Ton effet a été celui escompté, et il te faut bien une minute pour te remettre (même plus), pleurnichant de rire alors que ta victime te maintient sans aucune difficulté au sol, exprime même son mécontentement. À quel moment as-tu besoin de fumer quoi que ce soit pour être aussi insupportable qu'en soirée ? Avec Lou, ça semblait bien inutile, il était ton meilleur public et inversement, quoiqu'il en dise. Drama king qu'il est depuis le petit matin face à ce qu'il considère comme de viles traîtrises, il devra quand même finir par avouer que t'as des caractéristiques pétées en filouterie, et que tu le vaux bien.
T'es en train d'essuyer tes larmes quand t'aperçois un sourire sur sa trogne (qui n'a pas tardé à lui échapper), et c'est l'instant précis où t'es dit que tu as vraiment gagné. Quoi à vrai dire, ce serait à se demander : sans doute une bonne crise de rire qui te détendra pour le prochain film que tu ne connais pas, c'te fois.
Les froissements de ton paquet de bonbons te font te redresser aussitôt, comme une tour de contrôle qui aurait vu passer de vils bandits. Et comme une tour de contrôle, tu allumes le bandit. "Hé, — Tricheur," tu récupères ton paquet et tu vas pour enfourner deux autres bonbons trop acidulés pour votre bien (et surtout t'empêcher de lui dire des bêtises blessantes, alors que tu les penses même pas). "Mais je vais quand même faire tes tâches. J'ai de l'honneur, moi, — Kechketudi ? — (Incroyable mais vrai, t'avais pas fait ce coup-là pour qu'il mette à exécution son gage. Mais bon, vu que c'est proposé si gentiment…) — Une vraie chance que je t'aime."

Ça te coupe le sifflet, d'une part parce que t'étais en train de t'étouffer avec ton lot de bonbons (tu grimaces comme pas deux, t'en as prit trois d'un coup quand même, de ces merdes), mais t'as pas réussi à entendre autre chose que le je t'aime dans la phrase et ça t'a fait un drôle d'effet, c'est peu dire.

Tu te tapotes sur le torse pour faire passer les becs, déjà, reportant ton attention sur le film, puis sur ton plus qu'ami. "J'allais même pas dire que t'avais perdu" que tu lâches pas très fort, et d'une voix un peu misérable dans son rauque, marquée par les trémolos symptomatiques d'aliments qui ont du mal à passer. Ta main va masser un peu sa nuque pour accompagner tes dires, "Mais bon hein si t'insistes m'sieur le héros~" tu peux pas t'empêcher de te remettre à sourire à ce moment-là, te rappelant la tête qu'il a faite un peu plus tôt.

La suite du film a été plus calme de ton côté, même si tu n'as pas hésité à chantonner l'affreuse chanson du petit démon dans sa casemate quand elle est arrivée. À croire que le lien de parenté était manifeste entre toi et lui, à te vautrer dans le vice comme tu respires. Et une fois le générique arrivé, t'en as fait autant, parce qu'elle s'est pas arrêtée de tourner dans ta tête. Le tout en allant chercher ton paquet de cigarettes laissées dans un coin, parce que priorités. "J'vais cloper rapidos, tu prépares le prochain ? Ou t'as peur d'être tout seul ?" tu lui annonces ça un peu trop naturellement, et sans face narquoise à lui offrir.
(Tu sais bien cacher tes piqûres de moustiques. Il a rien à dire, après tout, il a son hoodie maintenant et il respire toujours.)
Monsieur t'annonce qu'il va préparer le prochain et tu t'éclipses telle une furie, passant même pas tes pieds nus dans quoi que ce soit avant de grimper les escaliers (juste à la sortie, tu piques les ÉNORMES sandales de Carlo, traînant jamais très loin dans le couloir). T'as aucune classe et t'es bien aise que personne ne t'en fasse la remarque. Les parents, installés devant leur télé au programme bien moins stressant qu'en bas, te captent à peine sur le moment, pris dans leur fiction.

Tu t'attardes pas trop, dans le froid — c'est que ton tee-shirt oversize n'est pas la meilleure des protections dans ces cas-là, et t'omets bien souvent de t'emmitoufler avant de pointer ton nez dehors pour fumer. Ce soir n'est pas une exception, et tu crois entendre la voix de Lou qui te rappelle que tu vas "attraper froid" — il n'est pas là, de fait, mais tu lèves les yeux au ciel et écrase ton mégot dans le cendrier prévu à cet effet.
T'es frissonnant de partout, en rentrant.
Et paré pour les autres à venir, en descendant les escaliers pour rejoindre votre antre de l'horreur.

