Jesse ne peut contenir le sourire qui cherche à remonter jusqu’à ses yeux, entre gêne et impatience. Ses doigts refermés sur le paquet dans son dos en seraient presque moites, tant il peut être nerveux à l’idée d’être complètement à côté de la plaque. Cela n’a, à vrai dire, jamais été le cas, et le jeune sorcier s’est toujours montré plutôt doué pour lire son entourage et savoir ce qui pourrait leur faire plaisir. Avec Kyung-Tae cependant, chaque année, Jesse ne peut s’empêcher d’effleurer la crainte de se planter lamentablement et d’observer le visage du sorcier lui offrir un sourire forcé. Jesse a envie que tout soit parfait, car rares sont les occasions où il peut lui glisser des preuves de son affection sans que cela ne soit hors de propos ou parfaitement gênant - et quoi de mieux qu’un anniversaire pour ce faire ?

Personne ne lui a jamais tant donné l’impression d’être de nouveau dans ses années adolescentes que celui qu’il côtoie pourtant presque tous les jours. En se rappelant, il y a à peine cinq jours, que l’anniversaire de Kay approchait à grands pas, il a été pris d’une panique incomparable - qui s’est traduite par un simple mais constant bourdonnement à l’arrière de son crâne, ne le quittant pas même pendant ses journées et nuits de travail, pas même en allant chercher Bryan renvoyé une fois de plus de cours, pas même en se prenant la tête avec Abbie, pas même lorsqu’il a dû changer une énième fois de cachette pour l’argent qui sert à nourrir ses frères et soeurs après que Tess a mis la main (encore) sur la quasi totalité des précieux gallions, disparus en une soirée avec son nouveau petit ami.

Ce ne sont pas les idées qui ont manqué, mais bien le temps et l’argent que Jesse a pu y consacrer. S’il s’y était pris à l’avance, probablement aurait-il mieux à lui offrir qu’un bête dessin et une paire de chaussures neuves (qui lui a été offerte, en plus, il y a quelques jours par l’un de ses clients). ”For fuck’s sake Jesse, you’re so- urgh”, a-t-il grommelé en sondant une dernière fois l’illustration de Kay assis à son bureau, l’air concentré au-dessus de ses papiers ; c’est ainsi qu’il l’a toujours trouvé le plus beau, le visage fermé, imperturbable. Il a longuement hésité à le glisser dans son carnet, ou le rouler en boule pour le jeter, comme bien souvent quand il s’applique autant sur un dessins ; et celui-ci en dit bien trop, il n’y a qu’à observer le détail qu’il a mis dans sa posture, dans ses traits, pour lire tout ce qu’il contient en permanence face à Kyung-Tae. Peut-être est-ce le bon moment, après tout - et peut-être est-ce une terrible idée.

Et pourtant, maintenant qu’il se tient assis face à lui, Jesse ne peut s’empêcher de sourire. ”Of course I got you something, what did you think?”, rigole-t-il doucement en refermant un peu plus ses doigts sur le paquet. ”Come on, close your eyes.” Jesse insiste en fronçant légèrement les sourcils, ne sortant le cadeau de son dos qu’une fois les yeux de Kyung résolument clos. Il dépose sur ses genoux en premier lieu la large enveloppe contenant le dessin, par dessus laquelle il pose ensuite la boîte de sneakers ; il sait que ce n’est pas exactement le style de Kay, mais il sait également que le sortir de sa zone de confort vestimentairement parlant ne lui ferait pas de mal - sans compter que cette paire n’est, de fait, pas son réel présent. ”Okay, good. Open ‘em.” Un nouveau rire nerveux file entre ses lèvres, son cœur pressant l’allure face au regard Kay tourné sur la boîte. ”Bet you’ll hate it”, plaisante-t-il en se redressant légèrement, passant une main dans ses cheveux ras tout en glissant un regard sur l’enveloppe dont l’un des coins dépasse. ”Happy birthday.”

Le regard de Kyung-Tae avait chuté sur le bras de Jesse replié dans son dos, sitôt que ce dernier avait pénétré le studio en lui faisant étrangement face, un sourire aux lèvres. ”What's with you?”  La marche en crabe, l'expression étrange sur le visage de Jesse, coïncidant avec cette soirée qu'ils avaient convenu de passer ensemble, pour fêter officiellement son anniversaire – Jay, comme toutes les années, avait insisté pour faire quelque chose de spécial (un peu moins que d'habitude, car au fil des ans, Kay se montrait moins réticent à l'idée de célébrer un jour synonyme de rien). Jesse lui avait prouvé le contraire, et un sourire étirait les lèvres de Kyung, sous un froncement de sourcils, lorsqu'il vit Jesse chuter sur son lit sans le quitter du regard. ”You didn't get me a gift, right?” C'était là la dernière limite, immanquablement franchie par l'entêtement de Jesse à lui faire plaisir ; le plus beau des cadeaux, le seul qu'il espérait recevoir tous les ans désormais, se trouvait néanmoins dans le regard rieur de Jesse, une pointe de bonheur brillant dans ses grands yeux sombres. ”Of course I got you something, what did you think?” ”Always the same thing”, ronchonna Kyung-Tae en laissant aller sa tête en arrière, un roulement dans un soupir exagéré contredit par cet indécrottable sourire s'accrochant à ses lèvres.

”Come on, close your eyes.” Pleinement tourné vers lui désormais, Kyung-Tae le considéra une seconde avant de s'humecter les lèvres ; comme à toutes les occasions spéciales, peu habitué aux fêtes quand bien même il ne les passait qu'avec Jesse, qu'il voyait tous les jours ou presque, une tension légère courait ses muscles. ”Okay.” Il ferma les yeux, emportant avec lui l'image d'un Jesse aux sourcils légèrement froncés, sa nervosité allant croissant en lui offrant sa vue, transparaissant dans l'ongle de son index venant gratter les cuticules de son pouce, jusqu'à avoir un léger tressaillement au contact sur ses genoux, le bruissement du papier suivi par une pression plus lourde. ”Okay, good. Open ‘em.” Son regard chuta d'emblée sur une boîte et ce qui semblait être une enveloppe, le rire nerveux de Jesse accompagnant les battements rapides de son cœur. ”Bet you’ll hate it.” Kyung-Tae se saisit timidement de la boîte en jetant un rapide coup d'oeil à Jesse. ”What did you get me?”, fit-il sur une expiration gênée, un sourire embarrassé agrémentant le tableau de cette gêne nerveuse. Le simple fait de recevoir un cadeau – non, des cadeaux constata-t-il en soulevant le couvercle de la boîte dans un bruissement de papier reconnaissable entre mille, était assez pour le plonger dans la peau de Ryu Kyung-Tae, quinze ans, ébahi et déstabilisé, en alternance, par le sourire de Jesse Prince. ”Happy birthday.” Il découvrit la chaussure dans un cillement nerveux, allant prendre la basket avec une nouvelle expiration souffreteuse, coupée par le tambourinement vif de son cœur contre son torse – un écho d'une vie révolue lui renvoya un sentiment confus, aussitôt effacé lorsqu'il examina rapidement la chaussure, loin de son style oscillant entre sweat à capuche et chemise blanche (pour la galerie).

