Jamais Otto n’a pu se targuer d’entretenir une vie sociale fournie. Et de fait, jamais il n’a réellement eu besoin de la présence des autres pour s’épanouir - l’un des nombreux symptômes puisant sa source dans ces dix années à mariner dans sa solitude et à se voir vider du peu de souvenirs positifs qu’il avait par les effroyables gardiens d’Azkaban. Dix années à n’avoir que la voix de Marlon comme contact humain, de l’autre côté du mur séparant leurs cellules voisines, une imperceptible fuite de lumière qui lui a malgré tout permis de garder un semblant de sanité. C’est au coeur de cette épreuve mettant à mal leur humanité (et leur santé) qu’un lien s’est tissé entre les deux mangemorts, plus que par le biais de ces quelques années à travailler ensemble avant leur capture, ou même de cette brève aventure d’une nuit qui remonte à presque trente ans de cela. Assurément, Marlon fait des rares êtres qu’Otto peut hisser sans hésitation au rang d’ami.

Cela fait un moment qu’il n’a pas mis les pieds au manoir Travers, ni qu’il a réellement vu son ami de longue date. Ils se sont bien aperçus quelques fois au fil des années, aux importantes réunions de l'Élite, ou bien à celles de la Chambre depuis qu’Otto est définitivement rentré d’Amérique du Sud. Mais quelle est la dernière fois qu’ils ont vraiment pris le temps de discuter autour d’un verre ? Otto ne saurait le dire. Il a l’impression, en sonnant à la porte de Marlon, d’effleurer une partie de sa vie qu’il retrouve progressivement, au fil des semaines à redécouvrir ce qu’était son quotidien au Royaume-Uni, et ce qu’il devient maintenant qu’il ne vit plus à l’écart de la société britannique. ”Bonsoir Otto, je t’en prie entre. Ça me fait plaisir de te revoir après tout ce temps. – Bonsoir Marlon”, répond sobrement l’alchimiste en pénétrant dans l’imposante demeure de son confrère, non sans un sourire en coin au bord des lèvres qu’on lui connaît bien, aussi modéré que ses paroles. Il s’autorise un coup d’oeil à l’intérieur luxueux, semblable à ce dont il pouvait se rappeler du manoir Travers, et vraisemblablement comme neuf après l’attaque dévastatrice de la NSFW, il y a plus d’un mois de cela. S’il n’avait pas été auprès du Lord à ce moment-là, Otto aurait bien évidemment accepté l’invitation et assisté au mariage de Marlon, et surtout, il aurait fait un détour par chez lui pour s’enquérir de son état. Malheureusement, il a été contraint de le faire uniquement par courrier - quelques échanges de hiboux qui ont mené à ce rendez-vous en souvenir du bon vieux temps. ”Bien entendu. Je ne m’attendais pas à ce que ce soit comme neuf, d’ailleurs.” Le constat est logique, simple, sans jugement, et après une vive poignée de main, Otto se laisse guider jusqu’à la terrasse où souffle un agréable vent de soirée d’été - contrastant néanmoins avec celles qu’il a pu connaître en Amérique du Sud, sa constitution d’homme britannique ayant lors de ses premiers mois soufferts de ces lourdes températures tropicales.

Le regard éternellement sobre d’Otto se pose sur la bouteille qu’ouvre Marlon une fois qu’ils ont pris place, et l’ombre d’un sourire se dessine sur ses lèvres pincées ; pas besoin d’avoir vécu au Royaume-Uni pour connaître la politique stricte du Lord à ce sujet, et si Otto est un fervent supporter de la doctrine un esprit sain dans un corps, il peine à voir en quoi un petit verre (ou plus) ne lui permet pas de se maintenir en forme. Et il est ravi de découvrir Marlon du même avis. ”Bon retour au pays et longue vie au Lord ! – Longue vie au Lord !”, répond instinctivement Otto en levant son verre en miroir de celui de son hôte, avant de le porter à ses lèvres pour constater la qualité exceptionnelle du vin qu’il contemple un instant avant de porter de nouveau son attention sur Marlon. ”J’imagine que tu as tout un tas de choses à me raconter. J’ai si hâte d’entendre le récit de tes aventures.” Il a en effet dans sa manche de quoi tenir toutes la soirée ; comment résumer des années passées entre le soleil brûlant des pays où il a voyagé, et l’ombre de ses laboratoires de recherches ? Il y a tant à exposer, et surtout à garder sous silence, que même son amitié avec Marlon ne parviendrait à lui soutirer ; à commencer par Felix, quand bien même son vieil ami est très au fait de son attirance pour les hommes - ils ne parlent simplement pas de ces choses là.

