closed deal

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Début septembre 2007
@Viktor Krum

Jim Haggen a déjà été audacieux ― on se souvient que son surnom était Hazard et que des risques, il en prenait à chaque jour pour épater les foules autant que mener son équipe au sommet. Ce temps est un brin révolu, mais alors qu’il se dirige vers les Pontcanna Fields, au cœur de Cardiff, il lui ressemble ressentir un peu de cette même énergie. Cette même hâte devant le danger qu’il éprouvait jadis, et qui lui donne quelque peu le vertige. Un bon vertige.

Il risque gros, très gros, avec cette rencontre. Déjà, parce que la période d’échanges tire à sa fin et qu’il s’y prend un peu tard pour faire cette approche auprès de l’attrapeur étoile aux propositions probablement déjà alignées devant lui comme sur un plateau d’argent. Ensuite, parce que convier Viktor Krum à une balade pour parler de contrats de Quidditch, ce n’est pas exactement légal. Ce n’est pas exactement passer par les canaux officiels dûment réglementés par le Ministère de la Magie et la Ligue, même s’ils ne signeront rien lors de cette discussion. Puis, il risque aussi gros parce qu’il n’a rien de très rutilant à proposer à l’homme et qu’il risque de se faire rire au nez, bien que Krum lui ait toujours semblé très poli.

Comme pour amadouer le joueur de Quidditch, Jim, pour une fois dépourvu de tout vêtement l’identifiant comme coach des RR, a emmené Scout avec lui. C’est surtout nécessaire avec que le chiot a grand besoin de se dépenser et que ses petites pattes ne l’empêchent définitivement pas de tourner son nouveau maître en bourrique, lorsqu’il lui prend l’envie de s’échapper (ceci jusqu’à ce que, épuisée, elle se contente de flopper au sol, ne laissant que ses longues oreilles en point de repère).

Assis sur le banc où il a donné rendez-vous au sang pur, le Haggen récapitule son mince plan d’attaque, et en est sorti par les aboiements de la chienne à ses pieds. Une véritable alarme magique, alors que c’est bien le joueur de Quidditch attendu qui marche en leur direction, ruant sur sa laisse pour le rejoindre ― à croire qu’elle a un flair pour tout ce qui monte sur un balai, à force de regarder les Rowdy Ravens sillonner le ciel du Pays de Galles depuis… un mois et demi ? déjà ? « Stop », intime-t-il à Scout en gallois, et lorsqu’elle arrête d’aboyer pour le regarder, il sort de sa poche une gâterie pour chien afin de la féliciter.

Krum semble toujours plus maladroit sur la terre que dans les airs, où il est dans son réel élément. Jim se souvient avec une nostalgie amère d’un temps où c’était aussi son cas, avant qu’il ne soit cloué au sol et que dans celui-ci, il tente de se creuser un tombeau hâtif. Le vol s’accompagne toujours de la chute, dans sa mémoire, mais il ne peut plus laisser l’accident dicter sa vie. Il l’a fait trop longtemps et il sait qu’il ne devra jamais baisser sa garde face à lui-même, au risque de tomber à nouveau. Peut-être trop, trop bas, cette fois-ci, pour être rattrapé.

La pensée sombre est chassée d’un sourire, alors qu’il se lève et va à la rencontre du jeune sorcier. « Merci d’accepter de me rencontrer, Viktor, dit-il en lui serrant chaleureusement la main, et d’accepter de distraire Scout. Celle-ci s’est mise à frénétiquement renifler les chaussures de l’inconnu, puis le bas de ses pantalons. Tu peux la flatter », ajoute-t-il en voyant l’expression qui flotte sur les traits du Bulgare lorsque ses yeux se posent sur l'animal. Quelque chose qui lui donne l’air jeune et le ramène à la réaction extatique de ses propres enfants, lorsqu’ils ont découvert sa nouvelle amie (Merlin, Viktor Krum pourrait être son fils).

Viktor se rend bien compte que c'est peut être prendre un risque mais son côté optimiste ne cesse de lui répéter que c'est juste une simple rencontre. Bien sûr, peut importe ce que Jim peut avoir à lui dire ou lui proposer, Viktor n'acceptera rien. Il est chez les Kings et restera avec les Kings... probablement jusqu'à ce que mort s'en suive. Ou alors jusqu'à la victoire de l'Ordre. Ou alors jusqu'à ce qu'il craque et prenne la fuite. Ou alors... il ne sait pas. Il y a bien une liste de raisons pour laquelle son contrat avec les Kings pourrait prendre fin mais ce n'est pas et ça ne sera probablement jamais un transfert chez les Rowdy Ravens.