Le souci c'est qu'en descendant, t'es bien trop préparé à te prendre un retour de bâton que l'effet escompté n'est pas celui de la frayeur, mais d'une anxiété tout juste gênante. T'as les mâchoires serrées et tu fais mine de ne pas avoir entendu, sur le moment, malgré le fait que tu te sois arrêté net dès que le murmure flippant se soit manifesté dans le coin de ton oreille, te signalant qu'il s'était caché derrière l'escalier, dans l'ombre. T'as même aucune réaction de sursaut, ne serait-ce que pour te venger d'une pareille trahison, sans doute parce que pour une fois, la peur qui s'instille te fait l'effet d'une pétrification et pas d'un coup de fouet.
Si tu réagis pas, il va pas continuer, right ?
Mais Logan Yaxley a plus d'un tour dans son sac.
T'as toujours l'œil rivé vers la cabane, et derrière celle-ci, une ombre s'étire jusqu'au plafond, formant une silhouette à chapeau désordonné, lorsqu'on y regarde de plus près. T'es quand même à te foutre les jetons à toi tout seul aussi, dans l'opération, à faire (soit disant) semblant — "Oh putain Lou c'est quoi sur le mur là--" t'as tourné ta tête rapidement vers Lou, sur lequel tu vas t'échouer comme une pauvre chaussette une demi-seconde après. T'attends qu'il soit un peu prit par l'émotion, quelle qu'elle soit, pour que tu lui pinces un coup le flanc, en lui disant. "Et c'est MOI le traître ?!" tentative toute trouvée pour faire baisser la tension tout de suite, ou presque, que ce soit chez lui ou chez toi, c'est que tu sentais son cœur cogner contre toi tellement t'y étais collé. (C'est qu'il sent bon alors t'iras pas ne pas en profiter.) "J'ai pris soin de ton hoodie comme de mon fils unique et toi t'essaies de me faire peur par pure vengeance, c'est petit" que tu marmonnes dans le fameux hoodie qu'il porte, ne le délivrant guère de ton étreinte, comme englué.

Relevant alors le menton et le nez, tu restes dans ta position pour pouvoir lui faire tes doléances. T'en profites même alors que tu n'es pas sous le coup de l'effroi le plus ridicule, pour faire des aveux qui n'en sont pas. À la guerre comme à la guerre.

"Maintenant que j'me suis chié dessus tu peux m'emmener jusqu'à la cabane, m'sieur le héros" trop fébrile que tu es maintenant, t'es bien incapable de te porter tout seul jusqu'à là-bas, c'est l'évidence même. Tu fais approximativement zéro effort, et il va pour te porter (you dropped your crown, king) pour que vous retrouviez votre cocon. T'as le bout du nez aussi froid que le reste, faut dire, et dès que tu te fais déposer comme une princesse, tu vas pour mettre tes jambes sous la couette. "Merci" que t'oses même laisser échapper, (de l'anti-Yaxley tout craché), reniflant un peu (le choc thermique te met la goutte au nez, rien qu'un peu). "J'ai froid" que tu bougonnes après avoir lancé le film, et sitôt la plainte émise, va pour te rapprocher (coller) à Lou pour profiter de sa chaleur corporelle. Rien qu'un peu.

T'étais quand même assez loin de t'imaginer que l'ombre sur le mur allait te hanter un moment, surtout après avoir visionné pareil film. Tout ce que t'en avais eu comme écho, c'était ben des choses nuancées, et t'avais préféré garder la surprise pour la partager avec Lou. L'affiche était quand même assez parlante en soi, et vous alliez bientôt découvrir pourquoi.
"Nan mais tu t'habilles pas pour sortir, non plus" tu fronces du nez comme si on t'avait fait sentir le dernier fumet de la station d'épuration du coin, lui jetant un coup d'œil bref (de quoi montrer ton léger mécontentement) avant de te replacer contre lui, place attitrée dans ces conditions. Tu préférais bouder les lèvres pincées pour une fois, bien plus intéressé par te réchauffer que pour prouver que tu as raison (pas une première pour ton ego, nous préciserons). Le bras qui t'entoure te cale encore mieux, et les frottements pour t'aider à reprendre une température normale font leur effet.

À sa question, tu réponds un instinctif et quoique sincère "Non ça va, t'es chaud" sans relever vraiment à quel point cela crevait de non-sens. La victime qui offre son hoodie préféré le soir même à son traître de ravisseur ? On aura tout vu. Tu t'es prit direct dans l'ambiance du film, happé par le soundtrack qui pointe déjà le bout de son nez. Oh, un emménagement dans une maison flippante ? Bon, ça commence bien. Le mec est un écrivain ? Are you serious right now ? Ça commence avec des clichés mais t'es de bon cœur, ce soir, et tu te fais vite engluer dans les bras de Lou, et celui du film qui se découvre au fil des minutes.

