement perturbé par les ronronnements contentés du lynx. “ I’ve never been away from her on our birthday before. ” Et elle n’aurait jamais dû l’être. Elles auraient dû pouvoir se retrouver cette année aussi. C'était la promesse qu'elles s'étaient faite. “ All I wish for is to see her again. ” Elle fait la moue, n’en dit pas plus. Elle ne peut pas en dire plus. Même si elle avait été la vraie Hestia, même si elle n’avait jamais été mordue, elle n’aurait pas été censée pouvoir voir sa jumelle. Pas alors qu’officiellement Flora reste une bonne sorcière de sang-pur qui travaille au Ministère. Elle se renfrogne en retenant quelques larmes et pousse un peu le lynx pour pouvoir s’allonger sous ses couvertures avant de le laisser revenir sur elle. Il la surplombe et l’encercle si bien que, où qu’elle tourne la tête, elle se retrouve le nez enfoncé dans sa fourrure. Elle soupire un peu. Ça sonnerait presque comme du soulagement. “ Thanks, ” marmonne-t-elle de manière presque inaudible. Elle pense qu’il l’entend ceci dit. Elle pense aussi qu’il sait. Il sait déjà qu’elle apprécie sa chaleur, ses ronronnements, la douceur de sa fourrure, le fait qu’il soit là pour elle, tout simplement. Qui qu’il soit.
“ I hope you’re not Aaron or Kyle, ” chuchote-t-elle, avouant pour la première fois ailleurs que dans ses pensées, qu’en plus d’être réel, ce lynx est quelqu’un. Elle fronce du nez et ferme les yeux pour ne pas pleurer, elle ne veut pas pleurer, elle a déjà pleuré devant lui et c’était trop. “ Can you stay a bit? ” Ses bras s’enroulent un peu autour de son corps et ses mains se perdent de nouveau dans sa fourrure. Elle veut être seule : elle n’a pas voulu manger en communauté ni parler à quiconque. Mais elle n’a pas envie d’être complètement esseulée non plus. Sa compagnie à lui, toute inappropriée qu’elle est, toute dangereuse aussi, est différente, moins stressante et plus agréable pour elle. Elle a moins l’impression d’avoir à travailler ses expressions et ses mots. Elle a l’impression d’avoir le droit d’être elle-même, si triste que cela puisse être.
Et finalement, elle a même le droit de s’endormir.

Lee a déjà entendu parler des animaux thérapeutiques qui aident les patients à se détendre et à parler, à se guérir; il se demande si il prend lentement ce rôle pour le bien-être de Flora, si c'est pour ça que ses caresses tendres et machinales dans sa fourrure ne s'arrêtent pas. Ça ne le dérange pas. Après un silence interminable, que Lee passe à ronronner les yeux fermés, elle prononce quelques mots qu'il n'avait pas besoin d'entendre: “ I miss my sister. ” Le lynx ne réagit pas, sauf avec une oreille qui se tourne dans sa direction, curieuse. Il sait bien que sa soeur lui manque. Mais il ne peut rien y faire... il en fait déjà trop pour elle. Pour elles. “ I’ve never been away from her on our birthday before.  All I wish for is to see her again. ” Le lynx, spectateur silencieux et curieux, ne réagit toujours pas. Il écoute et il ronronne et ses énormes pattes commencent d'elles-même à tricoter la couette, comme on dit, jouant avec le tissu dans un geste purement animal et instinctif indiquant le bien-être.

Il grogne, ceci dit, quand il se fait déloger des jambes de Flora, mais se laisse faire; et finalement, la rejoint en s'allongeant de tout son long à côté d'elle, tendant le visage pour lécher son menton une seule fois. Lee s'endort et le lynx s'étire, cherche de la chaleur auprès de ce corps pas si étranger que ça. C'est toujours plus simple de laisser les instincts animaux prendre le dessus.  
Il finit par prendre placer sur elle, son museau dans ses cheveux, ses pattes autour de sa tête. “ Thanks. ” Il ne répond pas, frottant à la place le bout de son museau dans ses cheveux, contre son crâne. “ I hope you’re not Aaron or Kyle. ” Lee est amusé, et un peu offusqué aussi, se frottant un peu plus contre son crâne, sans répondre de quelque manière. “ Can you stay a bit? ” Il ne répond pas non plus cette fois, laisse Flora le serrer comme si il était une énorme peluche et veille sur elle quand elle s'endort, frottant de temps à autres son museau dans ses cheveux ou contre sa tempe. Il reste là, protecteur et rassurant, même quand elle bouge dans son sommeil, même quand elle le repousse puis le reprend dans ses bras, même quand ses doigts se crispent dans sa fourrure alors qu'un rêve désagréable l'agite. Il ne s'en va seulement quand elle le lâche complètement et qu'il quitte la pièce en silence, avec un dernier regard en arrière vers Flora qui a l'air si petite, si fragile, et si seule dans son petit lit.

21st june 2006 Flora devrait avoir pris l'habitude de dormir seule, dans un lit qui quoique petit semble encore trop grand pour elle, trop froid. Elle devrait avoir l'habitude de se sentir seule, si ce n'est pendant les mois passés loin de sa sœur quand celle-ci a rejoint l'Ordre du phénix, au moins pendant les semaines qu'elle vient de passer à Sweet River. Parfois elle se sent précisément pas assez seule parce qu'elle partage sa chambre avec trois autres louves. Pourtant quand elle se réveille au milieu de la nuit et que celles-ci ronflent tranquillement dans leurs propres lits, Flora se sent plus seule que jamais. Le lynx a laissé une aura chaude sur les draps derrière lui en plus de quelques poils qui de nouveau lui assurent qu'il n'est pas qu'une invention de son esprit. Elle se raccroche à sa couverture pour compenser la perte de la peluche géante qui lui a permis de s'endormir jusque-là, une petite moue sur les lèvres, trop fatiguée pour nier comme elle est déçue qu'il ne soit pas resté avec elle jusqu'au matin.