On n'offrait pas de chaussures à son partenaire, en Corée du Sud – de peur qu'il ou elle les enfile pour déguerpir aussi sec. Mais Jesse n'avait passé que deux ans de sa vie à l'autre bout du monde, et puis il n'était pas (pas exactement) son partenaire. ”Why, I have shoes already,” fit-il en coulant un regard à Jesse, avant qu'un rire nerveux ne vienne le secouer devant l'allusion à ses vieilles baskets salies par ses nombreux transplanages à la LAAW, à ses sandales pour sortir rapidement les jours de flemmardise et à ses chaussures cirées pour les grandes occasions – le fait était que Kyung-Tae était touché par ces baskets blanches flambant neuf, et que, comme toujours, peinait à savoir comment réagir face à ces sentiments bêtement humains. ”That's hm, that's cool,” concéda-t-il néanmoins en revenant à son cadeau, tournant la chaussure pour la voir sous toutes ses coutures, ”but I don't need it, I told you I didn't need anything...” C'était la même rengaine devant les pulls, les T-shirts, les pantalons ramenés par Jesse de temps à autre ; tout était toujours inutile, trop fancy, et il était presque de tradition pour Jesse d'insister pour offrir à Kyung-Tae autre chose qu'un simple t-shirt gris. ”Do you really picture me with these?” Un léger froncement de sourcils en revenant à Jesse, incapable de se voir avec des baskets qui iraient autrement mieux à Jesse lui-même – tout lui allait parfaitement bien, de toute façon, des T-shirts à motifs colorés aux sweat-shirts qu'il lui empruntait certains soirs.

Peut-être que dire que Kyung n’est jamais aussi beau que quand il est penché sur son imbitable paperasse n’est pas tout à fait vrai ; il l’est tout autant lorsque ses yeux s’arrondissent et que son visage se teinte légèrement sous la surprise, son soupir saccadé renvoyant à Jesse une onde tiède dans la poitrine qu’il ne cherche même pas à contenir, ses yeux rivés sur son Kay découvrant son cadeau pour ne pas rater une miette du sourire faisant son chemin sur ses traits. Bêtement, sur l’instant, le métamorphomage se prend à souhaiter que son anniversaire soit tous les jours, si cela signifie pouvoir observer cette lueur unique dans ses pupilles brunes ; en réalité, ce qu’il désire réellement, est uniquement de pouvoir détailler le bonheur éclairer son visage et sa voix. Le voir heureux, et en être égoïstement à l’origine. ”Why, I have shoes already. − Don’t you dare calling ’em shoes”, répond-il dans un rire sincère en pensant à ses vieilles baskets qui lui tordent le cœur tant elles ont l’air de souffrir. Non, décidément, il ne pouvait laisser passer l’occasion et l’alignement parfait des planètes faisant coïncider ce cadeau précis de l’un de ses clients et l’anniversaire de Kyung.

Il ne s’attendait pas, et n’a certainement pas besoin d’effusions de joie, d’une embrassade, ou de la moindre réaction démesurée de la part du sorcier dont il ne quitte pas la vue - ce ne serait pas Kay, s’il se montrait autre chose que gêné et sans voix face à la paire qu’il inspecte rigoureusement. Jesse n’a besoin de rien d’autre - il ne connaît suffisamment pour savoir que cela lui fait un minimum plaisir, et c’est amplement suffisant pour le jeune américain. ”That's hm, that's cool, but I don't need it, I told you I didn't need anything...” Prévisible. Ils ont probablement vécu cette situation un milliard (au moins) de fois, ou du moins à chaque fois que Jay tente (et réussi) de lui offrir une partie de ses compensations en nature, et pas une seule fois il ne s’est posé de questions. Kyung le loge et le nourrit la plupart du temps, et Jesse n’a certainement pas besoin de tous ces indécents cadeaux que lui font les clients qui l’apprécient le plus - une partie seulement, le reste revenant automatiquement à ses frères ou Kay. ”I know I know, but you can’t give me that for your birthday, that’s the rule.” Une règle qu’il savoure agréablement sur l’instant, un grand sourire illuminant son visage, ses paumes frottant néanmoins nerveusement l’une contre l’autre. ”Do you really picture me with these?” Face au froncement de sourcils de Kyung, une expiration brève file entre ses lèvres étirées, Jesse finissant par reprendre ses mains pour en poser une sur le matelas et se pencher légèrement vers le sorcier, saisissant la seconde basket. ”I told you you would hate it. But of course I picture you with these, you’ll look sick I promise”, avance-t-il en reposant la chaussure dans la boîte après l’avoir agité devant ses yeux, son coeur battant sur un rythme irrégulier en s’empêchant d’ajouter que tout lui sied à ravir - peu importe si Kyung n’en a pas conscience.

”Come on, try them on, just to see if they fit.” Jesse s’empare de la boîte avec une pointe d’impatience qu’il dissimule avec peine après que Kay s’est saisi de la paire, ses doigts effleurant l’enveloppe qu’il soulève dans un même temps pour déposer le tout à côté d’eux, ses gestes néanmoins précis pour ne pas abîmer le dessin toujours caché par la boîte, repoussant l’ouverture de ce deuxième cadeau bien plus significatif lui tordant doucement le ventre. Ses pupilles suivent les mouvements de son vis-à-vis lorsqu’il passe une chaussure, puis l’autre, remontant son regard sur lui pour savourer la vue d’ensemble de Kyung-Tae rendu beau à en couper le souffle avec un simple masque heureux et une paire de baskets blanches. Quelques secondes s’écoulent, avant que Jesse ne se rendent compte qu’il l’observe, les lèvres légèrement entrouvertes, cillant pour se sortir de cet état terriblement gênant de contemplation, ses yeux revenant à la paire pour concentrer son attention dessus. ”See? I told you they’d look great. Plus, I mean, they white, you can wear them with pretty much anything and it’s not like too much in-your-face, don’t you think?” Les extrémités quelque peu moites de ses doigts se referment sur le bord de la boîte en carton, sa bouche pincée en un sourire presque gêné qu’il chasse en retrouvant le visage de Kyung heureusement tourné sur les basket.

C’est comme arracher un pansement. Soit cela peut-être long et désagréable, soit cela peut-être réglé en une fraction de seconde ; et Jesse n’a certainement jamais été du genre à tourner autour du pot et se laisser consumer par quoi que ce soit le rendant nerveux - sauf quand on en vient à ce qu’il éprouve réellement pour Kay, évidemment, cette affaire là bien plus complexe. Aussi il n’attend pas que l’attention du sorcier soit de nouveau tournée vers lui pour glisser sa main sur l’enveloppe et la lui tendre dans un geste un peu brusque. ”I also got you this. Well, I did this. That’s- yeah just open it.” And please get it.

Le regard de Kyung-Tae coula malgré lui sur les traits de Jesse lorsqu'il se pencha vers lui, lui offrant ses longs cils en venant prendre la seconde basket encore dans la boîte – il cilla pour se défaire de cette proximité sensible, la chaussure agitée devant son regard l'aidant à reporter son attention sur autre chose que la présence de Jay à ses côtés. ”I told you you would hate it. But of course I picture you with these, you’ll look sick I promise.” Le regard de Kyung-Tae chuta sur les chaussures de nouveau réunies, une moue légère, peu convaincue sur ses traits. ”Come on, try them on, just to see if they fit.” ”Okay”, concéda Kay en se saisissant des baskets, son regard suivant le mouvement impatient de Jesse lui retirant boîte vide et enveloppe sans plus de procès, remontant jusqu'au sourire empressé (heureux) du sorcier.