”J’aurais peur de t’ennuyer Marlon. Il semblerait que vivre dans un pays exotique n’amène pas autant son lot d’aventures que ce qu’on pourrait l’imaginer”, débute-t-il avec une simple expiration en reposant le verre sur la table en laissant ses doigts enroulés autour de son pied. Il y a bien certaines choses qu’il peut se permettre de révéler à son ami de longue date ; après tout, Marlon a été son partenaire de recherches un temps, en plus d’avoir été lui-même Maître Chercheur de la Salle de la mort avant de devenir Chef de la Brigade. Ils baignent dans les mêmes eaux depuis une éternité, et c’est pourquoi Otto relève le menton avec un fin sourire. ”Tu dois t’en douter, j’ai principalement profité de ma présence en Amérique du Sud pour poursuivre mes recherches. Et je pense avoir fait des découvertes suffisamment intéressantes pour être rappelé par notre Lord à ses côtés. Bien évidemment, il me reste encore beaucoup à accomplir et, tu le sais mieux que quiconque, le Ministère met à ma disposition tout ce dont je pourrais avoir besoin.” Comme à chaque fois qu’il parle de son travail, une lueur passionnée s’allume au fond des pupilles brunes d’Otto, qu’il maintient fermement ancré dans celles de Marlon pour poursuivre sur un ton tout aussi factuel et léger. ”Et je dois bien avouer qu’il n’est pas désagréable d’être de retour au pays. Beth et les enfants sont ravis.” Si cela est vrai pour sa femme, il n’est pas certain que ce soit le cas pour ses fils, qu’il ne connait au final que peu - mais Otto n’y pense pas un seul instant, en répondant machinalement à son hôte.

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”Je crois effectivement avoir repéré la marque de ton travail dans un… projet de grande envergure. Je suis ravi que tes expériences aient porté leur fruit.” Évidemment, que Marlon a remarqué, qu’il sait. Ils ont travaillé un certain temps, aux côtés du père d’Otto, sur ces expériences au seul but de vaincre la mort et les affres du temps. S’il y a bien une personne au courant de la nature de ses recherches, ainsi que, probablement, les raisons obscures derrière la nouvelle apparence du Lord, si ce n’est le Lord lui-même ou ses proches, il s’agit de Marlon. Mais Otto préfère ne pas rebondir, pas pour le moment, se contentant de faire apparaître un sourire en coin en faisant tourner le pied de son verre entre ses doigts ; ils auront tout le temps d’aborder ce sujet au moment opportun. ”J’aurais aimé avoir le temps de continuer à travailler sur certains sujets, mais je crois qu’il était temps pour moi de quitter le département des mystères. C’aurait été peu professionnel de continuer à travailler avec celle qui partage ma vie. – Certes.” La réponse est sobre, comme bien souvent ; il a en vérité toujours pensé que son ami de longue date a fait une regrettable erreur en quittant le département des Mystères pour rejoindre celui de la Justice Magique. Que peut-il y avoir de plus fascinant que la recherche ? Même des années plus tard, Otto n’est entièrement parvenu à mettre le doigt sur ce qui a poussé Marlon à prendre la tête de la Brigade Magique - surtout quand eux-mêmes on été chassés comme des bêtes puis enfermés loin des leurs. Non pas qu’il serait réticent à chasser du terroriste à l’occasion (Liam le premier), loin de là, mais cela demeur pour l’alchimiste une zone d’ombre. Zone d’ombre qu’il respecte entièrement, bien évidemment, et donc s’est toujours retenu de commenter.

