Ugly on the skin but lovely from within
Marcus Flint & Boris Bagshot
Du peu que Marcus sait et te raconte, il semble qu’Isaac ne sache pas qui est son Sire. Tu te demandes si ça peut survivre longtemps, un vampire sans son Sire. Et si ça l’est, comment on s’en sort. Parce qu’à l’époque, tu nourrissais encore l’espoir qu’Isaac finirait par se retourner sur toi, au moins pour t’apprendre les ficelles de ta malédiction. Tu étais loin de te douter que finalement, c’était Sienna qui allait te ramasser sur le bord de la route, et pis encore, que tu allais trouver le moyen de faire de la merde, dépourvu de tous repères.
De ce que tu avais vu à la Brigade, avec Sienna et toute sa bande, c’était important, les Sires, pour leurs infants. C’était un peu comme un chef, comme un parent. Certainement une déformation professionnelle, puisque beaucoup de sorciers tout récemment mordus devaient se faire mettre à la porte par leur ancienne famille de sang.
Mais dans tout cas, c’était ta mère qui avait tiré les ficelles de tout ce merdier. Aussi, jusqu’à présent, pendant ces premières semaines de calvaire, tu n’avais pas insisté, puisque tu couchais encore chez tes parents. Ta mère ne semblait même pas vraiment avoir changé de comportement, si ce n’est qu’elle te couvait encore plus de son regard translucide, soupirant avec la compassion qu’on réserve aux pestiférés. C’est comme si elle se tenait des jours durant au chevet de ton lit de mort, ne se lassant pas de raconter en long et en large la corvée et l’horreur de ton nouveau régime. Et son auditoire de tendre une oreille curieuse, voire indiscrète, digérant goulûment les détails sordides des récits de ta mère.
Elle prenait soin de toi, en un sens, puisqu’elle ne t’avait pas mis à la porte. C’était ton Sire, en un sens, puisqu’elle t’avait nourri, allant jusqu’à sacrifier sans vergogne les elfes de maison.
Mais bon, c’était un peu la moindre chose, puisque c’était elle qui avait précipité ta mise au ban de la société. Comme un Sire, quoi.
Cependant, contrairement à Isaac, elle pouvait pas comprendre ce que ça faisait, d’avoir le sang rongé, d’avoir les sens sans dessus dessous à la moindre odeur d’hémoglobine. Elle pouvait pas t’apprendre à chasser, à t’apprendre à
ne pas chasser.
Tu observes Marcus, t’imaginant que t’aurais bien aimé que ce soit lui, ton Sire. Que ça lui aurait fait une belle jambe, à la brutasse de service (il paraît que son frère jumeau était moins butor, et rien que ça, ça valait le coup de lui courir après). Tu te demandes si, lui aussi, il a planté des elfes pour abreuver son frère… Peut-être qu’il lui avait même filé son propre sang… Une veine saille sur le dos de sa main que tu fixes, un peu trop longtemps.
Tu soupires, secouant le chef.
« Nan, t’inquiète pas, ça va aller... » tu relèves les yeux, cloues ton regard blanc dans le sien. Et ça crie qu’en fait si, tu as besoin de lui, que tu as besoin qu’il supplie son frère, parce que toi, tu pouvais pas le faire, puisqu’on n’était pas censé savoir que c’était lui qui t’avait mordu. Que t’étais prêt à demander un service à Marcus fucking Flint.
Je t’en supplie, parle-lui de moi. J’ai tellement besoin de lui, et je sais même pas pourquoi.Parce qu’au fond, tout au fond, quand t’avait aperçu son imposante silhouette dans la foule, t’avais tout au fond bien senti que c’était pas le jumeau vampire sur qui tu te jetais…
Tu te relèves soudainement, comme un diable hors de sa boîte, lisses les pans de ta cape. Tu te recomposes une allure insolente.
« J’ai genre oublié pour beaucoup trop de Gallions de fringues derrière moi, avant qu’on transplane… je vais devoir te fausser compagnie, à toi et à tes irrésistibles muscles… » Tu tends la main dans sa direction.
« Je compte sur toi… » que t’en viens même à confier, alors que juste avant, tu l’intimais de ne pas se mêler de quoi que ce soit.
« … pour pas en parler, hein, je compte sur toi, pour ça… » Tu te racles la gorge, mal à l’aise à l’idée d’avoir pu étaler ainsi ton désarroi face au mauvais Flint… ou peut-être au bon, après tout.