Tu sais pas trop qui est le bougre que la boss reçoit dans son bureau en ce moment-même. Mais il y a quelque chose chez lui qui te donne une furieuse envie de lui refaire le portrait. Aussi lorsqu’Ulrike te fait quérir et t’ordonne de te préparer à combattre contre son mystérieux invité, tu ne te fais pas prier. Forcément, au début, t’es un peu perplexe vis à vis des intentions de la von Bäume. Généralement, lorsque son oncle recevait des partenaires, il leur offrait un show particulier auprès de l’une ses plus charmantes hybrides, et non une entrevue dans les sous-sols du Filet du Diable avec ta carcasse imposante. Mais loin de toi l’idée de questionner la façon dont la nouvelle boss décidait de mener ses affaires. Tu voulais juste être certain que tu avais carte blanche, et que tu ne serais pas contraint de jouer la comédie et de te laisser envoyer au tapis par ce type.

Dès lors que tu te retrouves aux abords du ring, Ulrike se dirige dans ta direction et te fait clairement comprendre qu’une défaite n’est pas envisageable. Tu ignores quels sont les enjeux réels de ce combat, mais tu es à peu près certain qu’il ne s’agit pas d’argent. Auquel cas, elle n’aurait pas pris la peine de se déplacer. “Verstanden.” Tu lui décroches un seul et unique mot en guise de réponse. Elle te connait suffisamment bien pour savoir qu’il t’est inutile de t’attarder sur les détails. Acceptant alors ta mission sans plus de cérémonie, tu franchis les limites de l’arène. L’adversaire te domine de quelques centimètres, mais tu es de loin le plus épais des deux. Il se déplacera certainement plus vite que toi, mais le dégoût viscéral qu’un seul regard en sa direction te procure, te donnera l’avantage.

En dehors de la voix d’Ulrike qui semble s’être auto proclamée impératrice de l’arbitrage, l’arène est étrangement silencieuse. Pas un spectateur, pas un parieur, pour venir ajouter sa voix au brouhaha habituel. Seulement deux combattants et une instigatrice. Mais qu’importe, tu n’as jamais eu besoin de qui que ce soit pour remporter une lutte à mains nues. L’expérience et la douleur passée sont de ton côté.

Tu ne réponds pas à la provocation de Göran. Tu frappes. Une fois, deux fois, trois fois. C’est à peine s’il se défend. A quoi joue-t-il, bon sang ? Cherche-t-il à t’épuiser avant de te rendre la monnaie de ta pièce ? Cela n’a aucun sens. Mais, emporté par des flots de ressentiments haineux, tu fermes la porte à tes réflexions pour mieux venir te focaliser sur la suite du combat. A mesure que tes phalanges rougissent, l’adversaire recule. Là, dans l’arène silencieuse, le moindre de tes coups qui se fracasse contre son corps, résonne dans un écho sinistre. Le sol en terre battue se pare de reflets écarlates. Bientôt, l’ennemi se retrouve acculé contre le mur, pris au piège. La partie est désormais sans issue, puisque tu ne lui laisseras pas la moindre chance de s’échapper. “I guess you've failed to impress her.” Ce seront les seules paroles que tu adresseras à Göran avant de laisser tes poings prendre une nouvelle fois le relais. Des craquements d’os retentissent d’un côté comme de l’autre. Tes poings se font de plus en plus douloureux, mais la vue du sang de l’adversaire sur tes propres mains t’apporte un semblant de réconfort. Tu respires bruyamment, ton souffle brûlant s’accélère. Tu te prépares à porter le coup final.

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Jusqu’à présent, tu n’étais pas venue très souvent dans l’arène. Les combats en huis clos - bien souvent truqués pour les besoins de l’Alberich - avaient si peu de saveur par rapport aux chasses de Gracefield. Malheureusement, il semblait bien que l’occasion de fouler les terres abruptes de l’île ne se représenterait pas de si tôt. Alors autant se divertir avec ce que l’on avait juste sous les yeux, n’est-ce-pas ? D’autant plus que tu étais certaine que Göran t’offrirait un spectacle tout à fait appréciable.