9th july 2006 Elle a essayé de faire traîner sa lecture autant que possible, elle a été un peu aidée par les livres prêtés par Siam, mais la ferme ne lui offre aucune autre distraction, aucun autre refuge que la lecture alors finalement en dépit de ses efforts elle a fini l'ouvrage que Lee lui avait apporté. Peut-être le seul livre neuf de tout Sweet River. Elle devrait elle aussi en faire profiter d'autres, le prêter, quitte à bien insister pour qu'on le lui rende une fois la lecture achevée, mais elle n'en fait rien. Elle le garde jalousement dans le tiroir de sa petite table nuit, seule possession qui lui appartienne vraiment. Tout le reste est bien commun ou alors anciennes affaires d'Hestia. Mais ce livre il est à elle. Sauf que, pas vraiment, doit-elle se rappeler chaque fois qu'elle ouvre le tiroir où elle laisse généralement sa baguette pendant la nuit. Il n'est pas vraiment à elle parce que Lee l'a acheté (ou volé) pour Hestia. Il l'a fait pour Hestia, pour faire plaisir à Hestia, pour faire sourire Hestia. Et l'idée la met mal à l'aise. Suffisamment pour qu'autant qu'elle le cherche parfois pour le remercier, elle craigne aussi son retour à Sweet River, effrayée par tout ce qu'elle semble ignorer du lien entre sa sœur et l'ancien Gryffindor. Alors si Lee revient à Sweet River après son anniversaire, Flora ne le croise en tous cas pas même après qu'elle ait fini le livre depuis plusieurs jours déjà, même alors que la prochaine pleine lune approche tant qu'elle en est devenue palpable. La nervosité grimpe chez tout un chacun à la veille de celle-ci, même les non loups. On sait qu'elle arrive, on sait qu'elle veut dire souffrance et transformation en monstre pour les uns, danger et crainte pour les autres. Pour Flora ce sera la deuxième. La première sous potion tue-loup. On lui a promis la chose avec un petit sourire, comme un cadeau : la potion n'est encore que trop rare, jamais produite en quantité suffisante pour que tous les loups de la résistance puissent en profiter tous les mois. Ce mois-ci c'est son tour d'y avoir droit. On lui a expliqué ce que serait mieux, moins douloureux. On lui a dit qu'elle serait plus en contrôle, éveillée pendant la transformation.
On lui a présenté ça comme un avantage.
Comme si elle pouvait avoir envie de se voir en monstre, de savoir ce qu'elle fait, de se souvenir.

La forêt est plus humide que d'ordinaire, il fait relativement chaud aujourd'hui pour l'Écosse. Pourtant Flora a froid, assise sur son tronc d'arbre. Et ce n'est pas la faute de la petite robe qu'elle porte, rare vêtement ayant appartenu à Hestia. C'est l'échéance qui la fait trembler, c'est l'idée qu'aujourd'hui, dans le laboratoire de l'Ordre, on prépare une fiole de Wolfsbane à son nom. C'est le fait qu'elle aimerait tant que cette potion porte mieux son nom justement, et qu'elle puisse bannir le loup, bannir la malédiction. Elle aimerait que quelque chose sache la guérir, lui ramener Hestia, la faire redevenir comme Hestia.

Elle tremble comme une feuille, assise sur son tronc d'arbre au bord de la rivière et elle n'entend pas les pas feutrés de l'animal qui se dirige vers elle, couine pour attirer son attention et vient se vautrer à ses pieds. Flora se demande parfois pourquoi elle les attire ces animaux. Aussi bien Rocky que ce lynx sans nom qui semble toujours arriver aux bons moments — ses plus mauvais moments. Elle fait la moue en l'accueillant comme si elle n'appréciait pas sa visite, elle fait la moue quand elle effleure sa fourrure du bout des doigts avant de se laisser glisser au sol elle aussi pour pouvoir le caresser plus sérieusement. Elle se demande ce qui chez elle les attire, mais la vérité c'est que Rocky et le félin n'ont rien avoir l'un avec l'autre. L'une est une chienne ordinaire, compagnon d'un alpha qui a le seul mérite aux yeux de Flora de ne pas être June, l'autre est… elle ne sait pas trop ce qu'est ce lynx. Qui est ce lynx. Il pose sa gueule sur son épaule, sa truffe mouillé contre sa joue. “ You’re weird.” décrète-t-elle, quoiqu’elle-même ne fasse pas figure de personne la plus saine d’esprit qui soit non plus, à parler à un gros chat, en sachant qu’il est humain, mais sans chercher à savoir qui il est. “ Do you just follow everyone like that? ” Une part d’elle aimerait penser qu’elle est un peu spéciale, pour quelqu’un au moins dans cette foutue ferme, mais ça ne serait pas si réconfortant que cela : personne ici ne la connaît, ils ne connaissent que Hestia. “ I hope you're not someone I hate. ” Ni les deux qu’elle a cité l’autre fois, ni une de ses colocataires, ni June. Elle ramène ses genoux à sa poitrine, les entourant de ses deux bras, ne détachant une main que de temps en temps pour venir caresser le lynx, sans dire un mot de plus. Lui finit par bouger un peu, se redresser brusquement, les oreilles d’abord, comme s’il avait entendu quelque chose au loin, il s’éloigne, mais revient vers elle, s’installe sur ses genoux sans lui demander la permission et roule sur lui-même pour lui présenter son ventre dans un geste non équivoque. Elle laisse échapper un léger son, d’entre ses lèvres, comme un demi-rire, l’espace d’une seconde ou deux, volées au temps. Ce n’est pas si drôle que ça, ou si mignon, mais elle le caresse comme il semble le demander et elle essaye de réaliser pleinement l’idée qu’il y a un humain derrière qui apprécie ces caresses et elle songe qu’effectivement, c’est très bizarre. Elle préfère donc penser à cet être comme à un chat, un très gros chat, tout doux et gentil avec elle, réconfortant d’une manière étrange. Elle s’occupe de lui, lui offre son attention et elle peut s’oublier elle-même et la pleine lune du lendemain jusqu’à ce qu’on ne vienne les interrompre pour annoncer que le dîner est prêt.

