tw: mention de violence, angst

Il avait travaillé tard, penché sur le dernier certificat d'une icône catholique - une gravure, d'après le descriptif qu'il avait d'abord soigneusement recopié dans son carnet personnel (avec la date de commande, la date d'exécution, et la date de livraison, autant de colonnes organisées en face du prix de la transaction). D'autant plus tard qu'il n'était pas tranquille, ou tout du moins pas autant qu'il aurait dû l'être - le bracelet le reliant à Jesse, à son poignet, attirait régulièrement son regard au-dessus du parchemin, comme toujours lorsqu'il sortait avec un client.

Il avait poussé un soupir en se laissant aller au fond de sa chaise, s'était frotté les yeux sous ses lunettes - travailler la magie d'aussi près, la nuit, nécessitait le port de verres correcteurs dont il se passait le jour, lorsqu'il levait le nez hors de ses livres - et avait considéré un instant le paquet de cigarettes sur le bord de son bureau, un des multiples objets dispersés par Jay dans son appartement.
Il s'était mis au lit après une cigarette, et après avoir longuement tourné dans ce lit double où manquait la présence rassurante de Jesse, il avait fini par s'endormir, plongeant dans un sommeil agité, lourd de ses inquiétudes inconscientes - de ne pas avoir terminé le certificat, d'avoir repoussé encore son rendu d'arithmancie avancée pour la semaine suivante, de se demander quand il rentrerait, s'il rentrait seulement chez lui.

Kyung-Tae fut tiré de son sommeil sans rêve, peuplé de volutes désagréables et d'émotions poisseuses, dans un sursaut. "Jay?" fit-il en se redressant avant même de le voir, sa vision floutée par son demi-sommeil dans la pénombre de l'appartement - lorsque sa rétine fit le point sur la silhouette retirant ses chaussures dans l'entrée, Kay se frotta les yeux en fronçant les sourcils, tatonnant à la recherche de sa baguette sur la table de nuit. Blocked. Unsettled. Le radar à émotions de Dona lui envoyait une myriade de ressentis intenses, confus, plus fidèle que sa vue, qui, elle, lui transmettait l'image d'une (trop) jeune sorcière, moulée dans une robe à l'état désastreux (déchirée, fuck). "What happened?" Il referma les doigts sur sa baguette, alluma la lampe de chevet d'un simple mouvement de poignet, sans quitter Jesse du regard - il était désormais capable, s'était-il rendu compte avec une étrange stupéfaction, de le reconnaître sous ses transformations, par ses expressions, sa démarche, l'intonation de sa voix. "Who did this to you? Are you okay?" Ses sourcils se froncèrent tandis qu'il posait un pied à terre pour se lever gauchement, le corps encore lourd de sommeil, pour se diriger vers lui, et constater avec effroi les déchirures de sa robe ; Jay revenait rarement habillé en quelqu'un d'autre, pour ne pas dire jamais - il y avait un problème, et Dona s'était amassée au bord de son bac rempli de gravier, continuant de lui envoyer la liste des émotions de Jesse.

tw:violence, mention de sexe, dubious
consent, crude language, angst

”Hey!” Jesse ne s’est pas vraiment formalisé, quand le sorcier l’a poussé un peu brusquement sur le lit avant de déchirer le décolleté de la robe moulante qu’il lui a demandé de revêtir en début de soirée. Il l’a prévenu en amont, après tout - I like it rough and messy. Et Jay a connu bien plus rough et messy que de se faire trimballer de la porte au matelas en un rien de temps, ou de voir ruinés des vêtements pour lesquels il n’a de toute façon pas payé. Il ne s’est pas formalisé non plus lorsque, dans son dos, le client a de nouveau déchiré le tissu couvrant sa peau, puis qu’une sensation froide et humide lui est parvenue, comme si l’on dessinait directement sur son corps. It’s just to make you prettier. Alors, Jesse a retourné la tête vers la tête de lit sans trop se poser de questions ; là aussi, il en a vu d’autre, comme ce drôle de type qui s’était acheté ses services, une fois, uniquement pour peindre sur son corps nu puis l’observer des heures durant sans bouger. Comme dans de nombreux cas, évidemment, il aurait, et de loin, préféré que l’homme s’affairant dans son dos lui demande plutôt que de le mettre devant le fait accompli ; mais ses quelques années de pratique lui ont bien comprendre qu’on le met toujours devant le fait accompli.

Jesse ne s’est pas vraiment formalisé, jusqu’à ce qu’il sente, à la surface de sa peau comme au plus profond de lui, un picotement paresseux, similaire à la fatigue physique qu’il ressent trop souvent en gardant une apparence qui n’est pas la sienne. Similaire et désespérément différent. Sous cette pellicule ne lui appartenant pas a commencé à gratter son propre corps, et le picotement s’est fait démangeaison dès qu’il a été identifié, dès que Jesse a réalisé que sa chair était figée - cette même chair qu’il peut constamment sentir se mouvoir sous sa peau, le ronronnement habituel de cette magie avec laquelle il est né. ”What the fuck did you do to me?”, s’est-il écrié avec colère en repoussant le sorcier, avant d’essuyer une gifle déséquilibrant brièvement ce corps autrement plus frêle que le sien. Et ce n’est pas tant l’impact sur sa joue que le constat qu’il lui était impossible de retrouver son propre corps qui a laissé Jesse coi un instant.