”Oui j’imagine bien que Beth doit être soulagée que tu sois revenu en ces temps si troubles. Comment se portent Nils et Jude ?” Otto est presque reconnaissant que Marlon ne s’aventure pas à prononcer le prénom de Liam dans la liste de ses fils. Il sait très bien ce qu’il en est, et qu’il s’agit d’un sujet sensible, si ce n’est tabou autour des Fitzroy. ”Fidèles à eux-mêmes. Jude est toujours le portrait craché de sa mère, il ne la quitte pas d’une semelle. Quant à Nils, il commence enfin à faire ses preuves. Il a accompagné à plusieurs reprises Beth en mission pour le Lord. Je pense que ce n’est plus qu’une question de temps avant que les choses ne soient rendues officielles.” Sa promotion à Sainte-Mongouste n’est pas mentionnée, ni autres informations triviales dont Otto n’a, de toute façon, pas connaissance. Sa relation avec Nils s’arrête à la surface de ce qui l’intéresse réellement : quand est-ce que son héritier prendra à son tour la Marque ? Le reste, il le laisse volontiers à Beth - c’est elle qui l’a élevé, après tout.

Et si cela ne l’intéresse pas, il n’y a aucune chance que cela intéresse Marlon, qui a posé la question par simple politesse. ”Que penses-tu des premières réunions de la Chambre ? J’aurais aimé que tu assistes à la réunion au Diogenes Club. Si tu avais pu voir tous ces vautours prêts à s’accaparer la place encore chaude de notre Lord bienaimé. Crois-moi, j’ai pris soin de noter quelques noms avant de quitter cette farce grotesque.” Une expiration amusée franchit les lèvres d’Otto, qui se retrouve à secouer faiblement la tête en soulevant de nouveau son verre. S’il était du genre expressif, peut-être même aurait-il levé les yeux au ciel ; mais il se contente de ces quelques gestes pour souligner son exaspération face à cette petite comédie jouée par Flint et Parkinson. ”J’ai eu droit à un compte rendu détaillé de Beth, oui. Même ma sœur m’en a parlé, tant elle était outrée par leur audace.” Et quand on connait Anna Fitzroy, on sait que la voir donner un avis, surtout échaudé, est plus qu’inhabituel. Et en un sens, Otto est ravi de ne pas avoir eu à vivre ce moment inconfortable et révoltant pour les vrais serviteurs du Lord, ceux qui n’ont jamais quitté ses côtés, ni douté de son retour. ”Pour être honnête, je n’aurais pas attendu ça de la part de Roy et Perseus. J’aurais été bien moins surpris d’apprendre que cette initiative venait de l’un des ces petits jeunes vindicatifs, ou même de ces étrangers opportunistes”, ajoute-il sur un ton égal. Il sait les reconnaître d’un coup d'œil, ceux brûlant d’une passion sincère pour leur Maître, ainsi que ceux qui ne sont là que pour saisir une juteuse opportunité leur permettant de saisir une miette supplémentaire de pouvoir - comme ces Zabini ou Mkapa. ”Toujours est-il que les réunions de la Chambre sont… intéressantes. Tu me connais, je ne suis pas un homme politique.” Une phrase lourde de sens qui n’a pas besoin d’être plus explicite, soulignée par ce sourire en coin qu'on lui connaît bien. Si Otto prend ce nouveau devoir à coeur, il préférerait largement consacrer ce temps à ses recherches et à son réel devoir. Mais il ne lui viendrait pas à l’esprit d’aller à l’encontre de la volonté du lord. ”Tu arrives à t’en sortir, d’ailleurs, entre ton travail, les réunions de la Chambre, celles de l’ASAP et ta vie de jeune marié ?”, demande-t-il à l’intention de Marlon en relevant le menton, en même temps que son bras pour revenir prendre une gorgée de ce vin exquis.

”A-t-on vraiment des hommes politiques au sein de la Chambre ?” Effectivement, et c’est pourquoi cette initiative a dans un premier temps surpris Otto ; avant de comprendre pourquoi le Lord n’a pas fait tomber la tête de Flint, et a maintenu la Chambre en place. Après tout, qui de mieux placé que ses plus fidèles serviteurs pour l’accompagner dans la gouvernance de cette grande nation, s’il juge cela nécessaire ? S’il a des réserves quant à la partie civile de cette nouvelle institution, il n’est pas désagréable désormais que l'Élite britannique ait un droit de regard sur les propositions de lois et sur les grands sujets animant la société. Porter la parole et la volonté du Lord est ce à quoi ils consacrent leur vie ; qu’il s’agisse de décimer des villages entiers, respirer des vapeurs alchimiques pendant plusieurs décennies, ou de jouer au politicien inexpérimenté, Otto ne rechignera jamais. Et il sait qu’il en est de même pour Marlon.