Ils quittent la forêt ensemble, mais Flora ne passe pas par la cuisine, elle va directement dans sa chambre préférant sauter le repas communal ; saurait-elle regarder dans les yeux la personne qu’elle vient de passer l’après-midi à caresser ? Non. Le lendemain elle évite encore tout le monde et retourne dans la forêt, incapable de se mentir à elle-même et de ne pas s’admettre qu’elle l’attend. Et il vient et aussitôt elle le caresse, et finalement elle reprend même son jeu : “ I hope you're not that Weasley girl. ” Celle qui passe par ici de temps en temps avec ses six cercles sur le bras. Flora n'a rien de particulier contre elle, à dire vrai. “ I know you're not June at least. ” remarque-t-elle également avec l’impression d’avoir du sang dans la bouche rien qu’à prononcer son nom. Elle pourrait jurer qu’à chacune de ces suggestions le lynx lui a fait ‘non’ du museau. Tout ça est assez vite oublié quand il lui saute dessus pour lui lécher le visage et qu’ils finissent par lutter gentiment quand elle le repousse d’abord doucement puis avec un peu plus de force quand elle réalise que ça n'est pas suffisant. Elle fronce du nez, agacée et presque attendrie à la fois, tentant de réprimer l’esquisse de sourire qui manque de se dessiner sur ses lèvres. “ Dumb cat, ” murmure-t-elle de nouveau, pas sincère du tout. Ils restent un long moment ainsi, se tenant l’un à l’autre jusqu’à ce que le soleil commence à descendre à l’horizon et qu’elle même commence à se sentir mal. “ I have to go back… ” elle a sa potion à prendre avant ce soir, malheureusement.

C'est la pleine lune et c'est plus fort que lui: Lee s'inquiète. Grâce à des informations fiables, il sait que cette nuit, Flora va pouvoir prendre la Wolfsbane et donc se transformer à demi-mesure: ce sera sa première fois. Il se demande si elle est soulagée, ou si elle a peur. Il se demande comment elle va, même si il devine sans mal qu’elle ne doit pas aller très bien… Les gens à qui il demande lui disent toujours qu’elle évite les autres, qu’elle reste seule, qu’elle ne se mélange pas. Certains disent que c’est normal, d’autres disent qu’elle est bizarre, qu’elle n’y comprend rien, qu’il faudrait la forcer: elle est une louve, par Merlin, et elle a besoin de sa meute! Lee leur dit de la laisser tranquille. Elle a besoin de temps, il pense, et d’espace.

Et d’un ami. Et donc il s’improvise ami, Lee qui n’a jamais eu aucun mal à se faire apprécier par les autres par le passé. Sous sa forme de chat, il l’accompagne et joue avec elle et la force à le repousser jusqu’à ce qu’elle se mette à rire. Il aime bien son rire, quand elle est prise par surprise: carillonnant et léger, comme le rire d’une fille de son âge.

Sauf qu’il est toujours suivi par une moue coupable, une ombre qui tombe sur son regard comme un rideau de scène.

C’est la pleine lune et c’est plus fort que lui: Lee s’inquiète. “ I have to go back… ” Et le lynx, aussitôt, couine un peu, comme si il avait peur qu’on le laisse derrière; et pourtant il se détache de leur étrange étreinte, et quand elle se lève, il la suit diligemment, s’enroulant entre ses jambes en se frottant à ses mollets jusqu’à ce qu’elle trébuche et grogne. Dumb cat, l’a-t-elle appelé il y a quelques instants et ça ne semble pas le déranger de se comporter comme tel.

Ils retournent à la maison et le lynx reste à ses côtés, fait la queue avec elle derrière les autres loups. Quelques uns lui octroient une caresses avec un sourire fatigué et il se frotte à leurs mains, mais il reste près de Flora. Elle va à l’écart aussitôt qu’elle a sa fiole et Lee reste à proximité du sorcier non-lupin qui a distribué les potions. Il devine qu’elle a besoin d’être seule pendant quelques moments…

“ Joining us today, River? ” lui demande le sorcier, Buckley, et le lynx se presse contre sa main tendue. “ Be nice, ” lui recommande-t-il. Si les lynxs pouvaient parler, celui-ci aurait aussitôt prit un air effaré et heurté en criant à la trahison. Mais à la place, il lui mordille les doigts jusqu’à ce que le sorcier le repousse franchement, et il attend patiemment à ses côtés que les sorciers prennent leurs potions.

Le soleil se couche et la lune le remplace; aussitôt que les premiers rayons de lune touchent les peaux des loup-garous, ceux-ci se mettent à se transformer. Le lynx peut voir, depuis la maison principale, que les autres hybrides se pressent aux fenêtres pour voir le spectacle. Ceux qui se transformeront pour de vrai auront à transplaner plus haut dans les Highlands mais ceux sous Wolfsbane restent aux alentours (ou vont en mission) pour protéger Sweet River. Le lynx regarde les nez pressés contre les vitres avant de se tourner de nouveau vers les lyncanthropes qui ont pour la plupart, fini de se transformer.

Les énormes loups commencent déjà à chahuter, à s’écrouler pour pioncer ou à écouter les instructions de Buckley qu’ils ont déjà entendu des dizaines de fois: pas le droit de trop s’éloigner, pas le droit de chasser au Sud à cause de la proximité avec un village moldu, pas le droit d’hurler trop fort et trop longtemps pour agiter la faune locale… Lee s’en désintéresse vite et va plutôt rejoindre l’un des loups qui restent à l’écart, qui tremble et refuse de se mélanger. Le lynx se fait une place parmi les autres loups avec aise et habitude. Normalement, les Animagus se joignent aux autres loups pour aider à les contrôler mais Lee y est allé le mois dernier: cette fois, il se la coule douce.

