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Tu avais beau habiter avec Kashmira depuis un certain temps maintenant, tu savais bien qu’il devait encore y avoir des tas de choses que vous ignoriez l’un sur l’autre. Et c’était tout à fait normal. Mais lorsqu’elle expliqua fièrement qu’elle savait conduire une voiture et une moto, tu ne pus retenir ta surprise. “Mais non, tu sais conduire une moto ? J’ai toujours rêvé de faire un tour. Mais ne le dis à personne hein, c’est mon petit plaisir coupable.” En tant que sorcier de sang-pur, qui travaillait de surcroît au Ministère, on ne se vantait pas d’envier la moindre chose au monde moldu.

Alors que tu croyais le sujet bouclé pour de bon, c’était sans compter la pugnacité de Mira qui revenait à la charge en te menaçant de dérober ton apparence pour inviter Freya à diner à ta place. "Ça va, ça va. Il faut au moins deux mois pour faire du polynectar. J’imagine que d’ici là, j’aurais sûrement trouvé l’occasion de lui demander. Pas la peine de me menacer. Mais tu sais, elle est si vive d’esprit et si belle aussi, que… ça m’intimide, voilà tout.” C’était bien la première fois que tu te retrouvais aussi hésitant et maladroit qu’un adolescent devant ses premiers émois. Tu ne comprenais pas ce qui était en train de t’arriver et tu devais bien avouer que toute cette histoire commençait à te faire un peu peur. Et si tu étais vraiment en train de tomber amoureux pour la première fois ? Tu espérais bien que Kashmira serait en mesure de te rassurer et de t’expliquer comment on faisait pour gérer des sentiments tels que l’affection et… l’amour

Alors que le résumé de l’épisode précédent s’achève, tu imites Mira et commences à siroter ton jus de citrouille, tout en prenant bien soin de te caler sur son rythme à elle pour ne pas perdre une miette des dernières paroles de Littletoe. Lorsque la tête de celui-ci finit par rouler sur le sol, tu bondis hors du canapé et éructes de joie devant la mine déconfite de Mira qui avait parié qu’il survivrait à un épisode de plus. Voilà un point bien mérité pour toi, Marlon ! “Allez pas la peine de râler, c’est pas grave si tu n’es pas la meilleure des fans de Head for the Castle.” Tu la gratifies alors d’une petite tape affectueuse sur le bras avant de lui dérober la patacitrouille qu’elle s’apprêtait à déguster. Plus le récit se poursuivait, plus tu pouvais voir à la mine concentrée de la jeune femme qu’elle tentait désespérément de rattraper le retard de points accumulé au fil des derniers épisodes. Son sens de la compétition au moins aussi développé que le tien t’arracha un franc sourire. “4 points, t’es sérieuse ? T’avais absolument rien de juste. N’essaie pas de tricher.” Sa présence à tes côtés avait beau t’amadouer, tu n’allais pas lui céder la couronne avant tant de facilité. Mais alors que la dernière réplique résonne encore à tes oreilles, ta mine s’assombrit quelque peu. Mira n’avait jamais véritablement évoqué ses parents, mais si elle vivait avec toi depuis tout ce temps c’est bien parce qu’elle n’avait plus personne, non ? Jusqu’ici tu n’avais encore jamais osé la questionner sur le sujet, mais peut-être que le moment était enfin venu… Te raclant la gorge une première fois, tu bois une nouvelle gorgée de jus de citrouille avant de te tourner vers elle, l’air grave et sérieux. “Dis, Mira… tu y penses parfois à ce que ça ferait, si tu essayais de retrouver ta famille ?” Le ton de ta voix était hésitant, tu ne voulais ni la brusquer ni lui faire du mal, bien au contraire. S’il y avait ne serait-ce qu’une infime chance qu’elle puisse retrouver les siens, alors tu voudrais l’aider, sans aucun doute.

