La paire Fitzroy-Carrow avance dans le couloir sans un mot. De tous les Mangemorts ils sont probablement les moins bavards, et s’ils entretiennent des relations plus que cordiales (oserions-nous dire amicales) le moment n’est clairement pas propice au small talk. Le seul signe de sympathie qu’Abram a adressé à Otto a été un mouvement de tête convenu quand ils se sont rejoins, le genre de démonstration publique qu’il ne réserve qu’aux individus qui ont son estime, car les autres, comme la dénommée Kaya qu’il ne connaît pas, ou encore Shafiq, c’est à peine s’il leur jette un regard. Oui, Abram oublie régulièrement qu’Abbas est le Directeur de ce département et que, ce faisant, il lui doit un minimum de respect, mais en même temps Abram oublie régulièrement qu’il est dans un Ministère, entouré de fonctionnaires plus ou moins hauts dont les positions, de toute évidence, l’indiffèrent franchement. Shafiq est avant tout un collègue de l’Elite, un collègue dont le passif de gardien à Azkaban n’est jamais passé du côté de Carrow.

Quand Abbas récapitule la situation, Abram se contente donc de l’ignorer en préférant à la vision de sa tête celle plus inspirante de la porte massive devant laquelle ils se sont tous les quatre arrêtés. "Notez sur cette carte tout ce que vous verrez, il faut qu'on sache l'état du plus de salles possibles avant d'envoyer plus de monde." Un soupir exaspéré franchit les narines de Carrow comme Shafiq se perd dans sa fouille vestimentaire. Quand il trouve ladite carte et qu’il la lui tend, Abram daigne enfin couler un regard en sa direction ; à son geste, d’abord, puis à sa mine agitée. Abram se saisit de la carte et, sans marquer la moindre pause, la refile à Berxwedan. Débarrassé du support et de la tâche qui accompagne ce support (a-t-il une tête de greffier ?), il dégaine lentement sa baguette au moment où on prévient. "Et ne tentez sous aucun prétexte d'ouvrir la Salle de l'Amour." Un haussement de sourcil matérialise la perplexité du Mangemort quant à la mention. Sans rien promettre de son côté, il entre avec les autres dans le N.9 à la lueur de leurs baguettes. "Si tu n’y vois pas d’inconvénient", adresse-t-il à Otto, "j’aimerais qu’on commence par mon service." Son timbre de voix, naturellement tranchant, pourrait donner l’impression qu’il ne lui (leur) donne pas le choix, mais puisqu’il toupille la nuque vers son confrère, et qu’il attend sa réponse, c’est qu’il s’enquiert bien de son avis.

Hhhhhhhh, j’la sens pas cette histoire!! Les sourcils se rejoignant presque au centre de son front, Bernie fait le pied de grue dans l’ombre d’Abram, si bien qu’on oublie très vite qu’il est de la partie. Et pourtant, il n’est pas des plus discrets. Pour cette expédition, il avait pris soin de s’équiper plus que de raison; une baguette de rechange (incertaine, empruntée au service des réquisitions), plusieurs ceintures de potions, et un nécessaire de soins rudimentaires, il avait des allures de healer au début d’une campagne périlleuse.
Il n’avait expliqué à Billy qu’à mi-mots qu’il devait s’absenter un temps, sans lui révéler qu’il faisait partie de la liste des petit.e.s chanceux.ses, bon.ne.s pour aller explorer le dangereux niveau. A vrai dire, s’il y avait réellement une liste, il ne figurait même pas dessus puisqu’Abram lui avait ordonné de le suivre comme d’autres jours, il lui demanderait un café. Bernie aurait bien rétorqué que, vue sa poisse, ça n’était pas une bonne idée, pour ne pas dire que le département avait peut-être même fermé à cause de lui, mais Abram n’avait jamais vraiment cru (ou seulement prêté attention) aux rumeurs concernant sa légendaire malchance.

Aussi, en cet instant précis, Bernie était: terrifié, mal à l’aise (i mean, Fitzroy et Carrow?? Really?? si les deux Mangemorts et Berxwedan ne figuraient pas parmi les bavards du Ministère, Bernie avait la langue bien pendue, mais disons que la compagnie n’encourageait pas les taillages de bavette en bonne et due forme), et passablement agacé par l’étiquette de sa chemise qu’il avait oublié de couper. Cependant, il devait s’avouer qu’il était aussi un tantinet excité de savoir ce qui s’était produit dans leur triste département, et peut-être même un peu impatient, parce qu’il avait oublié ce dossier avant de quitter les lieux précipitamment quand on les avait évacué.e.s.