Alors il rejoint Flora, et s’approche même quand elle recule, et finit par très simplement lui sauter dessus pour jouer. Il lui mordille le cou et la force à le repousser et l’esquive quand elle réplique - toujours sans faire mal. L’énorme loup et l’énorme chat se battent et le lynx finit par feuler quand elle le repousse avec un peu trop de force, même si il lui lèche rapidement le museau pour lui faire comprendre que ce n’est pas grave quand le loup-garou couine pour s’excuser. C’est un peu bizarre, Lee imagine, de se perdre à ce point dans son rôle - mais ils s’amusent bien, il pense, à gambader et se chamailler toute la nuit, le lynx finissant par véritablement gémir de dépit quand il finit par être poussé dans la rivière qui donne à la maison son nom.

La fin de la nuit arrive trop vite et le lynx reste encore une fois à proximité, elle est consciente cette fois, et toujours aussi tremblante. Pas de coupures ou de blessures cette fois, mais il voit bien que Flora ne va pas bien même quand il tire jusqu’à elle sa robe d’été qu’elle a retiré au coucher du soleil, la déposant près d’elle avant de lui lécher le nez une fois, deux fois, trois fois jusqu’à ce qu’elle grogne en le repoussant un peu. Il s’assied à côté d’elle et la regarde, l’air amusé - autant qu’un félin peut avoir l’air amusé. Et l’un et l’autre retournent à Sweet River pour dormir une fois qu’elle s’est rhabillée, le gros chat s’entortillant toujours entre ses jambes à chaque pas juste pour la faire grogner.

SEPTEMBER - Lee baisse sa baguette avec un soupir de soulagement comme si c’était lui, et non l’artefact magique, qui avait poussé ce lit jusqu’au grenier. Ils ont enfin fini l’annexe, ayant recours à beaucoup d’huile de coude ainsi que les plans un peu bancaux d’un ancien archimage. Ils peuvent désormais accueillir une dizaine de personnes de plus, dans des chambres légèrement plus petites mais au moins, moins de gens auront à partager dans la maison principale.

Il a gardé la plus belle et la plus grande des chambres pour Flora, parce qu’il en avait envie. C’est un peu injuste et ça a un peu fait ronchonner certains, mais Lee n’a rien écouté et a gardé ses positions. Comme tout le monde, il n’aime pas le favoritisme, sauf quand lui-même en bénéficie ou l’exécute.

“ Here you are! Just on time, as well, ” dit-il d’un ton encourageant quand il voit enfin la silhouette de Flora se découper dans l’encadrement de la porte de la chambre. Il lui a envoyé une note pour lui dire de venir dans le grenier de la nouvelle annexe, où il a emménagé une chambre. Ce n’est rien, juste un matelas sur des pallets de bois, une lampe posée à même le sol, et une étagère avec quelques livres de seconde main. Mais c’est quelque chose et, surtout, c’est à elle. “ So? What do you think? ” Lui demande-t-il après lui avoir fait signe d’entrer. Quand elle le darde d’un air interrogateur, Lee sourit d’un air conspirateur. “ You don’t like your new room? ”

Aucune pleine lune n'est facile. C'est que Flora a appris, avec un peu de présomption certainement; elle n'en a encore connu que trois après tout. Mais elle s'en fait déjà une certaine idée surtout depuis celle passée sous l'emprise de la Wolfsbane. Perçue comme une potion presque miracle pour certains ou en tous cas une solution très vertueuse à défaut d'être parfaite, pour Flora une pleine lune avec c'est presque pire. La première fois au moins si les premières minutes étaient extrêmement douloureuses elle avait le mérite de ne pas être consciente pour le reste de la nuit. De ne même pas se souvenir de ce qu'il s'est passé, une fois le matin venu. Avec la potion elle a tout ressenti du début à la fin, de la douleur intense à la réalisation étrange et détestable de son état animal. Elle s'est sentie louve, à quatre pattes dans la boue, louve au milieu d'autres loups. Et il y a eu quelque chose, comme un fil, ténu, mais bien présent malgré tout, pour la tirer vers les autres, vers certains des autres que son soi conscient ne reconnaissait pas, mais que quelque chose en elle savait marquer comme sien. La meute. Au moins, grâce à la potion elle a pu imposer son désir très humain de ne pas s'en approcher. Et elle aurait peut-être passé la nuit à se griffer elle-même pour s'arracher la fourrure si le lynx ne lui avait pas sauté dessus.
Elle ne saurait pas dire s'il est venu la fois suivante, elle n'était pas sous potion, elle ne se souvient de rien. Mais tout autant qu'elle voudrait oublier cette première lune sous Wolsbane elle n'y parvient pas. Elle se rappelle la haine brûlante de soi, le dégoût vivace pour l'instinct animal qui, tristement, a gagné quand elle a accepté de jouer avec le lynx. Et elle se hait encore pour cela. Ils étaient deux à se rouler dessus et se battre gentiment, mais elle ne le déteste pas lui. Elle réalise que, si impossible que ça puisse paraître, quelqu'un, un homme ou une femme a voulu faire ça pour elle. L'aider à penser à autre chose. L'aider à, puisque c'est ce qu'elle souhaitait, rester loin de la meute. Ça lui fait très peur elle doit bien l'admettre, d'autant qu'elle ne sait toujours pas de qui il s'agit. Elle refuse de savoir de qui il s'agit, refuse de laisser son esprit, brillant en matière de déductions notamment, trouver la réponse à cette question pourtant si importante. Elle est dans le déni.