Dans une vie antérieure, dans un autre contexte, sûrement aurait-il renvoyé son coup au connard lui rigolant au nez en le voyant se redresser avec une rage si vive qu’elle aurait probablement coloré ses extrémités en temps normal. Mais Jesse s’est contenté de cracher une autre insulte haineuse, de se précipiter sur la bourse disposée sur la table de nuit ainsi que sa baguette, et de transplaner le plus loin possible.

Réveiller Kay à une heure plus qu’avancée de la nuit pour ça l’emmerde au plus haut point. Kyung a d’autres préoccupations, ses études et son job à gérer à côté, et l’idée même de lui amener plus d’ennuis encore (ses ennuis) lui est presque aussi insupportable que de ressentir ce silence étourdissant dans son corps. ”Jay?” Mais il n’y a que Kyung, vers qui il peut se tourner dans une telle situation. Il n’y a que Kyung, tout court, et même si son coeur bondit dans sa poitrine en entendant sa voix l’appeler dans le noir lorsqu’il pénètre dans son appartement, Jesse n’a pas hésité un seul instant quand il s’est agi de trouver de l’aide en urgence. ”What happened?” Ses paupières se plissent légèrement à la lumière qui vient soudainement éclairer la pièce, et il peut désormais voir le visage de Kay engourdi de sommeil tourné vers lui, détaillant cette piteuse apparence avec laquelle il se présente face à lui. Il baisse une seconde ses pupilles brunes sur cette enveloppe à moitié dénudée, dont la robe à moitié déchirée laisse apparaître un bout de sa poitrine ; mais surtout, il peut voir ses mains aux ongles longs et colorés trembler.

Cela fait longtemps qu’il sépare ces masques qu’il revêt de ses propres émotions, de Jesse. Et en cet instant, il peut les sentir exploser à même sa chair immobile, figée, bloquée. ”Who did this to you? Are you okay? − I don’t know”, s’entend-il répondre instinctivement de cette voix ne lui appartenant pas non plus, en relevant la tête vers Kyung, le souffle court et le visage de la jeune sorcière déformé en une expression de panique sensible - de colère, également. Putain de merde. Il laisse retomber aussitôt sa baguette et la bourse de gallions qui s’écrase au sol dans un son sourd et métallique, pour s’approcher avec précipitation du lit depuis lequel l’observe de la tête aux pieds Kyung. ”I don’t know what happened, I’m fucking stuck.” Le dire à voix haute fait remonter le long de sa trachée une nouvelle bouffée de haine, de frustration, de peur de rester ainsi bloqué pour toujours. Jay s’échoue au bord du lit en attrapant sans douceur ni patience les lanières de la robe pour la descendre jusqu’à sa taille pour exposer complètement la peau nue et laiteuse de cette enveloppe dans laquelle il se retrouve bloqué. ”I think that fucker did something to my back, ‘you see anything? What is it?” Can you help me? se retient-il d’ajouter en présentant son dos à Kay. Il n’a pas besoin de lui formuler, la question explicitée par cette situation inédite, sans réellement l’être.

tw: mention de violence, angst

"I don’t know.” La voix fluette de Jesse acheva de tirer Kay de son demi-sommeil - plus que son timbre inhabituel, calé un ton plus haut que d'ordinaire, ce fut le vent de panique qu'il y perçut qui sonna l'alerte.
Thank you, thank you, thank you. L'écho de cette agitation avait éclaté sur les traits étrangers de Jay, et le regard de Kay, lorsqu'il s'approcha, dériva sur l'état désastreux de ses habits - "you don't have security?" avait-il demandé à Jesse, qui l'avait regardé comme s'il venait de débarquer à dos d'hippogriffe, affublé d'une cape à paillettes et soufflant une langue de belle-mère. Avoir un filet, dans la profession, tenait du miracle ; l'illégalité de ses activités projetait Jesse dans une précarité si grande qu'il n'était pas étonnant, de temps à autre, de le récupérer dans des états déplorables.

C'était pour cette raison-là, précisément, que Kyung-Tae ne pouvait s'empêcher d'être inquiet lorsque Jesse sortait. Il n'était jamais complètement certain de le revoir en un seul morceau - et ce quand bien même il était vif et débrouillard, quand bien même il suffisait d'un frottement contre sa bague pour l'appeler au secours. ”I don’t know what happened, I’m fucking stuck.” Kyung-Tae replia une jambe contre lui pour lui laisser la place, sur le lit, agitant sa baguette aussi bien réveillée que lui pour un Accio lunettes nécessaire à la lumière de la lampe ; il manqua de faire chuter ses lunettes en cours de route, lorsque Jesse se déshabilla devant lui avec une aisance à couper le souffle. Ce n'était qu'un corps d'emprunt, certes ; mais il s'agissait de seins bien réels, et, surtout, de la présence de Jesse sous cette peau claire. ”I think that fucker did something to my back, ‘you see anything? What is it?” "Wait, let me see."