Etonnamment, l’idée d’être coaché par Mira pour apprendre à devenir un séducteur hors pair ne te tentait pas beaucoup. Tu aurais pratiquement préféré jouer aux échecs sorciers avec un troll des montagnes, c’est pour dire. “Bon ça va, je lui demanderai la semaine prochaine, t’es contente ?” Tu n’avais pour l’instant aucune idée de la façon dont tu allais t’y prendre pour inviter Freya Abbott à dîner avec toi, mais tu aurais bien le temps d’y réfléchir jusqu’au vendredi suivant. Eh oui, la semaine prochaine ne signifiait pas forcément lundi ou mardi, hein. Mais alors que Walburga se réjouissait de la mort de Littletoe sous prétexte que “les résistants sont tous des terroristes”, tu songeas finalement à évoquer ce sujet qui avait jusqu’alors toujours été tabou entre Mira et toi : sa famille. La résignation dont elle faisait preuve te surprenait. Où était donc la jeune femme combative et énergique que tu connaissais ? Pourquoi se recroquevillait-elle sous sa carapace lorsqu’il était question des Martillo ? Du haut de ton nom de famille réputé et de tes privilèges bien nommés, tu ne pouvais comprendre les craintes d’une jeune femme en fuite. Tu avais beau tout faire pour rendre la vie de Mira tout aussi confortable que possible en dépit des circonstances, tu ne pourrais jamais véritablement te mettre à sa place. Tu n’avais nullement la légitimité de juger ses décisions. Et pourtant, tu n’étais pas encore prêt à lâcher le morceau, persuadé que ta colocataire n’était pas tout à fait décidée à renoncer à sa famille pour de bon. "Ça veut dire que tu t’es quand même renseignée, non ? Sinon tu ne saurais pas que seul ton frère est ici.” Tu lui lances un regard entendu, signifiant que ce coup-ci, elle n’avait aucune chance de s’en sortir avec un mensonge. “Personne n’est obligé de savoir que tu es partie. Tu n’as pas besoin de te mettre en danger et de t’impliquer directement pour retrouver Tommy. Tu peux me donner des pistes, me dire ce que tu sais et je me charge du reste. Et le jour où je remonte sa piste, je te mets au courant.” Tous ceux qui avaient connu le Marlon d’avant, celui que tu étais avant que ta route ne rencontre celle de Mira, se seraient demandé à quel jeu tu jouais. Certains t’auraient accusé de crime de haute trahison sur le champ, tandis que d’autres auraient soupçonné le fait que tu te sois trouvé sous Imperium. Et pourtant, ta démarche était on ne peut plus sincère, tu étais prêt à mettre ton existence toute entière en danger, dans l’unique but d’aider Kashmira à retrouver ses proches. “Et puis, je pourrais toujours prétendre que tu es morte, pendant que Tommy et toi prendrez du bon temps quelque part sous les tropiques.” Après toutes les horreurs que la jeune femme avait vécues, tu ne lui souhaitais rien d’autre qu’une vie paisible dans un endroit paradisiaque, où elle serait à l’abri de tous les dangers s’apparentant de près ou de loin au gouvernement Voldemort. Tu avais beau être un mangemort loyal, dévoué à la cause de son Seigneur, tu savais aussi faire la part des choses. Mira n’était pas dangereuse, elle ne méritait ni la mort, ni l’enfer d’Azkaban. “Tu n’es pas obligée de répondre tout de suite, mais repenses-y, d’accord ? En attendant, je vais profiter de la pub pour nous faire des gaufres.” Laissant un instant de répit à Mira, tu quittes le salon et pénètres alors dans la cuisine. Tu prends bien soin de revêtir le tablier qu’elle t’avait offert et sur lequel figurait l’inscription “Best roomate ever”, avant de te mettre à préparer la pâte à gaufres. Tu savais à quel point elle raffolait de ce dessert, qu’elle pouvait manger aussi bien au petit-déjeuner qu’au dîner. Lorsqu’elle avait passé une mauvaise journée, seule une demi-douzaine de gaufres pouvait lui rendre le sourire. “Tu me préviens dès que l’épisode reprend, hein ? Et ne profite pas de mon absence pour finir toutes les chocogrenouilles. Tu sais bien que j’aimerais tomber sur ma propre carte !”

Faut croire que tu n’avais pas vraiment réfléchi à ce que ton implication dans cette histoire pourrait représenter pour Mira. Elle avait entièrement raison, te confier à toi des informations sur sa famille de fugitif n’était certainement pas l’idée la plus rationnelle du monde. Et pourtant, cela partait d’une bonne intention, sans aucune arrière pensée. Tu voulais l’aider, la rendre heureuse, voilà tout. Détournant le regard, te sentant un peu coupable d’avoir amené le sujet sur la table, tu soupires à ton tour. “Je comprends, t’as raison, c’est bizarre. Je suis pas censé être de votre côté.” Tiraillé entre tes voeux de fidélité au gouvernement du Lord et ton désir de faire le bonheur de Kashmira, tu ne savais jamais trop sur quel pied danser. Ce qui était sûr, c’est que tu ne voulais que son bonheur et que tu la protègerais coûte que coûte. “Ne te fais quand même pas trop de films hein. C’est pas parce que je vais l’inviter à dîner la semaine qui vient, qu’on se mariera le mois prochain.” L’espace d’un instant, tu te demandes si son enthousiasme n’était pas simplement feint dans le but de détourner ton attention du sujet délicat que représentait sa famille. Peu désireux de la mettre mal à l’aise en remuant le couteau dans la plaie, tu saisis l’occasion pour lui laisser un instant de répit en disparaissant dans la cuisine. Quelques instants plus tard, sa petite tête apparut dans l'entrebâillement de la porte. Visiblement, l’évocation de ta carte de chocogrenouille avait attiré sa curiosité. Tu hausses alors les épaules, comme si le fait de la mentionner plus tôt n’était pas important. “Je croyais que tu le savais. Elle est dans l’édition spéciale “Ministère”. Je crois que celle de Dolohov date de l’époque où il était encore drôle à la radio.” Tu savais à quel point Mira se délectait des petites piques que tu lançais de temps à autre au sujet de tes comparses mangemorts. “Elle est sûrement très rare oui. Faudrait pas que tout le monde puisse se targuer de dire “j’ai Marlon Travers à la maison.” Cet honneur ne revient qu’à toi.” Tu détournes alors un instant ton attention des gaufres pour adresser un franc sourire à la jeune femme.

