Remus se sent fatigué comme chaque journée avant une pleine lune. Il est assis à table de la cuisine de Sweet River et il a les yeux rivés sur sa tasse de café qui refroidit. Il a l'estomac brouillé et un mal de crâne lancinant qui l'empêche d'avoir envie de prendre son petit déjeuner. Il soupire et s'appuie sur ses mains pour se redresser de sa chaise. Son corps commence déjà à lui faire mal. Il redoute la nuit prochaine sans potion tue-loup. Oublier chaque matin les horreurs possiblement commises la veille l'effrayait toujours autant. Il renversa le contenu de sa tasse dans l'évier et la nettoya avant de la déposer avec le reste de la vaisselle mise à sécher. Il songe presque à aller faire un tour au labo lorsque Charlie Weasley ouvre la porte, livide. Il tient un journal à la main. Remus ouvre la bouche pour lui demander comment il allait avant de se rendre compte du titre de la Une. Remus s'approche de Charlie et lui prend le journal des mains. Il déplie le papier et voit la photo en couverture. Une photo de Voldemort et de... Harry ? Remus plisse les yeux, fronce les sourcils, approche et recule le journal. Le jeune homme ressemble à Harry et probablement ce à quoi il devait ressembler s'il avait survécu jusque-là. Mais ça ne peut pas être Harry n'est-ce pas ? « C'est encore une blague du Ministère ? » Il a espoir que Charlie lui dise oui et que c'est une blague de très mauvais goût, mais il secoue la tête de gauche à droite. « Lis. » Un peu hésitant, Remus finit par s'exécuter. Son estomac se noue au fur et à mesure que ses yeux dévorent les lignes.

Harry est en vie.

Mais Remus ne comprend pas. C’est Harry, mais il n’a pas l’impression que c’est Harry non plus. Probablement qu’il est sous impero parce qu’il ne peut pas dire des trucs pareils autrement. Source de douleur ? Nécessaire ? En quoi sa disparition était nécessaire ? Remus secoue la tête et pose le Daily Prophet un peu brusquement sur la table. Peu importe le jeu auquel se livrait Voldemort, c’était cruel de sa part d’utiliser Harry. Cruel de l’avoir mis Merlin sait où pendant dix ans en le faisant passer pour mort pour le ressortir maintenant. Cruel, mais était-ce surprenant de la part du Mage Noir ?
Remus se tourne vers Charlie. « Les autres sont prévenus tu penses ? » Il pense à Ron et Hermione. Et puis à Sirius surtout. Sirius qui n’est plus le même depuis la disparition de son filleul. Sirius qui risque de devenir dingue en lisant la Une aujourd’hui. Remus n’est pas certain de réussir à le gérer en sachant que la pleine lune est pour ce soir. « A mon avis oui. » Charlie et lui sont pâles.

Harry est en vie.

Remus a l’impression d’être à côté de la plaque. Il ne réalise pas vraiment la nouvelle. Il regarde une nouvelle fois le Daily Prophet et la photo le crispe. Il se saisit du journal et le retourne un peu brutalement. C’est impossible. Remus avait réussi à faire son deuil. Difficilement. Ça lui a pris beaucoup de temps, mais il avait réussi à se dire qu’il ne pourrait plus jamais revoir le fils de ses meilleurs amis. Il a été en paix longtemps avec ça. Et maintenant…
Il a l’impression que ces dix dernières années viennent de s’abattre d’un seul coup sur ses épaules. Il ressent une tristesse violente. Charlie est aussi perdu que lui, son regard est aussi éteint que doit être le sien.

Harry est en vie.

Harry n’a jamais été mort. Remus ferme son poing. Ils l’ont abandonné. Ils l’ont laissé trop vite. Ils ne l’ont pas assez cherché. Un crac lui fait tourner la tête et il voit Sirius, le visage transformé sous la douleur. Remus sait qu’il sait. Il a juste envie de prendre Sirius dans ses bras et le tenir contre lui pour lui dire qu’il n’est pas coupable, qu’il ne pouvait pas savoir. Personne ne pouvait le savoir.  Remus sait qu’il est probablement rongé par la culpabilité et par la haine aussi probablement. Mais comme à chaque fois, il s’en empêche. « Je sais… » Se contente-t-il de dire. Ses lèvres se pincent. Son cœur lui fait mal. Et en voyant Sirius dans cet état, en repensant au gros titre et au sourire narquois de Voldemort, Remus sent les larmes monter jusqu’à ses yeux.