Kyung-Tae reprit ses moyens aussi rapidement qu'il enfila ses lunettes, abandonnant sa baguette sur la couette pour en déplier plus facilement les branches ; son regard tomba immédiatement sur les trois runes sur le dos de Jesse, grouillant d'une magie vive, scintillante, dont le spectacle aurait pu être beau s'il ne s'agissait pas d'un verrou posé à même l'essence magique de Jesse. "개새끼.." Il y avait là Kenaz, Isa et Dagaz : l'énergie vitale et magique, l'arrêt sur image, les changements d'apparence - trois vieilles amies qui, ensemble dans ce contexte, figeaient pour mieux sceller Jesse sous une seule et unique apparence. "It's runic magic, it's like a hm, a... Shit... Kind of a lock... 인장, 인장 알아?" demanda-t-il en peinant à trouver son anglais, à peine extirpé des affres du sommeil, avant de se saisir de sa baguette en abandonnant la lutte de vocabulaire, "but I can fix it, yeah, I think." Ce n'était pas la première fois - il avait vu son père tracer ses runes à même sa peau, et lui infliger le même traitement (qu'il avait réitéré, plus tard, en se réappropriant cette pratique loin de son père). Il n'avait simplement jamais neutralisé de runes à même un corps vivant - dérégler les flux vitaux en souhaitant réparer l'erreur était l'un des quelques dangers de la pratique. "Did he touch you somewhere else?"

Il glissa ses doigts sur les côtes saillantes de Jesse - un contact fébrile sous la tension qu'il pouvait ressentir jusque dans ses muscles, les émotions vives du métamorphomage effleurant les siennes sous le regard de Dona, qui les observait depuis la table de nuit. "I'm going to try to erase them,", précisa-t-il en se penchant près de sa colonne marquée - les runes avaient été tracées avec rapidité, pouvait-il voir sans peine, approchant la baguette, "like a, hm, a, shit, a pencil and a..." Il soupira, se passa une main dans les cheveux pour les dégager de sa vision obstruée, et releva les yeux jusqu'au visage poupin de Jesse. "Okay, it may not feel good, you tell me."

tw:lowkey self-harm, angst

”Wait, let me see.” Jesse retient son souffle en rabattant ses longs cheveux blonds de l’autre côté de son épaule pour dégager son dos et laisser Kay l’observer. Parce que ses pensées commencent à s’agiter, lui revenant à toute vitesse de manière confuse et désordonnée, maintenant que le choc laisse place à la panique. Son esprit cherche, comme toujours, toutes les issues possibles à court terme : s’il n’y a, en fait, rien dans son dos ? Si Kyung ne peut lui faire retrouver son apparence ? Devra-t-il pointer à Sainte-Mangouste et supplier qu’on l’ausculte, sans avoir le moindre sous en poche pour régler la facture ? Ce n’est pas envisageable - le corps hospitalier le renverrait en rigolant, comme la fois où il a amené en urgence Lily souffrant d’une fièvre brûlante. No money no treatment, boy, lui a-t-on dit d’un air faussement désolé à l’accueil. No money no nothing, en réalité. Les gens comme eux ne peuvent compter que les uns sur les autres ; et Jesse n’a que Kyung, sur qui il peut réellement compter. "개새끼.." − Why, what is it?”, répète Jay en jetant un coup d'œil nerveux par-dessus son épaule - s’il pratique un coréen déplorable, il y a certains mots qu’il n’a pas besoin de demander à être répétés pour les comprendre. Et un frisson glacial descend le long de son abdomen en entendant l’insulte soufflée, en chemin inverse de la vague de colère brûlante remontant jusqu’au sommet de son crâne. "It's runic magic, it's like a hm, a... Shit... Kind of a lock... 인장, 인장 알아?" Peut-être qu’en temps normal, Jesse saurait ce que 인장 signifie ; mais il ne faut pas compter sur son cerveau trop embourbé dans ces émotions vives et furieuses pour aller puiser dans son vocabulaire peu étendu dans la langue natale de Kay pour lui faire saisir ce qu’il cherche à dire. ”What? No.” A lock, cela, il l’a bien emmagasiné néanmoins. Le mot résonne avec justesse en lui, fait écho à ce silence étourdissant sous sa peau, cette impression que son propre corps lutte en vain sous l’apparence de la jeune sorcière.

