Ca faisait maintenant de longues minutes que tu arpentais la chambre en long en large et en travers. Entre tes doigts, un simple bout de parchemin, que tu avais eu envie de jeter au feu dès lorsque tu l’avais reçu. Évidement que tu savais de qui il venait, tu savais que c’était ta mère qui t'écrivait encore une fois. Il fallait croire que ton manque de réponse les deux fois précédentes n’avait pas suffit à lui faire comprendre que non, tu ne désirais pas lui parler. Et aussi étonnant que cela puisse paraître, tu ne culpabilisais pas un seul instant de ne pas lui répondre, elle récoltait ce qu’elle avait semé après tout.  
Mais cette fois-ci, tu avais lu la missive, contrairement aux fois précédentes. Tu n’en avais pas réellement envie mais au fond de toi, tu te demandais si un truc important n’était pas arrivé pour qu’elle insiste autant. Mais non, comme toujours, elle cherchait à avoir bonne conscience en justifiant des actes injustifiables. Bienvenue dans la famille Travers - Prewett ! Tout ce que vous faites n’est jamais de votre faute, il y a toujours un démon sur votre épaule pour vous susurrer des mots doux auxquels il vous sera impossible de résister. Mais voilà bien longtemps que tu n’y crois plus à tout ça, une raison qui te pousse, cette fois-ci en tout cas, à répondre à ta mère.

Mère,

Je ne suis pas bien capable de vous montrer plus d’affection que cela pour le moment et j’espère que vous saurez comprendre. Et si ce n’est pas le cas, tant pis, je saurais très certainement m’en remettre.

Ce que vous ne semblez pas comprendre mère, c’est que ce n’est pas vous ou votre tromperie que je me permet de juger et pour quoi je vous en veux. C’est pour vos mensonges, toutes ces années durant. Pas une seule fois vous avez trouvé un moment pour nous parler de cela et même si je peux comprendre que ce n’est pas quelque chose qu’on peut dire entre un “passe moi le beurre” et un “il va faire beau aujourd’hui”, il y a probablement eu des dizaines, pour ne pas dire des centaines, d’occasions de nous faire part de tout ça. Les choses auraient ainsi peut-être été plus simple à comprendre, à admettre aussi, je ne sais pas.

Pour le moment, je suis chez Louis, effectivement, et tout se passe pour le mieux. Je crois que Marlon en a eu un peu marre de moi à partir du moment où je commençais même à lui voler ses toasts du petit déjeuner sans même lui demander son autorisation.

Je vais bien, ne vous en faites pas, tout le monde prend bien soin de moi. Oh et je ne sais pas où est mon frère. Si j’ai ouvert cette lettre, sachant pourtant qu’elle venait de vous, c’était au cas où il y ait des nouvelles de lui, je me suis trompée.

Prenez soin de vous.
Imogen.

Tu avais conscience que tu avais sans doute été un peu trop bruque, trop directe dans les propos que tu avais tenue à ta mère mais tu n’avais pas été capable de faire autrement. Myrthild resterait pour toujours et à jamais ta mère et pourtant, il y avait des choses qui seraient longues à être pardonnées. C’était comme ça, on ne pouvait pas y faire grand chose. Tu avais longuement hésité avant d’envoyer ta missive mais elle t’avait suffisamment écrit sans retour de ta part. Tu ne pouvais pas non plus te montrer aussi cruelle et la laisser sans nouvelle. Mais aujourd’hui, c’était toi qui attendais. Ca faisait maintenant plusieurs jours que tu avais répondu à ta mère et rien en retour. Pas un parchemin, pas le signe d’une chouette à l’horizon et tu commençais presque à t’en vouloir. Est-ce que c’était de ta faute ? Est-ce que tu avais dit quelque chose de mal ou est-ce que simplement, ta mère n’avait rien à te dire de plus ? Peut-être que finalement, il n’y avait bien que des nouvelles de ton frère qui l’importait, ce qui expliquait qu’elle ne te réponde pas. Tu détestais cette situation, de ne pas savoir. Et il était hors de question que tu demandes à Louis, ça ne servirait à rien. Peut-être qu’un jour, tout serait plus simple dans cette famille. Dans tes rêves sans doutes mais ça ne te coûtait rien de te le répéter. Un jour tout le monde s’aimerait, tout le monde prendrait le café ensemble sans avoir envie de s’entretuer. Ça serait beau, ça serait grand, ça serait… rien que d’y penser en fait, t’en avait la nausée. Même dans la plus mauvaise des télé réalité, les choses ne pourraient jamais se passer de la sorte.