Sirius fronce les sourcils et remonte les lunettes perchées sur son nez. Il n’a commencé à en porter que six mois plus tôt à l’insistance de Remus (“You’re squinting.” “What?” “You’re squinting, when you read, when you try to see something from afar. Do you need glasses, old man?” “Glasses? Of course I don’t need glasses!” s’était exclamé Sirius, outré. Bien évidemment, il a fini par donner raison à Lupin, comme d’habitude) et il n’est toujours pas habitué à leur présence. Bien évidemment ce n’est pas la première fois que Sirius porte des lunettes, il était inconcevable de le voir sortir sans son blouson en cuir et ses lunettes de soleil dès que l’été était là à l’époque, mais celles-ci sont différentes. Celles-ci prouvent qu’il vieillit et il est possible que Sirius ne digère pas très bien la nouvelle.

Hermione n’a pas hésité à se moquer de lui et il aurait pu mal le prendre, si ça ne lui avait pas tiré un rire amusé et ravivé un peu les couleurs sur le visage de la jeune femme. C’est de plus en plus rare d’entendre quelqu’un rire au sein de ces murs et Sirius doit bien admettre qu’à chaque fois qu’il arrive à tirer ne serait-ce qu’un petit sourire à un des membres de l’Ordre, il se sent un peu moins… vide.

“M-Mr Black,” fait une voix dans son dos et Sirius marmonne d’un air absent, les yeux toujours rivés sur le morceau de parchemin qu’il essaye de lire sans grand succès depuis une bonne demi-heure.

Lorsqu’il n’obtient pas de réponse, Sirius se tourne et finit par apercevoir la silhouette familière de Dobby, dont les grands yeux globuleux sont écarquillés et remplis de terreur, alors qu’il tend vers Sirius un… exemplaire de la Gazette?

Ses entrailles se nouent. Qu’ont-ils encore fait ? Qui ont-ils attrapé, torturé, tué ? Quelle nouvelle loi infâme a été mise en place ? Sirius serre les dents et attrape le journal avant de poser ses yeux sur la une. Il manque de passer à côté de la photo, car la première chose qu’il voit est bien évidemment le Lord et Sirius n’a pas tellement envie de le regarder plus longtemps que nécessaire, mais quelque chose attire aussitôt son attention et--

Non.

Non, c’est impossible.

Et pourtant… la paire de lunettes, toujours aussi ronde, les lèvres étirées autour d’un sourire familier, la ligne droite de son nez, la tignasse en bataille et bien visible malgré tout sous les mèches indomptables, la cicatrice.

Le Survivant a survécu, clame le titre de l’article et Sirius a envie de vomir.

Ce n’est pas Harry. Ca ne peut pas être Harry, il ne se tiendrait jamais ainsi à côté de Voldemort, n’afficherait pas ce sourire, il ne peut pas-- il ne peut pas avoir l’air aussi… bien, pas après avoir passé dix années entre les mains de ce monstre, c’est impossible.

“They broke Mr Potter,” gémit Dobby et Sirius a l’impression que son coeur a cessé de battre.

Parce que c’est la seule explication possible. Et de toutes, elle est de loin la plus douloureuse, la plus pénible à accepter. They broke Mr Potter. Azkaban n’a pas réussi à complètement briser Sirius, mais ce n’est rien comparé à ce que son filleul a pu endurer aux mains de Voldemort pendant dix ans.

Dix années durant lesquelles Harry a attendu qu’on vienne le sauver. Attendu que ses proches le retrouvent et le tirent des griffes de ces monstres. Imaginer les tortures que son filleul a dû endurer lui donne la nausée et Sirius se lève d’un bond, faisant sursauter l’elfe de maison qui le regarde avec de grands yeux remplis de larmes.

“I-- I have to--”

La première chose à laquelle il pense est se jeter tête la première au Ministère et tuer tous ceux qui se trouvent sur son chemin jusqu’à remettre la main sur Harry. Puisque la pensée est futile en plus d’être stupide, Sirius se rabat sur la seconde et les murs de son bureau à St James laissent brusquement place à ceux de la cuisine de Sweet River.