Abram refile la carte à Berxwedan (Bernie a ce moment très gênant où il va pour allonger la main, pensant que son patron allait lui remettre le papier, pour le voir passer sous son nez jusqu’à l’outretymbiste), et Abbas conclue ses conditions: "Et ne tentez sous aucun prétexte d'ouvrir la Salle de l'Amour." Les sourcils de Bernie finissent de se faire un petit bisou: Oooooh, ils vont tellement essayer d’ouvrir la salle de l’Amour!!!
La troupe se met en branle, Bernie trottant sur les talons de son Mangemort (n’y voyez pas là une marque d’affection; Otto et Abram avaient chacun leur pièce rapportée). D’ailleurs, l’outretymbiste (Bernie ne se risquerait jamais à prononcer son prénom) se manifeste nébuleusement: "Ils sont particulièrement agités. Je ne sais pas si c'est à cause de l'atmosphère ou autre chose." Bernie fait ce bruit de déglutition, réajustant le faisceau lumineux de sa baguette au-dessus de l’épaule de la jeune femme. "Qu’est-ce que vous voulez dire? Il y a quelque chose d’autre avec eux?" La question est stupide mais nécessaire, parce que Bernie pensait qu'il allait imploser s'il n'ouvrait pas le bec. Ainsi fait, ses lèvres se réduisent en une maigre ligne crispée, tandis qu’il se force à ne pas trop observer autour de lui, craignant y deviner des silhouettes qui ne devraient pas être là.

Otto avance d’une façon presque méthodique, calculée, aux côtés de son ami de longue date et de celle qu’il a depuis quelques temps pris sous son aile comme sa mentee – et visiblement de l’ombre d’Abram, Jiménez, dont il vient tout juste de constater la présence alors qu’ils progressent lentement dans les couloirs grondant du Département des Mystères. Évidemment que le Maître-Chercheur de la Salle de la Mort a sauté aussitôt sur l’opportunité d’aller nettoyer les entrailles du N9 ; c’est qu’il a, comme tout bon Maître-Chercheur, quelques affaires à récupérer, en plus de l’envie évidente de mettre un terme à cette grotesque situation qui les pousse à travailler dans des conditions franchement déplorables. Et c’est sans compter cet agacement secret, bien gardé, que d’avoir en partie participé à cette situation. Il avait prévenu le Lord, pourtant, que ce n’était probablement pas le bon moment de– ”Si tu n’y vois pas d’inconvénient, j’aimerais qu’on commence par mon service”, se permet Abram, et c’est tout naturellement qu’Otto lui répond par l’affirmative. ”Bien sûr. Allons-y.” Ils ont bien plus que l’habitude de travailler ensemble, dans ces conditions ou d’autres, et ils n’ont pas besoin de se faire de politesses ou de plus que quelques mots pour se mettre d’accord et progresser – c’est peut-être la raison pour laquelle Shafiq a décidé de les envoyer ensemble, d’ailleurs.

En route pour le MutEx, les pas d’Otto ralentissent tout juste lorsque Berxwedan attire son (leur) attention sur un détail qu’aucun d’entre eux sauf elle ne sauraient vraiment percevoir. ”Ils sont particulièrement agités. Je ne sais pas si c'est à cause de l'atmosphère ou autre chose.” Les sourcils de l’alchimiste se froncent légèrement, et son regard se perd dans l’obscurité, comme s’il était capable d’apercevoir ces ils dont parle l’outretymbiste de leur escouade – et étrangement, l’atmosphère est si lourde, que c’est comme s’il pouvait les ressentir. ”Qu’est-ce que vous voulez dire? Il y a quelque chose d’autre avec eux?” Otto échange un rapide regard entendu avec Abram, avant de revenir à leurs deux acolytes. ”Je doute que nous soyons seuls, de toute façon. Berxwedan, prévenez-nous s’il y a le moindre changement de votre côté. Jiménez,” (il sort son meilleur (pire) accent espagnol pour l’occasion, fort de ses nombreuses années en Amérique du Sud) ”fermez la marche.” Ce n’est pas vraiment une question, et après un dernier regard pour ses comparses, il reprend la direction pour le MutEx, non sans jeter des coups d’oeil de chaque côté, ni sans tendre l’oreille pour entendre les grondements et gargouillis de l’obscurité se faire de plus en plus récurrents et lourds.

