Parfois, un seul détail, un grain de sable, un imprévu, peut tout faire basculer. Peut bousculer les plus intimes convictions. Un vie entière. Alors tous s'écroule comme un château de cartes, ainsi que toutes les certitudes qu'on avait fondées. Tout notre petit monde qu'on avait pris soin de protéger éclate comme une bulle de savon. On avait pris du temps pourtant à construire tous cela. Mais tout est fragile. Tout est si facile à détruire. Le doute. Cet instant où l'ont doute sans aucune raison. Cet instant qui chamboule votre vie à tout jamais. Qui vous prend à la gorge. Vous fout la claque de votre vie, quitte à vous retourner le cerveau. Et il s'en suit le déni. La décision la plus simple. Le choix de la facilité. Pourquoi se compliquer l'existence alors que tout peut être si simple, oui ? Pourquoi choisir d'accepter ce qui est une évidence au final, pourquoi vous poser une question sans cesse alors qu'il est si facile de rejeter les autres? C'est le choix qu'elle a décidé de prendre la petite Roxy. Les prises de tête elle les laissent aux autres. Du moins c'est ce qu'elle croit car encore une fois c'est à lui qu'elle pense aujourd'hui. A sa tête de fou. A ses cheveux blonds en pétards qu'elle aime tant moquer. A ses idées farfelues et à son rire communicatif. Elle pense à Bash, comme toujours. Comme tous les jours.

Soupire qui franchit ses lippes. Son regard dans le vide elle observe la rue. Immobile, tel le zombie qu'elle est. La soirée de la veille lui tape encore sur le crane. Elle se demande encore pourquoi elle s'inflige ça. D'ailleurs se mettre une murge à coup de Owl Fire, le nouvel alcool mis au point par ses amis n'est pas une si bonne idée. Pourtant on l'avait prévenue non ? Mais elle en fait qu'à sa tête la petite Roxy, comme d'habitude. Elle se croit plus forte et plus intelligente que tout le monde et finalement elle le regrette aussitôt. Ses doigts viennent se perdre dans sa crinière brune alors qu'elle sautille sur place d'un pied sur l'autre. Ses membres sont engourdit et après un bref instant elle s'élance dans les ruelles. Elle a bien besoin de boire quelque chose de réconfortant et surtout d'être seule. Oui. Seule pour réfléchir. Ou pour arrêter de réfléchir serait plus exacte. Voilà plusieurs semaines qu'elle n'arrive pas à se détendre et la fatigue semble s'accumuler. Malheureusement cela se ressent sur ses performances sur le terrain de Quidditch et ça, elle ne peut pas se le permettre. Alors une balade et un moment cosy ne peuvent lui faire que le plus grand bien.

Le vent est un peu frais en cette matinée ce qui la sort un peu de sa léthargie. Les pensées philosophiques sur ses mauvaises décisions s'envolent donc avec lui. Alors qu'elle prend le temps de s'arrêter devant quelques vitrines, elle semble jugée que ce serait une bonne idée de prévoir une séance de shopping avec sa meilleure amie June lorsqu'elle en aura le temps. Oui. Bonne idée. Le temps passe, doucement alors que ses pas lancinants croisent ceux des passants. Personne ne lui prête attention, après tout, tout va très vite dans le monde sorcier. Le Londres sorciers n'a plus rien de sa splendeur d'antan et ça se ressent. Personne ne prend le temps. Elle semble perchée, dans un autre monde. Un monde qui ne se prend pas au sérieux et ceux, depuis bien longtemps.

La belle pousse la lourde porte en chêne d'un pub et s'installe a une table après avoir commandé une boisson qui devrait la réveiller. Alors qu'elle se perd à nouveau dans ses pensées en observant sagement les personnes qui l'entoure, elle soupire à nouveau. Tout ces visages sont banaux. Elle ne connait personne ici et tant mieux. Personne ?  Alors que le serveur vient déposer une boisson chaude devant elle et qu'elle en boit sa première gorgée elle manque de s'étouffer en reconnaissant une tête blonde non loin de là. Abbott, elle en est sûre mais ce n'est pas Bash. Non, c'est Hannah sa grande soeur qui se trouve à deux tablée d'elle. Hé merde mais ils me suivent...chuchote-t-elle en baissant les yeux. Oh elle le sait Hannah l'a déjà repérée et celle-ci l'observe à présent avec un air plutôt mécontent. Elle qui est si douce en temps normal, semble ne s'être pas levée du bon pied. L'ancienne Gryffondor soupire et se lève en trainant sa boisson qui manque de la brulée dans les mains afin de rejoindre la blondinette à sa table. Bonne idée ? Certainement pas mais Roxy ne réfléchit qu'après à ses coups à ses actes. Salut Hannah... J'ai quelque chose sur le visage ? dit-elle en lui rentrant dedans comme un cheval. Non il n'y a pas à dire Roxy ne sait pas y faire avec les gens.

Elle fixe le vide. Son regard noisette se perdant dans des souvenirs fantomatiques qui n'ont rien à voir avec les gens qui se déplacent dans le pub ou à l'extérieur. Elle tient entre ses mains une tasse de thé qui a refroidi et qu'elle n'a pas bu. Et elle pense, Hannah tente d'attraper les idées qui lui échappent, de s'enfuir face aux horreurs qui la rattrapent. De temps à autre, la sorcière passe une main dans ses cheveux teintés de bruns et coupés un peu courts. Une geste inconscient comme un autre, comme le mouvement de ses doigts qui tapottent rapidement sur la table, ou son pied qui bat une mesure qu'elle n'entend que dans sa tête sur le vieux sol en bois du pub.