Il repose son verre tout en croisant une jambe pour se mettre à l’aise, confortablement installé sur sa chaise, le dos bien droit et le regard stable dans celui de Marlon. ”Tu sais bien que j’ai toujours fait passer mon travail et mes missions pour le Lord avant tout le reste. Eh bien, cela n’a pas changé.” La réponse n’a rien de surprenant ; pourtant Otto est ravi de voir que son vieil ami est resté inchangé. Si les rudes années qu’ils ont vécu ensemble, ou séparément lui ont appris quelque chose, c’est bien qu’il y a peu de personnes à qui l’on peut réellement faire confiance en ce bas monde, et surtout en ces temps troublés. Mais Marlon reste l’une de ces sources stables et immuables sur lesquelles Otto sait pouvoir se reposer en cas de crise. ”Je n’en attendais pas moins de toi”, commente l’alchimiste avec l’une de ces rares pointes d’humour qui se glissent parfois dans sa voix. ”Fort heureusement, mon épouse partage cette vision des choses. Un véritable bourreau de travail. Je ne serais pas surpris que tu la croises plus souvent que moi.” Il a en effet croisé à de rares occasions Freya au département des Mystères, sans échanger plus que de simples salutations de convenance entre collègues, et de ce qu’il a pu entendre dans les couloirs du Ministère, Marlon dit juste : sa femme semble être appliquée et impliquée dans son travail. ”Je n’en doute pas un seul instant. Il faudrait que vous veniez dîner à la maison tous les deux, nous serions ravis de faire officiellement connaissance avec ta femme, Beth et moi.” Il ne s’agit pas d’une invitation à la légère : Otto compte bien inviter le couple fraîchement marié dès que possible.

”Comment va Felix ? Je n’ai pas eu l’occasion de véritablement parler avec lui, depuis votre retour.” Otto attendait cette question, qui lui tire un discret sourire tandis qu’il déploie sa main pour la refermer sur son verre. Il a pris l’habitude, à ce qu’on prenne auprès de lui des nouvelles de son ancien partenaire missionnaire ; et de ce que lui a dit Felix, l’inverse est vrai également. Ils semblent indissociables dans l’esprit de nombreux confrères, ce qui fait entièrement sens - ils ont bien passé près de six ans à vivre ensemble à l’autre bout du monde, un duo improbable, qui a muté en quelque chose d’encore plus inattendu. Mais ce secret-ci est bien gardé, et doit le rester, peu importe la confiance qu’il peut accorder à Marlon ; cela ne concerne qu’Otto, Felix, et dans un sens plus large Beth. Personne d’autre. ”Eh bien, lui aussi, fidèle à lui-même. Nous l’avons invité à déjeuner avec ses enfants pas plus tard que la semaine dernière, d’ailleurs.” Si cela est vrai, le sorcier se garde bien de dire qu’il a également passé la soirée chez lui hier. Encore une fois, cela ne regarde qu’eux. ”Il semble avoir repris ses repères à la Wizard Values Defense Brigade. Mais tu dois le savoir mieux que moi, et d’ailleurs le voir plus souvent que nous.” Toujours ce nous, incluant Beth, pour noyer tout soupçon. ”Disons que nous avons eu peu d’occasions de discuter depuis notre retour. Comme tu le sais, j’ai été plutôt occupé ces derniers temps”, ajoute Otto avec un sourire fin, restant évasif tout en sachant que Marlon sait très bien où il veut en venir, et ce qui l’a tant occupé dernièrement.

