Il était né à Beyrouth. Elle était née à Guadalajara. Mille neuf cent cinquante-trois et mille neuf cent cinquante-cinq. Treize janvier et vingt-six mai. Des dates qui paraissaient des plus banales en apparence et pourtant qui avaient une signification particulière. Journées particulières pour les parents, grands-parents. Bassem naissait d’un côté, quelques années plus tard, c’était Reyna. Deux êtres, deux âmes qui n’avaient rien en commun. Deux personnes qui n’étaient pas voués à se rencontrer si on en croyait la situation géographique qui pourrait être un certain frein à cette histoire. Et pourtant, elle existait bien cette histoire, elle devait exister, sans quoi il n’y aurait pas de raison d’être. Grandissant chacun de leur côté, ils ne se doutaient pas de ce qui allait leur tomber dessus. Leurs proches diront qu’ils s’agissaient d’un coup de foudre, d’autres prétendront qu’ils étaient tout simplement des âmes sœurs et que leurs rencontres n’étaient en rien le fruit du hasard, juste le destin.

Il avait fait des études pour réussir, pour en arriver là où il en était mais ce ne fut pas simple. Sorcier passionné et passionnant qu’il était, les conférences étaient ce qu’il aimait le plus. Le contact avec les inconnus, partager son savoir et les voir s’y intéresser. C’était un tout qui faisait qu’il aimait son métier, qu’il aimait partager avec autrui les savoirs alchimistes bien trop longtemps laissés de côté. Ce n’était pas une science exacte qu’il entendait souvent, ce à quoi il n’était pas d’accord, c’était évident mais il se contentait bien souvent de sourire quand de tels propos lui parvenaient. Mais pas cette fois-ci, pas quand ce fut elle, cette jeune femme venue assister à sa conférence qui s’exprima remetant ainsi en doute tout ce qu’il venait de leur dire. Elle semblait des plus sérieuses, mais aussi, il voyait qu’elle était intéressée. Il n’avait su dire si c’était sa réponse qu’elle attendait ou simplement qu’il continue sur sa lancée alors ce jour-là, après avoir calmé son rire, il avait fait d’une pierre deux coups. Répondre tout en continuant ses explications. Il était gagnant, elle aussi et c’était un moyen bien peu commun pour Bassem d’intéresser les gens et leur donner envie de revenir l’écouter. Et c’était quelque chose qui fonctionnait, il fallait bien le reconnaître. Cette conférence, il la donnait chaque année, à la même date et cette femme qui avait pris la parole l’année précédente, il l’aurait reconnus entre mille. Son visage était gravé dans sa mémoire et il était content de la revoir. Mais cette fois-ci, il ne l’avait pas laissé filer sans rien oser, il était aller la voir, ils avaient parlé et il l’avait invité pour prendre un café. C’était un acte banal, c’était commun et pourtant, il avait signé là pour plusieurs années avec elle sans même le savoir.

La relation entre Bassem et Reyna se fit à distance. Ils étaient sorciers mais leurs emplois du temps respectifs ne leur permettaient pas de se voir autant qu’ils l’auraient désiré. C’était pourtant une belle amitié, c’était comme ça que ça avait commencé. Tous les deux étaient passionnés par l’alchimie, ils aimaient partager leurs trouvailles, partager tout ce qu’ils savaient l’un et l’autre sur le sujet. Et petit à petit, les choses avaient évolué entre eux, jusqu’à ce qu’ils échangent leur premier baiser entre deux étagères d’une bibliothèque. Il aura fallu deux ans pour que leur relation évolue pour qu’ils ne forment un couple. Il ne voulait plus vivre loin d’elle, elle non plus et pourtant, à chaque fois qu’il lui proposait de s’installer au Mexique pour être au plus proche d’elle, il essuyait un refus. Il avait fini par douter. D’elle, de lui, de leur relation tout simplement. N’était-ce pas arrivé trop rapidement finalement ? La peur de la réponse qu’elle lui donnerait le poussait à se taire mais elle finit par voir que quelque chose clochait, elle finit par comprendre de quoi il était question alors simplement, elle se confiait à lui, lui fit savoir que si elle refusait qu’il ne déménage, c’était simplement parce qu’elle ne voulait pas rester auprès de sa famille si lui devait être privé des siens. Elle s’en était voulu de lui avoir caché les raisons de ses refus, parce qu’il comprenait. Il avait toujours eu un grand cœur et elle le savait bien. L’idée suivante fut la plus simple. Partir, tous les deux, ailleurs. Ils vivraient ensembles et heureux, ils seraient privés de leur famille de la même manière mais tant qu’ils étaient l’un avec l’autre, le reste n’avait que peu d’importance.