Officiellement, Viktor n'est pas un grand fan de l'équipe. C'est presque écrit noir sur blanc dans ce fameux contrat. Il y a une rivalité évidente entre les deux équipes, une histoire qui s'écrit d'elle même pour vendre toujours plus de rêve à l'élite. Une espèce de David contre Goliath qui dénature totalement le sens de ce mythe pour pouvoir aller toujours un peu plus dans le sens du fabuleux nouveau régime.

En réalité... Viktor sait pertinemment que s'il était resté chez les Vipères, avait continué de vivre sa petite vie paisible en France, ce sont les Ravens qui auraient eu ses faveurs. C'est une équipe touchante, un projet qu'on a envie de soutenir, et des joueurs auxquels on s'attache. Viktor peut facilement imaginer le genre d'ambiance au sein du groupe, une camaraderie facile et stimulante qui lui manque terriblement chez les Kings où chaque jour est une nouvelle bataille d'ego.

C'est bien pour cette raison qu'il a été incapable de dire non au rendez-vous proposé par Jim.

Quand il arrive, il met un moment avant de le repérer, Haggen pas forcément habillé comme il le serait pour un match ou un événement. Alors il s'approche un peu timidement de lui, toujours un peu anxieux à l'idée de devoir parler à quelqu'un qu'il ne connait pas très bien. "Merci d’accepter de me rencontrer, Viktor, et d’accepter de distraire Scout." Jim lui serre la main et Viktor acquiesce. "Bien sûr," il lui répond avant de porter son regard sur l'adorable chiot de l'entraineur, une autre très bonne raison d'accepter de le rencontrer. "Tu peux la flatter," Jim le rassure et il n'en faut pas plus à Viktor pour se baisser et caresser Scout, toujours plus à l'aise avec les animaux qu'avec leurs propriétaires. "Elle est adorable."

Viktor profite du calme un petit instant, se sentant étrangement plus libre ici que chez lui, peut être parce que plus il est loin de Londres, moins il ressent la pression qui pèse sur ses épaules. Au bout d'un moment, cependant, il décide de se lancer, tout de même curieux de la raison qui a pu pousser Jim à établir le contact. "Je dois dire que j'ai été étonné que tu me contactes," il tente, ses yeux toujours rivé sur le chien. Ils savent tous les deux très bien que Viktor est la chasse gardée des Kings et du gouvernement alors il aimerait bien savoir ce que Jim a en tête.

Effet instantané : dès qu’il autorise le Bulgare à s’occuper de Scout, il obtempère et lui semble déjà mille fois plus à l’aise. Lui aussi est définitivement plus à l’aise, avec la petite chienne en intermédiaire à cette conversation qu’il ne sait pas comment mener. Cette initiative peut-être malvenue qu’il mène sans même en avoir parlé à Meredith, ou à la propriétaire des RR : vraiment, un grand jour pour Jim Haggen, l’homme qui ose à nouveau. « Elle est adorable. Le meilleur cadeau d’anniversaire », approuve doucement l’homme. S’il savait la joie qu’il a eu lorsque Jules lui a présenté la boule de poils, en compagnie des autres membres de l’équipe, de Meredith et même de la propriétaire, tous et toutes arborant un grand sourire entendu (jusqu’à Marcus). Lorsqu’il n’y a pas crû, avant de prendre la chienne dans ses bras et d’aussitôt tomber en amour avec elle. Son petit caractère, sa curiosité, ses oreilles ridiculement grandes. S’il savait comme ça ne le dérange pas d’apprendre à la connaître, de la dresser, d’adapter sa vie à elle.
Comme c’est bien de ne plus être seul, chez lui.
(comme il était heureux, aussi, que Grainne apprécie l’affectueuse bestiole)

« Je dois dire que j'ai été étonné que tu me contactes. Un sourire indulgent étire les lèvres du Gallois, qui ne cache pas un petit soupir. Adressé à lui, ce soupir, et certainement pas à Viktor, qui a bien légitime dans sa surprise. Ce n’était pas prévu, avoue le Haggen sans gêne. Ce n’était pas prévu et il ne sait même pas vraiment ce qu’il espère tirer de cette rencontre. Peut-être seulement une conversation avec un des attrapeurs les plus doués de sa génération ? Peut-être une prise de pouls du monde du Quidditch ailleurs qu’au sein de son équipe de rebelles en herbe ? Et… je préférais ne pas passer par ton entraîneuse. Pas parce qu’il ne l’aime pas, Sun, qui a été une rivale jadis autant que maintenant (en plus d’une camarade d’école), mais… disons que leurs allégeances n’ont jamais été aussi éloignées. Pour peu qu’elles aient été proches. Ça devient rapidement trop officiel, tout ça. »