Le cœur battant un rythme plus soutenu, il revint aux chaussures en se penchant pour les déposer à terre, desserrant les lacets pour mieux enfiler les baskets sous le regard inquisiteur de Jesse, qu'il pouvait sentir observer la scène sans en perdre une miette – un fait dont il s'embarrassait peu, occupé à rajuster la languette tandis que les lacets se renouaient magiquement autour de lui et à juger si, oui ou non, ces baskets lui allaient aussi bien que Jesse l'avait avancé. ”See? I told you they’d look great. Plus, I mean, they white, you can wear them with pretty much anything and it’s not like too much in-your-face, don’t you think?” ”Hm”, fit d'abord Kyung-Tae, les deux mains sur ses genoux écartés, considérant les chaussures à ses pieds, d'un blanc éclatant tranchant avec son pantalon sobre (terne), au même titre qu'une bonne partie de sa garde-robe – tout ce qui n'avait pas été offert par ou acheté avec Jesse. Try this on, no you have to ; et de la même façon qu'il avait hérité de sweat-shirts flambants neufs, il se retrouvait avec une paire de baskets qu'il peinait à voir sur lui. Elles étaient trop belles, trop neuves, trop modernes pour quelqu'un comme lui. ”They do look nice”, concéda-t-il finalement en inclinant le pied pour considérer son cadeau sous un nouvel angle, sentant une chaleur légère grimper à ses joues à la réalisation que ce cadeau lui plaisait un peu, ”if I wear them with one of the clothes you gave me, maybe...”

Kay s'interrompit au geste de Jesse, et releva les yeux vers lui et l'enveloppe qu'il lui tendait – son second cadeau, un instant oublié pour les baskets clinquantes. ”I also got you this. Well, I did this. That’s- yeah just open it.” Did this? Il récupéra l'enveloppe en se détournant du sourire légèrement nerveux de Jay, l'ouvrant sous l'odeur de neuf des baskets imprimée sur ses doigts. Le cœur de Kyung-Tae s'emballa lorsqu'il tira la feuille hors de son emballage pour découvrir le dessins – ses pupilles, sous la surprise, mirent une seconde à faire le point pour réaliser qu'il s'agissait de lui, penché sur son bureau. ”That's, what?” Il eut une expiration entre surprise et gêne, en découvrant la finesse du trait le croquant dans son environnement naturel, dans une simplicité et une délicatesse lui soulevant le cœur. Le point de vue inratable venait ajouter à la dimension de ce dessin terriblement intime – il s'agissait de l'angle du bureau que l'on voyait depuis le lit, et plus précisément depuis la place et les yeux de Jesse.

Il lui avait déjà offert des croquis, moins soignés, glissés dans ses lettres puis plus tard arrachés à ses carnets sous la demande de Kyung-Tae – ce dernier en avait précieusement gardés dans un tiroir (ceux des lettres, pour ne pas afficher au vu et au su de tous son sentimentalisme) et affichés d'autres sur les murs de son bureau, pour s'accompagner lors des longues heures à se casser la nuque sur ses rendus, scolaires ou de faussaire.
Il lui en avait déjà offert, et pourtant l'affection qui suintait de ce dessin-ci le prenait au ventre – Kay s'humecta les lèvres en relevant finalement les yeux vers Jesse. ”What's this?” répéta-t-il en sondant ses pupilles sans savoir ce sur quoi il l'interrogeait exactement – pourquoi lui offrait-il un second cadeau, pourquoi il l'avait dessiné lui (quand il aurait voulu un portrait de lui), ou cette scène ennuyante du quotidien, comment l'avait-il transformé en une pièce si belle et unique, pourquoi il avait fait le choix de lui offrir, pourquoi se sentait-il encore chamboulé par un simple dessin de lui, qu'était cette impression étrange, ces mots diffus et muets, qu'il peinait à saisir, si surpris, entre les lignes tendres du crayon.
Ses yeux chutèrent de nouveau sur la feuille, son cœur tambourinant contre sa cage thoracique en retrouvant son propre visage concentré, éclairé par le halo doux de la lumière basse de sa chambre – et celui d'autant plus doux du regard de Jesse porté sur lui. ”I'm probably the most boring subject,” fit-il avec une expiration brève, un sourire glacé par la gêne d'avoir été le sujet du regard de Jesse, ”how do you manage to do this?” Ce n'était pas du faux, ou une copie comme lui était habitué à faire, non ; c'était du vrai et de l'unique coulant tout droit du cœur de Jay, et il releva de nouveau les yeux à la recherche de cette réponse, autrement plus précise que la précédente cette fois, ses merci et son appréciation sincère coincés dans sa gorge sous le coup de l'émotion.

Les yeux de Jesse suivent les gestes de Kyung-Tae, recréés au ralenti par les battements de son coeur, eux, pressant l’allure face à cette situation le rendant presque fébrile de nervosité ; une situation dans laquelle il s’est mis tout seul, et dont il ne peut plus se détourner désormais. Pourquoi s’en détournerait-il, de toute façon ? C’est ce qu’il souhaite, et ce qu’il s’est appliqué à écrire de la pointe de son crayon sous la forme de cette scène du quotidien, simple mais si précieuse à ses yeux. Derrière chaque trait, chaque arabesque, chaque détail que Jesse redécouvre lorsque Kay sort le dessin de l’enveloppe, il ne voit qu’un seul mot suinter : home. ”That's, what?” Le regard brillant du métamorphomage remonte jusqu’au visage de son “hôte”, sa propre voix restant coincée dans sa gorge en entendant la sienne, soufflée par une émotion lui tordant le ventre. Il n’y a plus de retour en arrière désormais, et Jesse se trouve incapable de répondre sur l’instant - il n’y a rien d’autre à ajouter que ce qui dégouline déjà du dessin auquel il n’ose plus revenir, se concentrant sur les traits de Kay et ses réactions. Il recueille le moindre changement dans son expression, chacun accélérant les battements de son cœur et le laissant immobile, si ce n’est sa jambe tressaillant nerveusement contre le matelas.

Et à mesure que les secondes s’étirent, sous le silence imposé par la contemplation de Kyung, Jesse est frappé par la réalisation qu’il n’y a rien de plus stupide que ce qui est en train de se jouer dans son torse. Comment peut-il se rendre malade pour un bête dessin ? Comment a-t-il pu croire que quelques coups de crayon pourraient être aussi efficaces qu’une déclaration et bonne et due forme ? Et surtout, comment a-t-il pu croire qu’il pouvait se permettre de menacer l’équilibre instable qu’ils maintiennent depuis des années ? What’s wrong with me ? ”What's this?” Un mélange d’amour et de honte couché sur papier, voilà ce que c’est - mais Jesse ne peut décemment lui répondre ça, encore moins quand ses pupilles émues viennent chercher les siennes. Et il se prend en plein coeur, une fois de plus, la dualité de ce qu’il éprouve pour Kyung-Tae : comment peut-il à la fois être si à l’aise et si gêné en présence de la même personne ? ”That’s- That’s just a stupid drawing”, cède-t-il pour toute réponse, entrecoupée par une expiration gênée, sans le quitter des yeux. Un stupide dessin sur lequel il a passé des jours, pour lequel il a sorti son plus beau papier (soit un papier légèrement cartonné de qualité moyenne). Mais le pire n’est pas les vents contraires qui l’agitent, mais bien de n’avoir aucune idée de ce que Kay pense et comprend de ce cadeau. Jesse a l’impression d’en avoir trop dit, mais surtout, de ne pas en avoir dit assez.