C'est peut-être pour mieux parfaite ce dernier qu'elle a décidé, un après-midi de fin d'été de lui donner un nom à ce lynx si mystérieux. “ Since I don't know your name, I'll call you hmmm Washa.” Le nom n'est pas si original qu'il n'y paraît : washaq veut dire lynx dans sa langue maternelle, elle n'a fait que simplifier le mot pour lui donner des allures de prénom. Elle ne sait pas si l'animal (et l'humain à l'intérieur) apprécie de se voir rebaptiser de la sorte, mais il ne démontre d'aucun signe qu'il détesterait ça non plus, continuant à quémander des caresses en ronronnant. “ I thought you were gone...” lui dit-elle trois jours plus tard quand il semblait avoir disparu sans dire au revoir, Flora incapable de masquer quelques traces de peine dans le fond de sa voix.  “ I'm..glad you weren't, ” ose-t-elle admettre parce qu'ils sont seuls, comme souvent désormais et qu'elle a l'impression d'avoir le droit. Washa, comme tous les autres qui souhaitent lui parler ne sont là que pour Hestia. Mais il n'y qu'avec Washa qu'elle peut prétendre que ça n'est pas le cas. C'est pour ça qu'elle a besoin de cette barrière tangible, ce nom, entre le lynx et l'homme.

SEPTEMBER - La note lui fait un effet curieux. Elle n'a pas beaucoup l'habitude d'en recevoir. Elle ne parle encore qu'à si peu de gens… Siam, Warren (qui l'effraie ceci dit pour ce qu'il reste un Avery et quelqu'un qui l'a connue, elle, Flora, avant), Elijah très peu (car trop proche de June) c'est à peu près tout. Il y a Lee aussi, celui auquel elle parle peut-être le plus somme toute mais il ne réside pas à Sweet River. Tant mieux pour lui. La note vient de Lee justement, il lui demande de se rendre dans l'annexe de la ferme, dont la construction est enfin terminée, juste à temps pour l'automne qui approche. Flora n'ose pas vraiment espérer y avoir une place, encore moins celle qu'elle aimerait avoir : dans une chambre individuelle. Lee lui a dit qu'il pourrait faire ça pour elle et elle n'a pas oublié et elle ne croit pas que ç'ait été des paroles en l'air, mais tout de même, elle doute que ce soit possible. Il lui a assuré avoir autorité, mais elle le perçoit comme quelqu'un de trop gentil et doux pour que ce puisse véritablement être le cas. Ou peut-être n'est-ce qu'avec elle qu'il est ainsi, mais elle en doute fortement. “ Here you are! Just on time, as well, ” l'accueille-t-il une fois qu'elle a fini de grimper jusqu'au grenier, la note encore entre ses longs doigts. Elle observe la chambre qu'il semble en train de finir d'aménager. Ce n'est pas très grand du tout et il n'y a que des meubles sommaires, quelques livres sur une étagère, remarque-t-elle. Elle se demande qui aura l'honneur de l'habiter. Elle y pénètre avec timidité sur un signe du jeune homme, triturant le morceau de parchemin nerveusement. “ So? What do you think? ” Elle lui offre un regard confus et curieux à la fois, mais quand éclot sur les lèvres de Lee un sourire conspirateur, elle ne met pas longtemps à comprendre. “ You don’t like your new room? ” La surprise se peint tout de même sur son visage, aussitôt suivie par un léger froncement de sourcils : “ Oh- what- no, Lee, you shouldn't have! ” Les espaces privés sont rares à Sweet River et de fait valent très chers. Flora à tout point de vue n'en vaut absolument pas la peine, tout le monde sera bien d'accord pour l'admettre. “ Are you sure? ” Les gens vont être jaloux et dire que Lee fait du favoritisme alors qu'il n'y a aucune raison d'en faire avec elle parce qu'elle est, très franchement, des plus inutiles. “ Did no one else want it? ” C'était la condition de Flora quand il lui a parlé de l'annexe pour la première fois et du fait qu'elle pourrait y avoir une chambre : seulement si personne d'autre ne la veut. Elle croit déjà savoir que ça n'est pas le cas et que Lee la lui propose malgré peut-être une dizaine d'autres hybrides qui l'auraient voulue.
Néanmoins si sincère qu'elle est dans son envie de laisser à Lee la possibilité de se rétracter, elle ne peut cacher comme elle apprécie la pièce, comme elle a envie qu'elle soit sienne. Elle a l'habitude du luxe Flora tant chez les Carrow que chez les Al-Massri, mais c'est toujours un luxe contenu, subtil pas vraiment ostentatoire — quoiqu'il soit de bien meilleur goût chez les égyptiens que les anglais. Elle est habituée au vrai confort, au chauffage qui ne meurt jamais, à un sol toujours propre, des étagères sans poussières et un matelas aussi doux qu'un nuage. Ou du moins, elle y était habituée, mais c'est quelque chose dont elle a rapidement fait son deuil à Sweet River. C'était pour elle encore le moindre des dérangements, le plus facile à supporter de tous les changements de sa vie — elle aurait volontiers perdu plus encore de confort pour retrouver un peu d'intimité. La simplicité de la chambre ne la dérange pas, au contraire, elle apprécie ses petits détails, la lampe fonctionnelle, mais jolie aussi, surtout le fait qu'il y ait un coin bibliothèque, si modeste celle-ci soit elle. Elle peut s'y voir ici.
Cette idée la rend si triste.

C'est triste de se dire qu'elle pourrait être à l'aise dans cette pièce, que ça pourrait devenir sa chambre. Et ce, pour une durée indéterminée, peut-être pour toujours. Pour toujours toute seule, pour toujours sans Hestia, sans quiconque qu'elle n'aime et qui ne l'aime en retour. Elle peut s'y voir ici et c'est terrible, trouve-t-elle parce que c'est admettre pleinement qu'elle est coincée à Sweet River, qu'elle n'en partira pas, qu'elle doit pour de bon s'installer et considérer cet endroit comme son chez-elle.

