”Jordan, les brevets sont prêts.” Penché au dessus de sa boule cristal, Ezekiel se redresse en mettant fin à la communication pour empiler les documents qu’il a soigneusement relus cette dernière demi-heure - une pile bien alignée d’où aucun feuillet ne dépasse, qu’il couvre d’un regard satisfait avant de tourner les yeux vers l’assistante faisant irruption dans son bureau. Il lui adresse un bref sourire en lui tendant les dossiers complétés. ”Fais en sorte qu’ils soient entre les mains du Ministère avant 11h”, ordonne-t-il d’un ton égal, sans se préoccuper du fait qu’il est déjà 10h56 - ce n’est pas comme si Jordan n’était pas habituée aux timings serrés imposés par son supérieur ; elle se débrouille toujours pour répondre à ses impératifs, et il ne fait aucun doute que les brevets fraîchement acquis pour le développement de nouvelles cristalapps seront livrés dans les temps. ”Oui, M. Zabini. Puis-je faire autre chose pour vous ? − Ne pas perdre de temps, ce serait déjà un bon début.” Il répond à son haussement de sourcils par un sourire plus large encore, se laissant aller contre le dossier de son siège en cuir tandis que Jordan se dirige vers la sortie ; avant de pencher la tête sur le côté lorsqu’elle se retourne vers lui pour ajouter : ”Votre rendez-vous de 11h est arrivé, Monsieur, il patiente dans la salle d’attente.” Parfait.

Ezekiel n’a pas revu Marlon Travers depuis le tragique mariage auquel il a cru bon de convier toute l’élite britannique, seulement pour la remettre entre les griffes d’une horde d’hybrides furieux - une tournure inattendue et imprévisible, dont l’homme d’affaires remet pourtant entièrement la responsabilité sur l’équipe de surveillance ayant laissé passer une telle faille. Certes, la sécurité n’est pas son domaine ; cela ne l’empêche pas de juger sévèrement quiconque mettrait en danger sa vie - quiconque commettrait la moindre erreur.

S’il a fait porter une missive au couple, jointe d’un cadeau de mariage, comme le veut la bienséance, Ezekiel n’est pas sorti de son quotidien pour s’enquérir de l’état de santé, physique comme mentale, des jeunes mariés. L’incident n’a certainement pas été au coeur de ses préoccupations ; entre la sortie de l’iKrys 6 début Juin, et les récents chamboulements dans sa vie personnelle, Zeke n’a eu que peu l’occasion de se rendre au Ministère, encore moins de faire son habituel tour des étages pour saluer les grandes pontes du gouvernement. Et Marlon n’a pas échappé à la règle.

Aussi, le CEO de la BCBC a été aussi surpris que ravi de voir le nom de son confrère Mangemort apparaître sur son agenda rigoureusement tenu par Jordan. Si Ezekiel n’est pas friand de l’inconnu, il se retrouve légèrement grisé à l’idée de voir Travers requérir une entrevue avec lui. Qu’il s’agisse du Chef de la Brigade de Police Magique ne le laisse aucunement craintif ; le peu qu’il peut avoir à se reprocher aux yeux du gouvernement est soit couvert par la Marque sur son avant-bras, soit par la montagne de précautions prises en amont. Alors, Ezekiel franchit la porte en verre, une confiance certaine dans les veines, ainsi que sur son visage souriant qu’il tourne vers Marlon, lui serrant la main lorsque ce dernier se lève de la banquette face à son bureau. ”Marlon, toujours un plaisir de te voir. Cela fait un moment qu’on ne t’a pas vu dans le coin, tu sais que tu seras éternellement le bienvenu dans mes locaux, n’est-ce pas ?” Ce n’est pas tout à fait faux - Ezekiel se fait toujours un plaisir de recevoir n’importe quel membre de l’élite dans son bureau. Encore plus lorsqu’ils portent, comme lui, la Marque. Encore plus lorsqu’ils sont de sang-purs. La combinaison de ces trois faits vaut bien un créneau dans son emploi du temps.

