Les jours passaient et se ressemblaient tous. C’était entraînement, manger, dormir. Répéter ad vitam eternam, jusqu’à ce que le corps n’en puisse plus. Elle ne s’en plaignait pas, elle aimait la routine, les choses bien rangées. Elle se complaisait dans cette existence sans surprise : rien ne pouvait l’effrayer dans ce train-train quotidien, il était parfaitement safe.

Levée à l’aube, le soleil pointait à peine le bout de son nez par-dessus l’horizon, tandis qu’elle était parfaitement réveillée, laçant ses chaussures pour un footing matinal en ce milieu de semaine. L’hiver, sortir dans le froid si tôt relevait du défi et de la motivation, en période estivale, il n’y avait rien de plus simple.

Son berger australien était venu dans ses pieds, impatient lui aussi de pouvoir sortir. Si en temps normal, elle était peu enjouée à l’idée de l’emmener courir, l’animal semblait avoir fini sa mue. Son poil épais d’hiver avait finalement laissé place à un poil légèrement plus court, plus aéré. Ce qu’il voulait dire qu’il n’allait pas cracher ses poumons et avoir trop chaud s’il la rejoignait pour son jogging. Et puis Mulligan semblait lui en vouloir depuis quelques jours, voilà deux soirs de suite qu’il la snobait et rejoignait son panier au lieu de venir lui tenir compagnie dans le canapé. Il avait bien mérité de l’accompagner. La main de la rousse était passé dans son pelage avec tendresse. Il était l’une des choses les plus précieuses dans sa vie. « Ok, tu viens, mais sage ! » Le harnais avait été enfilé tant bien que mal, le chien à présent impatient de sortir, a cette heure-ci, avec la tenue qu’elle portait, il ne faisait aucun doute qu’ils allaient courir. Elle avait laissé la laisse traîner au sol, le temps de relever ses cheveux négligemment dans une queue-de-cheval.

Il était temps de se mettre en route.

La banlieue sorcière londonienne était peu animée ce matin-là, il était encore trop tôt et c’était tant mieux pour elle. La foule lui hérissait le poil. Une dizaine de minutes de marche lui avait suffi pour rejoindre des sentiers un peu plus éloignés de la vie urbaine, une espèce de parc longeait les habitations, c’était très sauvage, presque trop pour quelque chose si proche des habitations. De nombreux arbres servaient de couvert, leurs feuilles encore couvertes de la rosée du matin. Il y faisait réellement bon pour leur entraînement matinal.

Mulligan était parti vaquer à ses occupations, l’espèce de quelques minutes. C’était le temps pour elle de faire quelques étirements. La jeune femme était profondément plongée dans ses pensées, sa respiration régulière venant se calquer sur les va-et-vient de la cime des arbres. Elle pouvait sentir chaque muscle se tendre et se comprimer, consciente de chacun de ses mouvements. C’était une forme de méditation qui lui permettait d’attaquer ses exercices sereine. Une espèce de train-train pre-effort.

Le bruit de pas au loin lui avait fait relever la tête, une silhouette familière se dessinant au loin. Un sourire s’était étiré sur les lèvres de la rouquine. Elle fit signe de sa main à la jeune femme qui se rapprochait. « Hey ! » La charmante sorcière aux cheveux noirs se rapprochait du duo. Courir avec Siham était devenu une habitude, après tout, elles s’étaient rencontrées sur ses sentiers de footing. Et même si les deux jeunes femmes étaient introverties, elles étaient si semblables qu’elles avait fini par devenir amies. « Comment tu vas ? » Formule de politesse, habitude. « J’espère, tu m’en voudras pas … J’ai ramené Mul’... » Son sourire s’était fait désoler, ses lèvres se pinçant légèrement, courir avec l’animal n’était pas toujours de tout repos. À l’entente de son nom, le berger australien avait surgit de part les fourrées pour venir gratifier de sa présence les deux jeunes femmes, venant bientôt quémander quelques caresses à la nouvelle venue.

Si la joueuse de quidditch s’en tenait à son instinct, l’entraînement promettait d’être plein de surprises.