Hannah ne pense à rien et à tout en même temps. L'attaque, Ernie, les recherches, la serre, Bash, Susan, Zach, le travail, Susan, l'attaque, Bash, Ernie, Susan et l'attaque. C'est usant ce cerveau qui jamais ne se repose, c'est plombant son état qui s'améliore à peine. Parfois, elle aimerait prendre un verre d'alcool pour engourdir son esprit, ne plus oublier. C'est ce que son frère et son père font après tout. Mais Hannah ne veut pas tomber plus bas qu'elle ne l'est déjà ; elle a vu les dégâts d'un tel comportement sur ses proches, ne souhaite pas en faire les frais. Ne saurait pas remonter cette pente qui lui paraît déjà bien trop vertigineuse. Alors, elle reste seule avec ses pensées, seule au milieu de la foule, seule irrémédiablement. Ernie lui a dit qu'elle devait parler, ne pas garder pour elle tout ce qu'elle ressent, mais elle ne voit pas bien à qui. La Abbott n'est pas du genre à laisser aux autres le soin de la protéger. Ce serait tout le contraîre, et des années passées à être une Mère pour tous ne s'efface pas en quelques secondes parce que soudainement son énorme faiblesse jaillit en plein jour.

Elle fixe le vide quand son regard est attiré par un visage qui la sort de sa torpeur. Un visage qu'elle connaît bien pour l'avoir souvent vu aux côtés de son frère. un visage qui crée malgré elle des étincelles virulentes dans sa poitrine. Hannah n'a rien contre Roxy en elle-même, mais son frère se brûle les ailes petit à petit et avoir l'impression constante d'être impuissante à l'aider, à l'accompagner, crée des vagues de colère contre tout ceux qui se disent ses amis et ne font rien pour l'aider bien au contraire. il lui a parlé de ces soirées stupides qu'ils organisent, et combien de fois l'a-t-elle récupéré sur son canapé la mine défaite, puant l'alcool et d'autres drogues, les yeux cernés des nuits de folie qui n'ont pour effet final que de le tuer un peu plus à chaque fois. Ses yeux se plissent, ses lèvres se pincent, et son regard ne fixe plus le vide mais bien la personne qui se trouve pas très loin d'elle. Hannah hésite à la rejoindre, à lui parler, à la sermonner un peu, beaucoup. Elle a bien conscience que ce n'est pas sa place, qu'elle n'a aucun droit de débarquer en trombe et déverser sa bile sur la jeune femme. Mais il y a cette colère en elle depuis son agression, une rage qui ne diminue pas au contraire de la peur qui s'apaise. Un besoin un peu plus présent de se battre alors qu'elle s'est retrouvée impuissante face à son agresseur.

Hannah ne veut plus être la victime, elle serait prête à se faire bourreau si cela lui permettait d'oublier pour quelques secondes tout ce qui bouillonne en son sein. Pourtant, la médicomage ne bouge pas. Ne se lève pas. Empêchée par cette politesse apprise, par des défenses morales et par une pensée aussi nette qu'indélébile, sa mère n'apprécierait pas. Et ce que la mère pourrait penser d'elle est parole d'évangile pour la fille. Même sous terre, elle continue d'envahir l'espace psychique de sa fille, comme si en pensant à elle, Hannah trouvait le moyen de la garder en vie d'une certaine manière.

Elle aurait donc pu continuer à la fusiller du regard dans son coin sans jamais l'aborder si Roxy ne s'était pas levée pour la rejoindre, sa tasse à la main et une phrase cinglante au bord des lèvres. Ses sourcils se froncent un peu plus, et le sourire réflexe qui maquille sont visage n'a rien d'avenant. C'est qu'elle se fait coupante ces derniers temps Hannah. "Bonjour Roxy. Non rien du tout. Je ne m'attendais tout simplement pas à te trouver ici à une heure aussi matinale. Besoin d'un remontant après une soirée mouvementée je présume ?" Le message est clair, le sous-entendu grossier, la question n'a rien de bienveillante et si avec une autre personne Hannah se mordrait la langue d'avoir parlé aussi vite c'est de Roxy qui s'agit et ces derniers temps dans l'esprit de la sorcière il n'existe que deux types de personnes. Ceux qui aident et ceux qui blessent. La sorcière qui lui fait face fait partie de cette deuxième catégorie, et si elle ne peut rien faire pour aider son frère peut-être que ceux qui se prétendent être ses amis pourraient se bouger les fesses ; ont-ils seulement conscience de tout le mal qu'il se fait, de tout le mal qu'ils lui font. Et ses instincts protecteurs reprennent de plus belle leur place de choix au sein de son coeur.

Voilà peut-être la question la plus difficile de toute l'aventure humaine : est-il réellement possible de toujours regarder en avant, comme on nous encourage sans cesse à le faire, ou bien devons-nous garder certains vestiges essentiels de notre passé, si douloureux soient-ils, comme un rappel que certains aspects de la vie nous transforment si profondément qu'ils nous habitent à jamais ? Pouvons-nous vraiment refermer la porte sur ce qui continue à nous hanter ? Le temps file, le temps n'attend personne. Le temps guérit toutes les blessures. Tous autant que nous sommes nous voulons plus de temps. Du temps pour se relever, du temps pour grandir, du temps pour lâcher prise. Du temps. La seule chose que la jolie Roxy demande en ce moment c’est tout simplement du temps. Pour digérer. Pourtant elle se mets la tête à l’envers en ce moment, ne l’utilise de toute évidence pas à bon escient. Elle n’a pas envie de se prendre la tête. Elle veut être seule. Ne penser à rien. Et surtout pas à Bash, c’est plus simple comme ça. Elle préfère s’amuser et nier son existence pour une raison, elle en a conscience, plus que désuète. Pourtant c’est ce qu’elle fait. Parce qu’elle a probablement trop d’amour propre. Elle ne changera pas la petite thaïlandaise. Surtout pas pour lui.