”But I can fix it, yeah, I think. Did he touch you somewhere else?” Une seconde, Jay garde le silence ; est-ce qu’il est censé lister tous les endroits où le sorcier l’a touché ? ”Not like that, no”, est tout ce qu’il trouve à répondre dans une expiration profonde, presque un soupir nerveux en refermant ses doigts sur ses genoux à l’air libre, les y enfonçant même, grattant cette peau qui la démange en une sensation fantôme, uniquement provoquée par son esprit - Jay en est conscient, puisqu’en réalité, il ne ressent rien, et là est bien tout le soucis. Il se tend légèrement lorsque la main de Kyung se pose sur sa peau à vif, et ses doigts s’enfoncent de plus belle dans la peau laiteuse, trop parfaite pour être réelle, de son enveloppe - pas seulement ses doigts, ses ongles aussi, désormais. ”I'm going to try to erase them.” La nervosité qui se glisse également dans la voix de Kay est douloureuse à entendre, presse le cœur de Jesse contre sa poitrine tandis qu’il contracte les mâchoires en l’entendant réfléchir à voix haute dans son dos. Putain. Putain. ”Okay, it may not feel good, you tell me. − Wait”, dit-il brusquement, d’un ton plus fort que précédemment, une intonation qui lui appartient bien, prenant presque le pas sur les notes fluettes de cette voix d’emprunt.

Dans un même temps, il se retourne complètement vers Kyung, l’arrachant à la vue des runes vraisemblablement tracées à même son dos, lui présentant plutôt le buste dénudé de la sorcière, et surtout, ses yeux d’un bleu factice qu’il plante fermement dans les siens. Ses doigts ont quitté ses genoux marqués par ses ongles dans un même temps, pour plutôt venir se refermer en une prise incertaine et nécessaire autour du poignet de Kay. ”Wait. You’re sure it won’t mess me up?” Son regard passe d’une pupille à l’autre du runiste, sondant ses réactions, à la recherche d’une pointe d’assurance pour combler celle qui manque cruellement à sa propre voix. ”You know what you’re doing, right?”, demande-t-il avec un sérieux sensible sans relâcher son poignet qu’il a arrêté dans son mouvement, s’accrochant à cette ancre comme il a pu parfois s’agripper entièrement à lui, ces fois où il cherche un peu de lumière auprès du seul pilier stable de sa vie. ”If you’re not sure, it’s alright, we’ll find another way, ‘cause I can’t have this get worse Kay. You’re sure?”, lui demande-t-il une dernière fois, le suppliant de son regard et de ses doigts contre sa peau de lui répondre oui avec toute l’assurance du monde.

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"Wait." Kyung-Tae redressa la tête, pour voir Jesse se retourner d'un mouvement vers lui - au dos couvert de runes succéda la poitrine dénudée de l'enveloppe de Jesse, et les yeux du sorcier bondirent jusqu'à ceux du métamorphomage en sentant ses joues chauffer, ses doigts se refermant autour de son poignet. "Wait. You’re sure it won’t mess me up?" On pouvait lire la panique et la colère dans l'onde bleue de son regard, la crainte sensible de ne pas retrouver son don de naissance - Kyung fut saisi par cette stabilité artificielle, l'absence des frémissements colorés sur la peau de Jesse, lorsqu'il était en proie à de vives émotions. "You know what you’re doing, right?" "Jay", commença-t-il devant cette absurdité (s'il y avait bien une chose qu'il maîtrisait, en dehors des arnaques, c'était bien les runes) avant d'être interrompu de nouveau. "If you’re not sure, it’s alright, we’ll find another way, ‘cause I can’t have this get worse Kay. You’re sure?"

Le désespoir avait investi les traits inconnus en une teinte familière - Kyung-Tae le considéra un instant, ses yeux résolument vissés dans ceux étrangement bleus de Jesse. "Yes, I'm sure, runes don't change, paper or skin, it's the same thing," fit-il en oubliant de mentionner les légères différences qu'impliquaient ces deux supports : le résultat était le même et Kyung-Tae connaissait ses runes, assez pour ne pas dérégler la magie verrouillée de Jay. Il referma sa main libre sur le poignet de ce dernier, en une prise douce l'incitant à défaire la sienne ; ses doigts remontèrent jusqu'à la chair de son pouce en une caresse, faisant relâcher ses doigts pour les amener contre sa propre jambe, entre eux. "I'll work on Dagaz first, then Isa: the first one is linked to your appearance, visual changes and all, and the second one is freezing you, literally, so you may feel cold or numb when I get to it." C'était l'étape la plus délicate dans cet effacement qui, plutôt, consistait à aspirer la magie malvenue du runiste : heureusement pour eux, il n'avait pas mêlé son sang (ou pire, celui de Jesse) à sa magie. "Isa a powerful one, it can be used to freeze time if you're good enough, that's why it may not feel good." The bastard has made sure of it. Jesse n'avait, malheureusement, pas le luxe de passer en revue ses clients et clientes, avant de les rejoindre - et les bras cassés organisant ses rendez-vous lui donnaient, comme toujours, le strict minimum.