Il aurait fallu être aveugle pour remarquer que Siham ne semblait pas d’humeur ce matin-là. Elle dégageait toujours une espèce de non-chalence légèrement hostile qui avait, au début, mis quelque peu mal à l’aise Ollie. Elle s’était habituée à cette présence et cette force de caractère qui se dégageait de l’égyptienne. Et puis sa colère ne semblait pas diriger vers elle et tant mieux. Elle aurait eu du mal à comprendre pourquoi elle lui en aurait voulu – peut-être de la lever aussi tôt ? La rouquine haussa doucement les épaules. « C’est tranquille. » La routine, le quotidien. Rien de neuf, de bien ou de mal dans sa petite vie tranquille, bien rangée.

Mulligan, au contraire, semblait déjà bien décidé à devenir ami avec la jeune femme. Peine perdue, car elle ne semble pas apprécier les chiens. Ollie n’avait eu le temps de le rappeler à l’ordre qu’il lui faisait déjà la fête. L’animal était à son parfait opposé : beaucoup trop sociable. « Mul’, ici ! » L’animal s’était exécuté, un peu à contre-coeur, rejoignant sa maîtresse qui replaçait son harnais sur ses épaules. « Sage, j’ai dit. » Elle avait souri à Siham. « C’est un envahissant, navré. »

Elle avait étiré ses épaules légèrement vers l’arrière en hochant la tête. Il était en effet l’heure de se mettre en route, Ollie avait encore un enchaînement d’entraînement le matin même, elle n’avait aucune minute à perdre à bavasser. Vérification de dernières minutes, avant de s’élancer dans une foulée souple sur les sentiers, accompagnée de la jeune femme. Sa cadence était vite trouvée, sa respiration régulière. C’était une question d’habitude et de rythme. La vitesse ne comptait que très peu dans la course à l’endurance, c’était secondaire. Bien sûr, elle pouvait courir à une vitesse bien plus élevée qu’à ses débuts, à Poudlard. Mais l’amplitude de sa foulée, l’endurance qu’elle avait prit au fil des exercices en était la raison. Cela faisait maintenant plusieurs années qu’elle n’accélérait plus vraiment.

Mulligan suivait, courant à leur côté, partant parfois en avance, mais restant proche des deux jeunes femmes. Il avait suffisamment de rappel pour qu’Ollie ne s’inquiète pas de son sort. Le parc et les sentiers avaient l’air plutôt calme, peu de gens semblaient présents. Pas surprenants, un jour de semaine aussi tôt, mais quelques personnes profitaient de tout de même de cette fraîcheur.

Et apparemment, selon un certain cycliste, le couvert des arbres n’était pas la seule chose fraîche du coin, au vu du sifflement dont il gratifia les deux jeunes femmes. Le petit regard lubrique et pervers qui allait bien avec, avait fini de dégoûter Ollie de la gente masculine. Déchet. Son chien s’était déjà mis à l’œuvre de courir après l’engin en aboyant, tandis qu’elle se tournait vers Siham, la mine dégoûtée. « La première qui le fait tomber de son vélo… » Les défis entre les deux jeunes femmes étaient monnaie courante. Et si les choses étaient relativement sympathiques en général, Ollie ne supportait vraiment pas d’être traité comme un morceau de viande par un sombre inconnu.

Elle avait légèrement accéléré la cadence – ce n’était pas comme si le gars semblait être un cycliste confirmé – bien décidée à le rattraper pour avoir un meilleur angle de tir. Ne lui manquait que son projectile. Après tout, le cycliste avait un casque, tant qu’elle visait bien … Tout irait bien … Non ?

Spoiler:

Ollie était une gamine timide au premier abord. Rarement un mot plus haut que l’autre, surtout lorsqu’elle était en présence de presse. Pas un mot plus haut que l’autre, parce que son anxiété était un ours dont le dressage était à parfaire. Sauf que lorsqu’elle courrait, Ollie n’était plus Ollie. Elle n’était plus la gamine rousse terrorisée par la vie : le mode automatique était démarré et c’était Debenham et le sang qui allait avec qui prenait place. Sa foulée régulière lui faisait oublier le monde dans lequel elle évoluait. C’était sa méditation active du jour. Du coin de l’œil, Siham avait adopté la même foulée qu’elle et les voilà qui maintenait leur cadence, suivie par Mulligan au loin.

Mais les Moldus étaient de sortie, et leurs conneries avec. Ollie n’avait honnêtement rien contre eux. Bon, ils étaient présents, avaient persécuté leurs existences pendant suffisamment longtemps. Bref, c’était pas nécessairement des gens corrects. Mais ils vivaient dans leur coin et elle, dans le sien. Sauf à l’instant t.