“ Oh- what- no, Lee, you shouldn't have! ” Lee, qui s'y attendait, agite aussitôt la main en l'air comme pour éparpiller ses protestations. “ Are you sure? — Yes, Hestia, ” insiste-t-il, en roulant des yeux: ce serait un peu tard pour changer d'avis. Cette décision ne va pas faire que des heureux mais il en a parlé à Buckley, et même si lui-même semblait être sur le point de désapprouver, il a dit du bout des lèvres qu'il arrondisserait lui-même les angles s'il le fallait. Lee lui doit une fière chandelle... “ Did no one else want it? — Nope. ” Difficile de vouloir quelque chose dont on ignore l'existence... Lee, évidemment, préfère mentir par omission plutôt qu'éhontément alors il change de sujet, ou du moins parle d'autre chose, pour ne pas se retrouver à mentir un peu trop à Flora: “ come on, now, go try out that mattress! It's new... ish. ” Difficile de mettre la main ou la patte sur quelque chose de neuf, ces temps-ci. Quand il la voit hésite, il enlève lui-même ses chaussures pour sauter sur le lit, testant les rebondissement avec un petit rire avant de se laisser tomber dessus. Il y a une fenêtre sur le toit, qui déverse sa lumière sur le lit. Il trouve ça agréable, même si ça va l'être un peu moins quand les températures hivernales viendront affliger l'Écosse...

Flora ne le rejoint pas sur le lit et il s'assied pour la regarder. Elle est en train de lire les titres des livres qu'il a mis sur les étagères. Il la regarde, alors qu'elle se concentre et observe les quelques bouquins d'un air curieux. Elle a perdu du poids, remarque-t-il avec désapprobation, il se demande si elle mange assez, il en doute. “ We haven't figured out all of the plumbing yet so showers will be in the main house, ” dit-il pour briser le silence, pourtant confortable. “ There are some toilets downstairs though. Shared with seven other people, yes, but still! ” Ce n'est pas non plus l'idéal, mais c'est certainement mieux que partager avec une quinzaine les deux petites salles de bain de la maison principale... “ So? ” demande-t-il, en sachant pertinemment que ça va provoquer sa surprise et son incompréhension: comme il s'y attendait, elle se tourne vers lui d'un air interrogateur et Lee sourit parce qu'il aime bien être le centre de son attention. “ How do you like it? ” Il aime aussi être couvert de compliments.

“ Nope. ” Flora doute grandement de la sincérité de Lee, mais il faut dire qu'elle ne l'écoute pas beaucoup emportée silencieusement par une tornade d'émotions conflictuelles quant à cet espèce de cadeau. “ come on, now, go try out that mattress! It's new... ish. ” Elle l'observe avec les mêmes yeux écarquillés que si elle le croyait fou, alors qu'il retire ses chaussures et se met à sauter sur le matelas. Elle-même ne se souvient pas de la dernière fois qu'elle a fait une chose pareille. C'est si…enfantin — pourtant Lee est plus vieux qu'elle. Il y a toutefois plus de surprise amusée que de désapprobation dans ses prunelles, surtout quand il rit, un curieux petit son, plus léger que ceux qu'elle l'a déjà entendu offrir à d'autres. Elle l'observe mais ne le rejoint pas dans ses rebondissements, ni même lorsqu'il se laisse tomber sur le lit pour s'asseoir tranquillement. À la place, quand il a cessé de sauter et qu'il risquerait ainsi de remarquer sa fascination, elle s'intéresse à la petite étagère qui fait office de bibliothèque, découvre l'espace de cette pièce que Lee voudrait faire sienne. Timide, elle effleure à peine du doigt la tranche des quelques livres qu'il lui a laissé, neufs dans la mesure où elle ne les a pas encore lu, mais d'occasion tous autant qu'ils sont. Ils sont en bonne état cependant comparés à d'autres qu'elle a pu voir traîner à Sweet River. À ceux-là, elle pourra ajouter un ouvrage prêté par Siam et puis le cadeau d'anniversaire que Lee lui-même lui a offert et qu'elle ne veut pas voir emporté par le troc.

“ We haven't figured out all of the plumbing yet so showers will be in the main house. — Hm?” fait-elle d'abord distraitement avant que ses mots ne fassent sens et qu'elle ne puisse retenir une petite moue — heureusement, elle lui tourne le dos. La victoire ne sera pas totale si Flora reste tenue de se rendre à la maison principale au quotidien. Mais elle ne mérite pas de victoire du tout à vrai dire et celle, partielle, que lui propose Lee est déjà énorme. Dormir ici, ça ne rendrait pas son "séjour" à Sweet River agréable, non, mais ça lui faciliterait un peu la vie et la ferait, sans doute, se sentir un peu mieux. Même si avoir une chambre, c'est aussi accepter qu'elle est là pour rester, c'est se résigner. “ There are some toilets downstairs though. Shared with seven other people, yes, but still! ” Elle hoche lentement la tête, réalisant qu'il souhaite sans doute obtenir une réaction de sa part. “ So? ” Elle se retourne vers lui avec un air curieux, se demandant ce en quoi consiste vraiment sa question. Est-il en train de lui demander si elle accepte cette chambre ? À aucun moment, jusque-là, il ne lui a demandé si elle en voulait de cette chambre, il lui a juste demandé si elle lui plaisait, lui annonçant déjà la pièce comme la sienne. Il est assez spécial Lee dans sa manière de faire. Il est assez spécial tout court même. “ How do you like it? ” Elle hausse un peu les sourcils et rosit légèrement. Il ne lui laisse pas vraiment le choix donc. Peut-être que c'est qu'il se doute que s'il lui demandait son avis elle dirait non même alors qu'elle a envie de dire oui. Il connaît bien Hestia réalise-t-elle pour la énième fois et si la chose la rend toujours très jalouse, ça lui permet de croire qu'elle garde encore quelques points communs avec sa jumelle. Une pensée futile mais certainement ce qui la maintient en vie. “ It's- it's very nice Lee. ” fait-elle d'une petite voix sachant pertinemment que ça vaut acceptation de son offre. “ You shouldn't have. ” réitère-t-elle un peu plus fermement. “ But thank you very much. It's…as perfect as can be. ” Ça n'est pas parfait tout court, ça non. Mais pour Sweet River, pour les moyens qu'ils ont, c'est parfait et tellement mieux qu'elle ne le mérite. Les autres vont la haïr, si ça n'est pas déjà le cas bien entendu. “ Thank you for the books as well. ” Elle ne se fait pas d'idée, il faudra bien qu'elle les échange de nouveau si elle veut pouvoir un jour en lire d'autres et cette bibliothèque ne sera jamais remplie. Ça ne l'empêche pas d'être reconnaissante, comme pour tout ce qu'il a fait pour elle, enfin, pour Hestia. “ It means a lot. ” Et là, un sourire, petit mais sincère, amical, doux. Elle n'en a encore jamais offert à un humain à Sweet River.