Tu soupirais longuement, en resserrant ta veste autour de tes épaules. T’avais juste laissé un mot en évidence dans l’entrée pour dire que tu étais sorti et qu’il ne fallait pas t’attendre, tu ne savais pas quand tu rentrerais, ni même si tu rentrerais en réalité. T’avais d’abord commencé par transplaner, tu ne le faisais pas souvent, ça te rendait malade et tu détestais la sensation. Voilà pourquoi t’avais préféré terminé en marchant, ça serait plus facile. Tes pas te guidaient au travers des rues de Diagon Alley, sans trop savoir si ça restait une bonne idée ou non. Mais t’étais là, face à un grand bâtiment où la plupart des lumières étaient allumées et tu attendais. Y’avait un banc pas loin, tu pris simplement place dessus, à te demander pourquoi t’étais venue jusque là, ce que tu cherchais, ce que tu attendais aussi. Pas grand chose sans doute et pourtant, tellement à la fois. T’étais une vraie contradiction à l’heure actuelle. Contradiction qui cherchait des réponses, qui cherchait encore à comprendre. Ta mère, t’aurais simplement pu l’interpeller au Ministère mais t’avais préféré te cacher et la suivre, pour voir jusqu’où elle allait pour revenir plus tard, à la nuit tombée. T’avais pas de grands espoirs, t’en avais plus beaucoup en fait mais attendre, espérer, finalement, c’était un peu tout ce qu’il te restait.

T’étais partagée entre plusieurs envie. Rester, attendre qu’elle sorte et la confronter ou simplement abandonner et repartir. Te dire que ça sera pour une autre fois, que tu recommencerais à la suivre, c’était pas si difficile en réalité. Mais t’avais pas le sang Prewett et Travers pour rien et autant dire que quand tu avais une idée en tête, tu l’avais clairement pas ailleurs. Alors cette fenêtre, tu la fixais. T’étais certaine qu’il s’agissait de ta mère derrière ces rideaux, tu saurais reconnaître sa silhouette entre mille. La lumière qui s’allume, qui s’éteint, était-elle aller simplement dormir ? Non, tu ne voulais pas y croire, c’était pas possible. Et t’avais bien raison. Quelques minutes à peine plus tard, y’avait cette femme qui sortait du bâtiment. Elle ne ressemblait nullement à ta mère et pourtant, vous aviez l’une comme l’autre ce talent pour vous dissimuler quand ça vous arrangeait. Elle partait pas dans la bonne direction, la tienne. Pourtant, bien vite, y’a un changement de cap et tu dissimules à peine ton sourire quand elle s’adresse à toi. t’as pas fait grand chose pour être discrète, faut bien le reconnaître. « Mère… » Tu joues avec ses nerfs, peut-être un peu mais c’est pas grave. Toi au moins, tu joues la fille bien élevée ce qui, quand on te connait un peu, ne te va pas du tout au teint. « Il faut bien reconnaître que te suivre n’est pas la chose la plus compliquée à faire. » Si elle avait voulu la jouer encore plus peste, elle aurait probablement user du vouvoiement mais elle avait peut-être suffisamment condamnée sa mère sur les actes qui avaient eu lieu. Ce n’était pas pour autant qu’elle allait lui pardonner. Un jour, peut-être. Quand les détraqueurs auront de l’humour. « Sympa l’endroit. » Tu désignes le bâtiment d’un signe de tête, tu le montres à ta mère pour qu’elle comprenne que la rancoeur est toujours là, que tu lui en veux encore pour tout ce qui s’est passé. Alors maman c’est donc pour ça que tu m’as laissé ? C’est pour ça que t​​u nous as mentit pendant trop de temps en pensant que la vérité ne finirait jamais par éclater ? C’est beau la famille, t’espère au moins qu’ici, loin de ses démons, de ses enfants et de sa famille, elle se sent bien. Oui, t’espère qu’elle culpabilise bien, mais qu’elle se sent bien. Drôle de paradoxe.