Trois jours que Ruiz Flowers est tombée.
Trois jours que les communications avec St. James sont interrompues.
Trois jours qu'ils sont dans le flou le plus total.
Trois jours qu'ils tentent de s'organiser au mieux.

Sweet River n'est jamais réellement immobile. Il y a toujours un peu d'agitation, de jour comme de nuit - certains plus actifs à la nuit tombée que d'autres. Pourtant, on peut sentir une certaine fébrilité dans l'action de groupe - des regards méfiants, des éclats de voix angoissés, des prises de bec même. L'ambiance est tendue de par le sérieux et l'urgence de la situation. Les téléphones ont été détruits, suite à l'ordre qui a été donné - Conan n'a jamais réellement été à l'aise avec l'instrument mordu et pourtant, s'en séparer lui a causé une certaine détresse. Son moyen de communication avec ses proches lui a été arraché - et depuis, c'est le silence radio.
Pas de nouvelles d'Alexis, Elena, Lucjan, America ni personne. Juste du flou, une angoisse latente. Anxiety rising like a flood - up until his neck. He's starting to drown in it. Ils sont complètement coincés, tentent de garder la tête hors de l'eau et essayent de garder le contrôle de la situation. Sans directives ni nouvelles, c'est compliqué: mais ils n'ont pas réellement le choix. Ce sont les consignes, quand bien même le silence radio n'est qu'une source de panique de plus.

Trois jours de pénombres se sont succédés. On a tenté de garder la routine, comme ça l'a toujours été à Sweet River. On s'occupe du potager, on garde un oeil sur les stocks, on s'entraide comme on le peut. Il y en a qui se sont retrouvés coincés à la plaque à qui on a dû trouver un endroit où loger jusqu'à ce que la situation s'arrange - et c'est comme ça qu'il s'est retrouvé à cohabiter avec de nouvelles têtes, Conan. Il a dû mal à se faire aux nouvelles présences dans sa bulle, un peu comme une intrusion dans son espace, surtout de la part de personnes qui étaient peut-être en faveur de parquer les hybrides ici, du temps où Sweet River était encore une case obligatoire: mais lui non plus, il n'a pas le choix.
L'humeur générale n'est donc pas à son plus beau fixe. Au contraire, elle est plutôt à ras le sol - voire-même en-dessous. On traîne des pieds, on sursaute et regarde sous son ombre: on a peur de voir débarquer l'ennemi à n'importe quel moment. C'est un climat lourd, anxiogène qui donne envie à Conan de se planquer sous ses draps pour ne plus voir la lumière du jour jusqu'à ce que la situation soit réglée. And yet, here he is, working in the garden. Y a quelque chose de rassurant à creuser la terre et solidifier les plants de tomate: ça vide l'esprit, et ça fait presque oublier l'épée de Damoclès qu'ils ont au-dessus de la tête.

C'est pour ça qu'un groupe a proposé une réunion autour du feu le soir même, pour essayer de remonter le moral de tout le monde. Il sait pas si ça sera suffisant, Conan, mais il se dit que ça vaut bien le coup d'essayer. It's better than crying alone in a corner, right? Il a hésité à venir (do I even have the strength to see that many people at once?) avant de se décider, parce qu'on ne sait jamais, peut-être que ça lui fera du bien (ou peut-être aussi que ça videra ses batteries sociales pour le reste de la semaine - on ne sait jamais réellement).
Lorsque le soleil commence à tomber, il se dirige vers le point de rendez-vous - le centre de Sweet River, au milieu des maisons qui occupent le camp. Le feu est allumé et, de là où il est, il peut apercevoir quelques silhouettes déjà présentes: certaines s'affairent, d'autres sont assises autour du feu et discutent. Il est accueilli par une néréide blonde, qui lui fait signe alors qu'il s'approche. "Ahhh Conan t'es venu!" Timide et un peu pris de court, il hoche maladroitement de la tête. "Oui .. on m'a prévenu tout à l'heure." La blonde lui adresse un grand sourire et pose une main sur son épaule - il se tend un peu, mais ne dit rien. "On vient d'allumer le feu, les gens vont arriver tranquillement!" Elle lui désigne le coin préparé où quelques habitants du camp se trouvent déjà. Il a subitement envie de se liquéfier sur place mais reste silencieux. "Reste pas debout comme ça va t'asseoir, on gère!" Et elle le pousse vers le feu de camp, alors qu'il tente un pauvre: "T'es sûre?..." qu'elle envoie balader d'un geste de la main. "D'accord.." Vaincu, et sans avoir la réelle énergie de protester, Conan s'approche du petit groupe déjà réuni et observe les visages qu'il peut, désormais, discerner.