Sans se départir de sa verve habituelle, il entra dans l’arène, les manches retroussées, prêt à se livrer à une lutte brutale contre le meilleur de tes combattants. Friedhelm demeura lui aussi fidèle à lui-même et ne se fit pas prier pour porter les premiers coups. Avant d’enchaîner sur les suivants. Observant la lutte entre les deux hommes depuis les gradins, qui t’offraient une vue imprenable sur le fessier de Göran, tu pouvais voir du sang jaillir ça et là. Le Suédois parvenait à éviter certaines offensives, mais il peinait à lui rendre ses coups. L’échange devenait au fur et à mesure de plus en plus unilatéral. Loin de te laisser intimider par les relents de sueur âcre qui s’élevaient depuis l’arène, tu ne manquais pas une miette du spectacle. Tu t’autorisais même à laisser un mince sourire satisfait étirer tes lippes. Göran mordait la poussière, c’était le moins que l’on puisse dire. Et tu étais curieuse de savoir s’il aurait encore envie de fanfaronner, une fois le combat achevé. Le voyant reculer inéluctablement face à son adversaire, tu sens la tension monter d’un cran. Tu ne parviens pas à entendre distinctement les paroles que l’hybride lui crache au visage, mais le silence qui s’ensuit finit par étouffer ton sourire. Si tu n’interviens pas, un drame pourrait bien se produire. Tu n’es pas en mesure d’apercevoir les pupilles d’acier de Friedhelm, mais tu sais qu’il finira pas accomplir ce pourquoi il était venu. Et jusqu'à maintenant tu n’avais absolument aucune raison de vouloir la mort de Göran Falk.
“Friedhelm, stop! Timeout!” Tu quittes soudainement les gradins et transplanes au beau milieu de l’arène, rougie par le sang de ton ancien amant. Les muscles de l’Allemand sont tendus au maximum, et tu les sens vibrer sous tes doigts alors que tu poses une main sur son bras pour l’éloigner de son adversaire. Te glissant alors entre les deux hommes, tu te rapproches de Göran. “Do we agree that Friedhelm has won the fight?” La question se veut rhétorique et tu espères bien qu’il n’aura pas la fierté mal placée de vouloir continuer à se faire défigurer par un hybride. “You don’t need to put your life in danger to share my bed. Asking for it would probably have been enough.” L’information est soufflée à son oreille, dans un murmure confidentiel à peine perceptible. Tu en as assez vu pour aujourd’hui, ta soif de sang est étanchée. “Let’s get your wounds cleaned in my office. And maybe you can borrow a fresh shirt from Friedhelm’s closet afterwards.” Comme si Friedhelm possédait un véritable dressing. Comme si Friedhelm avait ne serait-ce qu’une frusque propre.

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tw: violence, sang, pensées suicidaires etc la joie

Göran n’entend pas distinctement les quelques mots que lui adresse son adversaire. Tout lui parvient derrière un lourd rideau rouge qui ne laisse passer que le bruit sourd des poings le frappant. La douleur est à peine supportable. Il ne fait rien pour l’interrompre. Göran sent simplement son corps se briser de partout, et avec lui la vieille peine que les mots acides d’Ulrike ont fait remonter. Son dos râcle la cloison, il s’affaisse un genou à terre, plié vers l’avant. Ses forces se diluent avec son sang et Göran, derrière son regard bouffi et ecchymosé, voit l’hémoglobine couvrir le sol sur lequel il se tient. Il se remémore soudain Sarek, sa terre froide abreuvée du sang des siens. Göran croit pendant un instant qu’il s’y trouve et qu’il n’a plus qu’à s’effondrer pour rejoindre les corps tombés de sa famille. Pour que tout s’arrête.

"Friedhelm, stop! Timeout!" Le filet de sang qui pend à ses lèvres termine de s’écouler tandis qu’il redresse la nuque. Il revient à lui. Difficilement. "No…" La syllabe s’est échappée dans un sifflement, envoyant une énième décharge de douleur dans son système nerveux. Göran réprime une grimace. Il est en colère. Contrarié. Il aurait préféré qu’Ulrike n’intervienne pas. L’ordre a pourtant fait mouche, et son adversaire obéit sans broncher en s’écartant de lui. Göran est affaissé sur lui-même, les genoux maintenant pliés, les bras ballants sur ses cuisses. Qu’il tienne en équilibre est un miracle. Il semble qu’un rien pourrait le faire basculer, la moindre petite mouche se posant sur une épaule. "Do we agree that Friedhelm has won the fight?" Les yeux du suédois peinent à apparaître derrière ses paupières. Ils retiennent des larmes épaisses en fixant le vide.

