boo, you whore!

JUILLET 2006 - SOME SHADY PARTY

tw:dubious consent, yikes un peu

”Oh, and you’ll wear this.” Les sourcils de Jesse se sont froncés en une ligne entre surprise et dégoût face à la robe que lui a tendu négligemment Mister G, qui ne lui a pas adressé un regard de plus avant d’allumer sa cigarette. ”Really?”, a soufflé le métamorphomage en dépliant le vêtement pour constater que, de fait, elle ne couvrira qu’à peine son corps d’emprunt, et qu’on ne pourrait vraiment faire plus vulgaire et dégradant comme tenue. Il aurait presque préféré se trimballer en sous-vêtements toute la soirée, plutôt que d’avoir à modeler un corps assez irréaliste pour rentrer dans la robe trop cintrée – est-ce qu’il existe réellement une sorcière à la taille assez fine et aux formes assez imposantes pour enfiler ce bout de tissu ? ”Client request. So now you’re going to take your cute little outfit, make sure to fill aaall of it, and stop busting my balls, yeah? … It means get the fuck out of here, oh my god, you want to get paid or to get your ass kicked?” Asshole. ”Yeah, alright, I don’t care, I’ll put this on. – And be nice and hot, that fucker is loaded as hell and so are his friends, so you go get those tips. Hey, what’s that face? I’m saying that for you, you know? Don’t want your sweet little sisters and brothers to starve to death, that’d be a real bummer.” Asshole. Jesse a considéré une seconde de plus la robe avant de la rouler en boule et de l’enfoncer dans son sac à dos, pour mieux se détourner de Mister G et quitter la petite cour à l’arrière du Black Cat, ignorant le ”Hey, where’s my thank you?!” amusé dans son dos, et disparaissant dans les ruelles de Knockturn Alley.

Jesse n’appartient pas à ce monde, jamais il ne voudra en faire partie. Son regard prétendument clair passe de table en table, de banquette en banquette, inspecte avec une distance certaine le luxe et la luxure pullulant dans chaque recoin de la pièce illuminée par un ciel artificiel étoilé. Il n’appartient pas à ce monde – et pourtant il en est un acteur à part entière, il est l’un de ces artifices qui en donnent la saveur, il se fond dans ce décor étouffant, presque écoeurant. Il a appris à en être, depuis le temps, à être nice and hot, à jouer à la perfection les rôles qu’on lui demande de revêtir le temps d’une soirée, d’une nuit, et de faire tout simplement ce que l’on attend de lui, avec la promesse de repartir les poches moins vides, et de pouvoir tout oublier en allant se glisser dans le lit de Kay.

Jesse n’appartient pas à ce monde – parce que ce n’est pas lui, pas vraiment, et que s’effacer derrière des apparences plus ou moins réalistes lui offre une distance confortable avec cet univers dans lequel il est amené à baigner de temps à autre. Et celle de ce soir est tant éloignée de la réalité, sa réalité, qu’il se prête facilement à ce jeu, qu’il laisse les regards et les mains baladeuses couler sur lui sans s’en soucier, qu’il prétend, prétend, prétend. Jusqu’à ce que l’air se fasse légèrement trop lourd (un rapport, peut-être, avec sa cage thoracique rétrécie à outrance pour passer la robe sur son corps trop pâle et frêle), et l’ambiance tout juste trop lourde, et qu’il se penche à l’oreille du sorcier qui a payé sa présence ce soir. ”I need to freshen up, I’ll just be a second, I promise”, roucoule-t-il d’une voix trop aigüe dans un sourire avant de se lever et de traverser la salle d’une démarche qui ne lui appartient pas en direction des toilettes – des femmes, il a également appris à maintenir l’illusion jusqu’au bout.

