Draco s'empare de sa main avec force, et Harry le laisse volontiers lui écraser les phalanges en lui souriant d'un air un peu ironique. « Sûr et certain. » Draco sourit légèrement en coin, et se penche légèrement, le dardant de la hauteur des quelques centimètres qui lui volent — le fait qu'ils soient proches, et donc que leur différence de taille soit encore plus évidente, énerve un peu Harry qui lui adresse un regard brûlant quand Draco le lâche. Narcissa les rejoint, et Harry retrouve son sourire habituel. « Tout va bien ? » Draco a un talent certain pour mettre le doigt sur ce qui agace Harry, pour réveiller en lui un côté infantile, sarcastique et agaçant. Il n'aime pas la suffisance de Draco, ne l'a jamais aimée, il n'aime pas non plus son côté mélodramatique, ses cheveux toujours parfaitement coiffés, son teint cadavérique, et la Marque trop sombre sur son avant-bras. « Parfaitement bien. Potter est venu me demander de l’héberger trois jours par semaine. Mais tu le sais déjà. » Le sourire de Harry s'approfondit malgré lui, surtout parce qu'il entend dans sa voix tout l'ennui qu'il inflige à Draco. Tant mieux, il le mérite sûrement. « C’est une bonne chose. Ça te convient comme ça, Harry ? — Oui, merci, ” dit-il d'une voix presque mielleuse. “ J'ai hâte, je promets que je serai sage, ” fait-il avec un air angélique.

Narcissa lève les yeux au ciel et sourit un peu, s'approchant d'eux.  “ Et je promets de garder un oeil sur ton fils... ” À ça, Narcissa rit un peu, très légèrement. “ Ah ça... peut-être que tu pourras l'aider à mettre un peu de chair sur ses os... n'est-ce pas Draco? ” dit-elle gentiment, faisant référence à l'appétit d'oiseau du jeune homme, ce qui agace grandement Harry qui sait bien à quoi ressemble la faim et le manque. Draco ne répond pas et, surpris, Harry se détourne pour darder son ancien rival d'un regard interrogateur. « Je n’écoutais pas. » Harry grince des dents. Doit-il forcément être si insultant? « Qu’est-ce que vous disiez ? — Draco, ” dit-il, en insistant sur l'usage de son prénom qui, il l'espère, crispe encore plus le nommé. “ On disait que j'allais pouvoir te préparer des petits plats et m'occuper de toi. ” Il renifle un peu lui-même en rigolant en voyant le visage de Draco. Harry lève la main et tapote l'épaule de son rival. Dans ce monde si restreint et triste où il ne voit que Narcissa et Peter, le mépris de Draco, les émotions qui éclosent sur son visage, sa gêne, sa colère, tout ça le nourrit, le remplit d'une satisfaction malsaine et puérile. “ Je rigole, Draco, ” dit-il, en voyant le visage horrifié du jeune homme. Il lui tapote une nouvelle fois l'épaule, avec un peu plus de force cette fois avant de s'éloigner, son objectif atteint.

“ Promis, je ne te dérangerai pas du tout. ” Narcissa, après avoir observé cette interaction, a l'air presque soucieuse. “ Boys... ” commence-t-elle, comme à chaque fois, et Harry qui est déjà à la porte, faite volte-face pour la regarder. Derrière elle, Draco n'a jamais eu l'air si pâle. “ Vous savez, il faut que vous vous entraidiez. On ne dirait pas, comme ça, mais dans ces temps troubles et sombres, nous n'avons que les uns les autres sur lesquels compter. ” Une partie de Harry s'agite, veut s'échapper, hurler, se battre, lui montrer qu'elle a tort, que c'est de sa faute si ces temps sont troubles et sombres. Mais il reste immobile, son sourire chaleureux crispé sur son visage, la regardant d'un air presque vide.