”I'm probably the most boring subject. How do you manage to do this?” Les lèvres de Jesse laissent apparaître un sourire sensiblement gêné. Il n’a jamais été du genre à se vanter sur son coup de crayon ; et de fait, rares sont même ceux à qui il a déjà montré ce qu’il considère comme de vulgaires croquis qu’il vaut mieux laisser enfermés dans ses carnets. ”Stop this. You’re not boring at all”, affirme Jay dans une expiration brève, cillant légèrement pour soutenir le regard du sorcier. ”I think you’re my favorite subject, actually.” Sa voix est plus basse lorsque les mots lui échappent, couverts par le tambourinement lourd de son cœur contre sa cage thoracique. Ses pupilles restent accrochées aux siennes, son souffle plus court désormais au cœur du silence et sous ce qui menace de remonter  - à commencer par un reflet de ses émotions cherchant à faire son chemin jusqu’à son regard, qu’il se voit contraint de détourner brusquement. Ce n’est pas le moment de laisser sa magie de métamorphose le trahir et afficher il ne sait quelle couleur. Il peut presque l’entendre crépiter sous sa peau, autant que les mots qu’il contient difficilement dans sa poitrine, le tout traçant un chemin brûlant le long de son corps. Pourquoi maintenant, quand cela ne lui arrive jamais ? ”Sorry I need to take a piss, I’ll just be a minute”, est tout ce que Jesse parvient à trouver pour se soustraire à ce tourbillon mettant à mal son esprit habituellement autrement plus droit et posé - fuck, such a fucking idiot.

En refermant la porte de la salle de bain dans son dos, Jesse pousse un long soupir de honte, de soulagement également. Il a juste besoin d’une minute, une courte minute pour se ressaisir et décider quelle est la meilleure route à suivre. Sa main est presque tremblante lorsqu’il ouvre le robinet pour laisser couler l’eau en continu dans le lavabo (il sait que Kay va lui faire une réflexion, peu importe, il l’aidera à payer une partie de la facture d’eau de ce mois-ci). ”Fucking shit”, souffle-t-il tout bas en découvrant ses pupilles d’un brun classique dans le miroir - tout ça pour une fausse alerte. Il vient passer sa paume sous le jet pour venir éclabousser son visage et se rafraîchir les pensées, massant une seconde ses paupières closes, y enfonçant avec force ses doigts pour se concentrer sur la légère douleur que lui procure le geste.

Jesse étouffe, depuis trop longtemps. Il ne supporte plus que difficilement cette impression de mentir constamment à Kyung-Tae, et que Kyung-Tae lui ment constamment. Le fil qu’ils suivent depuis des années est bien trop instable, et Jay vacille en permanence. Il vacille à chaque fois que Kay le prend dans ses bras et qu’il peut sentir l’odeur si particulière logée dans son cou ; il vacille à chaque fois qu’il se réveille collé contre lui en pleine nuit et qu’il se rendort ainsi sans se résoudre à bouger ; il vacille à chaque fois que Kay lui sourit et semble sincèrement heureux avec lui, comme aujourd’hui ; il vacille à chaque fois qu’il refuse de s’engager dans quoi que ce soit de sérieux avec les quelques hommes de son âge qu’il rencontre au Pegasus, à tel point qu’il a arrêté de s’y rendre depuis quelques temps déjà ; il vacille à chaque fois qu’il a dû se retenir d’avouer I already have someone quand cela n’est pas tout à fait exact ; il vacille à chaque fois qu’il effleure la possibilité de se déclarer à Kay.

Serait-ce si grave ? Aussi grave que de prétendre venir dormir dans son lit presque tous les soirs uniquement à cause des conditions déplorables dans lesquelles il vit chez sa mère ? Serait-ce aussi impossible qu’il le pense ? Il ne sont que tous les deux, jamais que tous les deux, derrière cette porte qui les protège du reste du monde. Ils seraient à l’abri, en sécurité, comme ils l’ont toujours été. Rien ne changerait, absolument rien, si ce n’est qu’ils n’auront plus à être gênés et à prétendre. ”Alright. Let’s go Jesse, you can d-- − Police! Open up!”

tw: homophobie, violences policières

A stupid drawing. Quand bien même Kay n'avait jamais eu l'oeil pour le dessin (un comble pour un faussaire de l'Angelus), il avait assez de jugeote pour voir qu'il ne s'agissait pas d'une idiotie – ce qu'il tenait entre les mains le touchait en plein cœur. Tous les dessins de Jesse, à vrai dire, parvenait à se frayer un chemin droit entre ses côtes : qu'il s'agisse d'une simple esquisse, d'une idiotie croquée pour l'amuser (ou se moquer), le résultat était le même et un fourmillement diffus parcourait son torse lorsqu'il posait les yeux sur un dessin de Jesse. Et ce dessin, ce dessin, lui... ”Stop this. You’re not boring at all. I think you’re my favorite subject, actually.” Nervous, flustered, lov... Les joues de Kyung-Tae se teintèrent, chauffant légèrement sous cette confession du bout des lèvres ; comme toutes les autres, comme celles qui précédaient et suivraient encore, jusqu'à ce que... Jusqu'à ce que quoi, exactement ? Kay avait beau tourner et retourner le problème dans sa tête, l'issue en changeait régulièrement, selon ses humeurs, ses résolutions – il s'agissait-là de la seule inconnue qu'il ne parvenait à résoudre, en dépit de son esprit rodé aux calculs complexes, fastidieux, de véritables casses-têtes qui n'arrivaient néanmoins pas à la cheville de celui que représentait Jesse. Tout était à la fois si simple, et si compliqué, qu'il était impossible de savoir par quel bout aborder ces non-dits épineux qui enflaient sans jamais éclater entre eux.

De gêne, Kay eut une expiration embarrassée en détournant le regard, un rire sans bruit pour échapper au faisceau du regard de Jay – ce dernier le sauva de l'embarras de devoir se remettre publiquement de ses émotions, de devoir lui renvoyer cette balle enflammée qu'il venait de lui envoyer, celle-là même qui semblait avoir éclaté sur ses joues chaudes, un formidable contraste avec le blanc neuf de ses baskets. Come on, I'm just, I'm basic... ”Sorry I need to take a piss, I’ll just be a minute.” Kyung-Tae releva les yeux, surpris par cette interruption brusque, puis par ce lever tout aussi rapide de la part de Jesse, ses lèvres dénuées de sourire, remarquées de son regard confus, lui faisant perdre le sien. ”Okay”, répondit Kyung-Tae avec lenteur ; il regarda Jesse disparaître dans la salle de bain, avant de pousser un soupir – son regard retomba immédiatement sur le dessin qu'il n'avait pas lâché, ses dix doigts tenant fermement (pour ne pas le laisser filer), délicatement (pour ne pas l'abîmer) le dessin que venait de lui offrir Jay. I think you're my favorite subject. Merde. Cette évidence crevait les yeux, étalée là sur le papier en des traits fins et précis – merde, merde. Ils ne pouvaient pas se le permettre ; ils ne pouvaient pas, n'est-ce pas ? Non, non, il aurait été atrocement stupide de jeter sur un coup de tête trois ans de silences, d'efforts, de déchirements occasionnels – chaque jour le rapprochait un peu plus de son objectif, du moment où il pourrait proposer à Jesse, enfin, de sortir de ce bourbier avec lui. Peu importerait s'il voyait clair dans son jeu, alors : ils seraient libres, Jesse serait libre, et qu'importait qu'il le choisisse lui ou décide de partir – Kyung-Tae travaillait à se résoudre à le voir partir, au bout du compte.
Mais ce dessin... Kyung-Tae se mordit nerveusement la lèvre. Il espérait que la sensibilité émotive de Jesse ne prendrait pas le pas sur son pragmatisme sous prétexte qu'il s'agissait d'une occasion spéciale. Son anniversaire était un jour comme les autres, pourquoi se serait-il mis en tête de... ”Police! Open up!”