Kay le désigna (impatiemment) du bout de sa baguette, manquant de baisser les yeux pour mieux se rappeler (à temps) en quoi il se serait agi d'une erreur. "Come on, it's draining you. Turn around, trust me," il exerça une légère pression sur ses doigts, passa son pouce sur ses phalanges repliées, avant de les relâcher, ses yeux dans les siens, "I won't mess you up, I swear." Ou il allait, tout du moins, essayer de son mieux.

tw:mention de violence, angst

Rester ancré au regard de Kay, en cet instant, revient à se tenir au bord du vide, Jesse ne sachant vraiment s’il risque de dégringoler ou non. Il agit toujours avec cette assurance, celle d’un chat qui retombe constamment sur ses pattes et s’extirpe des situations les plus délicates ; et quand il la sent vaciller et qu’il n’a plus aucun recours, il sait que Kyung est un filet de sécurité fiable, qui le retiendra et l’empêchera toujours de s’écraser. Cela ne l’empêche pas d’être rendu presque tremblant face au torrent de ces émotions terriblement vives, et surtout, la peur bien réelle de sentir son corps gratter douloureusement à la porte de cette autre enveloppe jusqu’à son dernier jour. ”Yes, I'm sure, runes don't change, paper or skin, it's the same thing.” Les doigts de Jay se referment un peu plus sur le poignet de de Kay, et la danse de ses pupilles bleues passant d’un œil à l’autre du sorcier se poursuit, y cherchant encore et toujours cette confiance dont lui-même manque cruellement sur l’instant. La seule assurance qu’il a, en réalité, est qu’il pourrait mettre (et a déjà mis) sa vie entre ses mains ; c’est pourquoi il relâche fébrilement sa prise lorsque la main de Kyung vient chercher la sienne, et aussitôt ses doigts viennent se refermer sur les siens, à la recherche d’une nouvelle ancre à même la jambe de son sauveur.

”I'll work on Dagaz first, then Isa: the first one is linked to your appearance, visual changes and all, and the second one is freezing you, literally, so you may feel cold or numb when I get to it. Isa a powerful one, it can be used to freeze time if you're good enough, that's why it may not feel good.” La colère revient se mêler à la panique, brûle sur son passage ses poumons et sa gorge, se faufile entre ses lèvres en un ”Fuck.” soufflé pour lui-même. Comment cet enfoiré a pu librement dessiner plusieurs runes à même sa peau ? Comment est-ce qu’il a pu le laisser faire, sans se méfier ? Comment a-t-il pu cesser d’être méfiant, et d’être si insouciant quant à ce qu’on peut faire à son corps ? Et pourquoi ne parvient-il pas entièrement à être en colère envers ce client malveillant, sa rage sur l’instant dirigée vers lui-même et sa désensibilisation ? Le sorcier a eu le temps de tracer trois runes, trois runes l'emprisonnant dans une chair étrangère, et Jesse n’a pas un instant pensé à se dégager, avant de sentir sa propre magie étouffer sous celle de l’inconnu. ”Come on, it's draining you. Turn around, trust me.” Par réflexe, le regard de Jesse se baisse pour accrocher la caresse sur sa main, avant que Kyung ne le relâche pour de bon. ”I won't mess you up, I swear”, ajoute ce dernier, attirant les yeux vifs du métamorphomage, animés par cette foule trop denses d’émotions, de ressentis également, bataillant sous sa peau et grattant continuellement son épiderme. Kay a raison : ce verrou magique le draine ; il peut le ressentir au travers de ces vagues paresseuses, familières, qui s’étendent progressivement dans tout son corps et commencent discrètement à l’épuiser. ”Okay. Okay, let’s go”, abat-il après quelques secondes de silence à collecter ses pensées éparpillées, hochant vigoureusement la tête.

Ses doigts pâles et manucurés se referment sur la jambe de Kay, la pressent doucement, comme il pourrait passer une main dans son dos pour lui donner du courage, à lui aussi, et peut-être lui voler un peu de cette assurance, également. Après une bruyante expiration, Jay finit par se retourner, sans relâcher pour autant la jambe du runiste dans son dos. ”Let’s do this”, répète-t-il, à moitié pour Kyung, à moitié pour lui-même, tandis que sa main libre vient agripper la couverture sur laquelle ils sont assise, en une autre prise hasardeuse. Jesse n’a pas peur de la douleur, ni d’être assailli par les sensations décrites par Kay, non - parce que peu importe ce que peut faire Kyung à son corps, il sait que ce sera toujours avec les meilleures intentions, et un amour sincère dont il se nourrit en cet instant où il n’a rien d’autre que cela. La loyauté et la présence infaillible de celui qui a toujours promis d’être là pour lui et qui, encore une fois, le prouve. Et même s’il se tend en serrant les mâchoires lorsqu’il sent la baguette effleurer son dos, ce n’est pas par peur. C’est parce qu’il bout de mille autres émotions, ressentiments, qu’il est trop épuisé et paniqué pour identifier.

"So cool." Sa première réaction, lorsque Jesse avait repris son apparence devant lui pour la première fois. Les occasions de le voir à l'oeuvre étaient rares, et, de fait, chacune était accompagnée par le regard fixe de Kyung-Tae - c'était un don fascinant, hypnotique, et qui l'aurait sorti de la merde de nombreuses fois s'il l'avait possédé, n'avait-il pu s'empêcher de penser au-devant des innombrables façons de s'en servir. Le nombre de jobs, légaux et moins réglos, le nombre de magouilles et d'arnaques ; adolescent, Kay avait été étourdi par le champ des possibles. So cool. Il n'en était plus si certain, à la détresse dans les yeux de Jesse, tue un instant sous ses réassurances, un goût amer sur ses souvenirs de gosse fasciné. "Okay. Okay, let’s go." Kyung-Tae relâcha le souffle retenu sans en avoir conscience, et ses yeux, manquant une nouvelle fois de chuter sur lui, furent attirés directement par la pression de sa main sur la sienne. Un contact simple, anodin, qui lui fit pincer les lèvres en remontant ses lunettes sur son nez. "It's gonna be fine", fit-il en réponse à cette caresse, volant la douceur de cette peau d'emprunt en y passant rapidement son pouce - chop chop, ils avaient du pain sur la planche.