La fuite. C’est tout ce qui lui reste alors. Fuir. Se raconter des histoires. Faire comme si de rien était. Puis le blesser à coup de phrases sanglantes. Encore. Encore. Encore. Parce qu’elle veut le blesser comme il l’a blessé elle. Piètre amie qu’elle est. Pourtant, quelques mois auparavant il était tout pour elle. Sa moitié. Comme une sorte de jumeau qu’elle n’avait pas chercher à trouver. Une évidence qui s’était imposé à elle. Son évidence. L’âme sœur qu’elle ne s’avouerai jamais avoir trouvé. Il était son Bash et elle était sa Roxy. C’était tout ce qui comptait pour eux, et ils étaient heureux ainsi. Puis le vide, le manque de lui. Au fond elle voudrait revenir auprès de lui. Sentir sa chaleur et son sourire la rassurer. Elle a besoin de lui. Elle le sait mais elle a bien trop peur de la personne qu’elle pourrait retrouver après des mois plus que compliqué. Le Basil qu’elle a laissé n’est plus le même qu’aujourd’hui. Sky, Roman, June se plient en deux pour essayer de ramasser les dernières miettes qu’il reste de celui qu’il était. Il la supplie à demi-mots de leur venir en aide. Tout serait plus simple si elle acceptait de revenir à lui. Si elle n’était pas si obstinée, têtue. Si. Si. Si… C’est bien ça le problème.

Et puis ?  Peut-être qu’au fond ils se trompent tous. Peut-être que Rox n’est pas la personne qui lui faut. C’est ça. C’est plus facile de penser ainsi. Penser. Voilà ce qu’elle cherche à éviter. Et voilà que ça recommence. Elle pense à lui. Elle soupire. Rien d’étonnant quand on pense au fait qu’en face d’elle, se trouve à cet instant, la sœur de la source de ses tourments. Pourtant Roxy n’y va pas de main morte. Ne laisse rien paraitre du combat intérieur qui gronde en elle. Surtout pas devant Hannah. La parfaite Hannah. Elle n’a rien contre elle. Elle n’a jamais rien eu contre la nouvellement brunette d’ailleurs. Mais elles sont si différentes que même avec tous les efforts du monde, elles ne pourraient probablement jamais parvenir à se comprendre. Là où Hannah est douce, Roxy est sauvage. Là où Hannah est un océan calme et paisible, Roxy est un ouragan. Là où Hannah est juste, Roxy est impulsive. Pourtant ce n’est pas faute d’avoir essayé de la comprendre. Lorsqu’elle était à Poudlard la petite gryffondor l’avait observé à plusieurs reprises lorsqu’elle était avec Screetch. Ses gestes, sa voix, la douceur qu’elle pouvait lire dans ses yeux lorsqu’elle s’adressait à son frère avait toujours intriguée la rouge et or sans que jamais elle ne réussisse à faire de même. Pour la tendresse, June faisait le job. Roxy, elle, elle faisait le clown et c’était bien suffisant.

Alors elle affiche son air hautain. Troll sur les bords. Il ne faut pas qu’Hannah sache. Il ne faut pas que Basil sache. Non. Toujours fidèle à elle-même elle fonce dans le tas comme un taureau sur une cape rouge en pleine corrida.
Hannah à l’art de la manier cette cape rouge, à coup de politesse et de tenue qui coupe l’herbe sous le pied de Roxy en temps normal mais aujourd’hui quelque chose a changé dans le visage d’Hannah. Pas seulement le fait que son joli blond a disparu non. C’est autre chose. Peut-être ses sourcils qui se froncent un peu grossièrement. Cette rage qu’elle a dans les yeux alors que ceci se pose sur l’ancienne gryffondor. Oui la colère que Roxy ne connait que trop bien a prit place sur le minois d’Hannah. Elle n’a à présent rien de cette femme qu’elle a toujours connu auprès de Bash. Elle ne connait d’ailleurs pas cette femme là. Oui. La belle pince les lippes. Se mord la langue lorsqu’elle fait mention des soirées. Elle n’a pas tort, elle a belle et bien les idées confuses de la veille. C’est habituel. Roxy hausse les épaules. Tu présumes bien ouais. dit-elle en prenant place sur la chaise face à elle. Un problème avec ça peut-être ? continu-t-elle en portant sa tasse fumante à ses lèvres sans jamais lâcher la médicomage du regard. Elle prend cet air détaché qui lui va si bien et qui en énerve plus d’un. Elle provoque, elle est chiante, elle est Roxy. Malheureusement pour Hannah, tout ceci n’augure rien de bon, ça non. A ce jeu elle est la reine.

Pars. Laisse moi tranquille. Passe ton chemin. Hannah aimerait bien lui dire ça, le lui crier même de sa voix tremblante, les sourcils froncés, la main l'envoyant promener loin de son champs de vision et plus loin encore de ses pensées. Mais elle ne dit rien, sa mère ne l'a pas élevée ainsi, et Hannah ne fait rien qui pourrait venir ternir le regard que pose sa mère sur ses enfants depuis l'endroit où elle se trouve, le ciel, les limbes, ou juste quelque part. son père est un fantome, son frère se détruit le corps et l'esprit aussi un peu, elle doit donc tenir plus que jamais. N'a pas le luxe de s'effondrer ou s'appitoyer sur son sort lorsque le sort de sa famille repose sur ses frèles épaules.

Mais elle est fatiguée. epuisée, éreintée. Elle court encore et toujours, sans jamais prendre le temps de s'arrêter. On lui a souvent fait la remarque, Bash, Jarod, Ernie et même Zach. Un reproche déguisé empli d'affections. Quand est-ce que tu penses à toi Hannah ? Tu te reposes assez ? C'était quand tes dernières vacances ? Et ce genre de phrases qu'elle balaie d'un sourire doux et contrit. Pas le temps, plus tard. oui, oui je dors. Des vacances, pour quoi faire ? Elle court, elle court après le bonheur, après le repos, après la guérison. Mais pour la première fois de sa vie, Hannah se sent complètement essouflée. L'idée que Roxy puisse apercevoir son état la renfrogne un peu plus, ses sourcils restent froncés et les lippes sont pincées en une fine ligne moralisatrice en entendant la confirmation à sa supposition. Elle se redresse dans son fauteuil quand la brune s'assoit en face d'elle sans y avoir été invitée et la jauge - il y a comme du défi dans son regard. Un autre jour, Hannah ce serait inquiétée pour la jeune femme. Aurait peut-être même proposé une potion pour la requinquer. Pour une autre personne, la médicomage aurait même pu faire l'effort d'aplanir la ride du lion qui a pris place entre ses deux sourcils, elle aurait même pu lui faire grâce de son jugement. Mais on n'est pas un autre jour, et Roxy n'est certainement pas une autre personne que l'un des nombreux amis qui tournent autour de son frère et le pousse aux vices.