« On se soutient déjà je crois. J’ai accepté qu’il vienne chez moi après tout. » Harry se permet enfin de laisser tomber le petit sourire crispé et forcé, son expression devenant véritablement amusée alors qu'il arque un sourcil en direction du blond. Même si ce n'est pas très distingué, il pourrait jurer entendre sa mère soupirer légèrement: « Draco… » L'arc du sourcil de Harry s'accentue quand Draco lève la main pour l'interrompre tel un seigneur. Quel petit prince ridicule, trouve Harry. Ridicule et insolent... il s'en serait pris une de revers de la part de l'oncle Vernon si il avait osé faire ça à sa tante. Cette pensée, aussi innocente que douloureuse, réinitialise à son tour son visage: la surprise amusée devient froncement de sourcils confus, alors qu'une douleur se réveille sous son front, non pas à l'emplacement de la cicatrice comme ça arrive parfois, mais un peu partout. « Tu pourras dire au Lord que j’ai accepté sa requête comme ça. » Alors que mère et fils échangent, les yeux de Harry se perdent dans le vide pendant un bref instant et, discrètement, il laisse son épaule entrer en contact avec l'encadrement de la porte quand un vertige le prend. Pendant un bref instant, il trouve dans la voix nasale et ses expressions, l'air pincé et agaçant de Percy, surtout avec sa mère, quand ils ont commencé à s'éloigner l'un de l'autre... il se souvient de ça et le mal de tête redouble. Noël à Grimmauld Place, le pull renvoyé par Percy, les larmes de Molly, Arthur qui se fait mordre par--

« Et Potter. » Les yeux de Harry papillonnent vers Draco. Il se redresse un peu, espère qu'il n'a pas l'air aussi horrible qu'il se sent. « Souviens-toi qu’il va falloir que tu obéisses à mes règles. Ne t’amuse pas à faire comme à Hogwarts. » Les règles mises au feu, les trolls dans les cachots, les balais avec lesquels il avait volé sans autorisation, les retenues, justifiées ou non, les milles et unes règles enfreintes, dénigrées, piétinées. We could be killed, or worse, expelled. Hermione... Brutalement, il voit que Narcissa se retourne et il se met à sourire. Il pense qu'il est convaincant. Malgré son esprit affûté et ses yeux observateurs, même elle il a appris à la tromper, à lui mentir, à lui cacher parfois ces migraines et ces douleurs qui le prennent quand il réfléchit trop... Draco semble beaucoup aimer le mettre dans cet état. Sans aucun doute qu'il voit combien ça le perturbe et le fait souffrir parfois, et qu'il veut juste expérimenter avec sa douleur. « Mon toit, mes règles. — Harry n’est pas un enfant, Draco. » Harry rit un peu, un son faible mais qu'il accentue pour le rendre naturel. “ Non, vraiment, je te comprends parfaitement Draco. Ton toit, tes règles. ” Ça aussi ça lui rappelle l'oncle Vernon. Son toit, ses règles. Il le nourrissait, il avait donc le droit de le traiter comme il voulait. Ce n'était pas non plus de sa faute si il était un petit, misérable, inutile, stupide orphelin! L'assistance sociale lui avait juste donné une bouche de plus à nourrir. Son toit, ses règles. Non, tu ne mangeras pas ce soir Harry t'as enfreint les règles.

“ Bon. ” Il s'éclaircit la gorge, se redresse, l'estomac tordu. Il a faim soudainement, alors qu'il a bien mangé ce midi. C'en est presque maladif, réflexe musculaire du corps qui a trop manqué à défaut d'avoir trop mangé. “ Il serait donc temps que j'aille faire mes valises. ” Il adresse un petit sourire à Draco, puis à Narcissa, avant d'hocher la tête en gardant la nuque raide et de lentement se replier dans le couloir. “ Merci. ” Et de s'éloigner, sans grâce ni confort, d'un pas raide en direction de sa chambre. Il passera sûrement les prochaines heures dans le noir à s'occuper de son mal de tête, et ressortira en prétendant que tout va bien. Comme toujours.