Il relâcha ses doigts fins (plus encore que les vrais), pour se redresser légèrement, et reporter son regard sur le dos fourmillant d'une magie étrangère. "Let’s do this." Kyung-Tae inspira en resserrant ses doigts autour de sa baguette, les doigts de Jesse sur sa jambe une ancre instable, néanmoins bienvenue pour suivre ses ressentis sur l'instant, son visage dérobé à son regard. "Okay, stay still, and let me know if you feel anything... Bad", lâcha-t-il à défaut d'un meilleur choix de mot, son réveil rendu difficile par ce fâcheux événement, en se maudissant pour ce malheureux terme, sensiblement abrupt. Stay still, focus, don't get distracted. Jesse était une corde sensible, désagréablement chatouillée entre ses côtes à chaque aléas de leurs existences ; cela rendait ses interventions, en cas d'urgence, d'autant plus délicates, l'enrobant d'une nervosité qu'il haissait pour l'empêcher de fonctionner pleinement quand il en avait le plus besoin. Des runes indésirables, un appel au secours - toujours, le coeur de Kyung-Tae pressait douloureusement l'allure face à l'inquiétude qu'il puisse lui arriver quelque chose.

Il déposa de nouveau sa main dans son dos, refermant ses doigts fébriles sur ses côtes saillantes, à l'orée de sa taille ; ses yeux valsaient sur le tracé net de Dagaz, à la recherche d'une aspérité où commencer. "Alright." Il inspira en approchant sa baguette de l'accroche, convocant les bases de son occlumancie balbutiante pour stabiliser sa nervosité bouillonnante, et les combinaisons des hanja nécessaires pour ce sortilège qu'il redoutait toujours devoir employer sur le papier de ces runes - mieux valait recommencer, lorsqu'il en avait l'occasion. "마법 마, 빨아마실 유, 없어질 사, 魔䬽㩄."* Sa baguette vibra légèrement sous l'incantation ; et après une seconde de rien, la magie, au lieu d'en sortir, s'enroula autour de la pointe de l'objet, un lien seulement visible à ses yeux attentifs, fin et fragile, tenant sur la seule volonté de Kay.

Spoiler:

tw:angst

”Okay, stay still, and let me know if you feel anything... Bad − Yeah, yeah okay”, répond Jesse instinctivement, peu éloquent au coeur de cette tempête faisant remonter en lui bien trop d’émotions, sans savoir à laquelle se raccrocher pleinement, tant aucune n’est agréable. La seule éclaircie est la présence de Kyung-Tae dans son dos, et au creux de sa main refermée sur sa jambe. C’est sur cela qu’il concentre ses pensées cherchant à s’éparpiller vers les recoins les plus agités de son esprit. C’est sur cela qu’il concentre ses pensées, quand il ne voit plus la lumière au bout du tunnel, quand malgré sa force et sa résilience il peine à rester stable et droit, quand son ventre se tord lorsqu’il se présente à un rendez-vous chez un client Marqué ou qu’il sait potentiellement dangereux, quand Tess trouve l’une de ses cachettes et vole le fruit de son dur labeur pour aller le dépenser auprès du dealer du coin plutôt que de remplir les placards, quand il observe sa propre existence avec un minimum de recul. Sans Kay, elle serait terriblement vide, et délicate à porter.

Un frisson cavale le long de son échine au contact des doigts se refermant sur ses côtes, qui commencent lentement à souffrir de leur immobilité factice et imposée, comme le reste de son squelette ; la sensation fantôme s’étend jusqu’à la pointe de ses cheveux, figés eux aussi, et plus les secondes avancent, plus Jesse peut ressentir avec précision ce silence pesant dans sa chair alourdir son corps et les battements de son coeur. Il n’en dit rien - parce que Kyung va le sortir de là. ”Alright.” Le métamorphomage retient son souffle, pris à la gorge par la nervosité éclatant partout en lui lorsque la voix de Kay lui parvient, dictant des formules qu’il ne connaît absolument pas. Il reste immobile, à attendre impatiemment l’impact qui le libérera de ce sceau, peu importe si cela doit être désagréable : il a besoin de sentir quelque chose - tout plutôt que ce silence terrifiant.