Londres était leur ville désormais. La belle ville les accueillait, avait fait leur renommé aussi. Ils étaient un couple, ils étaient fiers de ce qu’ils étaient devenus ensemble. Les voyages ne leur faisaient pas peur, ils aimaient cela bien au contraire et c’était essentiel pour leur recherche, pour comprendre certaines choses que d’autres n’avaient même jamais imaginé. Réceptions et cérémonies étaient devenues une sorte de quotidien pour les deux jeunes gens, et ce fut durant l’une d'elles qu’ils annoncèrent leur mariage à venir. Ce n’était pas une surprise, certains pensaient même qu’ils étaient déjà unis. Leur union ne changeait pas grand chose dans le fond, cela rendait juste leur couple un peu plus réel. Il était difficile de trouver des couples qui se mariaient vraiment par amour et non pas par profit. Ils étaient de la première catégorie, cela se voyait à leur manière de se regarder, ce que beaucoup de gens ne comprenaient pas. Tout comme l’idée d’avoir un enfant pour le même motif. Qui faisait des enfants par amour et non pas seulement pour avoir une descendance ? Autant Bassem que Reyna, ils détestaient ce qu’on pouvait leur dire de leur manière de vivre. Ils appartenaient peut-être à un milieu chic désormais, ils n’avaient pas à être comme leurs semblables, dépourvu de toutes onces d’amour. Et Rebecca était arrivée, tout le reste n’avait plus aucune importance.

Dès ses débuts dans le monde, elle fut une princesse aux yeux de ses parents. Elle représentait tout pour eux. Aimée et choyée, elle ne manquait de rien. Petite fille déjà, elle savait très bien ce qu’elle voulait et ne le cachait pas. Exigeante aussi, elle voulait être la meilleure dans tout ce qu’elle essayait de faire et échouer ne faisait pas partie de son vocabulaire. Un échec et elle recommençait, encore et encore jusqu’à ce que le succès sonne à la porte. C’était agaçant pour ses parents qui ne comprenaient pas et la trouvaient parfaite comme elle était. Agaçant parce qu’ils ne savaient pas non plus quoi faire pour l’aider, elle qui refusait qu’on lui montre afin d’avoir la satisfaction de dire qu’elle avait réussi par elle-même. Mais ça n’avait pas toujours été une bonne chose, pas lorsque sa magie s’était manifestée pour la première fois. C’était quelque chose dont Rebecca se souviendrait probablement toute sa vie, le premier pas vers un traumatisme qui ne la quitterait jamais.

« Mamaaaaan. » La gamine hurlait dans la grande maison afin d'être sûre d'être entendue par sa mère. Elle aurait pu se déplacer, aller à la rencontre de celle qui lui avait donné la vie mais non, c’était tellement plus simple pour Rebecca de faire ce qu’elle faisait généralement le mieux, de prétendre qu’elle avait besoin de quelque chose juste pour qu’on lui prête l’attention qu’elle estimait mériter. Depuis qu’elle était enfant, on lui avait appris à tout recevoir sur un plateau d’argent. Elle était une princesse après tout, celle de ses parents, et chaque jours qui passaient, elle ne se gênait pas pour leur rappeler ce qu’ils avaient fait d’elle et elle adorait cela. Toujours un petit sourire sur le visage, le sourire de l’ange qu’elle n’était pas. Le regard allait de paire, elle savait comment amadouer son monde, le mettre dans sa poche pour le modeler à sa manière. Et tout cela alors qu’elle n’avait que huit ans. C’était dire que les années à venir promettaient d’être intéressantes. Ou compliquées plutôt pour tout son entourage présent comme à venir. Mais elle était fière de ça, de ce petit pouvoir qu’elle avait l’impression d’avoir sur les autres parce qu’elle avait ce visage d’ange. Mi-ange mi-démon, là était la vérité qu’elle ne voudrait jamais voir car selon elle, elle ne faisait rien de mal, elle tirait juste avantage du monde qui l’entourait.