Le sang de Kyung-Tae ne fit qu'un tour ; qu'est-ce que ? L'avait-on vu quelque part, mis la main sur un exemplaire de ses faux-papiers, remonté son dossier jusqu'en Corée ? Venait-on lui annoncer la mort de son père ? Et immédiatement, son esprit en alerte pris le pas sur le reste, retraçant à la vitesse de l'éclair tout ce qui pouvait lui porter préjudice dans cet appartement – il rangeait précautionneusement son matériel de faussaire dans ses tiroirs à triple-fond (le double était occupé par un paquet de cigarettes à moitié vide, un leurre basique), possédait encore quelques effets moldus (comme tout le monde, non ?), et il espérait que Jesse n'avait pas ramené d'alcool pour fêter son anniversaire. ”Open up or we will do it for you!” Fuck, fuck, fuck – c'était une erreur, ou une visite de courtoisie pour une affaire qui ne le concernait pas, fuck. Kyung-Tae se leva précipitamment, déposant à la va-vite le dessin sur le bord du lit avant d'aller à la porte, manquant de trébucher sur ses lacets défaits.

Deux officiers de la Brigade se tenaient sur le pas de sa porte. ”Good evening, would you let us have a little tour inside?” ”I'm sorry, I am busy at the mom...” ”It will only be a minute”, fit-on en repoussant Kyung-Tae contre la porte pour pénétrer à l'intérieur. Fuck fuck fuck. Son cœur tambourinait contre son torse, tandis que son esprit se précipitait pour construire les bases maladroites d'une barrière d'Occlumancie ; ils avaient tous les droits, Kyung le savait pour avoir passé des heures penché sur l'épais code civil (et écouté les récits de Jesse), même celui de saccager son appartement s'ils le désiraient. ”Why are you, why are you here?” fit-il devant les deux sorciers qui avaient dégainé leurs baguettes respectives. ”We've had a complaint about some inappropriate behaviour”, répondit-on sans le regarder, examinant l'intérieur modeste du studio. L'autre officier, mutique, entreprit de fouiller les papiers sur le bureau de Kyung-Tae – des notes pour ses cours, des listes anodines pour sortir ses idées de son esprit en surchauffe.
Inappropriate behaviour? La liste des lois concernant les mœurs locales défilèrent avec rapidité devant ses yeux : l'alcool, les clopes, les rares plans avec des hom... ”Are you a fag?” Kay perdit immédiatement ses couleurs, tandis que le regard bleu trouvait le sien. ”A neighbour told us you had a special friend coming over quite often. So, are you a fag?” reprit-il avec un ton faussement affable tandis que l'autre se penchait vers Dona, sur le bureau. ”N, no, I'm not a...” Sa voix mourut dans sa gorge, l'Occlumancie gauche érigée en un mur branlant dans son esprit – il s'écroulerait au premier souffle d'un Legilimens, particulièrement si on l'interrogeait sur Jesse.

Il y eut un bruit dans la salle de bain ; les veines de Kay se glacèrent dès l'instant où il vit les deux têtes pivoter en direction des toilettes. ”Are you on your own?” ”That's just my girlfriend, let this-,” sa voix forte, qu'il espérait résonner jusque chez Jesse, s'interrompit dans un couac : le dessin de Jesse avait glissé au sol, juste sous les pas de l'officier mutique. ”Fuck, no!” Il se rua en direction du papier ; prenant son saut pour une attaque, un sort virulent le cueillit en plein ventre, lui arrachant un cri, l'envoyant valser contre l'armoire à côté du lit dans un craquement. ”Well then, who's this?” Une douleur sourde cognait sous le crâne de Kay, empêtré dans ses livres; il lutta pour ouvrir les yeux, un goût de fer dans la bouche, le cœur en panique.

tw:violence policière, homophobie

Le coeur de Jesse tombe lourdement dans son estomac, un choc brutal lui coupant momentanément et brusquement le souffle, d’autant plus violent face aux émotions qui l’agitaient déjà, et à ce qu’il s’apprêtait à faire. Toute cette préparation envolée, oubliée en l’espace d’une seconde. Ces trois coups résonnant dans l’appartement, et cet ordre menaçant scandé depuis l’autre côté de la porte, Jesse ne les connaît que trop bien pour complètement perdre son sang-froid une fois le choc passé. Il ne compte plus les fois où la Brigade a frappé chez Tess, la police magique appelée par des voisins voyant d’un mauvais oeil cette famille trop hétéroclite, trop nombreuse, trop mêlée, avec à sa tête une mère trop jeune, ramenant dans l’immeuble trop d’hommes trop louches, quand ce ne sont pas les professeurs des plus jeunes qui appellent directement les forces de l’ordre pour “vérifier dans quelles conditions ils vivent”. Jay a rapidement compris qu’il n’était pas question de services sociaux dans ce pays, et plus d’une fois il a supplié, convaincu, menti aux officiers pour détourner leur attention et prévenir sa famille d’être séparée du jour au lendemain.

Mais cela n’a rien à voir avec l’habituelle visite de courtoisie qu’il essuie de temps en temps. Cela n’a rien à voir, car ils sont chez Kyung, que Kyung est seul face aux officiers de la Brigade de l’autre côté de la porte, et que Jesse n’a aucune idée de pourquoi ils viendraient fouiner ici. Merde. Pas un instant il ne pense que Kay pourrait être en tort ; c’est forcément de sa faute. Est-ce que les deux incapables à la tête de son réseau d’escorte se sont fait prendre, et lui avec ? Est-ce que Tess s’est faite cueillir droguée et alcoolisée jusqu’aux yeux, et la Brigade est remontée jusqu’à lui ? Est-ce que les forces de l’ordre ont découvert son affiliation avec la Résistance ?

Merde, oh merde, est-ce que-- ”Are you a fag? A neighbour told us you had a special friend coming over quite often. So, are you a fag?” Merde. Evidemment que c’est de sa faute. Kyung, un étranger qui peut se retrouver renvoyé du Royaume-Uni au moindre faux pas, la seule personne qu’il a jamais aimé d’un amour brut, véritable, pesant par moment, est dans la merde par sa faute.