”Fuck”, soupire Jesse en relâchant son souffle, et dans un même temps, une partie de sa magie – seulement de quoi reprendre ses traits et une partie de son apparence, le reste encore maintenu comprimé par le bout de tissu bien trop étroit pour son corps d’origine. Il passe une main sur son visage et laisse son dos aller contre le mur de l’une des cabines, sans même prendre la peine de refermer la porte. Il a juste besoin d’une seconde, d’une minute, une brève pause pour retrouver ses esprits et s’éloigner de cette atmosphère puant le fric et la prétention – il préfère encore largement quand il s’agit simplement de se rendre dans une chambre d’hôtel pour la soirée et d’ouvrir les jambes, plutôt que d’être traîné dans ces réceptions pas loin d’être terrifiantes par moment. ”I fucking hate these old geezers. Can't they just die already? Aren't they past their expiration dates?” Jesse rouvre dans un sursaut ses paupières qu’il s’était autorisé à fermer une seconde seulement, et son regard tombe sur la provenance de cette tirade explosive, en train de jurer face au miroir.

Elle ne doit pas être bien plus vieille que lui, plus petite, probablement plus nerveuse aussi ; il ne doute pas qu’ils ont un point commun criant, cependant, leur présence ici ce soir (et certainement aussi le dégoût pour ce ramassi de vieux de la haute prêts à tout pour se payer un brin d’illusion. ”Look at them laughing and shit like they sill got it- brrrrr.” Et de toute évidence, la sorcière n’a pas l’air de passer une incroyable soirée, à en juger par son reflet furieux, et par la façon dont elle balance son sac à main dans le lavabo. Elle a un autre geste, également, qui tire un sourire presque attristé, compatissant à Jesse ; cette façon qu’elle a de passer ses mains sur son corps, comme pour l’en débarrasser des contacts indésirables qu’il, Jay n’en doute pas, a dû recevoir ce soir. Il ne connaît que trop bien cette sensation – and you get used to it, eventually, without even realizing how or when. Et il se décide enfin à décoller son dos du mur, à avancer vers elle de quelques pas. ”Hey, are you– – ”Jeez bitch you scared me!” Jesse interrompt le geste qu’il a commencé à avoir vers elle pour pousser une expiration amusée, en ayant un simple ”Yeah, sorry.”

Il peut un peu mieux la voir désormais qu’elle s’est retournée vers lui, ses grands yeux sombres, ses sourcils froncés, son maquillage au moins aussi pailleté et criard que celui qui était magiquement dessiné sur sa propre peau quelques instants plus tôt, et surtout, le tatouage vert sur sa joue – merde, il ne peut empêcher son coeur de rater un battement en tombant nez à nez avec la nouvelle horreur imposée par ce gouvernement de merde. Il n’en montre rien néanmoins, reste dans son regard même quand elle le détaille de la tête aux pieds. ”Nice dress you got there. Where did you buy it?” Fuck, il reprend tout juste conscience de son corps complètement difforme, à moitié sien à moitié modifié ; mais ça ne l’empêche pas d’avoir une nouvelle expiration basse. ”No idea, one of these old geezers bought it for me to wear. If he doesn’t want it back you can have it, I don’t plan on wearing it again any time soon”, répond-il en ayant un petit reniflement, en reprenant avec humour la descriptions parfaites des hôtes et invités de ce soir, avant d’ajouter : ”Speaking of which, can you uh, can you unzip me? I’m gonna faint for real”, demande Jay en lui présentant son dos, lui adressant un regard par-dessus son épaule.

Il prend une grande goulée d’air lorsqu’il sent enfin la fermeture éclair descendre le long de son dos, et libérer sa peau comprimée par le vêtement, même sous la métamorphose, poussant un long soupir de soulagement en s’étirant, et en laissant son corps reprendre sa forme naturelle – et accessoirement rendre la robe encore plus ridiculement petite pour lui. Il ne supporte que difficilement laisser qui que ce soit voir les moments où son don agit, où sa peau s’étire et se transforme, pas même lorsqu’il s’agit de Kay (surtout lorsqu’il s’agit de Kay) ; mais les circonstances ne lui laissent pas vraiment le choix, et lui autant que l’inconnue savent très bien que les coulisses de leur job sont tus, secrets, une intimité presque que seules les personnes exerçant de telles professions peuvent partager. ”God, thanks.” Il se passe une main sur le visage en se retournant rapidement vers elle, avant de s'asseoir sur le rebord de la fenêtre pour retirer ses chaussures à talons, et là aussi libérer ses pieds de leurs étaux. Jesse est terriblement conscient d’à quel point il est débraillé, et qu’à quel point il doit avoir l’air ridicule en cet instant. Mais, en cet instant aussi, cela lui semble plus agréable que de retourner dans la fosse aux lions. ”So, this place sucks, hm?”, demande-t-il avec un sourire au coin des lèvres en laissant sa tête aller contre le mur.

boo, you whore!