”Néanmoins, j’ai été amené à revoir Felix récemment, oui. Mais pas forcément pour se remémorer le bon vieux temps autour d’un verre de vin. Son expédition punitive dans un quartier moldu aux côtés de Rodolphus, n’a pas dû t’échapper.” Oh, ça. Effectivement, Otto en a entendu parler, et par Felix lui-même. Il ne retient pas un sourire ténu d’apparaître sur ses lèvres pincées à la mention de cette fameuse escapade meurtrière. Comment les blâmer pour une chose pareille ? L’alchimiste connaît son compagnon sur le bout des doigts, et n’a pas été surpris le moins du monde d’apprendre qu’il a cherché à remettre au goût du jour la chasse aux moldus, démodée et franchement de mauvais goût, ou plutôt une perte de temps à laquelle il ne se prêterait pas lui-même. Mais c’est tout Felix, de trouver mille et une façons d’expier son énergie chaotique. Et c’est l’une des raisons pour lesquelles Otto ne se lassera probablement jamais de lui : il fait tant que lui-même ne penserait jamais, deux énergies parfaitement opposées et terriblement complémentaires à la fois. ”J’en ai vaguement entendu parler, oui. – ”Je ne sais pas ce qui les a poussés à commettre cette idiotie qui n’est plus de leur âge. Venant de Rodolphus, je pourrais aisément songer à un manque d’attention, mais de la part de Felix, j’ai été quelque peu étonné. Mais ce qui est sûr c’est que leur petite histoire aurait pu nous attirer bien plus de problèmes.” Otto ne peut juger Marlon pour sa surprise ; tout le monde n’a pas vécu quotidiennement avec le plus excité de Wickham pendant des années. ”Hm, Felix sait être là où on ne l’attend pas, c’est le moins que l’on puisse dire. Heureusement que tu as pu prendre l’affaire en main pour éviter des bavures supplémentaires.” Et surtout ne pas déclencher de procédures qui auraient pu mettre son compagnon dans une position inconfortable - même si, il faut dire les choses telles qu’elles sont, il ne l’aurait pas volé.

”Et tes heures de travail ont payé. Le résultat est remarquable. Bien plus réussi que sur Mulciber, soit dit en passant.” Le sourire d’Otto ressemblerait presque à un rictus naturel et sincère, laissant même filer une expiration légère d’entre ses lèvres, aux compliments de Marlon - et au petit coup au passage sur Mulciber. L’alchimiste n’a jamais été du genre à se vanter sur son travail, mais force est de constater qu’il ressent une fierté difficilement dissimulable au sujet de sa dernière œuvre. Il s’agit, après tout, du travail de toute une vie, et bien qu’encore incomplet à ses yeux de chercheur obsessionnel, ce qu’il a été capable de réaliser auprès du Lord lui-même est, sans conteste, son exploit le plus remarquable à ce jour. ”Phalaris est sur ma liste, assurément”, glisse-t-il en faisant tourner son verre entre ses doigts, fasciné par la malédiction de son confrère, et surtout persuadé qu’il pourra un jour percer le secret lui permettant de retrouver son apparence d’origine. ”Mais ma priorité revient et reviendra toujours au Lord. Nous avons encore beaucoup à accomplir, lui et moi. Et il ne fait aucun doute que notre route continuera d’être pavée de succès.” Cela ne lui ressemble que peu d’être aussi assuré, habituellement autrement plus pragmatique et mesuré dans ses paroles. Mais se laisser porter par l’agréable compagnie de Marlon, le goût du vin roulant sur ses papilles, et sa récente victoire, ne lui semble pas entièrement déplacé - et s’il y a des sorciers avec qui il peut se relâcher un minimum, son vieil ami en fait certainement partie. ”En parlant d’exploits, j’ai ouïe dire que tu avais réussi à mettre la main sur une partie des trouble-fêtes qui sont venus saccager ton mariage. Tu es parvenu à débusquer le reste du groupe ?”