Son regard s’arrête immédiatement sur le visage pâle aux traits fatigués de Remus et la douleur qu’il lit dans son regard, reflet parfait de celle qu’il éprouve, lui donne envie de traverser la pièce est de refermer ses bras autour du loup-garou, de s’accrocher à lui autant que d’essayer de le réconforter.

“Je sais,” dit Remus.

Et Sirius explose.

“I told you he was alive,” crache-t-il, acerbe, mauvais. “I told you, again and again, that he couldn’t be dead! And you all told me it was time to move on! That he’d have wanted us to keep fighting! What he’d have wanted was to be saved!”

Il est injuste. Il est parfaitement injuste et il le sait, parce qu’ils lui ont tous sauvé la vie en lui faisant accepter l’idée que Harry était mort, qu’après tout ce temps, il ne pouvait être que mort. Parce qu’il a fini par l’accepter et ils ne sont pas responsables de ça. Il est injuste, parce que la colère qu’il éprouve est entièrement dirigée contre lui-même, parce qu’en réalité, il s’en veut à lui d’avoir laissé tomber.

“We abandoned him!” s’écrie-t-il et sa voix se brise alors qu’enfin, le premier sanglot lui échappe. “We left him there, with Him, we-- I gave up on him.”

Il chancelle et a à peine le temps de se rattraper au comptoir de la cuisine pour ne pas s’effondrer.

“Rem, how could I give up on him?” hoquète-t-il avant de plaquer une main tremblante contre sa bouche.

Remus sait que Sirius est dans la douleur la plus totale depuis des années. Il sait que son meilleur ami a juste l’impression d’avoir trahi James et Lily en laissant Harry en arrière. “I told you he was alive,” Alors il encaisse sans rien dire ce qu’il vient de dire. Il pince juste les lèvres. Charlie décide de s’éclipser à ce moment-là. Il est de trop et il a besoin d’être seul pour encaisser la nouvelle lui aussi. “I told you, again and again, that he couldn’t be dead! And you all told me it was time to move on! That he’d have wanted us to keep fighting! What he’d have wanted was to be saved!” Remus détourne le regard parce que c’est insupportable de voir Sirius comme ça. C’est insupportable de voir autant de douleur et de colère dans ses yeux et que Remus est trop fatigué pour lutter. “We abandoned him!” Remus ferme les yeux si fort. La voix de Sirius se brise et un premier sanglot lui échappe. Le loup ferme les poings et chasse les larmes qui menaçent de couler en se disant qu’il n’a pas le temps de pleurer. Pas maintenant. Sirius a besoin de lui. « I—I know… » Répond-il faiblement. “We left him there, with Him, we-- I gave up on him.” Remus ouvre de nouveau les yeux et voit Sirius appuyé contre le comptoir de la cuisine. Il est pâle, fatigué et malheureux. Si malheureux. “Rem, how could I give up on him?” Remus abandonne. La situation. La pleine lune ce soir. Sirius aussi mal. La détresse qui émane de son meilleur ami.
Tout fait qu’il rend les armes. Il franchit les quelques mètres qui le séparent de Sirius et referme ses bras autour de lui. Il le serre fort contre lui avant de lui répondre. « You don’t. We. You’re not the only one here. » Sa voix n’est qu’un murmure contre son oreille, mais elle se veut rassurante. Elle chancelle un peu sur certains mots parce qu’il sent la tristesse le submerger un peu trop. C’est difficile à admettre, mais ils avaient tous baissé les bras à un moment. Pourtant, ils devraient tous le savoir : pas de corps, pas de preuves. Ils n’ont jamais vu le corps de Harry, comment ont-ils pu arriver à la conclusion qu’il était mort ?