Ezekiel le guide jusqu’à la porte de son bureau, s’assurant d’un coup d'œil que Jordan a bien disparu en direction du Ministère. Plutôt que d’installer Marlon autour de l’imposant bureau trônant au fond de la pièce, il lui fait signe de prendre place sur l’une des banquettes en cuir sombre à l’entrée, s’asseyant à son tour en face de lui, les jambes croisées et un sourire engageant sur le visage. ”Comment te portes-tu, depuis les événements du mois dernier ? Et je me permets également de demander : comment se porte ta femme ?” Comme si le sort de Freya Abbott (Travers ?) l’intéressait le moins du monde - mais, paré de son masque lisse et solaire, il ne viendrait pas à l’esprit d’Ezekiel de rentrer dans le sujet qui les intéresse réellement sans faire un tour de politesses.

Son aisance pour les politesses et son respect sensible pour les codes étriqués du monde auxquels ils appartiennent tous deux, sont autant de qualités qu’Ezekiel sait reconnaître à Marlon ; et de fait, il aurait difficilement accordé une entrevue sans motif défini au préalable à quelqu’un présentant moins que cela. Certes, sa curiosité l’aurait sans aucun doute titillé, mais cette dernière est bien moins précieuse que son temps. Aussi, en offrir un peu à Marlon est tout naturel, et pourrait même ne pas être complètement désagréable. Après tout, sa présence à la BCBC n’est certainement pas anodine, et assez rare pour ne pas révéler qu’il a, sans aucun doute, besoin de lui, d’une façon ou d’une autre - et peu de choses en ce bas monde apportent autant de satisfaction à Zeke que d’être dans une telle position, une position de force, un avantage qu’il sait faire jouer en sa faveur. Bien sûr, on n’est jamais trop prudent quand il s’agit de négocier avec quelqu’un d’aussi influent que Marlon - tout comme Marlon ne doit pas être sans ignorer qu’il vaut mieux être prudent en faisant volontairement un pas dans le royaume d’Ezekiel Zabini.

Ainsi ils se toisent comme des animaux de la haute, à s’offrir tour à tour sourires et politesses bien rodées, enrobées d’une couche de sincérité factice, un art que Marlon maîtrise à la perfection, il faut bien en convenir. ”Je te remercie de ta considération à notre égard. Le Lord soit loué, ma femme et moi en sommes revenus indemnes. J’espère qu’il ne t’est rien arrivé de trop grave, d’ailleurs. Comment t’en es-tu sorti ?” Un sourire fleurit naturellement sur ses lèvres toujours étirées, succédant à la mine aussi sérieuse que soulagée d’apprendre que les mariés s’en sont sortis sans une égratignure, comme s’il s’agissait d’une information qu’il découvrait tout juste ; il serait impoli d’en faire autrement, Marlon lui retournant d’ailleurs la politesse au travers de cette question dont il doit, bien évidemment, connaître la réponse. ”Tu m’en vois ravi ! J’ai également eu beaucoup de chance, je n’ai eu qu’à me débarrasser d’un sauvage ou deux avant de pouvoir transplaner à l’extérieur. Vraiment, un terrible, terrible événement...” Dont Marlon est en partie responsable - comment peut-on être Chef de la BPM et ne pas s’assurer de l’irréprochabilité de la sécurité de son propre mariage ? Une absurdité sur laquelle Ezekiel n’a pas fait l’impasse, et qu’il n’est certainement pas le seul à avoir relevé, une tâche sur le profil pourtant objectivement remarquable de Travers, de celles que l’on note dans un coin pour ressortir plus tard en cas de besoin.

”Enfin, j’espère que cela ne te découragera pas de te marier à ton tour. Il serait regrettable de voir des gênes aussi brillants s’évanouir dans la nature.” Le rire charmant de Zabini se fait aussitôt entendre, offrant dans un même temps un sourire complice à son vis-à-vis. Se marier n’a jamais été, n’est pas, et ne sera jamais dans les plans de Zeke, et se reproduire, encore moins ; autant qu’il peut être conscient qu’il s’agit d’une obsession tenace dans le monde impitoyable des Sang-Purs, britanniques tout particulièrement. Le mariage et l’assurance d’une lignée tout aussi Pure sont deux sujets récurrents à son encontre ; après tout, rares sont les hommes de son espèce et de son âge à ne pas avoir passé la bague au doigt d’une sorcière de son rang, et la curiosité a mené plus d’une fois ce type de remarques jusqu’à lui. Et c’est donc avec habitude qu’Ezekiel manie cette curiosité pour qu’elle n’aille trop loin, et ne vienne gratter à la porte de secrets tenus défendus, qui pourraient mettre à mal sa position confortable, alternant aisément entre les classiques et décontractés “Je suis marié à mon travail” ou autres “C’est dans mes plans” mensongers. ”Oh Marlon, il m’en faudrait bien plus pour me décourager. Et dès que j’aurai trouvé chaussure à mon pied, tant que tu promets de ne pas ramener une bande de sauvages à la réception, tu seras le premier à recevoir un carton d’invitation”, dit-il dans un rire amical, sans une ombre hésitation, la plaisanterie sur les récents agissements de la NSFW aussi intentionnelle que décomplexée, couverte par ce ton léger qui ne le quitte que rarement.

