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Les lèvres de Bao pressées contre les siennes sont brûlantes et répandent en elle leur feu dangereux et salvateur à la fois. Tout comme ses doigts qui remontent l'intérieur de sa cuisse en laissant derrière eux des frissons impatients et qui lui arrachent un soupir quand ils finissent leur course en trouvant son centre, créant une nouvelle vague brûlante de désir qui s'abat sur elle brutalement. Les doigts de Carrie glissent sur la mâchoire de Bao, se perdent dans ses cheveux puis sur sa nuque, s'enfoncent dans son dos. Même elle ressent un frisson d'interdit à être ainsi assise sur son bureau, caressée et embrassée par Bao là où elle travaille d'ordinaire, comme si elle n'était pas ici chez elle et faisait quelque chose de défendu.

Comme toujours, le plaisir brûlant qu'elle ressent est accueilli avec un rien de réticence, un dégoût noté et notable que la Wang efface, comme toujours encore, avec une facilité déconcertante à chaque fois qu'elle souffle contre sa bouche lorsque leurs lèvres se détachent sommairement, ou à chaque fois que Carrie enfonce un peu plus ses ongles dans sa peau.

Le sexe n'a jamais été qu'un passe-temps nécessaire, amusant quelque part dans son manque total de sens - ça a toujours voulu tout dire et rien dire à la fois, tout sentiment lié à cet acte rendu caduque après des années d'abus. Si pendant un temps elle s'est abstenue comme Jin de toute relation physique contrairement à d'autres good children ou à Verdi, elle a fini par choisir ses amants avec un soin manifeste, réalisant bien vite que ce ne serait que des amantes qui lui conviendraient au final. Juste de quoi trouver chaussure à son pied, littéralement, quelqu'un qui convient plus qu'il lui plaît, à qui elle n'a rien à donner sauf un peu de son temps.

Elle ignore quand Bao est devenue différente, pourquoi elle l'a laissée devenir différente, pourquoi elle ne s'en veut pas réellement que les choses soient telles qu'elles soient aujourd'hui. Elle ne ne devrait pas ressentir un frisson d'excitation en sentant son pouce presser contre son pouls et ne devrait pas trembler d'envie en soupirant contre ses lèvres lorsqu'elle se détache, la vrillant d'un regard noir et mécontent à l'idée qu'elle s'éloigne. ”No.” Les sourcils de Carrie se froncent légèrement face à ce refus. ”I got what I wanted.” I don't want anything. I want us. I want you. ”Your turn now.” Sauf qu'elle ne veut rien, véritablement rien, et encore moins de la part du chien des Wang, et de toutes façons, pour qui se prend-t-elle et-- Carrie n'a pas le temps de répondre que Bao fond sur ses lèvres, la faisant grogner pour la forme et crisser ses ongles sur la peau de sa nuque. "Finger me," trouve-t-elle la force de souffler quelques instants plus tard, ramenant Bao dans un autre baiser plein de dents avant de le regretter. Mais c'est trop tard, parce qu'elle sent déjà des griffes s'enfoncer à l'arrière de sa nuque et une nervosité pressante s'abattre sur sa poitrine, crystallisée dans le soupir étouffé contre la bouche de Bao quand elle sent son doigt en elle.

Carrie se sentirait presque fiévreuse et confuse tout d'un coup, ravagée par une tornade glacée et angoissée qui se réveille toujours aux pires moments - mais le souffle de Bao contre le sien, son désir de plaire écrit partout sur elle, ses doigts dans ses cheveux, ses caresses maladroites mais ardentes finissent par avoir raison de la protestation qui manque de l'étrangler. C'est ainsi qu'elle comprend que Bao est devenue différente lorsqu'elle s'est mise à lui faire confiance et c'est ainsi aussi qu'elle décide qu'elle n'en parlera à personne et encore moins à la concernée.

Fuck. Les mains de Carrie glissent sur le corps de Bao, le caressent à travers son t-shirt. Elle est réticente à l'idée de l'en débarasser, l'idée qu'elle se détache d'elle même temporairement étant insupportable quand elle a l'impression de se consumer sous ses lèvres et ses doigts, et se contente donc de retracer sa clavicule, sa poitrine, son épaule à travers le tissu. Une main s'arrime de nouveau à son flanc pour ne pas qu'elle s'éloigne alors que l'autre remonte le long du bras de Bao à la main accrochée à sa nuque, jusqu'à son coude, jusqu'à son poignet. Carrie retient un gémissement entre ses lèvres, yeux fermés, pressant plutôt son front contre le sien en se mordant la bouche. Ses doigts se referment autour du poignet de Bao et elle déplace sa main sur son cou, presse sa paume contre sa gorge jusqu'à sentir son pouls rebondir contre les cals de sa main, un frisson d'expectative descendant le long sa colonne en sentant ses doigts effleurer les nerfs de part et d'autre de son cou. L'esprit de Carrie vogue jusqu'à la main de Martin l'étranglant, puis aux yeux exorbités de Darcy, et elle rouvre les siens pour croiser le fer avec le regard sombre de Bao. "Be gentle," souffle-t-elle simplement contre sa bouche avant de lui faire refermer ses doigts autour de son cou, revenant chercher ses lèvres avec fièvre et impatience.