Remus a autant merdé que Sirius sur ce point. Si les autres avaient envie d’abandonner, il n’aurait jamais dû en être de même pour eux. Remus se recule, mais laisse ses mains sur les épaules de Sirius. Il cherche son regard. Il ne trouve que culpabilité et une immense tristesse au fond de ses yeux. Il ne sait pas quoi lui dire pour le rassurer parce que si Harry est toujours en vie après dix ans entre les mains de Voldemort, c’est tout sauf rassurant pour eux. Ça veut dire qu’il a un plan l’incluant. Ça veut dire qu’il a probablement une longueur d’avance sur l’Ordre. Une fois de plus.
Remus ouvre plusieurs fois la bouche pour dire quelque chose, mais aucun mot ne veut en sortir. Pour dire quoi de toute façon ? Ça va aller maintenant qu’on sait qu’il est en vie ? Il ne peut pas dire ce genre de chose. Qui croirait que tout irait mieux ? « I’m so sorry, Sirius. » Il était désolé de l’avoir poussé à abandonner. Mais s’il n’avait pas fait ça, Sirius aurait fini par se faire tuer. L’alcool. La douleur. L’obsession. La violence. Ça a longtemps défini son meilleur ami. Et pour Remus, c’était hors de question qu’il le perde lui aussi. « On va le récupérer. Je te le promets. » Remus ne sait pas encore comment, mais ils finiraient par le récupérer. Cette fois, ils n’abandonneraient pas.

Un hoquet misérable lui échappe à l’instant où Remus referme ses bras autour de lui et Sirius n’a pas la force de résister à son étreinte. Immédiatement, son visage va s’enfouir dans le creux de son cou et sa main tremblante va agripper le dos de sa chemise. Une part de lui réalise que c’est la première fois qu’ils sont aussi proches depuis… Merlin, depuis si longtemps qu’il en a presque oublié la sensation de l’avoir pressé contre lui et c’est probablement ce qui lui arrache un nouveau sanglot. Le loup-garou tente de le réconforter, mais c’est à peine si Sirius perçoit sa voix. La culpabilité est un sentiment familier à présent, elle le ronge déjà depuis plus de vingt ans mais cette fois, c’est presque trop pour lui. C’est un poids sur sa poitrine qui l’empêche de respirer alors qu’il ne cesse de se répéter encore et encore qu’il aurait dû savoir. Qu’il aurait dû faire mieux.
S’il avait tué Harry, Voldemort se serait empressé d’exposer son corps. Son cadavre aurait fait la une, tous auraient su sans l’ombre d’un doute que le Survivant était mort. Sirius n’a cessé de le répéter, encore et encore. Mais c’était plus facile pour eux de se dire que c’était fini. Plus facile de se dire qu’Harry était mort plutôt que de l’imaginer entre les mains de Voldemort, plutôt que de penser aux tortures que ce monstre devait lui infliger.

Ils ont choisi leur propre survie à la sienne et Sirius a envie de vomir face à leur lâcheté.

Lentement, Remus défait son étreinte et les mains qu’il garde sur ses épaules sont peut-être la seule chose qui l’empêche de s’effondrer. “I’m so sorry, Sirius. On va le récupérer. Je te le promets.” Black serre les dents et ravale les mots blessants qui lui brûlent la gorge. Comme tu m’as promis qu’on le récupérerait la dernière fois? Au lieu de les cracher comme il en a tant envie, Sirius ferme les yeux et passe une main tremblante sur son visage avant de s’éloigner de Remus pour aller sur laisser tomber sur une chaise.

“Ca fait dix ans,” croasse-t-il faiblement. “Dix ans”, Moony.”

L’adolescent est devenu un homme. Harry est à présent plus âgé que ses deux parents ne l’ont jamais été et il a passé ces dix dernières années à… à quoi ? Être torturé par Voldemort ? Être démonté, morceau par morceau, puis remonté en quelqu’un qui n’est plus vraiment Harry ? A attendre que les adultes qui avaient promis de le protéger vienne le sauver, sans jamais les voir venir.
Trouver Remus pour un peu de réconfort a été son premier réflexe, mais Sirius n’est plus certain d’en vouloir. Il ne mérite pas le moindre réconfort, pas après ce que son filleul a subi parce qu’il n’a pas été fichu de faire ce qu’il devait faire, parce qu’il n’a pas su le protéger.

“Merlin, I want a drink,” murmure-t-il, plus à lui-même qu’à Remus et ça lui tire un rire rauque, amer.