JUILLET 2006 - SOME SHADY PARTY

”Ughhh tell me about it!” Jesse accueille la remarque de la sorcière d’un reniflement amusé - qui ne l’est pas vraiment en réalité, il n’y a franchement rien d’amusant à se retrouver dans un océan de vieux vicelards, avec pour seul échappatoire ces toilettes empestant un parfum synthétique de lavande. Mais en rire jaune est peut-être l’un des seuls moyens de se soulager et de souffler un peu ; et critiquer sans retenue leurs hôtes en est un autre, aussi, tout autant efficace. ”And they stink so bad, am I right? They act like taking a shower before this sort of event will kill them. God, I hate their crusty ass.” Le franc parler de sa collègue d’un soir a quelque chose de presque réconfortant, et lui tire cette fois un rire bas et bref. ”Nah, they’d rather cover it all with their cheap perfume, what do you think?”, répond Jay en haussant les sourcils dans une mine légèrement dégoûtée. Et c’est fou, à quel point il est sur l’instant facile d’en parler, quand il garde généralement au fond de son crâne tous ces détails, qu’il n’irait jamais raconter à ces quelques amis, à Kyung, ou encore moins à ses frères et sœurs. Parce qu’ils se comprennent, sans même avoir besoin de se connaître - c’est dans l’adversité qu’on se fait des amis, ou whatever they say, pas vrai ?

Il reste immobile en la regardant fouiller dans son sac, fronce un peu les sourcils en essayant de reconnaître ce qu’elle en sort, avant de se redresser légèrement pour attraper ce qu’elle lui lance dans un ”Here. Catch it. – What’s that?”, demande Jesse par réflexe en baissant les yeux sur ce qu’il reconnaît comme un paquet de lingettes, lui rappelant étrangement celles qu’Abbie laisse constamment traîner dans la salle de bain familiale. ”Use it on your face. You'll feel like you've been born again. Trust me, it works wonders.” Il retourne le paquet entre ses mains, en un geste presque méfiant - c’est qu’il se rappelle encore trop vivement de la fois où un collègue lui a généreusement proposé un bonbon en à la menthe, secrètement ensorcelé, lors de l’une de ces soirées, et qu’il s’est retrouvé incapable d’utiliser sa voix toute la nuit. Au pire, si les lingettes de la sorcière lui font pousser des pustules sur le visage, il pourra toujours les camoufler avec sa métamorphomagie. ”Hey, thanks.” Il y a un petit sourire au coin de ses lèvres, et il finit par prendre l’une des lingettes pour la passer sur sa peau, ferme les yeux en poussant un soupir de soulagement : elle n’a pas menti, l’humidité parfumée de la lingette lui fait un bien fou, exactement ce dont il ne savait pas avoir besoin.

Le rire qui résonne dans la salle de bain le pousse à ouvrir les yeux de nouveau, les sourcils haussés en constatant le fou rire soudain de la sorcière. ”Look at us. Doesn't it look like the beginning of a very bad joke?” Pour être honnête, Jesse n’est pas certain de quelle blague il pourrait s’agir, ni de ce qui est si drôle, mais le rire de la jeune femme est terriblement contagieux, et sans même s’en rendre compte il se retrouve à rire à son tour par mimétisme - et ça aussi, ça fait un bien fou. ”God, stop, probably the worst joke.” Il secoue la tête dans un sourire en finissant par lui tendre le paquet de lingettes, froissant entre ses doigts celle qu’il a dans la main, puis se laisse de nouveau aller dans l’angle entre la fenêtre et le mur. ”I'm Angel by the way. What about you, honey?” Oh, right, Jesse réalise tout juste qu’il a demandé à une parfaite inconnue de l’aider à se dévêtir avant même de lui demander son prénom. ”Jesse. Or Jay, whichever”, lui répond-il de son accent américain trahissant sans mal ses origines - il n’a pas vraiment de raison de les camoufler, alors qu’ils sont à l’abri des oreilles indiscrètes du client qui le paye ce soir pour être la parfaite petite poupée gonflable britannique.

