Ambiance macabre

fin janvier 2008, Birmingham |  @Seamus Finnigan

Sur les conseils de Nacho, Vanessa s’est enfin décidée à prendre du temps pour elle. Le temps d’une journée, elle a pu passer du temps avec ses parents à Birmingham, chose qu’elle évite au maximum de faire depuis des années pour ne pas les exposer davantage. Ils lui auront offert quelques vêtements (évidemment ses yeux n’auront été attiré que par des articles non soldés la moitié du temps), ainsi qu’un repas au restaurant et redonné un peu de liquide, au cas où elle en aurait besoin. L’espace de quelques heures elle s’est revue adolescente, trainant sa mère dans le centre commercial de la ville pour trouver quelque chose à se mettre. Dans leurs échanges, elle est toujours restée volontairement très évasive : elle vit toujours dans la même maison, il y a eu quelques changements dans la liste des colocataires, mais tout va bien, elle a revu Jules à Noël (oui, elle lui transmettra leur bonjour la prochaine fois), tout se passe plutôt bien malgré quelques perturbations magiques et non, pour le moment elle ne peut pas encore retrouver sa vie d’avant. Mais tout va bien, oui. Juste ce qu’il faut pour rassurer des parents inquiets du sort de leur fille unique dans un tel contexte.

Une fois seule, après avoir refoulée ses larmes, Vanessa décide de s’ouvrir un dernier plaisir : déguster un chocolat viennois tout en profitant de la vue panoramique, offerte au dernier niveau du bâtiment. Elle a toujours aimé cette vue. L’un des employés du café dans lequel elle s’est rendue lui a assuré que cela valait le coup d’œil aujourd’hui puisque le ciel était dégagé. Sortie de l’enseigne, elle se dirige avec ses sacs et sa boisson vers l’ascenseur et sourit en découvrant qu’elle n’a pas à attendre longtemps avant que les portes de métal ne s’ouvrent dans leur grincement familier. Ce n’est que lorsqu’elle pose le pied à l’intérieur qu’elle comprend que sa journée ne sera pas aussi positive que prévu initialement. Parmi les passagers, elle trouve un visage connu. De tous les membres de la résistance possible et imaginable, il aura fallu qu’elle croise la route de Seamus Finnigan aujourd’hui ! Celui-là même qu’elle s’évertue à éviter depuis des semaines pour ne pas avoir à être sympathique avec lui.

A sa grande surprise, il ne fait aucun commentaire, ni n’engage la conversation, ce qui lui convient à elle aussi. Moins ils se parlent, mieux ils se portent, contrairement à ce que Dean semble vouloir croire. Alors tout comme lui, elle garde le silence et ne lui adresse pas de regard supplémentaire. Ce n’est que l’histoire de quelques secondes avant que les portes ne s’ouvrent sur le dernier étage et qu’ils puissent à nouveau profiter de leur journée sans avoir à se recroiser de sitôt.

Les portes s’animent, et l’ascenseur repart.
Avant de s’arrêter presque aussitôt dans un bruit inquiétant. Le genre même de bruit qu’on ne souhaite pas entendre lorsque l’on se trouve à l’intérieur.

Seamus ne perd pas de temps et l’accuse aussitôt d’être responsable de leur situation. « Evidemment. » Le ton sur lequel est lui répond est sarcastique à souhait. « Pourquoi tu voudrais que je fasse un truc pareil ? » Ce serait complètement con de sa part, elle ne demande qu’à sortir, à passer le moins de temps en sa compagnie, alors pourquoi donc irait-elle bloquer un ascenseur ?

Les deux adolescents se tournent vers eux, les pauvres vont très vite regretter de ne pas avoir pris les escaliers. « Ca va aller, ils vont quand même vite remarquer que l’un des ascenseurs ne répond plus. »  Machinalement, elle appuie plusieurs fois sur le bouton d’urgence, alors que l’adolescent l’a déjà fait, mais l’appareil ne réagit toujours pas. Ils n’ont pas emprunté le seul ascenseur du centre commercial. Il y a également un grand nombre de clients et touristes, qui supposeront sûrement que leur ascenseur est déjà retenu à d’autres étages, et en emprunteront un autre. Plus Vanessa creuse sa réflexion, plus elle se dit qu’ils semblent bien partis pour rester dans cet espace un long moment. Elle rappuie sur le bouton, juste au cas où il y aurait eu un faux contact les cinq premières fois.

Ambiance macabre

fin janvier 2008, Birmingham |  @Seamus Finnigan

La réponse donnée n’est pas bonne, c’est à se demander si l’autre a pris le temps de réfléchir une seule seconde avant de parler. Pire, sa justification ne permet en rien à Vanessa de changer son opinion à son sujet. Seamus est insupportable. Il juge sans connaître. Encore une fois. A croire que c’est ce que lui aime faire. Non, elle n’aime pas gaver les gens. D’ailleurs elle ne sait même pas comment elle s’y prendrait pour le faire. Ou peut-être que si … Il y a peut-être une ou deux de ses habitudes qui irritent certains de ses colocataires.

Lorsque la main de Seamus se referme sur son poignet, Vanessa se tend et se dégage rapidement de sa prise. Bien sûr qu’il a raison, sinon l’appareil se serait remis en mouvement dès que le jeune touriste avait appuyé sur le bouton la première fois.  « Je sais, je sais ! ça va .. » En signe de coopération, elle lève les mains et fait un petit pas en arrière.   « C’était peut-être juste un faux contact. » Sa théorie sur l’origine de leur problème est avancée, mais elle y met bien peu de conviction. Ses connaissances en ascenseurs sont limitées à celles de n’importe quel autre usager : une fois dans la cage d’ascenseur, il faut appuyer sur un bouton pour rejoindre l’étage voulu. Chose que le leur refuse de faire.