L’envie - non, le besoin - lui brûle les veines et Sirius inspire profondément, comme si ça pouvait chasser cette voix qu’il a réussi à mettre en sourdine mais qui hurle à présent et l’enjoint à prendre un verre, rien qu’un seul, il le mérite bien après la nouvelle qu’il vient de recevoir, ça ne peut pas lui faire du mal, juste un petit remontant pour--

“Fuck.” Son poing s’abat sur la table, c’est toujours mieux que de retourner la maison à la recherche de quelque chose capable de faire taire la voix. “On doit-- on doit faire quelque chose, je me fiche de ce que dira Kingsley, c’est notre priorité, on ne peut pas-- je peux pas rester ici sans rien faire, Remus. Rem, tu es d’accord? Tu es d’accord, tout le reste n’a aucune importance si-- si ça veut dire le laisser là-bas, il faut-- les Horcruxes, tout ça, non, il faut juste-- juste Harry. Il faut récupérer Harry,” bafouille-t-il, le ton presque suppliant.

Il y a quelque chose au fond des yeux de Sirius qui fait mal à Remus en cet instant. C’est fugace, ça ne reste pas, mais Remus le voit. Le reproche. Il pince les lèvres. “Ca fait dix ans, dix ans, Moony.” Il sait. Ça fait dix ans que Harry n’est plus de leur côté. Dix ans c’est long. Très long. “Merlin, I want a drink,” Sirius a marmonné et Remus suppose qu’il n’aurait pas dû entendre. Mais c’est une veille de pleine lune et ses sens sont en éveil. Le loup fronce les sourcils et serre les dents. Sirius a lutté pendant tellement longtemps contre l’alcool… “Fuck.” Remus sursaute lorsque le poing de Sirius tombe sur la table et fait un bruit à réveiller les morts. “On doit-- on doit faire quelque chose, je me fiche de ce que dira Kingsley, c’est notre priorité, on ne peut pas-- je peux pas rester ici sans rien faire, Remus. Rem, tu es d’accord? Tu es d’accord, tout le reste n’a aucune importance si-- si ça veut dire le laisser là-bas, il faut-- les Horcruxes, tout ça, non, il faut juste-- juste Harry. Il faut récupérer Harry,” Remus écarquille les yeux. Son cœur lui hurle de suivre ce que dit Sirius. Ils ont laissé tomber Harry une fois, ils ne peuvent pas le laisser tomber une seconde fois. Il sait qu’ils doivent le récupérer au plus vite. Mais sa raison, elle, lui dicte le contraire. Elle lui souffle d’être méfiant parce que dix ans sous les griffes de Voldemort c’est loin d’être une partie de plaisir. Elle lui dit que si l’ennemi sort la carte de l’espoir de la nation maintenant, ce n’est pas pour rien. Il doit y avoir un piège quelque part et ils ne peuvent pas tomber dedans la tête la première. Remus secoue la tête. « Harry… Sirius… il faut qu’on réfléchisse avant d’aller le récupérer. Pourquoi Voldemort le montre maintenant ? » Le visage de Sirius se transforme. Il le voit froncer les sourcils, avoir ce pli de mécontentement qu’il réserve à Molly et Kinglsey et qu’il déteste voir lorsque c’est pour lui.
Sirius et lui ne sont plus d’accord depuis des années. Là où Sirius est plus dans l’action, Remus, lui, est plus réservé plus dans la réflexion. Et ils se bouffent sans cesse le nez. « Nous allons le récupérer mais… » fait-il précipitamment parce qu’il sait que ça va forcément déclencher une énième dispute avec Sirius et Remus n’a pas envie. « Mais nous devons réfléchir à un plan d’action. Je suppose que Molly et Kinglsey sont au courant maintenant et qu’ils vont faire une réunion pour qu’on réfléchisse tous ensemble sur comment le récupérer. » Remus s’est détourné de Sirius. Il ne supporte pas le regard qu’il lui lance. Il y a vu de la colère et de la déception.

Parce qu’encore une fois, Sirius doit comprendre et savoir que Remus va de nouveau se ranger du côté de Kingsley et Molly.