Ulrike ne perd jamais le nord. Ses préoccupation très terrestres jurent avec celles dans lesquelles Göran se sent couler encore. Son poitrail s’ébroue dans un rire guttural, qui le fait aussitôt tousser, puis cracher. En se penchant, une côte supplémentaire s’est pétée. Il revient dans sa position une main sur le flanc, grimaçant cette fois sans discontinuer. "Yeh-" Nouvelle toux. Le fer a un goût plus amer que d’habitude. "You don’t need to put your life in danger to share my bed. Asking for it would probably have been enough." Göran ne rit cette fois pas. Il tord son regard en biais, avec une certaine pénibilité, observant derrière ses yeux au beurre noir le profil d’Ulrike qui s’est approché de lui. Il est épuisé, il se sent minable, et on vient de le battre. Göran n’a plus envie de rien. Et certainement pas de demander l’aumône pour s’envoyer en l’air avec une ex.

"Let’s get your wounds cleaned in my office. And maybe you can borrow a fresh shirt from Friedhelm’s closet afterwards. - I’m fine." La voix est sortie tremblante mais grave, comme un tas de pierre qu’on bouscule. Göran prend une inspiration profonde qui le fait grimacer de plus belle, et il se relève en s’aidant du mur derrière lui. Toute aide éventuelle est repoussée. "You will - receive your reward - in the next weeks-" Ses poumons continuent de siffler. Chaque mot est un couteau qui lui transperce les organes. Le colosse tient pourtant avec ce qui lui reste de fierté. "I always pay my debts-" Göran s’arrache de la cloison dans un geignement profond. Sa masse énorme et abîmée se traîne un pas après l’autre, avec on-ne-sait-quelle énergie. Il adresse un regard méfiant à Friedhelm, s’attendant à tout moment à ce que l’hybride rompe son rang pour fondre derechef sur lui.

"Pleasure - doing business with you Ulrike-" Nouveau regard en biais adressé à Ulrike. "But next time-" Göran récupère son lourd manteau en se pliant vers l’avant. Il se force à ne plus lâcher de geignements. Son visage rougit dans l’effort. "-I will send a Pinkie. I’m too old for this shit." Il grogne et s’éloigne sans plus de manières, le manteau pendouillant dans une patte, ses miettes d’estime dans l’autre.

Le guerrier tombe finalement au combat et s’incline face à la carcasse coriace de l’adversaire. Depuis ton poste d’observation, tu avais eu l’impression d’assister au duel entre David et Goliath. L’égo en berne, Göran ignore royalement tes allusions graveleuses. Son regard ne croise pas le tien alors qu’il vient prendre appui sur le mur derrière lui pour se remettre sur pied. Tu ne fais même pas mine de vouloir l’aider, tu ne tiens pas à le froisser plus qu’il ne l’est déjà. Mais à quoi s’attendait-il en vérité ? Avait-il réellement pensé avoir une chance d’envoyer Friedhelm au tapis ? Car oui, rappelons-le, c’était bel et bien son idée à lui, et rien qu’à lui. Et s’il y avait bien une chose que tu supportais moins encore que le rire grinçant de Corban Yaxley, c’était bien la mauvaise foi. Celle-là même qui venait de prendre possession de ton vieil ami. Göran, une fois debout, cherche vraisemblablement à couper court à votre entrevue. Il ne répond pas même à ton invitation à soigner ses blessures. Au lieu de cela, il reprend sur un ton tout à fait professionnel, que tu ne lui connaissais pas, jusqu’alors. Quelque peu vexée par ce manque de considération déplacé, tu lui donnes la réplique d’un ton plus cinglant. “I’m looking forward to seeing it. I am sure that we’ll find a nice choreography for our very first centaur.” Une fichue bestiole que tu refourgerais certainement à Bagshot, tiens. Il se ferait un plaisir de former le nouveau venu et de lui faire faire le tour du propriétaire en l’accablant sous une montagne de ragots tous plus invraisemblables les uns que les autres. "I always pay my debts-" Un mince sourire se dessine finalement sur tes lèvres, sans que l’on ne sache véritablement s’il s’agissait d’un signe de contentement ou de moquerie. “I know you do. And that’s precisely why I do business with you, my dear.” Tu savoures la victoire, presque comme si c’était toi qui étais montée sur le ring, quelques instants plus tôt, pour défier ton ancien amant. Tu n’avais pas voulu que votre rencontre prenne cette tournure et s’achève sur une note amère, mais le fait est que Göran et son attitude de mauvais perdant t’avaient poussée jusque dans tes retranchements. “I don’t invite any assistants here. Send me another thumb, if you don’t want to see me anymore.” Ainsi la conversation était-elle belle et bien achevée. Il semblait que vous n’ayez plus rien à vous dire. Du moins pour l’instant. “Auf Wiedersehen, Göran!”

FIN

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