Quelque part, elle sait bien que ce n'est pas leur faute, que Bash est assez grand pour faire ses propres choix, ses propres erreurs. Mais il y a une faiblesse dans son coeur qui porte le nom de son frère et un besoin viscéral presque maternel de le protéger du reste du monde et de lui pardonner tout ce qu'il pourrait faire. Elle est ainsi avec ceux qu'elle aime.

Hannah croise les bras et soulève son menton, un délicat sourire qui n'atteint pas ses yeux s'affiche sur son visage. "Bien sûr que non. tu fais bien ce que tu veux avec ta santé Roxy. Ce n'est sans doute pas la plus raisonnable des décisions de se détendre ainsi quand on est une joueuse professionnelle comme toi, mais tu le sais sans doute déjà." Elle a pris sa voix détachée et clinique qu'elle utilise en face des sang-purs qui la jugent et la méprisent. Doucereuse constatation qu'elle fait sans en avoir trop l'air. "J'espère que tu as au moins le bon sens de ne pas transplaner quand tu n'as pas la maitrise complète de tes sens ..." Elle continue ses remontrances à demi-mots, et elle se retient de lui demander comment elle peut laisser Bash dans cet état, le voir s'effriter et ne rien faire. C'est sa propre impuissance qui parle dans son oreille. C'est sa douleur qui ronge son esprit déjà bien amoché par sa récente agression. Elle lui envoie sa colère qu'elle ne sait pas comment gérer car n'a jamais eu à supporter autant d'émotions négatives auparavant.

Ce n'était vraiment pas le bon jour pour venir la déranger.
Il n'y a plus réellement de bon jour de toutes façons ces derniers temps.

Ce n'est pas faux de dire que le temps guérit toutes les blessures, au niveau physique la guérison commence instantanément et c'est notre corps qui fait le travail. Mais lorsqu'il s'agit des relations humaines certaines blessures se cicatrisent en une journée d'autres restent vives pendant toute notre vie. Parfois nous devons nous guérir nous même et parfois notre vraie tâche c'est de guérir les autres.

Une poupée de cire, voilà ce qui lui fait face. Une Hannah au visage des plus sérieux, lissant ses traits pour qu’on ne puissent rien lire de ses sentiments. Un regard aussi vide que possible, laissant entrevoir un éclat de rage incandescent. Les premiers signe d’une chute vertigineuse. D’une pente que l’on peine à remonter. Glissante. Semée d’embuches. De pièges plus assassins les uns que les autres. La bataille du siècle. Celle que l’on doit gagner au risque de se voir chuter à tout jamais. Celle que son frère Bash est en train de perdre. Celle qu’elle semble, elle, renier en vain. Un frère, une sœur, la même bataille. Roxy ne connait que trop bien cette sensation. Celle de vivre dans le brouillard. De s’énerver pour un rien. D’avoir cette sensation de vouloir crier. Non. Hurler, sans que jamais rien ne sorte. Cette boule douloureuse, qui remonte le long de la gorge et… Ce vide. Cette sensation d’un trou béant à la place du cœur. Roxy le sait. Roxy connait cette souffrance et pourtant… Elle ne fait rien. Ne lui tend pas vraiment la main. Elle ne le fait même pas avec Basil alors pourquoi le ferait-elle avec Hannah ? Non. Roxy n’a rien d’une sauveuse. Elle ne prêtant même pas l’être. A quoi bon ? Une personne brisée ne peut pas en sauver une autre. Ce n’est pas une mauvaise fille mais elle n’est pas non plus une bonne personne.

De toutes façons est-ce qu’elle saurait faire ? Certainement pas. La seule chose qu’elle sait faire c’est… Faire chier son monde ? Déstabiliser les gens ? Être insupportable au possible ? Cette demoiselle a une bien piètre opinons d’elle-même. Ce qu’elle renvoi Roxy, c’est cette femme forte et pleine d’assurance. Légèrement dramaqueen sur les bords. Alors avec son air sans gènes elle fonce dans le tas. Lance un regard de défie à la brunette qui lui fait face. Mauvaise idée lorsque l’on sait qu’Hannah est sur le point d’exploser, mais elle aime ça la confrontation la joueuse de quidditch. Cela va sans dire, Bash ne sera probablement pas enchanté de voir ces deux-là s’attaquer à coup de sous-entendus plus grossiers les uns que les autres. La délicatesse ne semble plus vraiment être leur fort et si elle n’a jamais été celui de Roxy, la jeune thaïlandaise est surprise de voir qu’Hannah a abandonné la sienne. Cela réveille un peu plus Roxy qui en oubli même le frère de celle-ci pour la première fois depuis un long moment. Le temps de flirter avec celle qu’elle était avant cette grosse prise de tête.