Mais ces préambules, aussi agréables puissent-ils être, grignotent le temps qui leur est accordé, et avec le défilé des aiguilles de l’horloge accroît la curiosité de Zabini, qui aime à manier le temps en sa faveur, d’autant plus quand il se trouve sur son propre terrain. ”Ceci étant dit, j’imagine que tu ne t’es pas déplacé jusqu’ici pour parler chiffons. Et je ne souhaiterais en aucun cas gâcher le précieux temps du Chef de la Brigade.” Ou plutôt son propre temps, tout aussi précieux, si ce n’est plus, à discuter de son plan marital inexistant. ”Je suis toute ouïe Marlon, en quoi puis-je t’aider ?”, demande-t-il en s’installant confortablement sur la banquette, un bras ouvert sur l’accoudoir et la naissance d’un sourire intéressé sur le visage.

”Tu as raison. Bien que je sois ravi de mêler l’utile à l’agréable, ce sont des affaires gouvernementales qui m’ont amené ici.” Un sourcil d’Ezekiel se hausse sur son front à ce gouvernemental se glissant dans les mots de Marlon. Il a plus que l’habitude de traiter avec ce cher gouvernement, dont il sait être un allié précieux. Si son interlocuteur principal est évidemment ce cher Rodolphus Lestrange, et autres têtes du Département des Médias, avec lequel il collabore presque au quotidien, il a déjà été en contact avec d’autres branches de l’entité tentaculaire qu’est le gouvernement britannique. Et notamment le Département de la Justice Magique - il faut bien que le service d’écoute des ondes de la BCBC soit rentable et serve à quelque chose, quand même. Que le Chef de la Brigade prenne un rendez-vous personnellement, en passant par son assistante, pour des des affaires gouvernementales attise certainement la curiosité d’Ezekiel, qui affiche un large sourire enjoignant son confrère Mangemort à poursuivre.

Peut-être Marlon dit-il la vérité, qui sait. Ce qui ne fait aucun doute, néanmoins, est que Zeke a hâte d’entendre la suite. ”La situation est si délicate, que je ne peux m’impliquer directement, sous peine d’entraîner un éventuel conflit d’intérêt. C’est pourquoi, nous avons songé à faire appel à quelqu’un de pleinement impartial.” Marlon sait admirablement ce qu’il est en train de faire : le mettre dans la position d’un besoin impérieux, au cœur d’un service que personne d’autre ne pourrait offrir. Ezekiel apprécie cet effort qui, immanquablement, fonctionne sur quelqu’un comme lui, quelqu’un se nourrissant du moindre brin de pouvoir qu’on voudrait bien lui remettre entre les mains. ”Vois-tu, le gouvernement a besoin de tes services dans le cadre d’une enquête concernant Louis Travers.” Oh. La voilà, la pièce centrale de ces pincettes précautionneuses prises par Marlon, et le visage du Santoméen s’illumine d’un nouveau sourire, bien trop large pour être simplement poli - un sourire qui ne tarde pas à se transformer en un rire léger tandis qu’il se laisse un peu mieux aller contre le dossier de son assise.