Excitée était un terme un peu faible pour décrire l’état dans lequel elle se trouvait. Le Chemin de Traverse, c’était un passage obligatoire pour tous les étudiants qui s’apprêtaient à faire leur rentrée à Poudlard, que ça soit pour la première fois ou non. C’était dans la première situation que se trouvait aujourd’hui Rebecca. Elle avait désormais onze ans, sa rentrée à Poudlard approchait à grand pas et si elle devrait probablement être nerveuse, elle était en réalité pressée d’y être, de vivre de nouvelles aventures, de nouvelles expériences. Ici, tout était parfait, tout était plus lumineux, plus… tout. Ce n’était pas la première fois qu’elle venait ici, bien loin de là même et pourtant, les choses avaient une saveur différente ce jour-là. Elle regardait de partout, elle cherchait par où elle allait bien pouvoir commencer et l’évidence s’imposa d’elle-même quand son regard de jeune adolescente se posait sur la boutique d’Ollivander. Elle allait recevoir sa première baguette, il était temps. Un regard vers sa mère, le sourire qu’elle lui retournait et elle courait déjà vers la porte qui la fit pénétrer dans la vieille boutique. Les étagères y étaient gigantesques, si bien qu’elle n’arrivait pas à en voir réellement le haut. Elles s’étendaient bien au-delà de ce que Rebecca était capable de voir et cela l’intriguait, la rendait un peu plus curieuse également. Jusqu’à ce qu’un homme sur une échelle qui se déplaçait par magie se rapproche d’elle. Ce devait être lui Ollivander, cet homme qui savait absolument tout des baguettes. Elle avait peine à y croire, ce n’était pas possible de tout savoir alors qu’elles étaient si différentes les unes des autres. Mais lui, il lui avait suffit d’un regard sur  Rebecca pour savoir, pour parcourir sur son échelle une bonne partie de la boutique jusqu’à revenir avec une petite boîte dans laquelle elle devinait se trouver une baguette. « C’est pour moi ? » Il souriait, l’ouvrait et elle aperçu la plus belle chose qu’elle n’avait jamais vu jusque là. « Allez-y, prenez la et faites le geste. » Elle avait si souvent demandé à ses parents comment ça se passait quand on recevait sa première baguette qu’elle savait et pourtant, c’était comme si elle avait tout oublié en l’espace de quelques secondes. Elle prit finalement la baguette et aussitôt, se fut comme si elles étaient connectées toutes les deux, comme si elles étaient faites l’une pour l’autre.

Le train, les barques, le château qui se dessinait désormais dans la nuit. Ils avançaient à la lueur de leur lanternes alors que les autres élèves devaient déjà être installés en les attendant patiemment. Elle se sentait si petite face à l’immensité des lieux qu’elle ne pouvait s’empêcher de se demander comment elle allait faire pour s’y retrouver une fois qu’elle serait à l’intérieur. Elle avait des milliers de questions qui lui passaient par la tête et pourtant, en cet instant, aucune d’elles ne trouvaient de réponses. Elle pensait à ce qui allait suivre, maintenant qu’ils venaient de passer la grande porte du château pour se retrouver dans le hall. Ici, tout était immense, rien n’était laissé au hasard et si au départ elle était pressée d’y être, désormais, elle n’avait qu’une seule envie, rentrer chez elle pour ne jamais remettre les pieds ici. Elle supposait que ce sentiment finirait par passer, par s’estomper avec le temps. En tout cas, elle l’espérait car elle avait sept années à passer en ces lieux, sept longues années. Elle n’avait pas écouté un seul mot du discours qui venait de leur être fait que déjà, les portes de la Grande Salle s’ouvraient pour les laisser entrer. C’était encore mieux que tout ce qu’elle avait pu imaginer, c’était encore plus beau, plus magique si elle osait dire. Ce plafond si somptueux, elle ne pourrait probablement jamais se laisser de le regarder, même si on lui en donnait l’ordre.  Les noms des élèves de sa promotion commençaient à se faire entendre, son regard continuait de naviguer sur la vaste pièce jusqu’à s’arrêter sur la table des professeurs. Elle n’était pas en confiance face à tous ces grands visages et pourtant, elle devrait bien les affronter à un moment ou à un autre. Quand son nom résonna dans la Grande Salle, elle su que c’était le moment pour elle de s’avancer. Inspirer, expirer. Elle s’était si souvent imaginée cette scène avant de la vivre qu’elle avait l’impression de l’avoir déjà fait des centaines de fois. Pourtant, rien n’était similaire, tout divergeait. Assise sur le tabouret, les yeux désormais clos et le Choixpeau Magique posé sur la tête, elle attendait. « N’ai pas peur, ça va bien se passer. » Elle murmurait pour elle-même, sachant très bien que le vieux chapeau pouvait lire dans son esprit de toute manière. « Serpentard ! » Il avait finit par s’exprimer et elle ne savait pas réellement quoi penser de cette décision. Elle savait seulement que le Choixpeau avait toujours raison, qu’il savait ce qu’il faisait. Elle aurait sans doutes le temps de découvrir les motivations qui l’avaient poussé à l’envoyer dans la maison des serpents.