Il peut comprendre, n’est-ce pas ?
Certaines choses méritent d’être parlées loin des oreilles curieuses, étalées loin des regards indiscrets, et surtout, sans la pression monétaire ou de potentiels échanges. Il est de la vieille école, peut-être, celle qui préfère encore le contact humain à celui des Gallions. Celui qui croit qu’une bonne équipe est aussi forte que chacun de ses éléments et que la chimie entre tous.

Scout, qui a floppé sur le dos afin d’offrir son ventre à gratouiller au Krum, se relève soudain sur ses pattes et cherche dans les mains de l’attrapeur… ah, ça, Jim sait ! Il sort de ses poches une balle, faite pour ressembler à un Souafle (évidemment, tous les jouets offerts ou achetés pour la corgi ont une thématique Quidditch), qu’il tend à son benjamin. « Tiens, change de poste un peu, taquine-t-il, bien que la balle ne soit en vérité par bien plus grande qu’un vif d’or. La chienne secoue le popotin avec enthousiasme, prête à s’élancer dès que Viktor lancera l’objet afin qu’elle le rattrape. Comment ça va, chez les Kings ? » Grande question immensément vague, que celle-ci, et dont il ne sait pas la réponse qu’il espère. Que l’homme lui réponde bien, mal, lui mente, lui dise la vérité (il ne croit pas qu’il lui dira la vérité, parce que c’est toujours complexe).

Dans un monde parfait, les rendez-vous professionnels se dérouleraient tous comme ça. Un parc, un chien, pas de pression. Malheureusement, le monde dans lequel Jim et Viktor vivent est loin - très loin - d’être parfait. ça fait du bien, tout de même, d’imaginer quelques instants que tout ceci est tout à fait normal et pas le moins du monde dangereux. Il fut un temps, quand Viktor commençait à peine à penser sérieusement à une carrière dans le Quidditch, où il pensait que sa vie ressemblerait à ça, que le Quidditch était une grande famille où tout le monde s’apprécie parce que tout le monde s’entend sur une chose: l’amour du jeu. Aujourd’hui, il se demande comment il a pu être aussi naïf en grandissant dans une école telle que Durmstrang. Peut être que s’il y avait passé un peu plus de temps, il aurait été - encore - mieux préparé pour tout ça.

“Ce n’était pas prévu,” Jim répond à son étonnement, Viktor acquiesçant tout en gardant son attention sur la petite chienne. “Et... je préférais ne pas passer par ton entraîneuse. Ça devient rapidement trop officiel, tout ça.”

Viktor s’autorise un rare sourire, son air perpétuellement concentré et neutre clairement adoucit par la présence de l’animal. “C’est sûr. On ne voudrait pas donner au monde de mauvaises idées…” Il n’imagine même pas la soufflante qui l'accueillera lundi matin si jamais Coach Sun apprenait qu’il avait rencontré Jim en dehors d’un événement officiel. Elle le découperait sûrement en morceau. Avec Alexandria à ses côtés pour apprécier chaque instant.

La petite chienne se redresse alors et semble chercher quelque chose dans la main de Viktor. Celui-ci sourit un peu plus, la laissant jouer avec ses doigts. Jim lui tend alors un jouet en forme de souafle. “Tiens, change de poste un peu.”

Viktor a envie de lui dire qu’il a longtemps voulu jouer poursuiveur mais se retient, jamais trop à l’aise de révéler quoi que ce soit sur lui à quelqu’un qui n’est pas Denitsa ou Hermione. Alors, à la place, il remercie doucement Jim et prend la balle pour la jeter au loin.

“Comment ça va, chez les Kings ?”

Viktor hausse les épaules et regarde Scout se précipiter sur la petite balle, tout de suite moins à l’aise. Jim a un bon fond, inspire la confiance et la sympathie, mais, comme toujours, Viktor ne peut pas se fier à son instinct. Alors même avec lui, il doit lui recracher les mêmes éléments de langages appris par cœur. “Plutôt pas mal. On fait un bon début de saison. L’équipe commence à être bien soudée, ça va faire un petit moment qu’on joue ensemble donc on est bien rodé.” Il s’arrête là parce qu’en dire plus, maintenant, ne serait pas naturel. Il espère en tout cas avoir été convaincant. Si jamais les équipes adverses commençaient à douter de la loyauté de Viktor, il le paierait sans aucun doute très cher.