C’est à son tour, de prendre la minuscule pochette qui lui sert de sac à main, et de fouiller dedans une seconde ou deux avant d’en sortir un paquet de cigarettes. Elles sont strictement interdites depuis à peine quelques mois, mais il sait très bien que personne ce soir ne viendra lui faire la moindre réflexion si on le surprend avec ça dans son sac ; ils ont probablement tous bien plus à se reprocher que lui. Alors, Jesse ouvre le paquet et le tend à Angel : ”Want one?” Il vient piocher dedans à son tour, avant de se tourner vers la fenêtre pour l’ouvrir en grand, laissant s’engouffrer dans la pièce l’air frais et agréable de cette soirée de juillet. Il n’attend donc pas plus pour porter la cigarette à ses lèvres et venir l’allumer d’un coup de baguette, en prend une longue bouffée puis recrache la fumée dans un soupir. ”It’s such a fucking pain we can’t smoke during jobs like that anymore. Them fake fancy dudes would be ready to spend their paycheck in fake girls, but make sure to pretend to follow these stupid laws, I don’t get it.” Encore moins quand ils ajoutent toujours discrètement de l’alcool dans leurs cocktails, mais whatever, Jesse n’est plus à ça près dans son incompréhension de ce monde dans lequel il est obligé de baigner de temps en temps pour s’en sortir. Un nouveau soupir lui échappe avant de reprendre une bouffée de sa cigarette. ”By the way, who you’re working for? I mean, who got you the job? You’re with Mister G too?” Même si ça l’étonnerait franchement que ce tocard soit responsable de toutes les filles présentes ce soir.

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JUILLET 2006 - SOME SHADY PARTY

”Mr G? What kind of pimp name is that?” Très bonne question, et Jesse a une réponse toute faite : un nom de merde. Il méprise ce boss à tel point que rien que de prononcer ce surnom le fait grincer des dents à s’en déchausser une ou deux ; seul un connard imbu de lui-même choisirait un sobriquet pareil – sans même compter que son nom réel n’est pas tant un secret, que même le métamorphomage connaît. ”Is he your boss? – Yeah, sort of. He’s a real dick.” Qui, heureusement et bien évidemment, paye généreusement ses prestations, sinon cela ferait longtemps que Jesse aussi raccroché avec ce milieu et se serait mis en recherche d’une activité plus lucrative ; le fait est qu’il n’a jamais rien su trouver égalant ce salaire-ci, et aussi physiquement et mentalement épuisant cela puisse-t-il être, il n’y a rien de plus satisfaisant que de tenir une bourse remplie à craquer de gallions après une longue nuit.

”Nah, I'm not with this Mr G of yours. Ever heard of the Devil's Snare down Knockturn Alley? I've been working there for a few months now.” Les sourcils de Jesse se haussent légèrement à la mention du Filet du Diable. Il en a absolument entendu parler, et ce n’est pas la première fois qu’il croise quelqu’un y travaillant, loin de là. Il s’en même déjà renseigné, innocemment, sur les conditions de travail et la paye – mais l’idée de travailler entre les mêmes murs, et surtout à temps plein, l’horrifie un peu. Aussi détestable soit-il, il a l’impression de jouir d’une certaine liberté avec Mr G, une liberté qui lui semblerait compromise (ce que cela ne soit qu’une impression ou non) s’il venait à travailler dans un bordel comme le Filet du Diable. Sans compter qu’il n’est pas certain d’avoir les épaules assez solides pour faire ce job tous les jours – c’est une chose d’accepter des missions de temps en temps, entre deux nettoyages d’entreprise ou de stade de Quidditch, pour arrondir les fins de mois, c’en est une autre que d’en faire son activité principale. Et Jesse a une certaine admiration, pour les personnes comme Angel, qui gardent la tête haute en fréquentant ce milieu quotidiennement. ”Oh, yeah, I’ve heard about it”, commente sobrement le sorcier sans s’épancher en revenant tirer sur sa cigarette, passant sa main sur sa barbe alors qu’Angel poursuit : ”You wouldn't guess how many freaks would pay to fuck the same people they spit at on a daily basis.” Il a cette fois une expiration amusée, secoue la tête dans un soupir ; il sait très bien de quoi elle parle. Combien de sorciers au sang-pur, prétendument racistes, homophobes et puristes se sont payés les services de Jesse, un jeune afro-américain gay et au sang souillé par un grand-parent moldu ? Et il ne peut imaginer à quel point Angel, une hybride qui plus est marquée, doit vivre et connaître de très près cette hypocrisie.