Le temps lui parvient différemment, chaque seconde une éternité qu’il ne supporte qu’avec difficulté. Jesse manque de sortir de son mutisme pour demander à Kyung s’il parvient à quelque chose (et surtout, il manque de perdre espoir, l’espace d’un bref instant), quand il sent un picotement partir de l’extrémité de ses doigts, voyager jusqu’aux runes tracées dans son dos, où travaille la baguette cherchant à le libérer. Ses yeux s’arrondissent sous la sensation inédite, cette impression que l’on vient gratter sous des endroits indéfinis de sa peau, que Jay serait incapable de localiser - partout et nulle part à la fois. Alors il serre instinctivement les dents, en même temps que sa prise sur la jambe de Kay, son regard cherchant vainement un point d’accroche dans l’obscurité du petit appartement. You may feel cold or numb. C’est la seule façon de décrire ce qui traverse brusquement son corps ; une nuée de frissons fait se redresser jusqu’à la racine des cheveux blonds sur son crâne, et Jesse n’entend même pas le ”Hmm...” gémit roulant au fond de sa gorge. Chaque parcelle de sa chair est grignotée avec une lenteur étouffante par une morsure glaciale anesthésiant sa peau sur son passage. Jamais il n’a ressenti quoi que ce soit proche de ce souffle engourdissant jusqu’à ses pensées. Néanmoins, il reconnaît aussitôt là où la magie agit en lui : elle vient effleurer les mêmes flux que ceux branchés à son don de naissance. Sentir une force extérieure toucher à ces capteurs qui n’appartiennent qu’à lui laisse Jesse entièrement étourdi. Il s’agit de tout autre chose qu’un simple contact physique ; il s’agit là d’une source logée au plus profond de lui, de sa propre magie. Et c’est sans aucun doute cela le plus désagréable.

Difficile à dire, si Kay le prévient en amont, lui parle, quand tout son corps reprend soudainement sa respiration après avoir passé des heures la tête sous l’eau. Il brise précipitamment l’apparence de la sorcière pour s’imposer de nouveau à Jesse avant même qu’il n’en donne l’ordre, s’engouffrant dans la première brèche créée par les sortilèges de Kyung pour retrouver son souffle ; et dans un même temps, Jay prend une bruyante inspiration pour gonfler ses poumons d’un air qu’il a l’impression de retrouver à l’instant seulement. C’est un corps exténué qu’il retrouve, légèrement transpirant sous l’effort physique d’avoir tambouriné à la porte verrouillée par le runiste malveillant pendant il ne sait combien de temps. Aussitôt son apparence refaisant surface, la fatigue se diffuse sous la peau du jeune sorcier qui, à bout de souffle, se retourne à moitié vers Kay, juste le temps d’apercevoir son visage, puis de fermer les yeux pour venir poser la joue sur le haut de son torse, l’étreignant maladroitement, ou plutôt s’échouant sur lui fébrilement en refermant ses doigts sur son t-shirt en bas de son dos. ”Jesus fucking Christ...”

Il avait fallu s'y reprendre à trois fois ; trois sortilèges répétés du bout de sa baguette, de plus en plus chaude entre ses doigts moites, son front recouvert d'une fine couche de sueur devant cet exercice de haut-vol. Comme prévu, Dagaz avait perdu de sa brillance la première, la magie étrangère se décollant avec d'autant plus d'aisance qu'elle avait été tracée rapidement, sans attache ; puis, alors qu'il allait s'en prendre à Isa, Kyung-Tae avait retenu son souffle en sentant la peau de Jesse devenir froide sous ses mains. "Hang on, the first one is gone." Il avait serré les mâchoires au gémissement de douleur qui lui avait répondu, repositionné ses lunettes glissantes de stress sur son nez, et repris son souffle en invoquant une fois de plus les bases de son occlumancie débutante : focus, fuck, focus.

Les grains magiques sur la peau de Jesse avaient disparu avec récalcitrance, avalés par l'obstination du sorcier, et son corps avait retrouvé, au fil de l'oblitération difficile et pénible de la seconde rune, une tiédeur douce, puis, lorsque Kyung-Tae avait poussé un soupir en voyant Isa disparaitre, une main sous ses cheveux humides pour en effacer l'angoisse, une chaleur vive, éclatant sous ses doigts qu'il retira immédiatement, avec un début de sursaut - Jesse venait de changer d'apparence avec une rapidité éclair. "Wait-" commença-t-il avant que Jay ne s'échoue dans ses bras, le souffle rapide, une prise fébrile dans son T-shirt.

"Jesus fucking Christ..." Kyung-Tae referma la bouche et, vaincu par cette étreinte désarmante où il pouvait sentir la brûlure fiévreuse de Jesse contre lui, passa son bras dans son dos pour le soutenir, sa main sur sa hanche, son autre main refermée en un poing tenant sa baguette sur sa jambe. "There is one little thing..." reprit-il après une seconde de silence, son caractère consciencieux dérangé par ce dernier élément, baissant légèrement la tête, ses lèvres proches du front de Jesse. "There is one rune left, Kenaz... I don't need to erase this one, only to change it a little", fit-il de sa voix basse, résistant à la tentation de laisser aller complètement sa joue contre le crâne de Jesse, ses yeux baissés vers ce dernier sans le voir - il pouvait sentir son coeur battre rapidement contre lui, épuisé par cette course intérieure qu'il venait d'être contraint à faire. "It will help you get better the right way, your magic levels must be pretty low right now. You won't get sore, too." C'était là toute la différence entre la peau et le papier ; un bon parchemin magique pouvait être écrit, gommé, travaillé sans montrer de signe de fatigue - une peau, en revanche, était une enveloppe délicate, directement liée à l'être qui y respirait.