Awkward, Conan reste debout quelques secondes. Il y a une guitare dans un coin, quelques snacks disséminés autour du feu (un paquet de marshmallow? des chips?), et les voix qui lui sont devenues familières avec les mois. Ça bourdonne comme dans une ruche à coup de conversations chaleureuses, mais quand même un peu absentes: leur situation compliquée plane toujours-dessus d'eux. Il salue le petit groupe en inclinant légèrement la tête, le regard aérien allant d'une personne à l'autre. Le selkie finit par s'asseoir sur une bûche de bois assez grande pour accueillir quelques personnes.
Lorsque la silhouette déjà installée tourne la tête pour le regarder, il reconnaît Winston - toujours aussi étincelant malgré les lunettes de soleil, le teint pâle et sa récente morsure. Il ne rate d'ailleurs pas une seule occasion de leur rappeler qu'il reste toujours le plus beau malgré tout: et Conan est toujours là pour hocher machinalement de la tête, puisque ça semble lui faire tellement plaisir d'avoir des gens de son côté. Il tente aussi de faire mine de ne pas être dérangé lorsque le blond le fixe comme s'il était aussi appétissant qu'un burger. "Ah .. salut Winston." Conan salue la vélane avec un petit sourire, triture un peu les manches de son pull alors que le soleil termine sa descente dans le ciel: la nuit est là.

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L'ordre 66 avait été exécuté non sans un pincement au cœur. Plus de parties de Snake s'enchainant à n'en plus finir quand il restait bloqué sur une angoisse quelconque et avait besoin de s'occuper les mains, plus de contacts avec l'extérieur. Adieu la possibilité d'aller boire une bière avec Jesse (petite pensée à ce dernier qui avait galéré à trouver un chargeur fonctionnel pour finir par devoir se débarrasser de son téléphone), adieu les discussions enflammées avec Seo Jun et autres Manticoriens sur les plans d'avenir des hybrides. Juste Sweet River, ses champs, le temps gris, le travail à faire et que Winston avait toujours renâclé à accomplir surtout maintenant. Faire pousser des légumes ? A quoi bon pour les hémovores. Il préférait humer l'air des lieux, fuyant la présence des loups-garous dans le cocktail d'odeur, lorgnant vers ceux qui avaient du sang de vélanes. Les siens. Il avait faim, tout le temps. On lui avait dit que c'était normal pour les jeunes vampires mais il avait encore plus faim que les autres et les mots se faisaient de miel dans sa bouche alors qu'il susurrait à qui se trouvait à sa portée que s'ouvrir les veines pour que Winston puisse y tremper les lèvres ne serait pas si douloureux. Aucune possibilité de s'isoler loin ou d'aller marcher pour se vider la tête et ne plus penser à son estomac depuis trois jours. Trois jours que Perdita le regardait comme de l'huile sur le feu. Plus de trois jours qu'il craignait de déraper sur la jugulaire de sa sœur dont le fumet était des plus agréables. Putain. Sa sœur.

Il parlait à tout le monde pour s'occuper, rien de changeait à cela si ce n'était les regards trop gourmands qu'il envoyait par dessus ses lunettes de soleil et son sourire qui avait gagné en canine. Faisait même de la propagande pour Manticore à demi-mot et ses nouvelles facultés hypnotiques gardées ses auditeurs suspendus à ses lèvres pour peu que Winston y mette du sien. C'était agréable, bientôt il pourrait devenir gourou de secte et l'ambiance y serait autrement plus joyeuse que dans la planque. Atmosphère lugubre, tout le monde était à cran, lui aussi d'ailleurs. Mais il ne savait pas trop si il avait la boule au ventre ou juste l'estomac vide. La liste des donneurs de sang potentiels n'était pas si longue (pas les loups-garous, pas les autres vampires, les halfers et les harpies étaient à éviter, ne restait que les autres hybrides et les quelques humains égarés), on ne savait pas combien de temps le confinement durerait donc on rationnait. Sauf que le rationnement pour les vampélanes... Il avait dit oui au feu de camps avec un enthousiasme démesuré. Comme si ça allait lui faire oublier le vide à combler dans sa cage thoracique alors que ses joues s'amaigrissaient déjà (son métabolisme n'avait jamais été aussi rapide), comme si le cocktail chips-odeurs des gens allait lui donner l'illusion de satiété.

Winston était arrivé dans les premiers, étonné qu'on allume un feu alors qu'il y avait encore presque trop de lumière à son goût, sourire étincelant à droite à gauche, s'appropriant un paquet de chips sur le champ. Comme si rien n'avait changé. Sa sœur était à côté de lui et il tentait de la faire rire à renfort de blagues nulles. Les angoisses nocturnes avaient fait un retour en force chez cette dernière avec l'annonce du confinement qui avait de petits airs de Gracefield. Il interompit sa démarche à l'arrivée d'une silhouette connue. Grand sourire dans sa direction - Conan sentait bon, un peu salé, comme l'océan - coucou de la main pour s'assurer que son pote ne le loupe pas. "Salut Conan ! Tu veux des chips ? Eh Perry, file lui les chips ! Tu vas bien bro ?" Il avait envie de poissons maintenant. Genre des sushis. Ou pas des sushis, la dernière fois qu'il avait été en chercher, ça c'était très mal fini.