« Laissez tomber les gars, elle ne le fera jamais. C’est chez les Poufsouffle qu’elle aurait dû atterrir celle-la. » Les rires résonnaient aussitôt alors que le groupe de cinquième année sortait de la Salle Commune de Serpentard. Rires un peu trop bruyants, un peu trop moqueurs aussi et elle détestait ça du haut de ses treize ans. Quand quelque chose la contrariait, comme en cet instant, elle gonflait ses joues et lançait un regard en direction de la source de ce sentiment. Elle les détestait. Pour ce qu’ils étaient, pour ce qu’ils représentaient et surtout, elle se détestait elle, pour vouloir leur ressembler et qu’ils l’acceptent. Elle ne devrait pas avoir besoin de ça, pas besoin d’eux. Après tout, il y avait bien d’autres étudiants, de son âge en plus de ça qui pourrait très bien convenir pour être amis avec elle mais non, quand elle avait une idée dans la tête, il était difficile de la faire changer d’avis. Alors après avoir pris quelques instants pour se calmer, elle finit par sortir elle aussi des cachots pour gagner le terrain de Quidditch. Événement à ne pas manquer à Poudlard, un samedi qui resterait dans les anales très probablement, elle ne voulait pas manquer ça. Et pourtant, même si elle voulait que tout se passe pour le mieux, elle n’en oubliait pas ce qu’ils avaient pu lui dire, le défi qu’ils venaient de lui lancer afin qu’elle prouve sa valeur et son appartenance à la maison Serpentard. C’était une très mauvaise idée, elle le savait pertinemment et pourtant, elle continuait d’imaginer comment elle pourrait faire ça, elle ne cessait de se dire qu’elle pouvait le faire, gagner leur confiance, à défaut du respect. Elle se connaissait et savait très bien que si elle ne le faisait pas, alors elle s’en voudrait de ne pas avoir tenté, de ne pas savoir ce que seraient les choses si elle n’avait pas eu peur. Peut-être qu’ils avaient raison finalement, elle aurait plus eu sa place à Poufsouffle. Et rien que cette idée la fit frissonner et l’aida à se décider sur la suite des événements. Dans les gradins, elle veillait à ne pas être loin de ce groupe qu’elle cherchait à intégrer. Elle avait la main sur sa baguette, le regard rivé sur le terrain et sur les joueurs qui s’élevaient dans les airs alors que le coup d’envoi était finalement donné. Ils n’avaient pas précisé ce qu’elle devait faire, juste qu’elle devait aider les verts et argents à gagner. Le reste lui était libre apparemment. Elle n’avait pas beaucoup d’expérience et pourtant, le plus discrètement possible, elle avait la baguette pointé sur le terrain, sur un joueur au hasard de l’équipe adverse qui grâce à un simple sort, se retrouva à tomber de son balai. C’était ce qu’elle était désormais, une tricheuse et tout aurait pu se passer à la perfection oui, ils savaient qu’elle avait agi, ils en souriaient tous, en sa direction la plupart. Mais ce qu’elle ne su que plus tard, c’était que ça ne s’arrêtait pas à un simple match truqué. Ils l’avaient balancé, ils l’avaient dénoncé et c’était à elle et elle seule d’en payer le prix.