Pourtant lorsqu’elle s’assoit à la table de la jeune femme, Roxy est loin d’imaginer qu’elle aurait autant de répartie. La gentille Hannah bien sous toutes les coutures qui devient aussi virulente qu’une lionne en pleine chasse. Contre toutes attentes c’est pourtant un sourire qui étire les lippes de Roxy. Prenant un air faussement étonnée, l’ancienne rouge et or pose la tasse dans laquelle elle vient de boire une gorgée et prend son temps. Elle hoche la tête en écoutant les paroles d’Hannah. De sages paroles. Très sages paroles. Pleine de venin. Mmh… Je te remercie de te soucier de ma condition Hannah. C’est adorable. Vraiment tu ne souhaites que le meilleur pour les gens. Remarquable. Mais rassure-toi je sais déjà tout ça. Je suis prudente. dit-elle avec un rictus au bord des lèvres. Un pantin. Une actrice. Mauvaise qui plus est mais cela reste bien entendu fait exprès. Tu n’apprécies peut-être pas ma façon de vivre, ni celle de mes amis mais… Peut-être que ça ne te ferais pas de mal de lâcher prise un coup aussi… Je dis ça je dis rien. lache-t-elle simplement. Effrontée la petite Roxy. Vient-elle seulement de suggérer à Hannah de retirer le balai qu’elle a dans les fesses ? (Désolée j’aime Hannah en vrai c’est Roxy la vilaine bouh !) Peut-être bien.

Pourquoi la pousser à bout ? Pour aider Hannah à cracher sa haine ? Ou tout simplement pour se faire remettre à sa place ? Un peu des deux, elle l’avoue. Oui.

Elle est comme désarticulée de son propre corps. Il y a la Hannah assise à cette petite table, le sourire tiré, la mine accusatrice et les paroles doucereuses au bord des lippes ; et il y a celle en arrière qui observe impuissante cette inconnue prendre ses traits, emprunter sa voix, manipuler sa pensées. Si elle ne s'était pas un peu renseignée sur les conséquences de son agression, la médicomage aurait pensé perdre la raison, tant elle ne se reconnait qu'une fois sur deux, tant elle se sent à fleur de peau et fragile, presque friable. Elle ressent une ambivalence contre sa peau, à la fois une carapace qu'elle revêt pour se couper des autres et se protéger du monde, associée à la désagréable impression qu'on lui a enlevé une couche d'épiderme, si sensible alors au plus léger coup de vent, à la moindre remarque. Avant, il y avait la réfléxion et maintenant elle se trouve plongée dans la réaction.

Hannah déploie des efforts de patience pour ne pas hurler, s'emporter, retourner la table et tout plaquer sans demander son reste. Elle s'arme de tolérance quand il s'agit de son travail à l'hôpital, quand il s'agit de ses proches, quand il s'agit du regard intransigeant que la société pose sur sa personne. Et d'un autre côté, tout lui fait l'effet de verre pilé que l'on glisserait contre son visage et sa poitrine là où le sort l'a tapée de plein fouet. Si elle ne ressent plus les blessures physiques et fantomatiques du sortilège grâce à Padma et au baume, Hannah doit encore composer avec les séquelles internes qui prennent bien plus de temps à se réparer.

Roxy n'aide en rien dans les tentatives de la brune pour maintenir un calme apparent - même lorsqu'une tempête émotionnelle se déchaine en elle - avec ses regards et son impertinence, on pourrait même dire insolence. Et ce rictus qui apparaît sur le visage de la joueuse de Quidditch, ah si seulement elle pouvait l'effacer, si seulement Roxy pouvait disparaître. De toute évidence, Hannah n'a pas envie de compagnie, mais non évidemment, celle-ci reste assise à boire sa tasse et à répondre à ses attaques par un autre venin tout aussi percutant. Ce serait sans doute trop demander un peu d'air et d'espace ! Elle l'écoute Hannah, toute griffes métaphoriques sorties, tout en sourire et en regard noir qu'elle ne manque pas d'envoyer à la sorcière aux cheveux noirs. "Tout le monde n'a pas le luxe de lâcher prise Roxy, si c'est ainsi que tu appelles tes ... loisirs." répond-elle pour le moins exaspérée par le comportement nonchalant de cette intruse dans son espace vital. Tant pis pour le calme. Tant pis pour le repos. Et n'y pouvant plus, elle finit par amener sur le tapis la seule personne qui les lie, cette tierse personne qui n'est pas là et pourtant semble présente dans la conversation. "Mais dis moi, c'est ce que tu dis à Bash ? Qu'il doit lâcher prise ? C'est comme cela que tu traites tes amis ?"  Le coup est bas, elle en a conscience, et la subtilité n'est plus de mise. Pourtant, Hannah ne regrette qu'à demi ses mots, la culpabilité et la politesse étouffées par ce sentiment d'impuissance qui ne la quitte plus quand il s'agit d'une des personnes les plus importantes de sa vie. Elle a délaissé et abandonné Susan pour protéger son frère, elle a choisi d'abandonner le combat pendant de nombreuses années pour ne pas qu'il se retrouve seul. "Parce que dans ce cas, tu ne peux que te féliciter... Bravo, c'est réussi." Il a complètement écouté tes conseils avisés. Ironis-t-elle en se retenant au dernier moment de taper dans ses mains.

De plus en plus souvent, la sorcière se demande si tel était le bon choix. Si telle était la marche à suivre, et si au final elle n'a pas tout fait à l'envers, comme d'habitude.

Si il y a bien une chose à savoir sur la belle Roxy c’est qu’elle est aussi piquante qu’une rose en pleine éclosion. Magnifique et dangereuse à la fois et c’est peut-être ça qui plait autant aux gens qui l’entoure. C’est peut-être ça qui en fait une de ces personnes que l’on aime suivre. C’est peut-être ça qui la définie le mieux, finalement. Et si on pourrait la qualifier de bonne personne, dans le fond, jamais elle ne pourrait renier ce qu’elle est tout simplement. Elle le sait. Elle le voit d’ailleurs très bien. Elle irrite Hannah au plus haut point. Elle le voit d’ailleurs dans ses yeux qui lui jette des éclairs. Des regards assassins. Elle les voit les mouvements de ses lippes qui se retiennent encore et encore de lui hurler dessus. Oui, la belle aux cheveux de jais ne peut fermer les yeux sur la souffrance qu’Hannah ressent à se contenir. Elle le sait. Elle le voit. Et pourtant elle ne peut s’empêcher de la provoquer encore, encore, encore … Jusqu’à l’implosion. Est-ce une expérience qu’elle souhaite mener sur la sœur de l’un de ses meilleurs amis ? Pas du tout. Elle n’y prend pas plus plaisir que cela d’ailleurs mais c’est plus fort qu’elle. Roxy ne veut pas en démordre et plus elle provoque la jeune Abbott. Plus elle empiète sur son espace vitale. Plus heureuse elle est.

