”Non c’est vrai, je n’ai jamais eu à me plaindre…” Le ton de Rodolphus change brusquement, autant que son expression faciale, et un vent de soulagement, discret, souffle dans le torse de Jesse. Ce n’est toujours pas suffisant pour le détendre complètement cependant – il se trouve toujours dans la maison d’un Mangemort, il vient toujours de se faire pointer une arme sur le visage, il vient toujours de se faire menacer, il se sent toujours terriblement vulnérable, à nu, en danger. Il n’a qu’un seul atout dans sa poche : le fait que Rodolphus a besoin de lui – ou du moins d’un métamorphomage pas trop mauvais qui sait ce qu’il fait. Il a appris à le connaître, en partie, à force d’effectuer ces prestations pour lui, et Jesse sait reconnaître quand il apporte quelque chose de vital à un de ses clients ; ce regard entre tristesse et reconnaissance, il l’a observé bien plus d’une fois chez le Mangemort. ”Tu fais même du très bon travail. Vraiment, tu assures. La voix, l’accent… Et puis ton visage. C’est… c’est elle.” Rodolphus lève sa main vers lui, en un geste lent et menaçant, comme s’il s’apprêtait à caresser son visage, et Jesse a un brusque hoquet d’horreur qu’il ne parvient pas à contenir. Il a l’impression que son coeur va s’échapper de sa cage thoracique à tout instant, qu’il va rendre le contenu de son estomac tant il est terrifié par ce que pourrait être le prochain geste de Rodolphus.

Mais ce dernier suspend sa main dans l’air, le détaille avec une nostalgie qui, dans d’autres circonstances, aurait presque pu lui faire de la peine ; ce n’est pas le cas, et tout ce à quoi pense Jay désormais, est comment se sortir de cette situation de merde, et de cette demeure de l’horreur. ”Non, non, je ne veux pas te menacer. Je ne lui ferais jamais ça. Jamais.” Well you just did, dickhead, aimerait-il lui cracher au visage, et peut-être que cette insulte pourrait se lire sur le sien, s’il n’était pas figé dans cette expression qui n’est plus tout à fait neutre, teintée de peur désormais. Jesse retient son souffle, encore, alors que Rodolphus finit par abaisser sa main après un trop long moment à le détailler, et par le contourner pour aller s’asseoir sur le canapé. Le métamorphomage ne bouge pas, lui, reste dos à son hôte, pour reprendre son souffle et fermer un instant les yeux, savourer le fait qu’il est encore en vie et qu’il a réussi (pour le moment) à calmer Rodolphus. ”C’est juste que parfois, certaines paroles font remonter des choses à la surface. Des choses sur lesquelles je n’ai pas d’emprise.” A cela non plus, il ne répond rien – Rodolphus peut garder ses white male tears pour lui, Jesse n’en a résolument plus rien à foutre.

I need to get out of here. ”Tu veux bien fermer les yeux sur ce qu’il vient de se produire ?” La voix du Mangemort est suppliante, et le métamorphomage y voit sa porte de sortie. Alors, il prend une grande inspiration avant de se retourner pour lui faire face à nouveau, un sourire factice flottant sur les traits tout aussi factices de Bellatrix. ”Bien sûr, ne t’en fais pas pour ça. Et ne sois pas trop dur avec toi-même, ce genre de choses arrivent plus souvent que tu ne le penses”, ment-il d’une voix qui se veut douce et égale – fucking psycho, bien sûr que non il n’est pas prêt à fermer les yeux, et bien sûr que non il n’accepte pas de se faire traiter comme de la merde (s’il n’est pas payé pour). Mais que pourrait-il lui dire d’autre ? Non désolé, plus jamais je ne foutrai les pieds ici ? Risquer de l’énerver à nouveau ? L’instinct de survie de Jesse a pris le dessus, et il ne lui a jamais fait défaut : il le suit alors aveuglément. ”Mais tu m’as surprise.” (il fait bien attention de parler au féminin, de garder la voix et l’accent de Bellatrix) ”Avec toutes ces émotions j’ai peur de ne pas être capable de pouvoir faire du bon travail encore très longtemps ce soir. Il vaut mieux pour tous les deux que je revienne une prochaine fois, plus en forme.” You don’t want to see your wife turning into a twenty-three years old black gay man, voilà ce qu’il lui dit entre les lignes, et au regard appuyé et entendu qu’il lui offre, Jesse espère que Rodolphus comprend ce qu’il lui dit. ”Si tu n’y vois pas d’inconvénient, je vais juste récupérer ce que tu me dois, et demander à Mister G de reprogrammer un rendez-vous. Bientôt, évidemment.” Il va surtout dire à Mister G de ne plus jamais l’envoyer chez ce taré ; ce n’est pas, de toute façon, comme si le Mangemort allait voir la différence entre lui et un nouveau métamorphomage. Et à nouveau, il sourit à Rodolphus – let me go.