La culpabilité n’a même pas le temps de se frayer un chemin jusqu’aux synapses de Jesse. Il baisse une fraction de seconde les yeux sur son poing, où ses ongles se sont enfoncés dans la chair de sa paume sous l’impact de cette réalisation, avant de les relever jusqu’au miroir. Il ne prend pas un instant pour détailler ses propres traits ; plutôt, il les réorganise rapidement, les affine, les rajeunit légèrement, sans trop les éloigner non plus des siens, ni changer sa couleur de peau - autant jouer sur la carte de la ressemblance, si jamais ils ont reçu une description de lui. Ses cheveux s’allongent tout juste, alors que son corps, à l’inverse, se fait plus petit et s’affine, creusant des courbes légères à même sa propre chair. Il retient son souffle en inspectant une seconde seulement la jeune sorcière dont il a pris l’apparence, ébouriffant ses boucles courtes avant de baisser les yeux sur son corps, et son pantalon trop large désormais retombant sur ses hanches. Putain. Ses mains rendues tremblantes par l’urgence viennent chercher sa boucle de ceinture pour la défaire prestement, et laisser le pantalon glisser le long de ses jambes, tombant lourdement sur le sol en un bruit métallique. Fucking fuck, shit, f-- ”Are you on your own? − That's just my girlfriend”, peut-il entendre la voix de Kay répondre aussitôt de l’autre côté de la porte, et Jesse remercie l’esprit toujours vif et ingénieux du sorcier, sans parvenir à sourire face à leur idée synchronisée. Il n’a, de toute façon, pas le temps de se réjouir ; à peine fait-il un pas en direction de la porte qu’il peut entendre le son reconnaissable d’un sortilège, suivi d’un craquement lourd lui serrant violemment le cœur.

”Well then, who’s this? − What’s going on?” Jesse sort de la salle de bain avec précipitation, seulement vêtu de son t-shirt lui arrivant mi-cuisse et d’un caleçon, le brun factice de ses iris faisant mine de découvrir la présence des officiers en un regard paniqué. ”Baby, are you alright?”, s’exclame-t-il en servant son meilleur accent britannique, découvrant Kay étendu sur le sol avec une partie de ses affaires, la lèvre visiblement ouverte. Jesse invoque tout ce qu’il a de force et de bon sens pour garder cette apparence sous l’émotion lui serrant la gorge à la vue de Kyung-Tae, blessé, agressé au sein de son propre appartement, par sa faute. Il cherche à se précipiter sur lui quand la main calleuse du policier se referme avec force sur son bras, Jay grimaçant en tournant son regard vers lui. ”Hey, stay still miss, or you’ll end up just like your boyfriend.” Sa grimace se fait plus prononcée lorsque l’officier le tire par le bras en raffermissant sa prise pour l’amener de nouveau jusqu’à la salle de bain, le voyant y jeter un bref coup d’oeil, tandis que les pupilles de Jesse, eux, ne parviennent à quitter Kay. ”So, here’s the girlfriend”, adresse le second membre de la Brigade en retrait à son collègue, ce dernier ne semblant pas vouloir l’entendre de cette oreille, insatisfait par une résolution si simple du problème. Les grands yeux noisettes de Jay s’ouvrent un peu plus lorsque son vis-à-vis se penche vers lui d’un air menaçant, ses doigts s’enfonçant dans sa peau à mesure qu’il se rapproche, avec la visible intention d’y laisser une marque. Son of a bitch. ”Come on, be a sweet girl and tell us who’s the boy visiting your boyfriend. − Wh-What-- − If you’re good, we won’t drag you to the Ministry.” Pas une seule seconde Jay n’y croit : ils n’ont rien, rien contre eux, si ce n’est une délation hasardeuse d’une personne anonyme. Il lui faut juste tenir assez sa couverture et être convaincant, et Kyung sera tranquille.

C’est avec une certaine assurance, et une expérience non négligeable pour jouer la comédie que ses yeux s'humidifient légèrement, brillants dans les yeux de l’officier. ”There’s no boy, I’m coming over everyday, I-I don’t understand. It’s just the two of us, we were just celebrating his birthday, what- who could make up something like that?” Son regard revient malgré lui à Kyung, son cœur prêt à éclater de nouveau en redécouvrant le sang sur son visage, contenant du mieux qu’il peut son envie d’écraser son poing dans celui du sorcier. Un soupir à l’autre bout de la pièce attire son attention, l’autre policier semblant visiblement commencer à s’impatienter. ”Alright, what do we do?” Just get the fuck out of here.

tw: violences policières, angst

Le regard de Kyung valsa nerveusement entre les deux partis, tandis qu'il se redressait difficilement dans le fatras de (précieux) livres, une main à ses côtes. Ces dernières semblaient s'être refermées comme les pattes d'une araignée sur ses deux poumons, les comprimant pour en sortir une respiration sifflante, difficile, tandis que ses yeux accrochaient la silhouette transformée de Jesse. ”I'm coming over everyday”, fit la voix inconnue. Kay manqua de glisser sur un grimoire des principes basiques de l'arithmancie divinatoire et lâcha une exclamation basse qui lui attira le regard mauvais du plus belliqueux des brigadiers. Le talent d'acteur de Jesse n'avait d'égal que celui de ses métamorphoses maîtrisées, remarquables, saisissantes par leurs détails ; deux qualités dont Kyung-Tae n'avait que peu l'occasion d'être le témoin, pour côtoyer le vrai Jesse, incapable de dissimuler la grimace coupable au-devant des plantes en pot desséchées par ses soins. Fear, fear, fear... La voix de Dona tambourinait dans sa cage thoracique douloureuse au rythme des battements rapides de son cœur – quelqu'un les avait vus, dans cet immeuble, quelqu'un avait vu Jesse à plusieurs reprises, possiblement entendu, au détour d'une porte ouverte dans un rire, d'un de ses transplanages assourdissants, capables d'outrepasser ses Silencio, et s'ils avaient un portrait de lui ?
Une sueur froide courait sur la nuque de l'étudiant.

”Alright, what do we do?” ”I don't know, what should we do, lovebirds? Shall we have a better look around, or take the both of you in? All this seems quite suspicious to me, neighbour telling us there's a boy coming here at night, leaving in the morning, no roomate on the paper, and here we come in and instead of the mysterious boyfriend we find a bird in the bathroom, way too lovely to be spending the night with you, birthday or not...” ”I'd go with him, he seems more likely to rat on himself than she would.” ”Hm... As much as I hate admitting you're right, I would hate even more not getting to the bottom of this case of the highest importance”, conclut le sorcier en enjambant une pile de livre et verre cassé en direction de Kyung-Tae, dont le cœur fit un bond brutal. ”No, I didn't do anything!” La main de l'homme se referma sur son col, tandis que sa baguette pointait dangereusement sur son nez. ”This is only a short trip to the station mate, you're in luck we haven't got the time to see what's under the mattress.” Une boule se forma dans la gorge de Kyung-Tae, coinçant les protestations qui cherchaient à se faire entendre face à la perspective de se retrouver au poste ; l'image des deux brigadiers découvrant l'ensemble de ses économies, bien trop conséquentes pour un étudiant de son pedigree, ses faux-papiers et les dessins de Jesse était autrement plus effrayante qu'un (énième) séjour au poste. Cette fois, au moins, Kyung-Tae n'aurait pas à partager de cellule avec son père larmoyant.