C’était elle qui menait la danse désormais. La sixième année ouvrait ses portes pour Rebecca, elle n’était plus l’innocente enfant qu’elle avait été quelques années plus tôt. Elle n’avait plus peur, elle ne craignait plus rien désormais et ce malgré tout ce qui se tramait dans le monde des sorciers. A Poudlard, elle avait une certaine protection, à Poudlard, elle pouvait être qui elle voulait sans se soucier du reste. Avec le temps, les années, elle avait surtout appris ce qu’il fallait faire ou ne pas faire, elle avait appris comment elle devait se comporter si elle voulait toujours avoir la main et ce dans n’importe quelle situation. Ce qu’on avait pu lui faire, elle n’avait désormais aucune honte à l’infliger à son tour, c’était comme un rite de passage d’une certaine manière, c’était comme ça qu’on prouvait appartenir à la maison de Salazar Serpentard. Et pour cela, elle ne manquait jamais d’imagination Rebecca. Toujours plus, toujours dans la finesse aussi, il était important de ne pas se faire prendre, c’était ce sur quoi elle mettait un point d’honneur. Ruse, astuce, finesse et surtout discrétion, rien n’était jamais laissé au hasard. « Alors ? » Elle demandait d’une voix peut-être un peu trop sèche à son amie ce qu’il en était. En réalité, elle était devenue comme ça, rebelle dans l’âme, à se moquer du règlement. Rebelle qui essayait d’imposer ses règles et ses lois. « C’est fait. » C’était tout ce qu’elle voulait savoir finalement, que les choses continuaient de se passer comme elle le voulait, qu’on faisait ce qu’elle demandait même si ce n’était pas toujours des plus corrects ou éthiques. Il fallait prouver sa valeur après tout.

Elle était bien loin l’élève de première année terrorisée à l’idée de passer sept ans dans le château. Loin était l’enfant qui s’émerveillait devant le plafond magique de la Grande Salle en se promettant que jamais elle ne serait capable de s’en lasser. La vérité, c’était qu’aujourd’hui, ce n’était plus qu’un détail, ce n’était plus qu’un souvenir et lorsqu’elle passait cette porte, c’était devenu quelque chose des plus simple et banal. Non, ce plafond ne lui faisait plus aucun effet, la magie du château était devenue son quotidien. Les escaliers qui n’en faisaient qu'à leur tête, ça lui manquerait peut-être, pour la simple et bonne raison que ça lui permettait d’arriver en retard en cours et d’avoir une bonne excuse pour le justifier. Ce n’était pas elle, c’était la magie. De toute façon, ce n’était jamais elle, peu importe la situation. Elle avait grandi, elle avait appris à avoir ce visage d’ange à qui on pourrait tout donner. Un long regard de temps en temps, un sourire tendre de temps en temps qui contrastait à la perfection avec le caractère explosif qu’elle avait nourri toutes ces années et c’était gagné. Elle avait gagné oui. Sept ans à Poudlard et elle était désormais libre. ASPICs en poche, il était temps pour elle de penser à la suite. De se dire et maintenant ? Vivre avec les moyens de ses parents était une solution, ça pourrait très bien lui convenir d’ailleurs mais c’était ce qu’on attendait d’elle. Elle aimait l’imprévisibilité, montrer qu’on ne la connaissait pas aussi bien qu’on pouvait le croire. C’était ainsi que l’idée de faire des études dans la Justice Magique lui vint, par pur esprit de contradiction, pour montrer aussi qu’elle en était capable.