Remus se tient face à l’évier de la cuisine et regarde l’extérieur. Ses poings se serrent. Il se sent encore plus épuisé et encore plus vide. Il sait très bien où cette discussion va les mener. Remus sent qu’ils y glissent doucement et que probablement ça va exploser dans peu de temps. Ils sont tous les deux sur les nerfs, épuisés par la guerre et choqués par cette terrible nouvelle. A vrai dire, Remus n’assume pas sa lâcheté. Il a abandonné Harry au même titre que Sirius, mais probablement qu’il a abandonné plus vite que son meilleur ami. Tu n’es pas digne d’avoir été ami avec Lily et James. Cette pensée le traverse. Pas étonnant qu’ils n’aient jamais demandé à Remus d’être le parrain de Harry. Ils savaient que Sirius était plus fiable que lui.

“Harry… Sirius… il faut qu’on réfléchisse avant d’aller le récupérer. Pourquoi Voldemort le montre maintenant ?” Remus a toujours été le plus raisonnable du groupe. Celui qui n’hésitait pas à leur dire lorsqu’ils étaient allé trop loin, qui les empêchait du mieux qu’il pouvait de se mettre dans les pire pétrins lorsqu’ils étaient adolescents, qui au début de l’Ordre, insistait pour attendre les ordres de Dumbledore avant de foncer le tas comme James et Sirius le souhaitaient tant. Les années l’ont rendu encore plus prudent et Sirius devrait avoir l’habitude de le voir se ranger du côté de Kingsley et Molly à présent. Il aurait dû s’attendre à ce que Remus soit réticent mais il s’est dit bêtement que ce serait différent avec Harry. Que pour une fois, le loup-garou n’hésiterait pas à se ranger de son côté.
Alors ses sourcils se froncent, ses lèvres se pincent et ses poings se serrent. “Nous allons le récupérer mais…” ajoute-t-il précipitamment et Sirius doit se faire violence pour ne pas répliquer mais quoi?! parce qu’il connaît déjà la suite. “Mais nous devons réfléchir à un plan d’action. Je suppose que Molly et Kinglsey sont au courant maintenant et qu’ils vont faire une réunion pour qu’on réfléchisse tous ensemble sur comment le récupérer.” Et le voilà qu’il lui tourne le dos, encore.

Et putain, ça le bouffe. Ca le rend malade.

“Tu sais ce que Kingsley va dire, Remus,” réplique-t-il froidement. “Que ce n’est peut-être même pas Harry. Que même si c’est lui, il ne semble pas en danger immédiat et l’Ordre ne peut pas se permettre de sacrifier des dizaines de vies pour en sauver une.” Il la connaît par coeur, la rengaine. Et probablement que Kingsley a raison. Que lorsqu’il s’agit de statistiques, il fait parfaitement sens de vouloir sauver le plus grand nombre et qu’il paraît inutile voire-même fou de risquer des vies pour en récupérer une poignée.

Mais Sirius est incapable de voir des êtres humains comme des nombres.

Encore moins lorsqu’il s’agit de Harry.

“Tu sais très bien ce qu’il va dire, alors pourquoi tu veux attendre, Remus ? Est-ce que tu l’as vu sur cette photo ? Est-ce que tu as lu l’article ? Tu crois qu’il peut attendre des jours, des semaines que Kingsley se décide à aller le secourir ? Tu crois qu’il peut attendre une minute de plus ?” Le ton monte, ses épaules tremblent sous la colère et Sirius a plus que jamais envie de détruire quelque chose.

“Tu crois que j’en ai quelque chose à foutre de l’avis de Kingsley et Molly ?!” s’écrie-t-il enfin. “Harry est mon filleul, ma responsabilité et si je suis prêt à crever pour le ramener, c’est moi que ça regarde !”

Remus a Teddy, après tout. Et ils ne sont peut-être plus ensemble, mais il y a Dora aussi. Lui n’a rien, sinon une promesse qu’il n’a cessé de briser, encore et encore. Alors s’il veut risquer sa vie pour sauver Harry, il n’attendra pas l’autorisation d’un autre.