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”Finger me”, lui souffle Carrie, et déjà Bao peut sentir la chaleur fichée depuis un trop long moment dans son ventre remonter jusqu’à ses joues, pour les colorer d’une teinte rougeâtre, son souffle toujours plus court avalé dans le baiser que revient clamer aussitôt la Warlock, sans même lui laisser le temps de sonder la lueur qui se loge dans son regard lorsqu’elle formule sa demande. Tant mieux - Bao en mourrait certainement, de pouvoir observer toute l’étendue du désir de Carrie, un reflet de celui qui nourrit chacun de ses gestes ; deux énergies vives et avides qui se complètent, et se dévorent, et se consument avec une intensité que le chien des Wang n’aurait pensé pouvoir vivre, et surtout supporter un jour. Elle en souffrirait presque, de la puissance de ce désir et de cette force plus robuste qu’elle, l’attirant constamment vers celle que les siens considèrent au mieux comme une rivale, au pire comme une ennemie. Elle en souffrirait presque, si elle ne s’y abandonnait pas pleinement sans y réfléchir, et si les paumes de Carrie sur sa peau déjà brûlante ne lui soufflaient pas que la réalité, si Bao la regardait en face, est bien plus troublante que ce qu’elle imagine - elle a envie de Carrie, toute entière, elle a envie de quelque chose rien qu’à elle, rien que pour elle, pour la première fois de sa vie. Et il s’agit de Carrie Kang.

Son corps suit sans mal sa voix, impérieuse à son oreille, lorsque Bao glisse sa main sous son amante, et introduit un doigt en elle, le soupir se perdant dans le baiser lui tordant presque douloureusement le ventre d’une avidité mordante, que seule Carrie est capable de lui faire ressentir. Et il ne lui faut rien de plus ; rien de plus que Carrie soupirant et gémissant contre ses lèvres, de pouvoir sentir sa chaleur sous sa main, et son corps chercher le sien de ses paumes, à travers ses vêtements, s’y agripper comme Bao peut s’accrocher maladroitement à sa nuque, pour l’avoir au plus près d’elle, et ressentir par tous les biais les vibrations de son plaisir.

Toujours, ses yeux restent clos contre son visage - risque d’être envahie par une émotion trop forte en retrouvant son regard planté dans le sien l’y oblige. Pourtant Bao finit par prendre ce risque, sans trop pousser, ses paupières s’ouvrant de moitié seulement lorsque la main de Carrie vient guider la sienne contre sa gorge. Sa respiration s’interrompt un instant, tout comme ses gestes entre ses jambes, sous le terrible raté de son cœur en l’entendant souffler : ”Be gentle.” Bao peut sentir son pouls battre vivement sous ses doigts s’enroulant autour de sa gorge, presque les pulsations de son sang dans la carotide juste sous sa paume ; elle peut sentir toute la vitalité, et toute la vulnérabilité sous cette peau chaude - toute la mortalité livrée au bon vouloir de sa force. Autant de sensations dont elle se nourrit depuis si longtemps, que Bao connaît intimement, presque mieux que celles qui grandissent dans son propre corps en cet instant.

A la différence que, cette fois-ci, cette vitalité, cette vulnérabilité, cette moralité appartiennent à Carrie, et elle lui en remet les rênes, lorsqu’elle incite sa main à venir se presser contre son cou offert. Be gentle. Bao ne sait pas l’être, elle n’a jamais su, elle n’a pas été dressée pour ça. Elle n’est pas faite pour donner du plaisir et prendre soin de quelqu’un d’autre, elle n’est pas faite pour donner à Carrie ce qu’elle désire d’elle sur l’instant. You might not be “one for tenderness”, but it seems you’re pretty good at it. Sa voix ne l’a jamais quittée, et elle s’impose à Bao lorsqu’elle resserre doucement l’étreinte de ses doigts sur la gorge de son amante, tout en reprenant ses caresses, ses gestes plus maladroits encore, trahissant ce qui se trame sous sa peau et dans son ventre, cette explosion empressée et peu maîtrisée qui la rend terriblement fébrile.

Bao n’est plus certaine à quel moment elles ont quitté le bureau pour le lit, ni à quel moment elle s’est retrouvée complètement débarrassée de ses vêtements. Tout ce qui reste fermement imprimé dans son esprit est cette succession d’images et de sensations : celles de sa peau contre la sienne, de sa main langoureusement enroulée autour de sa gorge en se tenant au-dessus d’elle, des doigts de Carrie entre ses jambes, de ses gémissements, et de son regard dans le sien, qu’elle ose affronter sans en mourir tout compte fait - ou presque.

Raccrocher avec ses sens est difficile, tandis qu’elle cherche à récupérer son souffle, son corps nu à moitié étalé au-dessus de celui de Carrie, son coeur comme cherchant à s’évader de sa poitrine - sans savoir s’il s’agit de son état physique, ou de cet autre chose, qui ne la quitte pas, même après la jouissance. Avec une lenteur représentant bien la détente totale et à la fois électrique dans son corps, ses yeux s’ouvrent de nouveau, pour balayer les traces légères que ses doigts ont laissé sur la peau pâle de la Warlock, sa main suivant le mouvement de son regard pour venir les caresser du bout des doigts. ”Was I gentle?” Peut-être est-elle capable de l’être, tout compte fait - pour Carrie.