La Justice Magique, un domaine dans lequel elle ne se serait jamais vu évoluer quelques années plus tôt et pourtant, voilà qu’elle y était. C’était bien différent de ce qu’elle pensait au départ, bien plus compliqué mais être têtue avait un avantage dans cette situation, il lui permettait de ne pas abandonner. Ici, elle commençait une nouvelle vie d’une certaine manière, mais ce n’était pas pour ça qu’elle comptait changer ses manières de faire, son comportement. Elle n’avait plus rien de la timide enfant qu’elle avait été bien des années plus tôt, elle n’avait plus rien de celle qui hésitait à lancer un sort pendant un match de Quidditch afin d’aider sa maison à gagner. Elle était sûre d’elle, de ses convictions, de ce qu’elle voulait. Mais surtout, elle avait gardé cet esprit de contradiction pour montrer qu’elle avait sa propre personnalité et qu’elle ne se pliait pas simplement à ce qu’on attendait d’elle. Ses parents faisaient partie de ceux qui ne comprenaient pas réellement les raisons de ses choix mais comme ils le répétaient depuis qu’elle était gamine, ses choix, ses décisions, sa vie. Ils avaient toujours le droit de dire ce qu’ils pensaient et elle les écoutait la plupart du temps mais elle refusait de se plier à une vie qu’on semblait avoir rédigé de a à z pour elle. Sa liberté était importante pour elle, sa voix devait avoir de l’importance, comme celle de tous. Elle était certes encore jeune, elle avait le temps de faire des erreurs et de les accepter mais elle savait aussi qu’elle en avait besoin pour avoir la vie qu’elle mérite et qu’elle désire.

Vingt heures sonnaient dans le grand hall de la maison. La plupart des invités étaient déjà présent et elle, comme à son habitude, se faisait désirer. Elle n’aimait pas ce genre de réception que ses parents prenaient plaisir à organiser depuis des années maintenant. Elle ne connaissait jamais personne, devait toujours faire semblant de sourire et prétendre être heureuse et surtout, elle détestait faire comme si elle ne savait pas ce que ces réceptions voulaient dire. Alors elle prenait tout son temps pour descendre les marches des escaliers, traînant un peu des pieds, gardant malgré tout le dos et le regard droit comme on lui avait appris quand elle était en société. Son père, premier à la voir arriver, s’approchait d’elle avait un sourire qu’elle connaissait par cœur. Il était content de la voir ici, avec eux. Mais surtout, elle savait que ça voulait dire que lui comme sa mère avaient encore quelqu’un à lui présenter. Ils s’étaient mariés par amour tous les deux mais pour leur fille, ils cherchaient toujours plus loin le meilleur des partis, le meilleur des hommes qui pourrait la combler et la satisfaire. Son bonheur passait en second plan et elle n’était pas d’accord avec ça. Elle aussi, un jour peut-être, elle voulait avoir la chance de connaître ce que ses parents avaient eu la chance d’avoir. Elle ne voulait pas simplement être un pion dans leur jeu pour se faire bien voir, encore plus en réalité, par la société du monde entier. Cela faisait bien des années maintenant qu’ils n’avaient plus besoin de ça, des années que la famille Kassar n’était plus inconnue. « Je t’arrête tout de suite papa, si cette soirée est encore faite pour me présenter quelqu’un, je m’en vais sur le champs. Je n’épouserais jamais un parfait inconnu dont je ne sais rien juste pour te faire plaisir, à toi comme à maman. » Elle ne devrait pas parler de cette manière à son père mais elle avait compris que c’était son seul moyen de se faire entendre et comprendre. Fermeté, assurance, elle montrait qu’elle savait ce qu’elle voulait, elle montrait qu’elle était forte seule et n’avait pas besoin d’un homme à son bras pour exister, ce serait être faible.