(1) Un peu comme ta crispation et ta nervosité, faut dire, parce que l'ambiance est si pesante que t'en aurais presque la nausée. Quand finalement l'antagoniste horrifique se découvre pour de bon, t'as l'impression qu'il te fixe à la fois de face et de derrière, si bien que tu t'écrases davantage dans les bras de Lou pour t'éviter de sentir cette présence néfaste dans ton dos. T'as même les yeux brillants de stress, mais t'es là pour ça, pas vrai ? Les sensations fortes, tu vis pour ça, pour ensuite les anesthésier - même si là, pour les anesthésier, faudra plus qu'une roulée qui va te faire parano comme jamais.
À un moment tu pressens un truc arriver sur l'écran, alors tu fais le bonhomme en fermant les yeux en grimaçant comme jamais. "Iiiih non non non…" ce sont que des murmures forts, comme si on allait te mettre de l'alcool à 90° sur une plaie ouverte.
(2 et 3) Et c'est le moment qu'a choisi Amandina pour ouvrir la porte en grand là-haut, et descendre avec tellement de légèreté (faut dire, vous étiez absorbés par la fiction) que même toi, la tour de contrôle par excellence, ne l'a pas entendu arriver. La scène vient à peine de passer et… "Ça se passe bien les garçons ? On va se coucher…" qu'elle murmure un peu comme pour ne pas vous déranger, (elle sait ce qui se trame, hein, elle est pas folle la guêpe), mais c'est déjà trop et tu sursautes, "L-Lou!!!!" serre fort le concerné comme si t'allais clamser, (t'as pas crié, juste gémi comme un renard apeuré)(tu pensais pas pouvoir le serrer aussi fort contre toi, là), tout tremblant de l'adrénaline alors injectée dans tes membres.

La frayeur a été hautement partagée avec Lou, ce qui est en soi pas une mauvaise chose, puisque vous devriez vivre avec ce souvenir un brin pénible et dégradant pour vos egos respectifs. (La vérité c'est que vingt ans plus tard, vous en rirez, c'est déjà ça). Le fait est que si lui a géré en beuglant comme jamais sur sa mère (t'aurais fait pareil, si t'avais pu), toi tu t'es contenté de rester dans la stupeur hébétante et la crispation. Le pire dans cette histoire c'est qu'Amandina a ri, en mode, haha c'est super drôle, et demain ça va râler parce que vous aurez pas fermé l'oeil de la nuit et holala faut se reposer la nuit ?!! Franchement, arnaque totale, tu n'aurais même jamais songé au fait qu'elle descende vous voir, surtout pour vous prévenir de ce que vous saviez déjà, en soi : qu'ils allaient partir se coucher avant vous.

Le plus grand jumpscare de la soirée ç'aura été elle, assurément. Tu peux même pas rivaliser face à la matriarche Sacramoni, à ce stade.

Ton cœur pulse contre tes tympans et tu sens celui de Lou pas moins excité sous son torse qui est toujours aussi proche de toi — manquerait plus que tu te décroches de ta pierre, bernique dépouillée de dignité que tu es désormais. "Tu trembles super fort." t'allais lui beugler au nez un truc du genre c'est normal trou de balle, j'ai PEUR mais tu t'arrêtes seulement à "Ouiiiiii je sais, je sais… ça va aller, t'inquiètes" en mode, c'est pas grave, toi aussi tu trembles non frérot ? (Peut-être pas autant que toi, faut se le dire.) Un soupçon d'agacement dans la voix, (manquerait plus que tu sois faible), mais c'est bien parce que t'aimes pas qu'on te voie comme ça — t'es même sûr que t'aurais tenu jusqu'à la fin (non) sans finir comme une branche de bégonia après le passage d'une tempête.
Pour te redonner contenance (c'est qu'il a prit ta trogne dans ses mains, là, et que tu peux pas trop échapper à son regard de biche) tu lui frottes un peu le dos, et tu desserres un peu ta prise sur son bras, il serait temps. Pis tu t'excuses presque pas, parce que de toute façon, askip t'as le flex d'une crevette anémique.

"Tu veux qu'on arrête quelques minutes ? — Si on arrête maintenant on va mourir encore plus après, j'ai juré" tu es partisan du "on fait tout d'un coup et comme ça, c'est passé" plutôt que de reculer dès la première petite déconvenue, il faut bien se l'avouer. Saupoudré d'une bonne dose de déni, et de quelques tours de passe-passe… "Toi ça va ?" quand même, ce serait bon à savoir, ça aussi. Sous-entendu, est-ce que toi tu veux arrêter un peu ? Et sans te moquer, pour une fois.