Les pièces commencent à s’assembler dans l’esprit bien huilé de l’homme d’affaires à la mention de ce simple nom qui change toute la donne, et en dit beaucoup sur les intentions de son vis-à-vis. Il comprend bien mieux pourquoi Marlon a préféré faire le déplacement jusqu’aux locaux de la BCBC, plutôt que de le convier directement au Ministère. ”Ah les anglais, décidément, vous êtes mon espèce préférée”, débute-t-il en apaisant son rire maîtrisé et intentionnel, une lueur plus qu’intéressée remontant jusque dans ses yeux sombres. Ezekiel, lui aussi, sait parfaitement ce qu’il fait. ”Le gouvernement veut enquêter sur ton frère. Très bien. Tu as bien fait de venir me voir, tu sais que je suis l’homme de bien des situations.” Peu lui importe si Marlon préfère mettre cette requête derrière l’écran de fumée que représente le gouvernement dans leur discussion ; et c’est exactement ce que lui signifie Ezekiel. ”En quoi puis-je être utile à celle-ci ?” Car il a besoin de toutes les informations, avant de commencer à négocier.

”Oui, je suis certain que tu es l’homme de cette situation.” Interesting. L’attention d’Ezekiel est désormais toute tournée vers Marlon, à la fois amusé et intrigué par cette situation. Evidemment, qu’il apprécie la scène qui se joue sous ses yeux - ce n’est pas tous les jours que le Chef de la Brigade vient frapper à sa porte, pour lui demander un service, qui plus est. Sans même compter que ce service ne semble pouvoir être apporté par personne d’autre que lui-même, à en croire l’évocation du système d’écoutes des ondes de la BCBC, un secret bien gardé de la population, évidemment connu des services de la police. Ce n’est absolument pas la première fois, loin de là, qu’Ezekiel apporte ses services au gouvernement ; il n’a pas importé au Royaume-Uni une technologie permettant de surveiller la population pour rien - et il n’a, d’ailleurs, pas choisi le Royaume-Uni au hasard pour apporter une telle proposition.

”Le gouvernement le soupçonne de mener des affaires illégales, de type trafic de créatures magiques en tous genres. Créatures qu’il capturerait à l’étranger et ramènerait sans autorisation ni inspection préalable au Royaume-Uni. Pour ensuite les revendre à des organisations peu scrupuleuses. Le gouvernement a de bonnes raisons de penser qu'il est en contact avec l’Alberich.” Cette fois-ci, Marlon attise son intérêt. Son vis-à-vis lui ôte les quelques doutes qui planaient encore sur la situation : le gouvernement n’a absolument rien à voir avec cette affaire. Et cette simple information le met dans une position plus confortable encore, au cœur même de ce qui semble être une querelle familiale. Oh, Ezekiel n’en a que faire de savoir ce qui déchire les Travers, et d’apprendre les détails de cette relation fraternelle dont il se moque éperdument. Tout ce qu’il relève, est que Marlon se présente dans une position vulnérable, et l’orgueil d’Ezekiel ronronne de satisfaction derrière son large sourire. ”Ce n’est évidemment pas de gaieté de coeur que je viens te parler de cette histoire. Tu le sais probablement, je suis un homme proche de sa famille. Mon filleul Celyn, que tu as dû croiser chez Rosier Lights, pourra te le confirmer à l’occasion.” Pendant l’espace d’une brève seconde, le sorcier parvient à le sortir de leur discussion en mentionnant Celyn, un élément qui n’a absolument rien à faire dans la discussion. Est-ce qu’il est au courant ? Mais bien vite, l’homme d’affaires se raisonne, et omet l’information nouvelle et complètement absurde du lien semblant rapprocher Celyn et Marlon. Ce dernier ne peut savoir, ils prennent bien trop de précautions pour avoir été découverts, même pas le Chef de la Brigade.