Elle avait réussi, elle avait terminé avec brio. Elle devait bien reconnaître que ça n’avait pas toujours été évident et pourtant, si au début elle avait suivi cette voie par pur esprit de contradiction, elle ne regrettait pas aujourd’hui. Elle avait découvert quelque chose qui lui plaisait réellement. Elle qui était bien souvent difficile, qui avait tendance à changer souvent d’avis, on lui avait donné que quelques mois dans la Justice Magique avant qu’elle ne finisse par se lasser et pourtant, elle avait défier toutes les règles encore une fois. Esprit de contradiction ou non, elle avait étudié, elle avait appris et surtout, elle s’était passionnée pour ce qu’elle faisait et ça avait porté ses fruits. Elle avait le diplôme en poche, le Saint-Graal de tous les étudiants qui avaient tout donné pour réussir dans un domaine qui n’était pas des plus évidents. La suite ne le serait pas non plus. La suite, c’était trouver un travail, quelqu’un qui voudrait bien d’elle et de ses compétences. Elle en avait, elle en était convaincue et son aide serait la bienvenue. Toujours sûre d’elle, un peu trop parfois peut-être mais elle voulait y croire, voilà tout. Alors même si ce n’était pas ce qu’elle pouvait espérer, elle avait répondu à cette annonce au Ministère, pour le Magenmagot. Si elle avait bien appris quelque chose, c’était que chaque carrière commençait quelque part et si c’était en étant assistante qu’elle devait faire ses débuts, alors elle le ferait, elle tiendrait le coup parce que ça ne pouvait qu’en valoir la peine.

Malgré les doutes de sa famille quant à ses choix de carrière, ils avaient fini par l’accepter, par être fière de donner encore une fois une réception, juste parce que c’était bien, ça donnait une bonne image. Elle était loin de se soucier de ce genre de choses même si, grâce à la notoriété de son nom, elle avait quelques avantages désormais. Qui disait nouvelle réception, disait aussi probablement un nouveau prétendant que ses parents désiraient lui présenter. Celui-ci serait peut-être notaire ou vendeur de balai, riche à en crever ou ne faisant rien de ses journées pour vivre au crochet de ses parents qui eux avaient absolument tout. Sang-pur ou sang-mêlé. Elle ne demandait bien souvent, elle ne leur laissait même plus le temps de placer un mot qu’elle s’en allait quand elle constatait que les choses n’avaient pas changé malgré les années. Mais ce soir-là, quelque chose était différent, personne encore ne l’avait approché pour autre chose que pour la féliciter de cette place obtenue au sein du Ministère de la Magie. Oui, elle était fière de dire qu’elle travaillait là-bas et ce malgré le gouvernement en place. Fière parce qu’elle avait fait les choses par elle-même sans bénéficier d’une quelconque aide financière pour payer quelques professeurs. Et pourtant, si elle pensait que les choses se passeraient différemment ce soir-là, il n’en était rien. Il avait fallu qu’elle s’éloigne quelque peu pour se retrouver seule pour qu’on la rejoigne et après un soupir, elle savait déjà ce qu’elle devait dire et faire. « Epargnez-moi vos simagrées, je ne suis pas intéressée par un quelconque mariage arrangé par mes parents. » C’était toujours la même chose, parce qu’elle était belle, elle n’avait forcément rien dans la tête ou avait besoin d’un homme à ses côtés pour exister. Mais ce n’était que des idées reçues, des idées du siècle dernier selon elle et il serait bien que certaines mentalités changent. Pourtant, cet homme n’était pas parti, il était bien resté vers elle, se rapprochant même légèrement en riant. « Tu sais ce que tu veux et ce que tu vaux… j’aime ça. Tu pourrais être précieuse. » Pourrait seulement ? Non, elle était précieuse et elle le savait. En revanche, elle ne comprenait pas réellement de quoi il en retournait en cet instant, ni ce qu’il voulait dire. Ça la rendait curieuse, il fallait bien le reconnaître. Alors, le verre à la main, elle se tourna vers lui pour le fixer avec attention. Elle ne le connaissait pas beaucoup mais savait qu’il était quelqu’un d’assez proche de ses parents, dans la même tranche d’âge alors ça la rassurait quelque peu, il ne cherchait probablement pas à lui faire la cour. « Que me voulez-vous ? » Voilà qu’elle était intriguée, c’était certain et des réponses elle en voulait, les demandait même. Du mieux qu’elle le pouvait, elle essayait de paraître la plus naturelle possible, montrer qu’elle était intéressée tout en étant la plus détachée possible. « Tu es très maligne et intelligente. » Ca, elle le savait déjà, il ne lui apprenait pas grand chose en prononçant ces paroles mais elle était au moins contente qu’il le reconnaisse. « Au Ministère, tu dois entendre beaucoup de choses. Des choses qui pourraient s’avérer… comment dire… utiles. » Utiles, elle ne savait pas réellement mais il était vrai qu’en laissant un tout petit peu traîner ses oreilles, elle en apprenait des choses. Ca lui plaisait bien d’ailleurs, cet emploi qu’elle n’occupait pourtant pas depuis longtemps. Il lui permettait sans rien dire, de glaner des informations ci et là. « J’ai quelque chose à te proposer Rebecca. Quelque chose de peu commun, qui pourrait être dangereux mais qui pourrait aussi changer ta vie. » Ce qui voulait dire que ça ne plairait pas à ses parents, que ça n’était pas quelque chose de forcément légal et qu’elle, elle adorait forcément avant même de savoir de quoi il était question. « J’écoute. »  