”Don't wait up, go home,” fit-il en accordant à Jesse un regard lourd de sens, tandis qu'on l'entraînait sans douceur en direction de l'entrée, ravalant le goût de fer dans sa bouche. I mean it, do not wait, not here, not alone. They could come back, they know you're here. ”I hate people in love, they're repulsive,” et le sorcier le poussa dans l'entrée, détournant ses yeux inquiets de Jay, le faisant trébucher sur ses anciennes chaussures, résister une seconde à leur poigne, le temps d'arracher sa veste au porte-manteau, avant que la porte de l'appartement ne claque sans transition.

Il tourna la poignée avec lenteur, dans un cliquetis de clé difficilement discret, face au verrou qui avait toujours été particulièrement récalcitrant, et pénétra à l'intérieur de l'appartement, seulement éclairé par le jour qui pointait.
La tête lui cognait avec violence ; la fatigue de la nuit passée sous l'éclairage cru du poste à forcer sur ses barrières d'Occlumens, au cas où, l'inquiétude de ne pas savoir à quelle sauce il allait être mangé, puis l'épuisement de comprendre que s'il passerait la nuit en cellule pour rien, il était désormais fiché aux yeux de la brigade, et aux yeux des voisins. Même la présence retrouvée de Dona, refermant le creux douloureux formé par son absence, bien que temporaire, ne parvint à retirer ce goût amer – son regard se posa immédiatement sur la silhouette qui s'était levée, de grands noirs, un visage trop fin, le même caleçon que quelques heures plus tôt. "기다리지 말라고 했찮아.." Il s'éclaircit la gorge, sa voix éraillée par les interrogations sans queue ni tête du sorcier ivre qui l'avait pris en amitié sitôt arrivé dans la cellule, replaça sa clé dans sa poche, détournant les yeux de Jesse tandis qu'il reprenait sa forme originelle, par pudeur, à la fois pour les métamorphoses d'ordinaire privées de Jay et pour les cernes marquées sous ses yeux tirés de fatigue et d'inquiétude.

tw:violence policière

Les yeux de Jesse n’ont de cesse de revenir à la silhouette titubante de Kyung-Tae et, de concert, la colère n’a de cesse de grimper en lui, prenant largement le pas sur la panique. Il sait qu’il lui faut rester calme et composé pour maintenir sa métamorphose, mais il ne peut contenir les émotions d’affluer dans son torse en voyant Kay dans un tel état - par sa faute. Il se retrouve forcé de serrer les dents et les poings pour ne pas envoyer son front valser contre le nez du grand gaillard qui le maintient toujours fermement ; cela ne servirait à rien, si ce n’est à lui procurer une satisfaction immense, de le voir pisser le sang comme il a fait saigner Kay. ”I'd go with him, he seems more likely to rat on himself than she would. − NO! No, please!” La voix aiguë de sa couverture résonne dans la pièce, et les oreilles des policiers semblent bien sourdes à sa supplication. Il n’a droit qu’à un regard en coin de celui qui resserre un peu plus ses doigts sur son bras. ”Hm... As much as I hate admitting you're right, I would hate even more not getting to the bottom of this case of the highest importance. − No, I didn't do anything!” Leurs protestations sont vaines, et ne font qu'aggraver leur situation, alors que le policier à l’écart brutalise et menace d’autant plus Kyung, sous ses yeux impuissants. Fuck, fuck, fuck. ”Please, let him go! You have the wrong person, there’s no boy, it’s just us!”, tente vainement Jesse avant de se faire repousser violemment par la brute épaisse, manquant de perdre l’équilibre sous le coup de la surprise et de l’émotion.

Il ne peut rien faire. Déjà les officiers embarquent sans douceur Kay, alors que Jesse reste sur place, mis face à sa impuissance. ”Don't wait up, go home.” Le regard du sorcier est sans appel, mais celui du métamorphomage lui répond avec la même assurance. No, I’m not leaving you, I don’t care. Comment pourrait-il même songer à partir, quand il sait Kyung dans une telle situation ? Il en est tout simplement hors de question. Il ne peut rien faire, rien faire de plus que de l’attendre bêtement ici, peu importe si une nouvelle escouade de la Brigade lui rend une petite visite. Il attendra. Il attendra jusqu’à ce que la porte d’entrée s’ouvre de nouveau sur le visage de Kay, cette porte qu’il fixe en battant des cils lorsqu’elle se referme sur les trois sorciers.

”FUCK! Fucking shit, fuck!” Le cri lui échappe comme un rugissement de frustration ; combien de temps a-t-il ainsi fixé la porte avant de revenir à la vie ? Il n’en a aucune idée - quelques secondes à peine, en réalité, qui lui ont semble être une éternité à constater l’absence déchirante de Kay. Il a toujours détesté se rendre seul dans son appartement, les quelques fois où il se permet à venir occuper son lit une heure ou deux entre deux jobs. Ce n’est que maintenant qu’il réalise que ces siestes solitaires improvisées sont un réel rêve, face au cauchemar qu’il est en train de vivre. Son pied valse contre le bureau, le coup faisant tomber quelques parchemins sur le sol, et seulement à cet instant, Jesse remarque la présence de Dona, dans son bocal, lui aussi manquant de s’écraser par terre sous l’impact. ”Fuck, sorry, I know, I know”, souffle-t-il entre ses dents en se détournant de l’animal, sa tête entre ses mains, alors qu’il reprend son apparence comme il reprendrait sa respiration.

Now what? Sa première pensée est de se rendre à la station la plus proche avec l’assurance d’y trouver Kay et de… De quoi, exactement ? De se faire embarquer aussi, interroger, que l’on découvre son identité, qu’il se mette doublement dans la merde quand les policiers réaliseront qu’il s’est joué d’eux, puis mettre son ami, lui aussi, d’autant plus dans la merde ? Non, non, non. Don’t wait up, go home. Il n’y a plus que cela à faire - attendre, et se préparer en cas d’une nouvelle visite des forces de l’ordre. Kay lui en voudra certainement, mais peu importe à Jesse quand il ouvre tous les tiroirs, tous les placards, pour trouver la moindre trace de produits moldus, de parchemins qui compromettraient l’activité illégale de Kay, tout ce qui pourrait potentiellement aggraver son cas, pour balancer le tout dans son sac de sport avec empressement. En se penchant pour ramasser un papier tombé au sol, son regard se pose sur une feuille non loin du lit, et aussitôt son coeur se serre, tout comme ses dents, en reconnaissant une empreinte boueuse de chaussures sur le dessin qu’il a passé tant de temps à peaufiner pour qu’il soit parfait. ”Fucking bastard...” Il détourne aussi vite le regard, pour empêcher le larmes qui lui piquent le nez de remonter jusqu’à ses yeux, et il reprend machinalement sa fouille.

Le sac est caché derrière une des dalles du plafond, que Jesse remet en place avec attention, un filet de sueur coulant sur sa nuque lorsqu’il descend de la chaise pour se laisser retomber sur le lit, le souffle court et la mâchoire toujours contractée. Il parvient peu à peu à retrouver ses pensées et un minimum de contenance, et il en profite pour envoyer un hibou à Abby. I’m working late tonight, feed the kids and don’t put the the littles to bed too late.