« Vous savoir réparer le ascenseur ? » La nouvelle intervention de Seamus lui fait tourner la tête dans sa direction et froncer les sourcils. Une réaction presque devenue systématique quand il s’agit de l’irlandais. Si elle n’a aucune idée de ce qu’il raconte, elle se retrouve à admirer sa maîtrise d’une langue étrangère. Dans son esprit, le fait qu’il ait pu vivre si longtemps dans un autre pays n’a jamais été associé à sa maîtrise d’un autre langage. Elle aurait pourtant dû s’en douter. Mais la question de Seamus, si s’en était une, reste sans réponse.

Le silence qui s’installe alors dans l’ascenseur renforce la sensation de malaise. Vanessa jette un coup d’œil anxieux à la porte close, puis aux deux touristes avant de s’arrêter brièvement sur Seamus. Lui semble plus serein face à leur situation, un calme qu’elle lui envie. « Tu fais quoi ici ? » La question la prend de court, elle n’imaginait pas qu’il veuille engager la conversation. Encore moins avec elle. Il a sous la main deux touristes avec lesquels il aurait pu parler de la pluie et du beau temps, sans qu’elle n'y comprenne rien. Il aurait pu en profiter. « Pourquoi tu demandes? Je croyais que j’te gavais ? » Elle réplique, reprend ses mots à lui, en étant sûrement trop piquante par rapport au ton employé par Seamus.

Résignée à l’idée de devoir attendre un long moment avant d’être secourus, Vanessa abandonne finalement ses sacs à côté d’elle, avant de se laisser glisser au sol. Là, on ne pourra pas dire d’elle, qu’elle le regarde de haut. Elle veille même à ramener ses jambes vers elle, pour qu’on ne l’accuse pas en plus de prendre tout l’espace. « Je suis venue voir mes parents. » Finit-elle tout de même par confier. C’est un sujet souvent délicat dans les rangs de la résistance. Ils sont nombreux à avoir été séparé, parfois de manière définitive. Vanessa est parmi les plus chanceux, ses parents peuvent continuer à vivre leur vie puisque non-sorciers et elle s’autorise le luxe d’aller les voir ponctuellement. Ses yeux remontent vers Seamus. « Il paraît qu’eux ne sont pas gavés par ma présence. » Blessée, elle en remet une couche. « Et toi alors ? T’es bien loin de la côte. » estime-t-elle, sans vraiment avoir d’idées de la distance à laquelle se situe la planque de l’irlandais.

Ambiance macabre

fin janvier 2008, Birmingham |  @Seamus Finnigan

Finir bloquée dans un ascenseur avec Seamus Finnigan et devoir faire la conversation pour ne pas mourir d’ennuie. L’univers cherche à lui faire payer pour les mots qu’elle a pu avoir envers lui, elle en est certaine. Elle ferait d’ailleurs valider sa théorie ce soir, avec les autres, autour d’une bière. Parce qu’il est évident qu’une fois libérée, elle ira se plaindre de sa mésaventure.

Et elle estime en avoir gagné le droit, il continue dans ses jugements à son sujet. « N’importe quoi. » Elle s’offusque. Encore. Comprend que la remarque va plus loin qu’un simple constat, il critique. Essaye de lui trouver un défaut, et venir de la capitale anglaise en est un, visiblement. « C’est pas parce que je connais deux ou trois endroits sympas là-bas que j’en viens. » Le haussement d’épaules vient conclure sa réponse. C’est quoi ces préjugés !? Lui connaît bien la France, est-ce que ça fait de lui un parisien ? Pas à sa connaissance. Ah les irlandais … Elle lève les yeux au ciel – plafond ? haut de la cage d’ascenseur ? Peu importe les bons mots, le résultat est le même.

Il faudra qu’un nouveau sujet soit amené pour qu’elle se montre plus sympa. « Il a eu raison. » Dean est leur point commun, l’un des rares qu’ils doivent avoir. « Comme ça j’aurai un truc à me mettre pour l’anniversaire de Dae. » Cette soirée à venir lui était presque sortie de la tête. Dean lui en avait parlé, l’avait invitée en lui demandant de faire moins de vague qu’à Halloween. Pour lui. C’est le genre d’arguments contre lequel elle ne peut rien opposer. « Ah. » Y a pas grand-chose d’autre à ajouter. Seamus habite la planque, il fait parti des amis de Dae, évidemment qu’il y sera. Même malade, Vanessa est prête à parier qu’il se serait traîné hors du lit pour faire la fête. « Je te préviens, Charlie sera à la soirée. » Il lui faut une seconde pour se rappeler de qui est Charlie. La souris. Le foutu rongeur qui était venu lui grimper sur la jambe au cours de la dernière soirée à la Madriguera. Eww. Répugnant (même si on lui a assuré que la bestiole était probablement la plus propre de tous les résidents). « J’essayerai de pas oublier. » Etonnant que la souris soit encore en vie. Comment fait-il d’ailleurs pour ne pas la confondre avec un autre rongeur ? Comment font ses colocataires pour ne pas se tromper et involontairement l’écraser ou la réduire à l’état de poussière ?

« Vas y fais voir ce que t’as trouvé. » Elle se redresse un peu contre la paroi métallique de l’ascenseur,  et replie ses jambes contre elle. « On va voir si les irlandais savent s’habiller correctement. » Ils savent faire du bruit, mais savent-ils le faire avec style ? Il faut qu’elle arrête, dirait Dean s’il l’entendait penser. Elle pourrait être agréablement surprise. « Promis, si c’est moche je dirais rien ! »