”Enfin bon, tout le monde a déjà exploité au moins une fois les privilèges offerts par la Marque.” Certains plus que d’autres, c’est le moins que l’on puisse dire. Mais force est de constater que dans les rangs des Mangemorts, personne n’échappe à cette règle, et cet abus léger de pouvoir, parfaitement justifié aux yeux d’Otto. Ils sont représentants, en un sens, du Lord après tout, il est tout à fait sensé qu’ils puissent jouir de privilèges qui ne s’appliquent au commun des mortels. De là à aller massacrer des moldus pour le plaisir, quand on appartient à l’une des branches des forces de l’ordre… Il s’agit d’un choix questionnable, certes. ”Ce que tu as accompli là ne peut que présager le meilleur pour la suite. Je suis certain que tes projets pour le Lord se réaliseront.” Le soutien, l’encouragement même de son ami force un léger sourire sur les lèvres de l’alchimiste, qui incline tout juste la tête en avant en guise de remerciements. ”Je fais tout ce qui est en mon pouvoir pour que ce soit le cas”, répond-il avec une forme de modestie qu’on lui connait. Ne jamais vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué, c’est bien connu, et en tant que scientifique, Otto est assez prudent pour ne jamais s’avancer sur les résultats de ses expériences. Néanmoins, il est suffisamment confiant pour afficher cette mine assurée. Il n’a eu jusqu’alors qu’une marge d’erreur minime après tout, et ses efforts pour le Lord ont toujours payé.

Otto ne peut que relever l’ombre qui semble voiler un instant le visage de Marlon à l’évocation de la NSFW, et surtout de l’attentat dont son mariage a été le théâtre. Il n’en dit rien néanmoins, et noie la moindre remarque qui pourrait lui venir dans son verre de vin qu’il porte à ses lèvres. ”Oui, je crois pouvoir affirmer que ce groupuscule qui se faisait appeler la NSFW est désormais hors d’état de nuire. Pour la forme, certains ont eu la chance d’être envoyés à Gracefield.” Discrètement, l’alchimiste hoche la tête. Il n’est en rien surpris ; Marlon est aussi remarquable dans sa profession qu’il peut l’être dans la sienne. Et il n’a jamais douté qu’il se donnerait corps et âme dans la recherche du groupuscule terroriste, jusqu’à les réduire en cendres une bonne fois pour toute. Il était temps de mettre un terme à leurs effroyables actions ; il est regrettable que la famille Rosier ait eu à en payer le prix, puis Euan Yaxley, ainsi que d’innombrables autres victimes innocentes. ”Toutes mes félicitations, Marlon. S’il y a quelqu’un qui pouvait mettre fin à leur ridicule existence, c’est bien toi. J’espère qu’ils y croupiront pendant un moment”, commente-t-il avec une pointe évidente de mépris pour ces sauvages qui desservent complètement leur cause. Comment ne pas considérer les hybrides comme des monstres, après de tels agissements ?

”Néanmoins, nous ne sommes pas encore débarrassés pour autant de la menace hybride. La meute de sauvageons affiliée à Fenrir Greyback semble s’être dissociée de la NSFW pour mieux filer lors du soir de la grande arrestation. Mais j’ai bon espoir de remonter jusqu’à eux. Je te garderais quelques spécimens pour tes travaux, si tu le souhaites.” La mine d’Otto se montre soudainement particulièrement intéressée par cette proposition, et surtout par la mention de la meute Greyback. Il en a entendu parler à de maintes reprises, et ce qu’il a pu entendre à ce sujet est pour le moins surprenant - pour ne pas dire fascinant. ”Cela fait un moment que je n’ai pas entendu ce nom, tiens. Ce serait évidemment avec plaisir, même si je pense que tu ne me céderas pas si facilement et volontairement le spécimen qui m’intéresse le plus.” Une expiration basse (ce qui se rapproche le plus d’un rire chez Otto) file d’entre ses lèvres, alors qu’il poursuit : ”Tu dois bien reconnaître que leur Alpha mériterait d’être passé au peigne fin dans un laboratoire. Ce n’est pas tous les jours qu’on rencontre un lycanthrope aussi imprégné de sa malédiction.” Il n’utilise pas tant le terme de lycanthrope par respect pour ces créatures, loin de là - il ne fait qu’utiliser le terme scientifique désignant ces êtres. ”Toujours est-il que n’importe laquelle de ces créatures doit être intéressante à étudier. Je t’en serai reconnaissant, si tu parvenais à en faire descendre quelques-uns dans mon laboratoire avant qu’ils ne soient réquisitionnés pour Gracefield.” Le sortilège Bloclangue ne fait heureusement pas effet dans ce contexte-ci, où ils se trouvent en privé, et entre initiés, et Otto en profite pour glisser sur le ton de la conversation : ”D’ailleurs, je pense m’y rendre à la fin du mois. Simplement pour observer, évidemment. Est-ce que j’aurais la chance de t’y croiser ?”