”Damn, where did you get them? They're good. – Oh, I know this guy, met him at the POOR, he can smuggle pretty much everything. I can give you his contact info if you want.” Qui aurait cru que la prétendue agence d'intérim du gouvernement pour les plus démuni.e.s réunirait en grande partie des criminels de seconde zone, ne s’y rendant que pour trouver des clients (ou des jeunes assez désespéré.e.s pour accepter des jobs d’escort) ? ”And, by the way, what's a Yank doing in this fucked up country?” Oh. Jesse a un petit rire gêné, se gratte de nouveau la barbe en recrachant la fumée de sa cigarette. Il n’est pas du genre à s’épancher sur sa vie, ni à chercher la pitié chez les autres ; mais quelque chose le fait se sentir à l’aise avec Angel, et lui dit qu’elle ne serait pas du genre à pleurer sur son sort, quand le sien ne doit pas être bien mieux. Alors Jesse hausse une épaule : ”Bad choices?” La blague est soulignée d’un rire bas et jaune, même si cela n’est pas si faux que cela ; s’il avait été plus rigoureux pendant sa scolarité, s’il avait poursuivi les études que son père était prêt à lui payer, sûrement aurait-il à ce jour un travail stable à la paye correcte, de quoi sortir des frères et soeurs de la misère. Au lieu de cela, il enchaîne les petits boulots de merde, arrive à peine à joindre les deux bouts, et poursuit un chemin dont il n’est même pas certain de la finalité. ”Nah, well, my mother’s a Brit, and so are the bunch of kids she had after me. And she’s not exactly mother of the year, so someone’s got to look after them, you know?” Jesse aimerait ajouter que ce n’est que temporaire, qu’il a un plan, comme Kyung, mais la réalité est que ce n’est pas le cas, et qu’il n’y a pas vraiment d’issues possibles, si ce n’est survivre. ”I tried to work on my accent to blend in”, parce qu’il se doute bien que c’est ce qui a trahi ses origines américaines, ”but unless I’m paid for it, I can’t bring myself to do it”, ajoute-t-il dans un reniflement amusé. ”What about you?”, finit-il par lui retourner. ”You’re from here, right?” En témoigne son accent à elle, qui ne trompe pas vraiment non plus. Il ne lui demande pas pour autant ce qu’elle fait ici, dans leur milieu, car Jay sait mieux que quiconque que s’ils avaient le choix, lui comme Angel ne passeraient pas leur soirée à cette réception.

boo, you whore!

JUILLET 2006 - SOME SHADY PARTY

tw:mention d'addictions, de mauvais parents

”It's a bit tricky.” Jesse redresse légèrement la tête à l’introduction énigmatique de la sorcière ; à vrai dire, elle n’a pas vraiment besoin de donner plus d’explications que cela, ou du moins, jamais il ne la pousserait à en dire plus sur son passé ou ses origines. Ils viennent de se rencontrer, après tout, et Jay a assez d’expérience dans ce milieu pour savoir que la méfiance est de mise, même entre collègues. Pourtant, il l’écoute poursuivre avec une certaine attention, peut-être même une forme de curiosité – il y a quelque chose d’apaisant et de fascinant à la fois chez Angel, qui lui donne envie d’en savoir plus. Un quelque chose qu’il ne trouve que peu, dans ce genre de rencontres au détour d’une soirée et d’une cigarette, ainsi reclus dans les toilettes. ”I was born here, but spent my first years in Mexico with my parents. They came back here for my mother's work.” Mothers am I right?, lui a dit la Harpie un peu plus tôt, et Jesse a l’impression de déceler dans sa voix une pointe d’amertume lorsqu’elle mentionne brièvement sa mère – ou peut-être est-ce simplement son esprit faisant un lien n’ayant pas lieu d’être, et c’est pourquoi il se contente de hocher la tête en revenant tirer distraitement sur sa cigarette, dont il recrache la fumée en un fin nuage disparaissant bientôt dans l’air. ”Dad left us alone because he hated it here and my mom was .. well ... neither a good wife nor parent.” Il semblerait que ce n’était pas seulement dans son esprit. Et Jesse ne peut que compatir et comprendre ; combien des pères de ses frères et soeurs se sont fait la malle, eux aussi, laissant derrière eux des gamins impuissants entre les mains d’une mère négligente, aux addictions plus nombreuses encore que ses gosses, au comportement frôlant la plupart du temps la toxicité. C’est bien pour ça, que le métamorphomage d’à peine vingt-deux ans ne peut décemment tourner les talons et rentrer aux États-Unis, retrouver une vie confortable auprès de son père ; il ne peut pas les abandonner à leur propre sort, un sort qu’il aurait connu à leur âge s’il n’était pas l’une des seuls de la fratrie avec un père à peu près décent. ”It sucks, I’m sorry, I know how it is”, finit-il par soupirer en secouant la tête, les sourcils légèrement froncés.