C’est un peu la folie à Sweet River depuis trois jours. Toute correspondance extérieure a été interrompue à la suite de la capture de la responsable des communications par le gouvernement. Un vent de panique s’est aussitôt emparé de la planque, vu le peu d’informations qu’ils ont eu, sauf celle de détruire tous les téléphones portables. Gabriel l’a évidemment fait, non sans râler et pester. Il n’est pas celui qui l’utilisait le plus, mais juste le fait de ne plus être en mesure de discuter avec son entourage quand bon lui semble, le met en colère. De ne plus pouvoir être rejoint par Herbert l’angoisse. Bien sûr, il se doute que son meilleur ami s’est débarrassé de l’objet lors qu’il est parti, mais s’il a besoin de son aide? S’il veut le rejoindre d’une quelconque façon? Pourquoi il s’inquiète de toute façon? Ça fait depuis juillet qu’il n’a pas de nouvelles. C’est le vampire qui est parti avec une simple note laissée sur le coin d’une table alors qu’il se remettait à la Fawkes. Il ne devrait même pas avoir une seule pensée pour lui. Pourtant…Il pense beaucoup à Sinead avec qui il s’est réconcilié il y a quelque mois et dont la grossesse est avancée. Et si quelque chose lui arrivait? Si l’enfant était en danger? Il s’en voudrait pour la vie de ne pas avoir été en mesure d’être là. Il pense aussi à sa sœur avec qui il n’est pas vraiment réconcilié, mais maintenant qu’ils se sont revus après tant d’années, il ne peut s’empêche d’espérer que les choses aillent mieux entre eux et qu’elle soit en sécurité. Tous ses amis et proches y passent lors des premiers jours. Il n’y a que ça à faire, s’inquiéter pour toutes les planques laissées à elles-mêmes et espérer qu’il n’y ait pas d’autres attaques jusqu’au rétablissement des lignes téléphoniques.

Mais après trois jours d’inquiétude, les choses commencent à se placer. Chacun a repris ses responsabilités pour le bon fonctionnement de la planque, mais surtout pour s’occuper la tête. Gabriel en a profité pour rafistoler un peu la maison, qu’il partage avec Caliban et Winston, de façon manuelle. Il connait bien quelques sorts qui iraient bien plus rapidement, mais il préfère prendre son temps. Le nouveau vampire lui en a d’ailleurs fait la mention quand il l’a regardé faire le matin-même, alors bien étendu sur le lit. (il a une drôle de façon de l’observer depuis qu’il a été mordu et ça rend le King nerveux parfois) « Pourquoi tu utilises pas de sorts? », « Pourquoi tu fais ça comme ça? », « Pourquoi tu utilises cet outil? » Pourquoi tu poses tant de questions? Lui a-t-il répondu quand il en a eu assez et qu’il a levé les yeux au ciel une bonne vingtaine de fois. Winston en a alors profité pour lui parler de la petite soirée feu de camp prévue une fois la nuit tombée dans le but de penser à autre chose, apprendre à se connaître, s’amuser, toussa. Gabriel a haussé les épaules, peu intéressé par l’invitation et si ça peut éloigner son coloc trop bavard pendant quelques heures, c’est encore mieux.

Pourtant quand Winston revient à la charge tout juste avant de partir, il hésite. Depuis qu’il est de retour à Sweet River qu’il reste à l’écart. Il n’a jamais été comme ça. Ce n’est pas un solitaire. Il a toujours été un gars de gang avec plusieurs amis, constamment entouré. Il a toujours eu Herbert… C’est comme si sans son meilleur ami, il ne sait plus rien faire. Comme s’il avait honte de se retrouver seul après tant d’année à être collé à l’autre. Il soupire et grogne pour lui-même, comme s’il n’arrive pas à croire ce qu’il va répondre. "Vas-y, j’vous rejoins." Une vingtaine de minutes plus tard, le voilà qu’il débarque avec les autres campeurs. Le feu est déjà bien parti et les snacks typiques n’ont pas été oubliés. Il salut les convives déjà présentes d’un signe de la main et d’un sourire coincé. Il en reconnait quelques-uns, mais ignore le nom de la plupart. Il faut vraiment qu’il cesse de rester dans son coin. Il s’assoit à côté de Perdita, la sœur de Winston, mais aussi celle qu’il a accueillie lorsqu’elle est débarquée à Gracefield et dont il avait promis de veiller sur l’île. Il lui demande si elle va bien. Son frère salut tout le monde avec toute l'aisance qu'il lui connait, dont un certain Conan qui n’a pas l’air très à l’aise. Au moins, ils sont deux. Perry lui tend les chips à Gabriel pour qu’il les file à Conan. Quant à lui, il s’empare d’une branche de bois et y plante deux guimauves qu’il laisse ensuite planer au-dessus des flammes afin de les faire griller.