Définitivement : ils ne sont pas seuls. Et le plus perturbant est probablement que ce son presque visqueux provient du mur à leur gauche. Otto a à peine le temps de lever sa baguette pour éclairer la provenance du son, que le mur s’ouvre sous leurs yeux, comme une bouche béante dégoulinant d’une bave poisseuse et marronnasse, et dans un hurlement en partie humain seulement, aspire sans prévenir Abram et Jiménez avant de se refermer aussi brusquement qu’elle s’est ouverte. Le sang du Mangemort ne fait qu’un tour, et de sa baguette jaillit un sortilège puissant, qui s’écrase dans un pouf à peine audible contre le mur. La magie est inutile, ils ont bel et bien disparu, si ce n’est… ”Berxwedan, vous les entendez aussi ?” Des voix étouffées, plus loin, des voix qui lui semblent être… Otto porte sa baguette à sa gorge. Sonorus. ”Carrow ? Jiménez ?” Ils sont là, quelque part.

tltr:

tw: gore, oh no, what a plot twist

"Ils sont particulièrement agités." Abram tourne légèrement son profil, comme si Berxwedan avait soudain pris quatre bons points de charisme. "Je ne sais pas si c'est à cause de l'atmosphère ou autre chose." L’intérêt qu’elle a éveillé chez le Mangemort, en révélant aussi simplement que ça ses capacités d’outretymbiste, se matérialise en le regard qu’il jette ensuite aux alentours, prenant de toute évidence au sérieux sa parole. Il laisse aux experts que sont Otto et sa langue-de-plomb le diagnostic de la Mort et de ce qu’elle traîne comme germes ; lui se contente d’observer, baguette elle aussi levée, la magie noire dégouliner de partout. Sans dire qu’il se sent comme chez lui, l’accueil que leur fait le couloir n’est pas à bouder. "Qu’est-ce que vous voulez dire? Il y a quelque chose d’autre avec eux?" Un claquement de langue répond à son assistant. Il a toujours été terriblement bavard et rarement de manière utile. Il laisse à Otto le soin de lui répondre. "Je doute que nous soyons seuls, de toute façon." Abram lève un instant le nez, non pas pour rouler des yeux au plafond, mais bien pour éclairer un appendice noir et long serpenter dans l’amas visqueux s’étendant un peu partout contre les parois. "Berxwedan, prévenez-nous s’il y a le moindre changement de votre côté. Jiménez, (déduisez-en ce que vous voudrez mais à l’entente du nom - particulièrement bien prononcé - de son assistant, le Mangemort en revient à la discussion) fermez la marche." Soit. Fermez donc la marche, Jiménez.

Abram a un petit pincement au cœur en reconnaissant au fur et à mesure de leur parcours le chemin allant au MuTEx, la mine presque aussi dépitée d’un Corleone qui larmoie son anthologique look how they massacred my boy ; il pense aux installations, aux instruments à utilités, disons, variées, à tout ce fric du contribuable qui a été dépensé pour au final pas grand chose. C’est à peine s’il entend le mur sur leur gauche grouiller d’appétence et, lorsqu’il réalise enfin ce qui se passe, il est déjà trop tard. Sa chute de l’autre côté est accompagnée de bruits tout aussi glutineux et de quelques râles qui ne sont pas tous les siens… "Jiménez !" Un patron honnête et bienveillant se serait fendu de vous allez bien ? et autres rien de cassé ?, but this is the DE era so what did you expect exactly. "Qu’est-ce que vous avez encore fait ?!" Ruisselant de cette substance non-identifiée qui se met déjà à grouiller sur eux par endroits, il se relève à grand-peine tout en continuant de tenir fermement sa baguette en main. Les faisceaux de leurs lumières, fatalement, sautillent dans les ténèbres, si bien qu’ils se font facilement repérer par quelque chose à l’autre bout du couloir.

"Oh ça va, épargnez-moi vos jérémiades !", s’agace-t-il d’un mouvement de bras, certainement peu disposé à entendre les protestations de son assistant qui, en effet, cette fois, n’y est pour rien. Le sol se met à trembler sous leurs pieds et accapare cette fois l’attention du Mangemort qui braque son lumos vers l’origine du ramdam en l’intensifiant au maximum. Sous la lumière bleutée apparaît à quelques mètres seulement une masse épaisse, d’environs deux mètres, qui a l’air d’abord d’un… amas. Abram plisse les yeux, dévie légèrement sa baguette pour permettre à ses pupilles de mieux s’habituer à la lumière vive flamboyant sous son nez. A bien y regarder, l’amas est fait de corps humains, et parfois hybrides, qui se sont juxtaposés les uns contre les autres, et même les uns sur les autres, comme aimantés par le Seigneur seul sait quoi (?), formant ainsi une symbiose parfaite : elle marche à six jambes sans trébucher ni même jamais ralentir.