Pourquoi ? Roxy n’en sait fichtrement rien et cela est bien problématique. Cela n’a rien à voir avec sa répartie habituelle, non. Depuis quelques temps elle ne se reconnait plus. Elle ne se comprend plus. La souffrance qu’elle ressent… Non, qu’elle s’inflige, doit-elle l’avouer, la pousse à faire des choses qui en règle générale n’aurait pas été si loin. La joueuse de Quidditch a toujours eu du répondant, elle ne peut le nier mais cette conversation tourne à la méchanceté pure et si jusqu’à présent Roxy mené la barque, le jeu ne tarde pas à se retourner contre elle. Les mots d’Hannah lui clouerai d’ailleurs presque le bec sur place. Si et seulement si elle n’avait pas été aussi têtue car elle le sait le centre de la conversation n’est pas la douleur d’Hannah, ni la sienne, non. Le centre de leur monde n’est autre que Bash. Elles le savent toutes les deux. La belle aurait dû se méfier, à trop vouloir jouer on y perd à coup sûr.

Elle ne veut pas entendre parler de lui. Elle ne veut pas prononcer son nom. Elle ne veut même pas penser à lui. Et pourtant dans ce visage qui lui fait face, elle retrouve tout de sa personne. Les mêmes traits. Les mêmes mimiques et si seulement Hannah n’avait pas changé de couleur de cheveux, c’est le même blond qu’elle aurait eu en face d’elle. Elle ne veut plus de Bash et pourtant elle ne peut, ironiquement ; plus se détacher d’Hannah. Parce qu’elle le voit en elle. Parce que bizarrement la souffrance qu’Hannah tente de cacher lui rappelle le comportement de Basile. L’attitude qu’elle observe chez lui lorsque du coin de l’œil son attention se porte sur lui. Les histoires que Jules, June, Sky ou Roman lui racontent en lui demandant de faire quelque chose. Encore. Encore. Encore. Et si elle ne fait rien pour lui, pourquoi bougerait-elle le petit doigt pour les autres. Personne ne lui vient en aide à elle… Et c’est de sa faute.

Le regard de Roxy se durcit tandis que les mots d’Hannah la frappe de plein fouet. Lui touche le cœur. Lui arrachant presque une mimique désapprobatrice. Qu’est-ce que ça peut bien lui faire hein ? En quoi est-ce que cela peut bien la regarder ? Elle fait bien ce qu’elle veut non ? Si ses loisirs sont ceux-là en quoi cela peut bien la déranger ? La langue de Roxy claque contre son palais. Elle repose doucement sa tasse de café. Le sang bouillonnant dans ses veines. Ses lippes se plisse, ne laissant entrevoir qu’un délicat morceau d’épiderme. Elle serait bien grossière, là, de suite. Personne ne l’en empêche. Elle n’a pas la retenue de celle qui lui fait face. Il n’a pas besoin de mes conseils pour savoir ce qu’il a à faire. répond-elle sèchement. Ni des tiens. lance-t-elle en croisant les bras sur sa poitrine avec un air hautin. C’est vrai il est assez grand pour que les gens n’ai pas à le couver de la sorte. Et puis de toutes façons t’a pas à t’inquiéter, je ne compte plus l’approcher ton si précieux petit frère. Je risque plus de le corrompre. Contente ô Hannah la grande sage ?! continue-t-elle avec exagération. Tu trouves peut-être que les nightwings ne sont qu’une simple bande de débiles qui font la fête. Immatures; mais regarde toi un peu Hannah… Tu ferais mieux de les prendre de temps en temps pour toi mes conseils si avisés. Ça ne te ferais pas de mal ! cette fois pas d’ironie. Pas le temps de mâcher ses mots. Pour dire vrai elle n’en a pas envie. Et si seulement elle n’était pas la sœur de Bash, voilà longtemps que Roxy aurait été moins courtoise ; mais cette fois la jeune femme n’est pas sûre de s’en sortir gagnante car au fond une part de vérité réside dans les mots d’Hannah.

La conversation prend un tournant désagréabe, pas que jusque-là ce fut une partie de plaisir. Mais à l'instant même où Hannah prononce le prénom de son frère, l'air semble quitter la pièce du café d'un seul coup. Le visage de Roxy se referme. Et les deux femmes s'affrontent du regard sans détourner les yeux. C'est une bataille qu'aucune d'elle n'est prête à abandonner pour des raisons sans doute complètement différentes. Hannah en a juste marre de se faire marcher sur les pieds. Elle est à bout de nerfs et à bout de tout. Elle a constamment l'impression d'être dans un entre-deux : d'étouffer sous un afflux d'air et de respirer dans le vide. Elle voudrait crier, elle voudrait hurler. Parfois, le soir, elle s'enfonce le visage dans un coussin et s'égossille à l'abris des oreilles, dans le secret de sa chambre. Souvent la nuit, la médicomage se réveille en hurlant.

Elle va mieux pourtant.
Mais c'est loin d'être suffisant.
Plus rien n'est comme avant.

Cela devait bien tomber sur quelqu'un. Il fallait que ce soit sur l'amie de son frère. Quand on y pense, ce n'est pas si étonnant que cela. Hannah a bien trop peur de perdre ses proches pour se laisser aller à les engueuler ; même devant Ernie elle n'a pas su tenir sa colère légitime. Avec Zach n'en parlons pas, ils savent à peine se parler. Alors le reste. Il ne restait bien qu'une presque inconnue qu'elle ne porte pas dans son coeur pour essuyer les foudres de sa rage.