“ It's- it's very nice Lee. ” Lee lui offre un grand sourire — comme dit, il aime beaucoup les compliments et surtout, il aime beaucoup rendre les gens contents. Et il pense que Flora est contente, même si elle ne le dit pas exactement. C'est au moins une personne de plus à qui il a changé la journée, la vie, temporairement du moins. “ You shouldn't have. ” Il soupire et fronce les sourcils, la regardant d'un air sévère. Il en a marre d'entendre ça. Ce n'est pas Flora qui va lui dire ce qu'il a le droit de voir, ce qu'il devrait faire, ou pas. “ But thank you very much. It's…as perfect as can be. ” C'est loin de parfait, il le sait bien, puisqu'elle est loin de la vraie Hestia et qu'elle vit, littéralement, parmi les loups... mais il est content d'entendre ça tout de même. “ Thank you for the books as well. It means a lot. ” Elle lui offre un sourire et Lee le grave sur ses yeux, cette vision étant aussi rare que précieuse. “ I'm sure it does. Now you owe me a favour though, ” lui dit-il d'un air malin. Il sourit un peu plus en la voyant le regarder d'un air surpris. “ Promise me you'll have a meal in the house as much as you can, and that you will stop skipping dinner. 'Cause I be knowin' that you ain't been eatin', ” fait-il avec un accent qu'il trouve marrant, “ and I don't like it. Okay? Okay. So! ” Il se projette, avec la force de rebondissement du matelas, pour sauter sur ses pieds et tape dans ses mains. “ I'll leave you to it, unfortunately I can't stay and help you move your stuff. If you need anything... ” Il fait des finger guns dans sa direction. “ You know where to find me. Or you don't, and if you don't, just ask someone. ” Hestia saurait bien évidemment comment le faire. Flora, pas forcément. “ See you later. And don't forget to eat! ” Et comme ça, de quitter la pièce et la maison en sifflotant joyeusement, bien fier de lui pour une fois.

NOVEMBER - Elle met un peu de temps à ouvrir la porte mais le lynx, qui y a gratté et a miaulé jusqu'à entendre du son à l'intérieur, froissement de draps et corps se redressant douloureusement sur le matelas, est patient. Quand le battant est entr'ouvert, il se faufile entre ses jambes comme si il était chez lui, ignorant son petit cri de surprise.
Flora a la tête qu'on lui a décrite quand il est arrivé à Saint Mangouste: elle a le nez rose et les traits tirés et les yeux un peu bouffi. Tout le monde est un peu malade, ces temps-ci, un rhume magique qui se propage et dure pendant trois jours que les sorciers passent collés au lit. Lee n'a jamais été du genre à tomber malade, et de toutes façons il a pris un flu shot sous forme de potion en tant que cercle cinq; mais l'épidémie fait rage partout dans le reste des rangs de l'Ordre.
Il a décidé de la visiter pour lui tenir compagnie. D'après Buckley, elle mange à peine les repas qu'il lui apporte en même temps que les soins, et le fait que la pleine lune est encore loin la rend plus faible encore.

Il l'a tirée du lit en lui faisant ouvrir la porte et le lynx a le culot de miauler impatiemment quand elle met trop de temps à y revenir: lui est déjà affalé sur les couvertures, n'attendant qu'elle pour se lover contre son corps chaud. Le lynx l'entoure et pose ses pattes sur son visage et commence à lui lécher les cheveux et le crâne et la tempe, lentement, comme une mère-chat qui s'occupe de ses petits et les lave; seulement, Flora le repousse, la sensation de sa langue râpeuse doit être désagréable. Peu importe, il arrête et la laisse enfouir son visage dans la fourrure de son cou, se presser contre lui en enfonçant ses doigts dans son épaisse fourrure.
Et lui aussi, lentement, ferme les yeux et s'endort: un sommeil sans rêve, comme il en a peu, et reposant, comme il n'en a jamais.