D’ailleurs elle ne marche plus.
Elle court.

"C’est à nous, ça ?", interroge très sérieusement le Mangemort, d’un calme plat, mais les yeux brillants de fascination. "Carrow ? Jiménez ?" Abram tourne la tête vers le mur visqueux qui les a aspirés. D’un sonorus égal, il répond. "On a trouvé quelque chose." Quoi qu’il serait plus juste de dire que quelque chose les a trouvés. A cette distance, il voit que les corps sont des cadavres, que leur décomposition a commencé et que leur face, malgré cela, est animée de singeries aléatoires qui forment là des grimaces de colère, là des rires hystériques mais silencieux. Leurs yeux sont noirs et pissent de pus. Une beauté.

tl;dr:

"Je doute que nous soyons seuls, de toute façon. Berxwedan, oooh, c’est donc comme ça que ça se prononce! prévenez-nous s’il y a le moindre changement de votre côté. Jiménez, Bernie manque de bousculer Abram, ses joues chauffent, parce que c’est bien la première fois que quelqu’un prononce trop bien son nom, et que de tous, c’était Otto fucking Fitzroy qui s’en sortait le mieux; de quoi faire fondre le petit cœur de Bernie pris de palpitations (écoutez, Bernie aime les trucs terrifiants, I mean, il date Isla!!! alors imaginez un peu l’effet qu’Otto peut lui faire!!). Fermez la marche." Son émoi est assommé en plein vol à l’annonce de ce plan, et Bernie bafouille sans doute quelque chose par l’affirmative avant de laisser tout le monde passer devant lui.

Bernie est trop occupé à checker derrière eux, dans la pénombre qui avale tout quelques mètres sur ses talons, qu’il ne remarque pas l’aspect déroutant et répugnant des murs. Sans grande surprise, il trébuche sur des casiers renversés (sûrement les siens, let’s be honest), et il se rattrape à regrets en appuyant sa main sur le mur de gauche. Et, au lieu de brosser une surface solide, ses doigts s’enfoncent dans la matière, et ses yeux s’écarquillent. Les gargouillements du mur se répandent et Bernie a à peine le temps d’ouvrir le bec pour alerter les autres qu’une bouche béante s’ouvre là où il avait posé sa main (il sent une langue????), ce qui lui fait perdre l’équilibre et il bascule dans le gosier architectural en poussant un cri cassé et suraigu.

"Jiménez ! Qu’est-ce que vous avez encore fait ?!" Bernie se redresse, à moitié assommé; il sent son nez gonflé et essuie sans surprise un peu de sang de sa narine. "Mais j’y suis pour rien, monsieur! J’ai à peine toucher le mur et je comprends pas ce qui se passe et— - Oh ça va, épargnez-moi vos jérémiades !" Bernie se tait automatiquement, puisqu’il entend lui aussi le grondement qui se dirige (trop vite) vers eux. Il se glisse derrière Abram tandis que celui-ci éclaire l’horreur qui les a remarqués aussi. "Par Merlin, qu’est-ce que— M’sieur Carrow, qu’est-ce que c’est que— Ça— Ça bouge, ça—!!" Sa voix s’étrangle en balbutiements dératés, pétrifié derrière son patron qui n’a pas l’air de broncher d’un poil. "On a trouvé quelque chose. - Vous voulez dire, c’est lui qui nous a trouvés!" Bernie lève à son tour sa baguette, qui tremble autrement plus que celle d’Abram.

La vision est si horrible qu’il la rabaisse aussitôt, dans un gémissement apeuré. Lorsqu’il entend la voix de Berxwedan, par-dessus les gargouillements ambiants, Bernie se jette contre le mur, le tambourinant du poing, comme s’il essayait de se faire avaler dans l’autre sens pour rejoindre l’outretymbiste et Otto. "Sortez-nous de là!! C’est un monstre! Euh— un corps!! enfin des corps?? J’crois qu’on a retrouvé les sujets qui avaient disparu sur ces trois dernières années!! Dépêchez-vous!!"
Et, à mesure que Bernie frappe de toutes ses forces (le désespoir, ça pèse), le mur palpite et pulse; on dirait qu’il se prépare à tousser, comme si Bernie était une arête coincé dans sa gorge, les plis organiques se refermant autour des poignets de l’assistant d’Abram…