“Tu sais ce que Kingsley va dire, Remus,” Les lèvres de Remus se pincent. “Que ce n’est peut-être même pas Harry. Que même si c’est lui, il ne semble pas en danger immédiat et l’Ordre ne peut pas se permettre de sacrifier des dizaines de vies pour en sauver une.” Remus est terrifié par la pensée qui le traverse. Cette pensée qui dit que Kinglsey n'a pas tort. Cette pensée qui hurle qu'il faut qu'ils pensent à la sécurité du plus grand nombre plus qu'à juste Harry. Et ça le rend malade d'oser penser ça. Ses doigts se crispent sur l'évier. Il ferme les yeux un court instant. “Tu sais très bien ce qu’il va dire, alors pourquoi tu veux attendre, Remus ? Est-ce que tu l’as vu sur cette photo ? Est-ce que tu as lu l’article ? Tu crois qu’il peut attendre des jours, des semaines que Kingsley se décide à aller le secourir ? Tu crois qu’il peut attendre une minute de plus ?” La tête de Remus se baisse un peu plus à mesure que Sirius assène les remarques les unes après les autres. Il est tiraillé par le fait qu'ils ne doivent pas se précipiter, que ça peut être dangereux et que c'est forcément un piège. Et le fait que bordel, le fils de ses deux meilleurs amis est en vie et a besoin de leur aide. Il ne sait pas quoi faire parce qu'il veut que Sirius ait raison, mais en même temps... il sait que se précipiter sera la pire chose à faire. “Tu crois que j’en ai quelque chose à foutre de l’avis de Kingsley et Molly ?! Harry est mon filleul, ma responsabilité et si je suis prêt à crever pour le ramener, c’est moi que ça regarde !” Il essaie de se calmer. Ses nerfs sont en train de prendre des coups et sa patience s'est fait la malle. Il prend un moment pour mettre de l'ordre dans ses pensées. Il reste silencieux puis il se retourne pour faire face à un Sirius furibond. Il n'y a que de la rage et du reproches dans ses yeux et du côté de Remus, ça ne doit pas être mieux. « Ça me regarde aussi. » Fait Remus en fronçant les sourcils. Il a déjà perdu beaucoup de choses dans sa vie, Remus, hors de question qu'il perde encore quelqu'un d'aussi précieux que Sirius. « Tu vas essayer de prouver quoi en fonçant tête baissée ? Réfléchis, Sirius. » Stupide Gryffondor qui va foncer avant de réfléchir. Stupide Gryffondor qui se fera tuer s'il continue sur cette voie.

Sirius n'a pas envie de réfléchir et peu importe ce que Remus lui dira, il sait qu'il a perdu le combat. Probablement qu'il fera ce qu'il veut et qu'il va rallier Hermione et Ron à sa cause. Et ce n'est pas une bonne chose. « Je ne dis pas qu'on doit laisser nos émotions de côté, mais c'est trop dangereux de se précipiter. Et si c'était un piège ? » Il se détestait de penser comme ça, d'avoir envie d'être dans la sécurité plus que dans l'action. James et Lily seraient tellement déçus de sa part. « Voldemort sait pertinemment à quel point il est précieux pour nous, mais dix ans, Sirius... » La voix de Remus tremble un peu. « Je n'ai pas envie de savoir ce qu'ils ont fait de lui pendant dix ans, mais j'ai peur que ça ne soit pas notre Harry. » Si c'était réellement Harry, Voldemort ne l'afficherait pas tout sourire à la communauté s'il ne l'avait pas brisé ou mis sous imperium. Si ce n'était pas Harry, le plan était machiavélique. « Je sais que tu veux y aller, mais Sirius, nous devons voir avec Kinglsey et Molly d'abord. On ne peut pas lancer un raid sans qu'on se mette d'accord avant. » Ils ne peuvent pas demander de sacrifier des dizaines de vie pour rien. Remus se pousse enfin de l'évier et vient poser ses mains sur les épaules de Sirius. Il l'oblige à le regarder dans les yeux. « S'il te plaît, Sirius. » Il serre un peu les dents avant d'ajouter : « Si ce n'est pas satisfaisant, on ira le récupérer tous les deux. Juste toi et moi. » Inutile qu'ils embarquent les autres avec eux. Inutile qu'il laisse Sirius tout seul. Autant qu'il soit là.
Il repousse la pensée de Dora et Teddy dans un coin de sa tête. Sa raison lui hurle de ne pas faire ça, mais son cœur l'emporte. Il pense à Sirius. Il pense à James et Lily. Et surtout il pense à Harry.