Entendon-nous bien quand on parle de foudre et de rage, c'est d'Hannah dont il est question. Cela passe donc par des attaques envoyées sous une voix contrôlées et piquantes. Très éloigné de ce qui bouillonne en son sein. C'est dit sur un ton doucereux et presque agréable. Presque compatissant. C'est sans doute pire au final d'essuyer de tels reproches à peine déguisés qui ne le sont plus du tout lorsqu'elle aborde le sujet délicat qu'est son frère. Délicat parce qu'elles tiennent toutes les deux à lui - à leur manière. Délicat, parce qu'elles n'ont en effet aucune raison de gérer la vie de Bash. Mais c'est tout ce qu'elle connaît l'aînée des Abbott, elle serait de fait bien incapable d'agir autrement. Sa moue se fait de plus en plus désapprobatrice en l'écoutant répondre. Elle répime un léger mouvement du sourcil puis se penche en avant pour n'être qu'à quelques centimètres du visage de la brune. "C'est donc ça ce que tu fais Roxy. tu donnes ce genre de conseils aux gens et puis tu les laisses tomber quand ils vont mal et qu'il ne t'apportent plus quoi...Du fun ?" Elle se recule et reprend sa place adossée contre sa chaise, ne réfléchit même plus à la portée de ses paroles, ou au bienfondé de sa morale. il n'y a que cette bave immonde qui surgit de ses deux lèvres. Il n'y a plus que ces reproches ouverts, les mêmes qu'elle se fait à elle-même continuellement. "Très peu pour moi. Je me passerais d'ailleurs de tes conseils et de tout ce que tu voudrais bien me dire. Mais tu devrais écouter les miens. Laisse Bash tranquille ou alors rends-lui une visite pour constater par toi-même comment il se sent. Et ensuite seulement tu pourras me faire la morale. Qu'est-ce que tu sais de ma vie ? Qu'est-ce que tu sais de ce qui est bon pour moi ou pas ? Tu vis dans une bulle Roxy. Ouvre les yeux, regarde autour de toi un peu." Et seulement là, Hannah s'arrête. Sent qu'elle a plus que dépassé les bornes. C'est comme si en parlant à la jeune femme, elle s'adressait à la Hannah du passé, celle qui ne voyait rien. Celle qui se complaisait dans un déni bénéfique sur le moment. Elle voudrait bien revenir en arrière et s'excuser, mais il y a quelque chose dans la posture de la joueuse de Quidditch qui l'en empêche. Qui bloque toute son empathie déjà vacillante depuis qu'elle a subi son agression. Où est-elle Hannah ? Existe-t-elle encore ? Où est son sourire, où demeure sa compassion ? Par morgana, elle se manque à elle-même, si cela est une chose possible.

Deux lionnes en face à face. Deux femmes fortes ; chacune à leur manière ; qui se défient du regard. Elles n’ont pourtant aucune réelle raison de se disputer ces deux là. Elles auraient pu sagement se saluer d’un mouvement de tête. Faire preuve d’un peu de courtoisie. Echanger quelques banalités ; avant de rejoindre bien sagement leur table et de continuer à boire leur café. Finalement c’est ce qu’elles auraient dû faire ; car la conversation prend des tournures de guerres froides en devenir. Chacune campant sur sa position, avec ses idées bien arrêtées. Elles se jaugent. Elles se jugent. Ne faisant pas le moindre effort pour se calmer. Oh elles ne crient pas les deux demoiselles ; non ; c’est un combat qui se joue à demi-mot. Une mesure endiablée qui bat son paroxysme. Des allusions tranchantes qu’elles seules peuvent comprendre et une envie assassine de jeter la faute sur celle qui lui fait face pour leurs propres erreurs. Parce qu’au final c’est ça le truc. Elles se crachent du venin au visage ; mais pour quelle raison au juste ?  La frustration est la seule réponse plausible a ces attaques. Elles sont tout bonnement frustrées de ne pas pouvoir aider Bash. De na pas pouvoir pour l’une. De ne pas vouloir pour l’autre. Car elles se sentent impuissantes face au déclin de l’ancien joueur de quidditch. Il n’est plus le même. Plus que l’ombre de celui qu’il était. Elles le savent toutes deux ; Basil n’est plus. Et pourtant Hannah ne perd pas espoirs de lui faire remonter la pente. Roxy se cache derrière de fausses excuses pour ne pas avoir à faire à lui. Pourtant elle pourrait sûrement l’aider, c’est ça le pire n’est-ce pas ? La médicomage qui lui fait face l’a compris. Roxy ; elle ; ferme les yeux pour ne pas avoir à affronter la réalité. Seulement voilà, elle sait que son impertinence risque de la mener sur un chemin bien dangereux.

Elle essaie de garder un visage impassible face à Hannah. Elle y arrive très bien jusqu’à la mention de Bash d’ailleurs et elle enrage intérieurement quelque part parce qu’Hannah est entrain de la prendre à son propre jeu. Fini la Roxy que rien ne touche quand il s’agit de lui, son flot d’émotion ne peut malheureusement pas être contenu. Bash est son point faible et Hannah ne fait qu’appuyer dessus. Pourtant Roxy ne manque pas de répondant mais elle ne s’attend pas à la réaction d’Hannah. Non, la jeune femme a toujours su garder son self control. Trop bien élevée pour hausser le ton. Trop bien sur elle pour tomber dans un piège aussi absurde que celui que la joueuse de Quidditch est entrain de lui tendre. Alors Roxy pense que c’est gagnée d’avance. Assurément qu’elle va pouvoir passer sa frustration sur celle qui partage tant avec la source de ses tourments. Mais c’est une tout autre Hannah qui lui répond. Elle aurait dû le voir venir. Elle aurait dû sentir que le vent était en train de tourner mais la tempête qui s’abat sur elle, ça, elle ne pensait pas se la prendre dans les dents. Elle écoute Hannah déverser son venin sur elle, phrase après phrase, mot après mot, syllabe après syllabe. Elle ne bouge plus ; parce qu’elle ne reconnait plus la femme qui lui l’assassine de reproches à peine déguisé. Ne cil pas devant son interlocutrice, sa boisson à présent froide entre les doigts. Le choc ne passe pas et c’est limite si elle ne sent pas ses muscles devenir endolori. Oh bien sûr elle aimerai pouvoir lui répondre et si elle n’avait pas été la sœur de Screetch, elle lui aurait probablement retourné une claque afin de lui remettre les idées en place.