“ I'm sure it does. Now you owe me a favour though, ” Son air malin ainsi que l'idée qu'il veuille qu'elle lui rende la faveur la surprennent beaucoup. Personne ne fait quoi que ce soit de manière complètement gratuite, il y a toujours quelque chose que l'on attend en retour, Flora le sait bien, mais Lee lui semblait être ce genre de personnes qui se contente de savoir les gens heureux ou en tous cas contents des faveurs qu'il peut leur faire. Il lui donnait l'impression d'être ce genre de personnes, si rares soient-elles, à être tout simplement généreux jusqu'à la moelle. Mais peut-être se trompait elle. Elle ne sait pas si elle doit se trouver soulagée, ou inquiète du sourire qu'il lui offre ensuite. A-t-il déjà quelque chose en tête pour se faire rembourser ? “ Promise me you'll have a meal in the house as much as you can, and that you will stop skipping dinner. 'Cause I be knowin' that you ain't been eatin', ” l'accent lui fait esquisser une grimace qui ressemble à un sourire amusé, quoique ce qu'il lui demande ne la réjouisse pas du tout. Ce n'est pas que Flora ne veuille pas se nourrir. C'est juste qu'elle n'a pas très faim depuis qu'elle est ici et sa brusque gourmandise pour la viande rouge la dégoûte un peu. Et puis elle n'aime pas trop se mélanger aux autres. Elle n'a rien à leur dire, elle n'aime pas qu'ils la regardent et elle préfère passer son temps seule. Ou avec le lynx qui, elle doit l'admettre, est une compagnie très agréable bien qu'elle se fasse encore rare. “ and I don't like it. Okay? Okay. So! ” Elle n'a même pas pu en placer une pour répondre, mais ça ne semble faire aucune différence pour Lee qui considère apparemment pour acquis qu'elle fera ce qu'il lui a demandé. La vérité c'est qu'elle est incapable de ne pas faire ce qu'il lui demande vu ce qu'il a fait pour elle. Tout ce qu'il a fait pour elle, pas seulement aujourd'hui, mais depuis qu'elle est là. Elle lui doit bien ça, même si elle ne comprend pas trop ce que ça peut lui apporter à lui de la faire participer aux repas communs. Il saute à ses pieds satisfait comme si l'affaire était conclue. “ I'll leave you to it, unfortunately I can't stay and help you move your stuff. If you need anything... ” Elle n'a pas beaucoup de chose à déménager — elle en a même si peu que c'est risible — aussi elle ne lui en veut pas. Elle lui en veut un petit peu toutefois pour les finger guns qu'il pointe vers elle. C'est quand même très ridicule. “ You know where to find me. Or you don't, and if you don't, just ask someone. ” Elle hoche la tête tout en sachant pertinemment qu'elle n'ira pas le chercher et qu'elle ne demandera à personne où le trouver. Il est gentil ça ne fait aucun doute et il est une des rares personnes à qui elle parle, au moins un peu. Elle ne se sent pas tout à fait à l'aise avec lui, mais un peu plus qu'avec d'autres. Il la rend curieuse et tout ce qu'il fait pour elle la rend nerveuse et jalouse. Elle n'ira pas le chercher. Elle n'ira jamais chercher personne car la seule dont elle besoin n'est pas là. “ See you later. And don't forget to eat! ” Elle hoche de nouveau la tête et le regarde partir, finissant par s'asseoir sur le bord du lit pour observer la pièce. Son lit, sa chambre.
Et pour la baptiser elle pleure jusqu'à l'heure du dîner.
Elle ne retournera jamais chez elle.

NOVEMBER - Flora ne peut pas dire qu'elle a l'habitude de se réveiller avec le lynx dans les bras. Mais disons que se réveiller dans son lit auprès d'un animal sauvage lui arrive bien plus fréquemment qu'à une personne lambda. Généralement elle dort mieux quand il est là, déjà elle a moins froid grâce à sa chaleur naturelle. Et puis, elle se sent moins seule. Ce n'est toutefois pas une habitude parce que ce n'est pas aussi fréquent qu'elle pourrait le vouloir. Il ne vient pas tous les soirs, même pas toutes les semaines. Il disparaît certains jours pour ne réapparaître que bien plus tard. (Un peu comme un autre.) Depuis l'été il l'a accompagnée à chaque pleine lune cependant, toujours là à son réveil, toujours à pointer ses blessures du bout du museau, toujours là à essuyer ses pleurs de sa douce fourrure. Le lynx est son ami. À ce stade, elle ne peut plus le nier. C'est une amitié étrange et pas naturelle du tout. C'est une amitié qui a pour fondement un déni très profond dont elle refuse encore de se défaire. Ils ne font pas grand chose ensemble puisqu'ils ne peuvent pas trop communiquer. Washa comme elle l'a appelé essaye surtout de la faire sourire, de la faire rire parfois en faisant l'idiot. Il demande beaucoup de caresses aussi. De temps en temps elle lit pour lui un des livres que lui apporte Lee tous les mois. L'idée la rebute et la rend infiniment triste mais force est de constater qu'une certaine routine s'est installée. Et, même sans Hestia, même en monstre, elle survit.

Quand elle s'est un peu remise de son rhume et que Washa est parti vaquer à quelque occupation qu'elle ignore — sûrement sous sa forme humaine qu'elle demeure bien décidée à ignorer — elle se glisse dans la cuisine au (tout) petit matin pour se préparer quelque chose. Comme souvent lorsqu'elle était malade dans son enfance, elle n'avait pas faim du tout et l'appétit vient de lui revenir très brusquement. Elle a tenu la promesse faite à Lee en allant parfois manger avec le reste des habitants de Sweet River, quoique ça ne se soit limité qu'à une fois par semaine à peu près. Elle reste encore trop timide, trop accrochée à son besoin de ne pas s'intégrer — elle aurait sinon l'impression de faire preuve de déloyauté à l'égard de sa sœur. Alors elle se meut comme une voleuse dans la cuisine du bâtiment principal, pendant que les autres dorment encore, se faisant même une petite réserve en fourrant quelques biscuits et autres aliments facilement conservables dans un petit sac. Elle s'arrête dans ses gestes quand elle entend des pas s'approcher, son nez se redressant presque pour venir humer l'air dans un geste pas humain du tout qu'elle déteste. Elle refuse d'essayer de reconnaître une odeur, elle refuse encore ses sens exacerbés comme elle refuse sa nature et elle est en plein conflit intérieur pour les faire taire quand finalement on la rejoint dans la cuisine. “ Oh. Hi Lee. ” Elle semblerait presque prise de court quand bien même elle l'a plutôt littéralement entendu venir. Et elle n'a pas à être étonnée de voir Lee, vu qu'elle a de quoi se douter de sa présence à Sweet River en ce moment. “ What are- are you hungry? ” Elle ne cherche pas à cacher son petit sac, elle sait que c'est déjà trop tard. À la place, elle sort un des petits paquets de biscuits et elle le lui tend. Elle ne prend que rarement le temps de cuisiner ici, déjà parce qu'elle n'est pas la plus douée qui soit et ensuite parce que chacun de ses passages en cuisine est systématiquement conçu pour être le plus rapide possible.