Kyung-Tae passa le bout de ses doigts sur la taille fine de Jesse, les y refermant avec douceur pour l'enjoindre à rompre cette étreinte douce, dans laquelle il aurait préféré se fondre, le coeur battant et la gorge serrée par ce contact entier, prêt à éponger sa fatigue, et caresser sa peau jusqu'à le sentir basculer dans le sommeil. "Lay on your stomach. It won't hurt this time, I promise", ajouta-t-il en cillant légèrement, l'idée même de lui faire encore mal, même par nécessité, lui tordant désagréablement le coeur.

Dans les bras de Kay, Jesse trouve tout ce dont il a besoin : la chaleur apaisante de quelqu’un l’aimant l’entourant, le contact rassurant de ses doigts sur sa peau, les battements de son coeur contre son oreille, sur lesquels les siens cherchent à se caler, l’odeur unique de son t-shirt où se mêle la sienne, l’assurance d’être libéré de la magie torturant la sienne. Aussi il se presse contre lui en gardant les yeux clos, et peu lui importe l’inconfort de sa position sur le moment, avalé par ce sentiment qu’il n’y a qu’ici qu’il sera jamais en sécurité. ”There is one little thing… There is one rune left, Kenaz... I don't need to erase this one, only to change it a little.” Jesse ne bouge pas pour autant en entendant Kay l’appeler de sa voix lui parvenant dans l’obscurité comme une berceuse supplémentaire ; il fronce simplement les sourcils à l’idée absurde de se mouvoir après avoir enfin retrouvé son corps, qui plus est dans un état de fatigue avancé. Il n’a pas la force de protester, uniquement celle de reprendre son souffle en de profondes inspirations brûlant ses poumons. ”It will help you get better the right way, your magic levels must be pretty low right now. You won't get sore, too.” Les paupières du métamorphomage s’ouvrent de moitié seulement lorsque la voix de Kyung-Tae l’appelle de nouveau, et ses doigts se referment d’autant plus sur son t-shirt en une prise faible. ”Yeah, alright...”, s’entend-il souffler tout bas - la fébrilité dans sa voix l’irrite sensiblement, mais au moins, il s’agit de sa voix.

La main de Kay glisse le long de ses côtes, se referme sur son flanc, et plutôt que d'ouvrir pleinement les yeux, Jay les ferme de nouveau. Il pourrait facilement s’endormir ainsi, vaincu par l’épuisement qui s’abat peu à peu sur lui, souffrant du contrecoup de ces émotions trop vives qui fondent avec lenteur dans son torse. Probablement le sorcier n’a-t-il pas conscience de la vague de chaleur bouleversant Jesse à ce simple contact, autrement plus tendre que ceux auxquels il a habitué sa peau et son corps. Et comme à chaque fois que Kyung-Tae le touche ainsi, l’esprit de Jesse réclame plus : toute sa tendresse, toute son affection, tout ce bien-être qu’il ne ressent que dans ces moments-là. ”Lay on your stomach. It won't hurt this time, I promise. − Wait.” Sa paume quitte la jambe du sorcier sur laquelle elle s’était échouée pour saisir la main de Kay, ses doigts s’enroulant autour des siens pour interrompre son geste. ”Just one more minute...”, demande-t-il en ramenant leurs mains jointes contre son torse soulevé par sa respiration aussi rapide que courte. Une minute, juste une minute, pour trouver la force de se relever et, quelque part, profiter de cette douceur agissant comme un baume sur les multiples plaies au fond de Jesse, d’avoir constaté à quel point il peut être un simple outil - il l’est depuis longtemps, mais jusqu’à ce soir, il ne l’a jamais été que pour lui-même, sous ses propres conditions.

Enfin, il relâche la main de Kyung pour s’appuyer sur le matelas et se redresser lentement, papillonnant lorsqu’il retrouve le regard du sorcier ; et de cette même gestuelle exténuée, il hoche de la tête, un échange silencieux pour lui dire qu’il est prêt pour passer à la suite. Une forme de honte, presque de gêne cherche à s’accrocher au reste de ses émotions se débattant toujours en lui, celle d’avoir réclamé ouvertement cette étreinte ; mais aussi rapidement qu’elle est venue, elle se voit ravalée par l’envie d’enfin clore cette mésaventure. Son regard se pose un instant sur la robe flottant sur ses hanches moins larges que celle de la sorcière, et d’un geste pudique, Jesse la réajuste en la descendant un peu plus bas pour ne pas être complètement exposé au regard de Kay. Lorsqu’il finit par s’allonger sur le ventre, ses deux mains aplaties sous sa joue, il ne s’en retrouve que plus gagné par cette faiblesse physique étourdissante et inhabituelle, les restes de cette magie encore gravée à même sa peau. ”Don’t let me fall asleep like that, alright? I really need to wash this off, and get change, and...” And thank you, and hold you. ”Yeah, let’s get this over with.”