Siham au contraire d’Ollie, avait accéléré la cadence. Elle allait le tacler avant elle ? Il y avait du cœur à l’ouvrage et la joueuse de quidditch félicitait l’initiative. Vouloir aller au corps-à-corps avec un engin avec des roues était honnêtement tout à fait respectable. Mais pour sa part, elle avait décidé d’opter pour une technique un peu plus batteuse que chasseuse. Et l’idée était de trouver le parfait projectile. Un œil sur le sol, un autre sur son adversaire, elle n’avait pas tardé, au bout de quelques foulées, à trouver le caillou parfait. Pas trop allongé, pas trop coupant – l’idée n’était pas de le tuer, juste de le faire tomber de son petit piédestal. Elle avait attrapé l’objet en ralentissant, avant de reprendre sa course de plus belle, accélérant le pas pour rattraper son retard.

Elle avait souspesé la pierre dans sa main, sentant de ses doigts ses aspérités. Quelques foulées encore et elle seraient à la distance parfaite pour ralentir et tirer sur l’homme. D’ailleurs, ce dernier semblait bien surpris d’être pris en chasse par les deux femmes. Cheh. Yeux rivés sur sa cible, elle avait sprinté pour prendre de l’avance, lui permettant de ralentir pour venir caler le caillou sur sa cible d’un geste de bras assuré.

C’est qu’elle était batteuse : tirer des balles, elle savait faire et un caillou était à sa portée. Si son tir n’était pas des plus élégant – il y avait tout de même une différence entre un cognard, la présence d’une batte et un caillou, il avait eu le bonheur de toucher sa cible. En plein dans le bras et suffisamment fort pour faire sortir un cri de gorin de sa victime. Cheh². Il y avait possiblement eut une insulte à leurs égards, mais honnêtement s’en foutait comme de l’an 40. Il avait ce qu’il méritait : une humiliation et une lapidation en bonne et due forme.

L’animal était déséquilibré dans sa course, il ne restait à Siham qu’à lui infliger le coup fatal qui le mettrait au sol. Un vrai travail d’équipe. Ca avait comme un arrière-goût d’un match chez les faucons. Remportons la victoire, mais si nous ne pouvons gagner, il y a aura quelques crânes fêlés. Et ça partait sur une chute et une mort imminente pour l’enfoiré sur son vélo.

Il ne manquait plus que Mulligan qui lui passait devant les roues et ils étaient refaits.

Spoiler:

Ses lèvres s’étaient étirées dans un sourire carnassier, tandis qu’elle allongeait sa foulée pour rattraper le fauteur de troubles et sa compagne de course. Il était hors de question de laisser le premier filet, pas après tous leurs efforts pour l’entraver. Son tir précis avait fait mouche et son esprit s’était empli d’une satisfaction presque malsaine. Ollie était batteuse pour une raison : elle aimait les choses bien faites et entendre ses cibles pester leur douleur. La Red Fury ne portait pas seulement son nom par sa chevelure flamboyante, mais par les traînées de sang qu’elle pouvait laisser derrière son passage. Et ce dernier pouvait bien être le sien ou celui des autres.

Siham avait rattrapé leur cycliste, mais Mulligan avait achevé le travail en lui passant presque sous les roues. Stupeur et effondrement, Ollie était à présent inquiète pour son animal : si son chien se retrouvait blessé par leurs péripéties, elle ne se le pardonnerait probablement jamais. Il ne lui avait fallu que quelques foulées supplémentaires pour rattraper les trois comparses. Son souffle était quelque peu court, mais somme tout assez régulier.

L’homme était au sol, chouinant sur son propre sort et tentant de se dégager de son vélo et du regard insistant de l’égyptienne. Le berger australien, qui d’habitude était doté d’un tempérament amical, s’était mis entre le vélo et les deux jeunes femmes, retroussant les babines de façon agressive. L’animal venait de se faire rouler dessus, il avait toutes les raisons du monde d’être en colère. Et Ollie avait suffisamment confiance en lui pour qu’il ne l’attaque pas sans qu’il ne lui donne une bonne raison – et au pire, l’homme s’en sortirait avec son vaccin anti-tétanique et une marque de croc sur la cuisse : rien de bien grave en sois.