Elle lui fait presque peur. Ne l’impressionne pas plus que cela mais… Ce qu’elle lit dans les yeux d’Hannah la paralyse. La rage. La terreur. La solitude. Il n’est plus question de Bash ou de Roxy dans ce discours. Non. Elle entrouvre alors les lèvres. Ne cherche pas à répondre à la sorcière mais plutôt à prendre une bouffée d’air. Le monde Roxy ne veut pas le voir. La réalité elle préfère la fuir. Si elle ouvre les yeux là, maintenant, elle sait que tout lui reviendra en plein visage. La situation des sorciers. Le gouvernement. Les hybrides. Tout. Tout. Et même son amour pour Basil. Son mal être. Le fait qu’elle l’a lâchement abandonné lorsqu’il était au plus bas ; pour s’éviter à elle de souffrir. Dans ce combat qu’est le siens ; elle se choisit constamment elle. C’est la réalité. C’est le poids qu’elle porte sur ses épaules. Et pourtant le changement qui opère en Hannah lui fait soudainement réaliser que des choses plus graves se passent autour d’elle. Car la Hannah qu’elle connait n’est pas celle qui est dans ce café. Ses mains se resserrent sur la tasse en porcelaine. Tremblante ; elle souffle. Tais toi. Toi non plus tu ne me connais pas… elle se lève de manière un peu brusque. Pense qu’il est temps de fuir. Elle ne supporte plus cette conversation. Elle ne supporte plus cette femme. Emboite quelques pas puis s’arrête. Se retourne vers la médicomage : Mais tu as raison, je ne sais rien de ta vie… Et je ne connais pas la Hannah que je viens de voir ; c’est vrai.

Au moment où tous les mots sortent de ses lèvres pincées, Hannah réalise qu'elle est allée trop loin. Beaucoup trop loin. Dangereusement loin. Elle en viendrait presque à jurer intérieurement si elle ne détestait pas autant les gros mots. Et cela doit se voir dans ses yeux qui s'élargisse et sa main qui glisse jusqu'à ses lèvres. La brune n'en revient pas, tous ces reproches et la presque révélation qu'elle a fait dans un lieu public. reckless. Son regard part à gauche puis à droite - personne ne semble l'avoir entendue heureusement - puis revient se fixer sur Roxy. Tais toi. Toi non plus tu ne me connais pas… Hannah ne comptait pas continuer. Elle en a déjà bien trop dit, bien plus qu'elle ne l'aurait dit. Mais elle sent avoir fait mouche, n'en est pas satisfaite pour autant. Cette situation ne peut plus continuer, Hannah ne peut plus continuer ainsi ; et pourtant elle le doit.

Roxy se relève, Hannah reste assise. Roxy s'éloigne, Hannah reste immobile. Roxy semble hésiter, se retourne et vient asséner une phrase qui lui fait le coup d'une giffle bien passée. A bien y réfléchir une giffle aurait peut-être fait moins mal. Mais tu as raison, je ne sais rien de ta vie… Et je ne connais pas la Hannah que je viens de voir ; c’est vrai. Hannah non plus ne se reconnait pas la moitié du temps. Ses dents s'acharnent sur sa lèvre inférieure pour empêcher d'autres mots imprudent d'en sortir. Pour empêcher les larmes de couler aussi. Ernie avait raison - ce n'est pas surprenant - la jeune sorcière a besoin d'aide. Elle est prise dans une spirale de souvenirs et de colère et de peur, à en perdre la raison. Elle a l'impression de toucher le fond, ça y'est, le combat qu'elle mène l'a atteinte. La question qui reste est la suivante : peut-elle creuser encore plus et s'enfoncer dans un trou jusqu'à ne plus pouvoir en sortir, ou aura-t-elle la force de se relever ? Elle voudrait tellement être forte comme Susan ou intelligente comme Ernie et Ariel. Une chose est sûre, Hannah ne veut pas revenir en arrière, quand elle vivait dans un brouillard de déni. Même si elle le voudrait, elle ne le pourrait pas.  

Alors, elle plante une dernière fois son regard dans celui de Roxy, évite de dire ce qu'elle pense égoïstement : running away again huh? "Au revoir Roxy," murmure-t-elle à la place avant de détourner le regard et de le planter dans le vide, sa main quittant sa bouche pour se poser sur la petite table où repose sa tasse à moitié vide et froide maintenant. Et Hannah se plonge dans ses pensées, son cerveau part dans tous les sens. L'image de Roxy s'éloigne de son esprit alors que celle-ci doit être en train de partir. Et lui revient tout le reste. Tant pis pour le moment de calme qu'elle avait recherché en venant ici.

Dans quelques minutes, elle mettra quelques monnaies sur la table, prendra ses affaires et s'éloignera en direction de son petit appartement vide. Pour l'instant, Hannah Abbott ne bouge pas. Pas encore. Elle s'en veut autant qu'elle ne regrette rien. Son coeur est serré autant que sa poitrine s'est allégée d'un poids. Elle ne comprend plus rien, si tant est qu'elle est jamais compris quelque chose à cette vie qui ne fait pas sens. Il y a le visage de sa mère qui occupe toutes ses pensées sur la fin. Sa mère qui n'est pas là et dont les paroles sensées et les caresses douces lui feraient tant de bien pourtant. Sa mère qui lui manque le plus dans ces moments où la médicomage a la désagréable sensation d'être trop jeune et pas assez préparée à ce monde de violence.

Il ne reste que des souvenirs.
Les souvenirs n'ont jamais aidé.