Les heures défilent - toujours pas de nouvelles de Kay. Jesse pique bien trop rapidement du nez sur son carnet, griffonnant à répétition le dessin ruiné pour se faire la main et s’entraîner à le reproduire pour plus tard ; en réalité, il cherche vainement un moyen de rester éveillé, infructueux alors qu’il sombre à plusieurs reprises, pour se réveiller en sursaut à chaque heure de la nuit et se tourner vers la porte, puis constater que Kyung n’est toujours pas rentré. Ce n’est qu’au petit matin qu’il fait un bond magistral en entendant la clé tournée dans la serrure. Aussitôt, il reprend son apparence féminine - on est jamais trop prudent, dans ce genre de situations. "기다리지 말라고 했찮아.." Mais il s’agit bien de Kay face à lui, les traits tirés et la mine blafarde, et Jesse sent une bouffée de soulagement éclater dans son torse, remonter jusqu’à sa gorge serrée. Il n’attend pas plus pour relâcher sa magie et redevenir lui-même, pour mieux se précipiter vers le sorcier en manquant de trébucher dans sa précipitation. ”Are you alright?”, s’écrit-il avec empressement d’une voix éraillée et encore empreinte de sommeil, alors qu’il glisse ses mains sur ses épaules comme pour mieux l’inspecter de près et constater la moindre trace de blessures, celle de sa lèvre fendue lui sautant immédiatement au visage. ”Did they hurt you? What did they say?” Il devrait certainement lui donner une seconde pour respirer et se poser, mais le besoin de s’assurer qu’ils l’ont rendu en un seul morceau (et surtout sans emmerdes) se fait trop pressant. ”Are you alright?”, finit par répéter Jesse, d’une voix plus calme, en glissant sa main sur sa nuque, son regard sondant ses pupilles avec une inquiétude visible.

”Are you alright?” La voix mi-endormie mi-paniquée de Jesse s'écrasa sur lui en une vague d'agacement soulagé : agacé par cette question logique, l'expression de l'inquiétude du sorcier à son égard, néanmoins irritante car l'obligeant à admettre les dégâts de cette soirée-cauchemar et de cette nuit humiliante où il avait durement réalisé que les choses ne pouvaient plus, désormais, rester comme elles étaient. Soulagé, ensuite, que Jay soit sain et sauf, assez pour s'endormir dans son lit – comme d'habitude, comme toujours, le symptôme de cette stabilité que Kyung-Tae affectionnait en secret, d'autant plus qu'il la savait éphémère. L'existence lui avait appris que sa vie, à lui, n'aurait jamais des airs de fleuve tranquille : sitôt qu'il se laissait aller à la douceur de l'eau après s'être assuré que l'horizon était dégagé, survenaient immanquablement, des tréfonds, des remous menaçant de faire chavirer la barque rafistolée sur laquelle il naviguait depuis l'enfance. C'était pour parer ces aléas que Kyung-Tae, depuis des années, s'échinait à réunir les fonds nécessaires, grattait la moindre opportunité décelée entre deux annonces, dans la Gazette : avec une longueur d'avance financière remarquable, il était aisé de faire face au gros temps, et les strates plus élevées se trouvaient, de toute façon, être en eaux autrement plus tranquilles que le fond du panier où Jesse et lui se noyaient depuis trop longtemps.

Jesse. Le regard de Kyung coula sur ses traits avant de s'en détourner dans un battement de cils, tandis qu'il se défaisait de ses chaussures neuves dont les lacets se défirent au premier tortillement de cheville. ”Did they hurt you? What did they say?” ”Jay...”, commença-t-il d'une voix basse, un murmure fuitant entre les inquiétudes pressantes de Jesse, lui enserrant le cœur d'un sentiment par trop doux, rendant la situation par trop douloureuse. ”Are you alright?”, Le cœur de Kyung-Tae fit une brusque embardée en sentant ses doigts se refermer sur sa nuque : la tendresse de la caresse, la chaleur de sa paume - son regard, attiré comme un aimant par cette douceur brusque, revint immédiatement aux pupilles noires et rondes comme des billes de Jesse. Concern, fear, love, love, love... ”I'm fine, I'm used to it”, fit-il dans un soupir irrité, échappant à cette amorce d'étreinte pour se diriger vers Dona qui les considérait depuis son bocal : il fronça les sourcils en manquant de marcher sur ses parchemins, au sol, se pencha pour les ramasser et les replacer sur le bureau sans commentaire, son esprit tourné vers les événements de la nuit écrasant la contrariété de retrouver ses affaires au sol – une récurrente qui se produisait parfois après le passage de Jesse, qui prétextait une pure coïncidence avec un sourire crispé.

Kyung-Tae plongea la main dans le terrarium de Dona pour la ramasser avec autant de délicatesse que lui permettait ses sens émoussés par la fatigue et l'inquiétude, prenant son temps dans le silence retombé sur eux, un contraste bienvenu avec le vrombissement continu des néons, au poste. Après plusieurs heures loin de Dona, le besoin de l'étreindre devenait presque vital ; Kyung-Tae ignora l'empreinte chaude des doigts de Jesse qui cherchait à s'étendre sur le reste de sa peau, elle aussi. Leurs étreintes, à eux, restaient sporadiques, réservées aux cas d'urgence – aux cas d'urgence de Jesse. Kay, lui, n'avait jamais cherché le réconfort des bras de son acolyte ; ce n'était pas son genre, d'enlacer, et cette entorse à son caractère aurait sans aucun doute été par trop significative pour ce qu'il désirait montrer.

”They didn't come back, right?” fit-il finalement sans se retourner, se débarrassant de sa veste, une manche, puis l'autre sans relâcher son animal-lié contre son coeur, un coup d'oeil en direction de Jesse pour s'assurer de son bon jugement. ”The Brigade can't come back here, with all my stuff...” I can't stay here. We can't. Sa veste retomba mollement sur le dossier de sa chaise de bureau et Kyung releva plus sûrement les yeux vers Jesse, détaillant l'éclat de ses yeux inquiets dans la pénombre. La Brigade ne pouvait rien trouver de ces interdits redoutablement bien dissimulés : ses faux-papiers, ses effets moldus, Jesse. Sans les capacités de métamorphose de ce dernier, tout aurait été compromis – jusqu'aux rêves d'eaux claires et lisses. ”You should have gone, they could have come back, commença-t-il tout bas, sondant son regard en refermant ses doigts sur Dona comme pour l'enrouler avec son cœur, entre ses côtes, avant de se défaire de l'onde immense des yeux de Jesse pour se diriger cette fois vers le lit, son cœur pressant l'allure sur un rythme malaisé de le trouver aussi anxieux que lui. We're on the radar now, apparently.” Saletés de voisins – Kyung avait ses suspicions quant aux langues de basilic qui avaient pu les dénoncer.

Qu'importait, pour l'heure ; il se laissa tomber au bord du lit sans grâce, résista durement à l'appel du confort familier de son matelas et des couvertures où s'était, comme d'habitude, accrochée l'odeur de Jesse. ”We're not safe here.” Son regard s'était posé sur lui et ses traits légèrement bouffis par le manque de sommeil – pour que Jesse dorme si peu, et si légèrement, c'était que la situation était critique, un constat qui alourdit un peu plus le cœur chargé de Kyung-Tae. ”I'll have to look for another place.”