L’éclat d’inquiétude d’Ezekiel disparaît aussi vite qu’il est apparu, et de nouveau, il se concentre sur les paroles de son invité de marque, attendant d’atteindre la partie qui l’intéresse réellement. Marlon est loin d’être un idiot fini, au contraire même, et il ne serait pas sans savoir que le CEO de la BCBC ne fait pas dans la générosité, encore moins dans le don de soi. ”Je suppose que tu es au fait des privilèges qui me sont dûs. Il va de soi que si l’enquête se déroule comme prévu, je pourrais t’aider à réaliser bien des projets.” Nous y voilà. Le sourire carnassier d’Ezekiel laisse dévoiler ses dents blanches, tandis qu’il ne bouge pas d’un poil, confortablement installé sur son assise, les jambes croisées et un bras ouvert sur le dossier. "Évidemment, je n’en attendrais pas moins d’un homme de ta trempe. Et tu te doutes qu’un homme de la mienne a bien des projets en vue”, entame Zeke après avoir laissé un léger silence s'installer entre eux - c’est probablement là où il tire son plus grand plaisir, dans une telle situation, pouvoir réguler l’atmosphère et observer les réactions que lui proposent ses vis-à-vis. Il n’a pas réellement d’intérêts, cependant, à jouer avec Marlon, étant donnée sa position, autant au sein de la Brigade que celle dans laquelle il se présente à lui aujourd’hui. Mais il doit se montrer prudent, pour ces deux même raisons. Et la proposition de Travers est bien trop alléchante pour s’y jeter tête baissée. ”Tu sais également que je n’ai pas pour habitude de mêler qui que ce soit à mes affaires. Après tout, on ne me qualifie pas de self made man pour rien.” Un rire léger file d’entre ses lèvres étirées, alors qu’il finit enfin par se redresser, ses paumes étendues sur ses jambes qu’il décroise d’un geste souple. ”Et si je peux me permettre d’être complètement honnête avec toi, je ne suis pas certain du privilège que serait en mesure de m’offrir le Chef de la Brigade en échange d’une écoute parfaitement illégale sortant de mon contrat habituel avec le gouvernement. Un confrère Mangemort, cependant...” Il hausse un sourcil dans une expression parfaitement assurée, ne cherchant à lui cacher ni qu’il est loin d’être dupe, ni qu’il cherche à savoir jusqu’où Marlon est prêt à aller pour obtenir son précieux service. ”Tout dépend à qui je m’adresse aujourd’hui.” Ezekiel aime être prudent, mais avant tout, Ezekiel aime prendre des risques. Et il peut largement se permettre de saisir celui-ci, quand Marlon en prend bien plus en venant le voir aujourd’hui.

”Tu n’es pas sans savoir qu’il existe bien des Marlon Travers, au-delà du Chef de la Brigade.” Marlon emprunte exactement la voie où Ezekiel voulait l'emmener, et il se laisse aller un peu plus contre l’assise du fauteuil en l’écoutant sans se départir de son sourire solaire et poli à la fois. Il n’a certainement pas besoin d’un homme de loi, non, ou du moins pas dans ce cas là. Malgré ce que l’on veut bien dire sur lui, Zeke Zabini est de ceux qui respectent les règles et les lois dans la majorité des cas, bien plus que certains qu’il n’aurait aucun mal à citer ; il est assez brillant pour comprendre qu’il ne sert à rien de chercher à s’attirer des ennuis quand on veut se retrouver au sommet de la pyramides. Et surtout, qu’une bonne connaissance des lois et du droit permet de les manipuler à son avantage pour obtenir ce qu’il souhaite. Ou presque. Il faut bien des exceptions pour confirmer la règle, et sans un peu de challenge de temps en temps, Ezekiel s’ennuierait ferme. ”Si je me doute bien que mes fonctions de porte-parole de l’ASAP aient peu de chance de t’intéresser, je te laisserai cependant choisir entre celles de mangemort, membre de la Chambre… Ou même représentant de l'Élite.” Le regard de l’homme d’affaires tombe brièvement jusqu’à la bague que manipule le sorcier sous ses yeux, tandis qu’il lui expose avec précision, et un brin de fierté son curriculum vitae. Zeke ne peut lui en tenir rigueur, quand il est le premier à frotter ses titres et accomplissements au nez du premier venu ; cela a toujours son petit effet, et la liste des titres de Marlon est suffisamment reluisante pour être exposée ainsi. ”C’est un CV très intéressant en effet”, commente-t-il en dévoilant deux rangées de dents blanches tandis que ses yeux remontent dans les siens. ”Je te laisse réfléchir à ce qui serait le plus à même d’aider tes projets à se concrétiser.” C’est tout réfléchi, en réalité ; Ezekiel avait simplement besoin d’une confirmation de la part de Marlon quant aux champs des possibles, et il l’a obtenu sans même avoir à pousser. Il n’y a pas à dire : si toutes les discussions d’affaires pouvaient se passer ainsi, ses journées seraient bien moins éreintantes.