“Et vous ? Chez les Ravens ? Tout va bien ?” il demande alors que Scout revient déposer la balle dans sa main, toute excitée. Sans vraiment faire attention à elle, Viktor reprend de l’élan et lance à nouveau la balle, évitant toujours de regarder Jim.

S’il ne sait toujours pas exactement ce qu’il espère de ce rendez-vous avec Viktor, il désire au moins un peu de sincérité. Autre chose que l’enregistrement fidèle, plat, sans aucun rebondissement, que l’attrapeur sert probablement aux journalistes autant qu’aux curieux, à propos de sa vie au sein des KK. Ainsi, il est peut-être un peu déçu lorsque la première réponse du Krum est bien sûr l’enregistrement en question : « Plutôt pas mal. On fait un bon début de saison. L’équipe commence à être bien soudée, ça va faire un petit moment qu’on joue ensemble donc on est bien rodé. » Un sourire un peu mince, presque indulgent pour le jeune homme ― évidemment, il ne peut pas dire autre chose. Ou pas aussi franchement : il n’ira quand même pas jeter ses coéquipiers, ou son entraîneuse, sous le Magicobus. Un petit « Mmm, je vois » cryptique accompagne sa moue, ses yeux fixés sur la chienne qui s’élance de tous les côtés. Lui aussi évite très soigneusement de regarder le joueur de Quidditch, comme si ainsi, tout ceci allait être moins intimidant. Moins terrible.

« Et vous ? Chez les Ravens ? Tout va bien ? Un hochement de tête qui secoue jusqu’à ses boucles. Bon début de saison aussi, qu’il commence sans trop de fausse modestie, alors que son cadet connaît le classement de la Ligue tout aussi bien que lui, et que les RR sont en effet en bonne position dans celui-ci. Si tôt, ça ne veut rien dire, alors qu’il y a encore tant de mois de compétition devant eux, mais ça augure bien. Je craignais que Jules soit épuisée, entre ses entraînements avec nous et ceux pour l’équipe du pays de Galles, mais elle est encore meilleure, si c’est possible. » Un regard de biais, un sourire affectueux pour la solaire gardienne à l’énergie contagieuse. Leurs entraînements afin de la préparer à la sélection de l’équipe nationale ont payé et n’ont pas manqué de les rapprocher (et sa Toni a même plaidé que c’était devenu lui, l’ami de la Doherty, et non plus elle).

Sa main passe sur sa barbe, dans un geste pensif. « On a même reçu une visite de… ah, courtoisie, je dirais, de Dolohov. Le chef du département à notre premier match, c’est pas rien. » Il aurait préféré qu’Antonin s’abstienne tout à fait de venir (ou qu’il assiste à un entraînement, comme initialement prévu), mais il était là, tout sourire bright et tout en bouclettes, assis dans sa tribune VIP, et Jim n’a pas eu le choix d’aller le saluer. De l’entendre l’appeler Hazard comme si rien n’avait changé depuis Hogwarts, comme s’il ne lui avait pas menti en plein visage pendant des années, comme s’il ne serrait pas la main d’un meurtrier (pour le coup, le Haggen était bien content de porter son gant). Son expression est passée de l’affection à l’embêtement et il ne peut pas retenir un soupir, lorsqu’il repense au match. Ils ont bien, heureusement, et l’avantage de la démonstration publique a été de garder tout débordement loin des yeux des journalistes (évidemment en masse, ce soir-là, avec la présence d’Antonin).
Ça n’a pas empêché ses joueurs de serrer les dents, de lui faire part très vocalement de leur mécontentement après la partie (surtout Marcus et Nicole, et il ne leur en veut pas) et lui, le soir venu, d’être incapable de retenir son angoisse. De l’empêcher de le submerger, au point où il a contacté sa soeur Kate afin qu’elle vienne lui tenir compagnie et lui change les idées. Ça faisait longtemps, depuis la dernière fois qu’il avait eu besoin de ça.

« Je crois qu’il espérait un peu de bagarre, mais j’avais prévenu mes gamins. Un clin d'œil complice pour Viktor, avant que le coach détourne à nouveau le regard, au moment où le sujet revient doucement vers une des raisons de sa présence ici. Matt a bien joué. Il a reçu une offre tout juste après. » Matt, son attrapeur. Il ne peut pas en vouloir aux autres, c’est après tout un sacré bon joueur, mais… ça n’a pas fait moins peur à Jim.

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