Quelques minutes plus tard, tu reviens dans le salon avec une assiette de gaufres encore fumantes. La délicieuse odeur qui s’en élève te donnerait presque envie de tout dévorer sur le champ, mais voilà que Mira attire ton attention sur la drôle de publicité qui passe alors sur les ondes. Tu déposes l’assiette sur la table basse avant de t’emparer de la cocotte en papier que Kashmira avait bricolé avant que tu ne rentres à la maison. “Choisis une couleur et j’envoie notre elfe chercher le shampooing correspondant. Peut-être que j’aurais plus de chance avec Freya si je cache mes cheveux blancs sous une couleur rouge ou verte.” Tu lui adresses un nouveau sourire complice, avant de reprendre ton sérieux afin de lui faire comprendre que tu ne plaisantais pas du tout et que tu comptais bien te teindre les cheveux ce soir. Une fois la couleur choisie, tu envoyas effectivement ton petit serviteur acheter la lotion en question. En attendant son retour, tu reportas ton attention sur Kashmira. “Tu ne m’en as jamais parlé, mais toi, t’as déjà eu quelqu’un dans ta vie ?” Elle n’était pas obligée de répondre, bien sûr, mais elle n’avait pas le monopole des interrogatoires.

S’ils avaient été au courant, beaucoup auraient dit que Kashmira était ta plus grande folie, ta pire trahison. Et pourtant, tu demeurais fondamentalement persuadé que c’était une amie que tu hébergeais et non une terroriste prête à mettre la nation à feu et à sang. Bien sûr, tu campais sur tes positions de mangemort et continuais de croire en la bonne parole du Lord. Mais tout n’était pas toujours aussi simple et manichéen qu’on voulait bien le penser. Mira était une fugitive, elle ne s’était pas présentée à ses derniers recensements et pourtant cela ne faisait pas d’elle une odieuse personne. Elle était bien loin d’être aussi impitoyable que les leaders de l’Ordre. C’était une jeune femme perdue, en danger, à laquelle on avait arraché une partie de sa famille. Autrefois, tu n’avais pu te résoudre à la laisser entre les mains des rafleurs qui l’avaient cueillie, et aujourd’hui encore, tu continuais à vouloir la garder sous ta protection… malgré ses petites manies et sa volonté de te caser à tout prix avec Freya Abbott. Profitant d’une interruption des programmes, tu parviens tout de même à ramener l’attention sur sa propre vie sentimentale. Bien décidé à prolonger cet instant de répit, tu sautes sur l’occasion pour en apprendre davantage, avant qu’elle n’ait le temps de reprendre ses questionnements. “Je ne sais pas vraiment ce qu’il s’est passé entre Tommy et toi, mais vous avez l’air d’avoir traversé pas mal d’épreuves ensemble. Et cela ne peut signifier qu’une seule chose… Vos chemins seront amenés à se recroiser, j’en suis certain. Toi aussi tu auras droit à ton happy end, Mira.” Rien n’était moins sûr que cela à l’heure actuelle, mais tu sentais qu’elle avait besoin d’entendre des paroles rassurantes. Même si cela signifiait se laisser bercer par de douces illusions. Et parce que tu ne voulais pas que votre conversation s’enferme dans une ambiance morose, tu décidas de lui faire une nouvelle confidence. “Tu as eu une aventure avec une femme et moi avec un homme, alors je crois bien qu’on est quitte tous les deux.” Tu lui adressas un sourire complice avant de lever la main au-dessus de sa tête pour la gratifier d’un high five. Ce genre de petits secrets était particulièrement dangereux à dévoiler par les temps qui courent, mais tu savais pertinemment qu’avec Mira, cette histoire serait bien en sécurité. Si elle semblait avoir repensé à Max avec une certaine nostalgie, toi, c’était un sentiment de gêne qui t’habitait lorsque le visage d’Otto apparaissait dans ton esprit. Mais pas le temps de t’attarder sur le sujet. Voilà que ton elfe de maison venait de réapparaître dans le salon, avec les potions pour changer de couleur de cheveux.

Tu t’absentas quelques instants afin de te préparer à l’abri du regard curieux de Mira. Un simple coup d’oeil dans le miroir de la salle de bain suffit à te persuader que le turquoise n’était pas vraiment ta couleur de prédilection. Mais que ne ferait-on pas pour amuser la galerie ? Tu retournas auprès de Kashmira, pas peu fier de ton effet de surprise. “Bon, j’espère que ça partira dans la nuit. Sinon je vais être la risée du Ministère.” Et même si c’était le cas, qu’importe ? Vraisemblablement, tu avais fait une heureuse ce soir, et le sourire qui illuminait le visage de Mira n’avait pas de prix.

FIN