Siham semblait absolument remontée et son ton était sans appel et glacial. Si Ollie avait été à la place du gars, elle se serait probablement pissée dessus. L’adrénaline commençait à descendre – surtout que le gaillard semblait absolument terrifié de l’idée que deux meufs l’ait poursuivi et balancé au sol. La rousse avait tenté de croiser les bras pour se donner un genre, essayant d’être aussi menaçante que sa comparse. Par chance, ses deux autres compagnons rattrapaient le coup en terme de terreur. Elle avait plus l’air d’une gamine en colère, que d’une adulte en train de foutre les pétoches de sa vie à un moldu de merde. Il avait tenté de bafouiller de maigres excuses, quasi étouffées par le grognement de Mulligan. « Ouai ! Plus fort les excuses ! » Il n’y avait pas de mots pour décrire la répartie des plus inexistantes d’Ollie.

Le mec s’était reculé à moitié, traînant dans son sillage son vélo, l’esprit hagard – probablement dû à la chute. Il commençait à se relever avec difficulté, tentant de fuir les deux tarées qui venaient de le prendre en chasse tout en bafouillant dans sa barbe. « Vous êtes complètement tarées ! Bandes de folles ! » Et Ollie, du haut -ou plutôt du bas – de sa répartie molochone, avait répondu, du tac au tac. « C’est toi l’fou ! » On était clairement à l’opposé des vibes de Siham et Mul’.

Le chien avait claqué des dents, faisant reculer avec un peu plus de terreur l’homme qui partait sans demander son dû. La joueuse de quidditch avait étiré ses bras derrière sa tête, tournant un œil vers sa partenaire. « Tes poumons sont ok ? » L’effort de sprint avait été un peu longué et Ollie avouait être légèrement inquiète pour l’intégrité physique de la jeune femme.

Spoiler:

C’était déjà bien beaucoup d’aventures, pour Ollie qui avait l’habitude de petite journée tranquille. Chasser un moldu sur son vélo ne faisait clairement pas parti de ses occupations quotidiennes et avoir du répondant face à un inconnu, non plus, à en juger par sa minable répartie. Ce n’était pas nouveau pour Ollie : elle n’avait jamais été douée de sa verve. C’était peut-être pour cela qu’elle était batteuse ; elle n’avait pas besoin de violence verbale, il lui fallait juste laisser exploser sa rage sur une balle semi-consciente.


La joueuse de quidditch avait étiré ses épaules, ses bras tendus vers le ciel, savourant le mouvement de ses muscles sous sa peau, observant du coin de l’œil sa partenaire de footing, qui semblait avoir quelques difficultés à récupérer de l’effort. Elle sourit légèrement à sa demande de temps : elle pouvait comprendre sa douleur, poursuivre un vélo n’était pas de tout repos. Mais elles avaient réussi à l’avoir et c’était une petite victoire. Et chaque petite victoire sur la gente masculine était un pas en avant vers la matriarchie.


De son côté, son cher Mulligan semblait bien heureux aux côtés de Siham, même si le sentiment ne semblait pas toujours partagé. L’animal envahissant n’en avait pas terminé de lécher les mains de la jeune femme et … Il fallait avouer que c’était peu ragoûtant comme sensation.


Cependant, quelque chose titillait la rouquine. La démarche de sa partenaire ne semblait pas très fiable. « T’es sûre ? » Elle ne semblait pas au mieux de sa forme, surtout après la grimace qu’elle venait de lâcher. Elle ne voulait pas qu’elle force sur une blessure si elle n’était pas cent pourcent sûrs que cela irait. Ollie avait déjà couru sur des courbatures : c’était ok. Courir sur une blessure, c’était un non-catégorique. Ça n’annonçait que du mauvais pour la suite. « Tu t’es claqué quelque part ? »


Elle lui avait souri doucement en reprenant sur un pas de course très lent, proche de la marche, le temps de voir la jeune femme redémarrait. Elle ne voulait pas faire sa mère poule, mais elle tenait à l’intégrité physique des gens qui l’entourait et apparemment, celle de Siham était à présent menacé, par un sprint qui avait mal tourné. Mulligan avait commencé à trottiner à leur côté, s’arrêtant de temps en temps pour renifler une odeur particulièrement alléchante.


« Nan parce que ça m’agacerait de te voir clamser. » Déjà parce que traîner un cadavre derrière sois, c’était moyen. Mais en plus, elle allait devoir expliquer pourquoi elle traînait le dit cadavre. Et troisièmement, elle tenait quand même à Siham. Elle voulait continuer de courir avec partenaire de course préféré.