En attendant tu te pinces l'arête du nez pour soupirer longuement par la bouche, histoire de reprendre un peu tes esprits (ça te picote dans les jambes et dans les doigts, maintenant)(on va prendre un peu de bonbons, hein). "Non mais t'as vu la tête qu'ils lui ont fait aussi…" que tu te justifies. Fallait au moins saupoudrer d'arguments, histoire de se dire que c'est normal que vous vous fassiez dessus comme des ados que vous êtes encore. "On dirait on lui a fondu la gueule avec du placenta là, ça m'dég" et malgré tes propos ô combien ragoûtants, tu vas piocher dans ton paquet et tu le tends à Lou aussi (mauvaise idée, un peu : y'a les restes de tes spasmes qui se font un peu trop entendre, voire remarquer, avec ce geste en suspens).

Et pour noyer le poisson (et pas franchement améliorer la situation) t'alignes un questionnement des plus glaçants.

"…tu crois on a encore l'âge pour se faire choper par Mr Boogie ?" parce que pour toi ça se comptait en quelques semaines là, alors… t'as rien à craindre, pas vrai ?

Sa réponse n'est pas tout à fait convenable, en soi, mais vous paraissez être plutôt dans un état similaire. De quoi rester au diapason pour la suite, et surtout pour la prise de décision qui s'avère être celle que tu as proposée, à coup de "on fonce dans le tas et au moins, après ça, ce sera terminé" ; ce qui est une bien belle lubie. De croire que Mr Boogie vous laisserait tranquille pour la nuit, et même les nuits à venir, alors qu'il s'imprimait dans ton esprit avec sa gueule fondue et délavée, avec sa présence un peu trop lourde, comme s'il s'était assit derrière vous.

Faut croire que t'as pas le don pour rassurer qui que ce soit, et pas même toi dans le processus : t'as eu la riche idée de poser ta question en toute franchise, on ne peut plus inquiet. Si ça s'était arrêté là, ça aurait été top, hein, mais c'est qu'en plus de ça, il prend un temps certain à te répondre le bougre, et ce n'est pas là pour te rassurer — t'as même eu le temps de passer en revue toutes les saloperies que t'as pu faire à certain.es, toi-même y compris. C'est clair que tu mériterais bien d'être pour chassé et assassiné par cet espèce de monstre humanoïde. De quoi remettre toute ta petite vie pourrie en question, jusqu'à te demander s'il fallait regretter le screamer impromptu que t'as fait subir à Lou en début de soirée. "… nan, on est trop vieux, on est presque majeurs." t'as pas l'air super convaincu, mais un peu rassuré quand même. "Ouais ben ptet qu'il a pas les mêmes réf que nous lui," mais y'avait bien peu de chances que ce soit le cas, et de toute façon, vous parliez d'un gus qui n'existait même pas.

Après une remise en place, un bisou sur le front, des encouragements et une étreinte qui se resserre à nouveau, vous êtes repartis dans la suite du film. "Elle a grave abusé, ta mère" que tu marmonnes à moitié, avouant malgré toi ton cruel moment de faiblesse. C'est pas comme ça dont tu aurais parlé d'Amandina, c'est une belle personne, plus que le sera jamais ta génitrice. La pensée te traverse mais tu t'accroches à ton radeau et te fait à nouveau happer par l'horrifique du long-métrage, ton coeur pesant soudainement lourd sous tes côtes.

Tu passes ton temps à te cacher les yeux ou à manger des bonbons, tout collé à Lou, quand finalement la fin s'annonce. Le moment précis où tu te mets à soupirer de soulagement est pollué par un screamer très mal venu, qui te fait sursauter et monter les larmes aux yeux, sous la surprise — t'as les mains sur ton visage, et il te faut au moins quelques secondes pour process le machin. Raison pour laquelle tu as l'air d'une statue de cire, jusqu'à ce qu'un "Oh putain" te sorte enfin, parce que tu ne t'y attendais vraiment pas.

Le temps de reprendre un peu tes esprits (faudrait quand même pas que t'aies l'air trop flippette, hein, même si ça semblait déjà être perdu d'avance à ce stade) et tu fais enfin une remarque intelligible, voire un soupçon intéressante. "La BO était bien n'empêche" et le générique de fin en fait partie, avec ses relents d'ambient horrifique assez digeste, bizarrement. "C'est l'heure de la clooope" que t'annonce en t'étirant un peu, pas tout à fait serein pour autant. D'ailleurs t'attends secrètement que Lou te demande de t'accompagner, en feintant les étirements de chat les plus longs du monde, te laissant même tomber sur cette ben belle couette que vous partagiez.