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Quand la vague intense de plaisir laisse place à un calme tout relatif, Carrie soupire lourdement en fermant les yeux, une main volant à son visage pour appuyer sur ses paupières des doigts brusques et cruels. Son coeur bat un rythmne endiablé dans sa poitrine qui la laisse fébrile, ses poumons ont du mal à se gonfler d'air - en rien aidés par le poids du corps de Bao sur elle, qu'elle n'a même pas le courage de repousser - et sa gorge lui fait mal.

Non, pas vraiment mal - mais sa gorge se rappelle à elle, dans un picotement désagréable et brûlant, entêtant. Sa peau est encore agitée des frissons gorgés de plaisir provoqués par Bao et comme pour les alimenter, Carrie se repasse inlassablement le film de ces moments vaguement honteux de faiblesse et de contrôle, d'envie et de désir. Elle ne sait pas si elle est plus embarassée par le feu ravageur que Bao a réveillé en elle en tuant un homme sous ses yeux, ou par le fait que maintenant que les doigts de son amante ont quitté son cou, elle a juste envie de les y apporter de nouveau. Elle a toujours laissé à Verdi ce genre de pratiques sauvages et primaires, considérées tant dangereuses que franchement de mauvais goût - n'ont-elles pas assez souffert par le passé, après tout? Ce n'est pas la première fois de Carrie (elle n'a plus beaucoup de premières fois), mais elle n'y pensait pas y trouver le moindre plaisir un jour. Et certainement pas quelque chose d'aussi intense et satisfaisant, nourri en partie par le regard sombre de Bao ombragé de désir.

C'est peut-être ça, au final, le plus embarrassant: le fait que Carrie ne peut pas se figurer de jamais faire quelque chose de similaire avec quelqu'un d'autre qu'elle. La confiance qu'elle lui accorde est toute relative et entière à la fois, entravée par le fait qu'elle appartienne au Clan, encouragée par le fait que Bao n'ait jamais franchi la moindre ligne définie par Carrie, et ne l'ait jamais poussée à le faire. C'est un état de fait dangereux mais, heureusement, secret. Pour l'instant, pour toujours - car même si maintenant certains good children peuvent se targuer de connaître l'existence de l'aventure qui lie leur Fox au chien des Wang, personne ne pourra jamais savoir et comprendre ce qui les unit véritablement. Carrie elle-même ne sait pas, ne veut pas comprendre et s'en fiche: ce genre de considérations appartiennent aux autres, pas à elle, pas à elles, qui ne font que prendre ce que l'autre a à offrir, rien de plus.

Tout ce qu'elle sait, c'est que Bao a un talent manifeste pour calmer la cavalcade de ses pensées sans le savoir, qu'elle répond parfaitement au moindre de ses désirs en provoquant chez elle une envie sans pareille, et que ses bras endormis s'enroulant autour d'elle quand elles partagent un lit parviennent à lui donner l'impression factice d'être entière. Une illusion, rien de plus - mais qu'importe.

Un sifflement ténu lui échappe quand elle sent le bout des doigts de Bao effleurer sa peau et réveiller la brûlure de ce qui va, elle n'en doute pas un seul instant, finir en hématome. ”Was I gentle?” La main de Carrie sur ses yeux glisse dans ses cheveux et elle rouvre les paupières, tournant la tête vers elle pour la regarder posément. Sa propre main vient effleurer sa peau à son tour, son doigt glisser sur son menton, sur sa mâchoire, jusqu'à sa joue. "Quite." Son doigt finit sa course sur ses lèvres, qu'il effleure avant de retomber. "Almost too much." Les coins des lèvres de Carrie qui se retroussent indiquent une forme d'humour - toujours en décalage, chez elle, pour ne pas dire inexistant.

La douceur, la tendresse, ne sont pas des choses qui leur viennent facilement. C'est de l'improvisation, à ce stade. En temps normal, Carrie la repousserait, glisserait hors du lit, enfilerait une robe de chambre et attraperait un document ou un autre pour l'étudier à son bureau, ignorant le regard de Bao tout du long. En temps normal, elle se contenterait de ça, de ce plaisir foudroyant et intense, de cette jouissance aveuglante et parfaite mais éphèmère, sans plus. C'est comme ça que ça a commencé entre elles, et c'est comme ça que ça doit finir: juste du sexe,  une réponse à un besoin naturel et immédiat, rien de plus.

Mais ça a cessé d'être ça il y a longtemps, et Carrie rapproche son corps de celui de Bao, appréciant secrètement son poids et sa chaleur contre le sien. "You were perfect," se corrige-t-elle dans un souffle, sa main se nichant dans son cou pour l'attirer à elle et l'embrasser - un baiser, pour une fois, qui n'est que ça, rien de plus.

Rien de plus - promis.