Peut-être est-ce cela, que Jesse trouve d’attirant chez Angel – à quel point ils se ressemblent, contre toute attente.

”And I'm an only child, which is a good thing. Wouldn't wish her madness on any other kid. – Yeah”, répond d’une voix basse Jesse en recrachant une nouvelle bouffée de fumée, un léger sourire au coin des lèvres ; il se prend à l’envier, rien qu’une seconde. Comme elle a pu le dire : it’s a good thing. ”Are you here on your own? You must miss your brothers and sisters a lot, right? How many siblings do you have?”, s’intéresse soudainement Angel de nouveau, renvoyant sans qu’il ne s’y soit préparé le sujet sur lui. Il hausse tout juste les sourcils en poussant un bref ”Oh.” de surprise en se redressant légèrement, entrouvrant les lèvres pour lui répondre, avant que la sorcière ne reprenne en levant sa main, comme si elle cherchait à s’excuser : ”Sorry, I got carried away. You don't have to answer. I just- it's cool. Having siblings and all.” Il projette certainement, encore une fois, mais il a l’impression de lire une certaine mélancolie dans sa voix, en dépit de son sourire, ce qui le pousse à secouer aussitôt la tête en levant lui aussi sa main dans sa direction. ”No no no, it’s fine, no worries! I mean, I’d rather tell you all my life story half naked in a bathroom for hours than go back to the job, trust me”, ne plaisante-il qu’à moitié – si ce n’est pas du tout. Jesse est clairement plus à l’aise avec cette inconnue que dans son apparence de poupée aux côtés du client répugnant qu’il s’est payé sa compagnie ce soir.

Son regard se baisse une seconde sur sa cigarette, qu’il fait tourner distraitement entre ses doigts, avant de le relever jusqu’aux yeux d’Angel. ”I’ve got three brothers and two sisters, from twenty-one to seven – and obviously my mother, who’s a handful by herself”, ajoute Jay avec une certaine ironie grinçante. Mothers, am I right? ”That’s the seven of us in a small apartment in Romford”, même s’il ne précise pas que, depuis quelques années désormais, il préfère dormir dans le confort du lit de Kyung plutôt que sur le matelas jeté à même le sol dans le salon de l’appartement familial, avant de s’y rendre chaque matin pour s’occuper des plus jeunes, ”so that’s not the dream life but we’re trying to make it work.” Il hausse une épaule en inspectant la fin de sa cigarette, la portant à ses lèvres pour en prendre la dernière bouffée en louchant un peu dessus, avant de l’écraser sur le rebord de la fenêtre. ”I’m the oldest so you know, I’m more like the father and not so much the fun big brother, so that’s–” Jesse s’interrompt un instant – est-ce qu’il est vraiment en train de parler de ça avec quelqu’un qu’il a rencontré il y a quelques minutes ? Quelqu’un dont il ne connait rien des épreuves, et qui potentiellement a connu bien pire que lui ? Il se reprend après avoir jeté son mégot par la fenêtre, un fin sourire aux lèvres. ”I mean, we’ve all got shit going on in our lives, right?”, conclut le métamorphomage dans une expiration en partie amusée, en partie gênée, en partie complice également – they get each other.