cw. profanation de tombe (hihi)

"Ça a pas changé d'un poil! - Home sweet home !" Regard de Berxwedan, regard du vieux fermier, sourire satisfait de daron fier de sa blague sur la gueule d'Alois. Le sorcier n'avait d'ailleurs pas du tout l'air d'un gars qui s'apprêtait à déterrer un cadavre. Détendu, habillé d'un vieux jean et d'une parka salissables, les bottes en caoutchouc lui remontant jusqu'à mi-tibia, il faisait plus jardinier que criminel (surtout qu'il avait une pelle entre les mains, idéal pour dépoter des buissons). Un jardinier nocturne en compagnie étrange mais pour le reste, tout était réglementaire. Sauf peut-être le lieu."Vous êtes sûr que c'est ici?" Alois s'approcha de la grille fermée pour regarder entre les barreaux. Tout était tellement vieux que l'on discernait à peine les croix (bien sûr, pas le moindre réverbère à l'horizon). "Je suis mort, pas sénile jeune fille! - Allons, allons" murmura-t-il entre ses dents, un peu par habitude de gérer les prises de becs incessantes de ses gamines et ne voyant absolument pas d'intérêt à contredire un mec mort il y avait des décennies de cela (et donc aux mœurs... vintage ?). "Elle est tout le temps comme ça? Ces femmes j'vous jure ... qu'est-ce qu'elles sont à fleur de peau .... - Oh, je la trouve plutôt charmante, vous ne voulez pas savoir ce qui est arrivé à mon dernier revenant." Petit rire lugubre, le vieux rigola aussi mais plus dans le style nerveux et quand Alois lui mit une tape amicale sur l'épaule pour signifier que c'était une plaisanterie, il fit dans le rigor mortis instantané.

"Tu t'y colles Kavanagh. J'ai fait assez de baby-sitting." La laisse fut récupérée et le guérisseur se dit que c'était pour cette raison précise qu'il n'avait jamais voulu que ses filles aient des animaux de compagnie (mais là, il trouvait ça un peu marrant). Berxwedan était moins jouasse que lui (peut-être parce que lui n'avait pas eu de problème de remarques sexistes) alors Alois retint toutes les blagues qui lui vinrent à l'esprit pour s'enquérir sur le mystérieux Paul. "Un de tes collègues ?" Il n'en avait jamais entendu parler, c'était que si il était chercheur comme Berxwedan et Alois, il était mauvais. "Oh j'ai revu une ancienne étudiante il n'y a pas longtemps. Elle aussi se penche sur le cas des revenants. Un sujet n'a pas du fédérer comme ça depuis la découverte de l'ADN." Sa voix se baissa au fur et à mesure de l'avancée de la sorcière dans le cimetière. Il était bien élevé, il ne bavassait pas dans ces lieux-là.

Alois fit quelques pas dans la boue avant de se pencher vers la tombe la plus proche. Les inscriptions étaient effacées par le temps et la pierre elle même disparaissait sous la mousse détrempée. Le revenant, en laisse, tirait la tronche exacte du mec qui réalisait qu'il était théoriquement enterré là (l'Irlandais ne l'enviait pas particulièrement). "Un vrai temps d'histoire d'horreur..." Hochement de tête du vieux qui commença à raconter l'anecdote qu'il tenait d'un autre homme qui se trouvait lui aussi sous une pierre tombale non loi. Alois avait l'air très intéressé, demanda quelques détails avant de lâcher un "une goule" sur le ton agaçant de l'élève qui pensait avoir la réponse à tout.
 
Le débat qui s'ensuivit s'arrêta net quand la brune décida qu'elle avait assez ignoré le mort. "C'est quoi votre nom déjà?" Ah ? Il avait dit son nom ? Le médicomage avait mémorisé les antécédents familiaux, pas le reste. "Encore un truc de femmes ça d'avoir une mémoire de moineau ! Douglas Smith ma petite dame, mais vous pouvez m'appeler Douggie." Il risqua le clin d'œil, Alois tira sur la laisse. Le mort allait finir par retourner à son état allongé s'il continuait comme ça. Douglas Smith, il devait y en avoir toute une pelletée d'enterrés ici. "Votre famille avait une concession ?" Ni Berxwedan, ni lui ne voulaient passer la nuit à déchiffrer des épitaphes pour au final déterrer le mauvais Doug bougre. Si bougre il y avait. Enfin autre que le bougre qui se tenait debout devant eux et qui semblait perdu dans ses souvenirs. "Oui, pas loin de la mare !" Grimace, une étendue d'eau, pile poil pour avoir une infiltration dans les cercueils et  se retrouver à trébucher dans un mélange de gadoue et d'humérus (quoiqu'Alois adorerait pouvoir raconter à ses filles qu'il avait trébuché sur un humérus).

Ils se mirent donc en chemin. D'abord le vieux qui tirait sur sa laisse, Alois qui regardait partout avec curiosité et enfin Berxwedan qui, comme elle n'était ni en charge de l'écossais ni de la pelle, avait pour mission d'éclairer (il ne pourrait donc pas trébucher sur un humérus à moins de vraiment le vouloir). Plus ils s'enfonçaient dans les allées, moins les tombes étaient entretenues et les rangées bien alignées étaient désormais plus irrégulières. Croix tombées, pierres fendues, anges en marbres dont la tête avait roulé à leurs pieds et que de vieux sortilèges continuaient à animer avec une lenteur inquiétante, Alois en aurait presque des frissons si l'activité prévue n'était pas si enthousiasmante. "On y est presque ! Enfin, j'crois. Et peut-être bien qu'ma femme m'a même pas enterré là ! Elle aimait pas ma mère vous voyez ? J'sais pas laquelle était la plus peau d'vache !" Alois lui remit un coup de laisse avant que l'écossais ne lâche une nouvelle vérité générale sur les femmes. Il s'approcha ensuite d'une stèle, posa la pelle contre une statue (qui s'en saisit ??) et s'attela à déchiffrer le nom gravé dans la pierre. "S... Smith..." Il retraçait les lettres du doigt pour les deviner à la forme. "Le prénom est trop long pour être le vôtre. Mais on ne doit pas être loin !" Il entraina rapidement le mort vers les stèles suivantes, les dates étaient encore lisibles et semblaient pile correspondre à celle d'un enfant décédé jeune (et après la date de décès approximatif de Douglas).