C’était comme ça qu’elle avait appris l’existence du Syndicat, des Black Hands et de tout ce qui  s’y rattachait. C’était de cette manière qu’elle avait accepté sans une once d’hésitation d’accepter ce qui lui était proposé. C’était alléchant, c’était tentant, c’était tout ce qu’elle aimait en réalité. C’était aussi un moyen pour elle de faire quelque chose qui ait un minimum d’importance, de compter même dans l’anonymat. Elle était encore jeune Rebecca quand elle les avait rejoint. Jeune et pourtant loin d’être naïve et idiote. Elle ne savait pas exactement dans quoi elle s’était lancée, mais désormais, elle était ce qu’ils appellaient une Pinky. Et elle n’était pas seule là dedans, elle ne le serait jamais. Ils avaient chacun leur propre rôle à jouer dans l’organisation. De la vente de produits au filature en passant par elle, celle qui écoutait, qui enregistrait et qui transmettait. Une espionne d’un autre type d’une certaine manière. Elle savait tout ce qu’il y avait à savoir, tout ce qui pouvait être utile aussi pour le bonheur de tous. Mais ce qu’elle avait constaté malgré tout ce qu’elle imaginait, c’était que c’était loin d’être aussi facile qu’elle ne l’aurait cru. C’était parfois lourd à porter, ce silence qu’elle devait garder. Lourd parce qu’elle avait d’une certaine manière l’impression de trahir ses parents et tout ce qu’il lui avait inculqué depuis sa naissance. Mais pour se rappeler qu’elle faisait ce qu’il devait être fait, elle avait Morrigan. Son soutien depuis son arrivée chez les Pinkies, un soutien dont elle ne se lasserait pas. Elle était peut-être l’une des rares, pour ne pas dire la seule avec qui elle n’avait pas peur de laisser tomber le masque, avec qui elle pouvait être la fille qui dormait, bien enfouie.

« STOP ! Je n’en peux plus. » Elle était essoufflée, un genou à terre, une main posée juste à côté et le regard baissé vers le sol. Non, elle n’en pouvait définitivement plus et elle espérait que ce maître comme il l’appelait comprendrait qu’elle avait besoin d’une pause. Elle avait beau toujours eu des facilités pour apprendre, le faisant relativement vite, c’était différent aujourd’hui. Elle détestait qu’on cherche à s’insinuer dans son esprit. Elle détestait encore plus qu’on y arrive sans qu’elle ne soit capable de dresser aucune barrière pour l’en empêcher. « Les pauses, c’est pour les faibles. Relève-toi ! » Elle n’était pas faible, il avait tort. Elle apprenait et il devrait comprendre, lui qui un jour avait dû se retrouver à sa place. Mais non, elle sentait une nouvelle fois cette force qui tentait de pénétrer dans son esprit, une force qu’elle était tout bonnement incapable de repousser et qu’elle laissait une nouvelle fois l’envahir. Elle voyait sa vie défiler devant ses yeux, incapable de bouger, de faire quoique ce soit pour arrêter cela. Elle se revoyait enfant, elle se revoyait à Poudlard, ce qu’elle avait vécu là-bas, ce qu’elle avait fait vivre. Puis l’après, pendant ses études en Justice Magique. Ce soir-là, où elle avait appris l’existence du Syndicat. Et c’était ça qu’elle devait apprendre à cacher par dessus tout, c’était ça qu’elle devait comme oublier pour ne pas avoir d’ennuis mais pour le moment, elle en était tout bonnement incapable. Elle était peut-être faible finalement.