Et alors que le CEO de la BCBC s’apprête à reprendre la parole, il est coupé en plein vol par Marlon qu’il voit se lever soudainement et détourner son attention vers la baie vitrée donnant une vue époustouflante sur Londres. ”C’est une magnifique vue que tu as là, tu permets que j’aille jeter un coup d'œil ? − Évidemment, fais comme chez toi”, répond-il entre ses dents serrées sans le suivre, restant ancré sur la banquette. Il n’apprécie pas particulièrement que Marlon prenne ainsi possession des lieux, dans son bureau, sur son territoire, et se permette une parenthèse au beau milieu d’une discussion on ne peut plus sérieuse - et plus encore quand le Chef de la Brigade a demandé cette entrevue, et est censé se trouver en position de quémandeur. Il en faut peu, pour frustrer Ezekiel, et Travers sait certainement très bien ce qu’il fait. Tant qu’il ne touche à rien… ”Si la BCBC venait à ouvrir un restaurant en roof top en haut de ses locaux, je n’hésiterais pas à y emmener ma femme dîner.” Zeke ravale les nombreux commentaires désobligeants qui se bousculent à la sortie de ses lèvres (est-ce qu’il pense que la BCBC est un centre de loisir pour la populace ?), et laisse plutôt s’en échapper un rire franc face à cette absurdité. ”Oh, j’ai bien des projets, mais changer les locaux de la BCBC en attraction touristique n’en est pas un, j’en ai bien peur.” Certes, il n’est pas entièrement parvenu à retenir sa désobligeance. ”Cependant je serai ravi de vous inviter tous deux au restaurant qui vient d’ouvrir au sommet de Big Ben. Leur homard est excellent, et on a rarement vu une carte des vins aussi impressionnante.” Il préfèrerait nettement y passer un dîner en compagnie de Celyn, une fois qu’il aura récupéré des forces, mais les affaires sont les affaires.

Enfin, Ezekiel se décide à se lever, sa main droite trouvant la poche de son costume alors qu’il s’avance tranquillement vers Marlon pour s’arrêter à ses côtés. Ses yeux balayent cette vue qu’il a bien trop observée pour encore la remarquer si on ne le pousse pas à s’y attarder. ”Maintenant que tu le dis, c’est vrai que cette vue est incroyable. J’ai tendance à oublier qu’elle est là, pour être honnête", enchaîne-t-il sur le ton de la conversation en sondant le paysage londonien, avant de hausser les sourcils dans une expression de surprise parfaitement maîtrisée. ”C’est d’ailleurs la première fois que je remarque qu’on peut apercevoir la boutique principale de Walker & Sons d’ici.” C’est faux, évidemment, mais pour mieux souligner son propos, il fait un bref geste de la main pour qu’un fil doré s’échappe de son index, flottant dans l’air pour mieux danser sur la vitre et indiquer à Marlon où se trouve ladite boutique. ”Tu dois connaître, n’est-ce pas ? Évidemment que tu connais, on ne peut pas présenter aussi bien que toi et ne pas connaître cette talentueuse famille de tailleurs”, glisse innocemment Ezekiel dans un sourire en coulant un bref regard sur la tenue de son invité ; il n’aurait pas fait ce choix de costume, mais il n’a jamais été avare de flatteries de ce genre, particulièrement en affaires. ”Ils ont un potentiel incroyable, de l’or dans les doigts, vraiment. Ils ne représentent qu’une bouchée de pain pour l’instant, mais crois mois, avec un petit coup de pouce et les fonds nécessaires, en quelques mois seulement, ils pèseraient plusieurs millions de gallions sur le marché, si ce n’est plus. Les fils sont terriblement ambitieux, et ils sont prêts à passer à la vitesse supérieure, mais le père-” Un rire léger file d’entre ses lèvres, alors qu’il secoue la tête pour mieux souligner tout le mépris qu’il peut éprouver pour cet homme qui met des bâtons dans les roues de son obsession du moment. ”ce bon vieux Walker, il s’obstine à garder son entreprise dans la famille, quoi qu’il en coûte. Même avec un pied déjà dans la tombe, il se bat comme un diable et refuse même de me rencontrer pour entendre la moindre de mes propositions. Ce serait vraiment dommage qu’il y mette le deuxième définitivement, et que ses boutiques soient laissées entre les mains de ses fils.” Et cette fois, il se tourne plus franchement vers Marlon pour lui adresser un regard lourd de sens. ”Regrettable même. Mais ce sont des choses qui arrivent, malheureusement, à un âge si avancé.”