chaos#2 ⊹ for you alone i will be weak.

bao wang

Carrie dug a finger in Bao's cheek and forcibly turned her head away. "Don't look at me like that. I am not your answer, and you sure as fuck aren't mine."

EARLY 2006 ⊹ Bao est en retard, ce qui ne devrait pas agaçer Carrie autant que ça. Même si ça n'arrive pas à chaque fois, ce n'est pas non plus rare (quoiqu'elle préférerait que ça reste, à la rigueur, occasionnel). Elles ont, après tout, des obligations, des responsabilités, et des devoirs plutôt importants, et n'ont pas tout le temps le temps d'envoyer un hibou pour prévenir (même si Carrie, elle n'a jamais été en retard et n'a jamais annulé).
Normalement, elle attend une demi-heure, voire le double, et s'en va. Bao ne lui en tient jamais rigueur (Bao ne lui tient rigueur de rien, semble-t-il), et ça lui permet quant à elle de se dédier à son travail de manière d'autrement plus efficace.

Cette fois elle a attendu deux heures. Puis trois. C'est à se sentir conne, au bout d'un moment; elle a même arrêté de consulter la montre hors de prix seignant son poignet, se concentrant plutôt sur les documents étalés devant elle sur le petit bureau. Carrie se dit que si elle s'en détourne, elle perdra le fil, alors elle s'en ira seulement quand elle a fini. Elle faut qu'elle remplisse les putains d'impôts pour les activités légales des Warlocks et même si les chiffres ne mentent jamais, elle a sincèrement l'impression qu'ils se fichent de sa gueule depuis quelques dizaines de minutes déjà.

Elle a ouvert la fenêtre du studio ouverte pour laisser un courant d'air libérer la pièce de la fumée des cigarettes qu'elle fume à la chaîne depuis son arrivée. Carrie loue, dans le plus grand secret, ce studio au coeur-même de Londres depuis quelques mois déjà. C'est pratique quand elle veut travailler sans se faire déranger, c'est pratique aussi quand elle veut voir Bao. Inutile de dire qu'elle doute que la nouvelle soit bien accueillie par quiconque de leur gang respectif ou pire, Zanjin.

La nouvelle. Ce n'est les affaires de personne, juste de Carrie. Jin pense que le chien mérite d'être abattu; Carrie pense qu'on gagne plus à le caresser.
Pour l'instant, elle ne gagne rien à attendre.

Quand elle ouvre son paquet de cigarettes et découvre qu'il est vide, Carrie décide que c'en est ainsi. Une page et elle a fini, elle s'en va. Elle pensait vaguement à se réfugier sous les couvertures du lit démesuré qui prend la plupart de la pièce, mais elle sait d'avance que le réveil ne serait que plus amer. Alors elle va s'en aller, retourner à la maison et dormir, dans son lit qui aura aussi l'avantage de ne pas avoir l'insupportable odeur du chien. Cette perspective l'emmerde aussi profondément. Elle a acheté des nouveaux sous-vêtements, et elle veut voir la tête de Bao en les voyant.

Elle est en train de marmonner sous sa respiration en finissant de remplir ses fiches de paye factices quand la porte d'entrée s'ouvre.

Les sourcils de Carrie se froncent, ses yeux s'assombrissent, et elle effleure rapidement d'un doigt mental l'idée qu'un intrus puisse essayer de s'introduire dans le petit studio...
Mais quand elle jette un regard par-dessus son épaule, ce n'est que Bao.

Elle la détaille des pieds à la tête, note les quelques blessures encore fraîches sur son visage et, en plus, les vêtements franchement peu dignifiés qu'elle porte. Elle pourrait faire un effort, quand même (pourtant, aussi mal sapée soit-elle, voir qu'elle est venue malgré tout apporte à Carrie un grand sens de satisfaction). "You're one fucking time-waster." Elle la fusille du regard et se lève, contournant sa chaise pour l'observer sans pour autant s'approcher, s'appuyant sur le dossier de la chaise et posant son autre main sur sa hanche dans une position réprobatrice et un peu sévère. "Do I look like I have your kind of time? Do I look like you can just have me sit on my ass for what- three hours?" Le ton monte malgré elle, alors qu'elle regarde sa montre dans un geste théâtral et exaggéré. "You're one fucking lucky bitch I had work to do. Where the fuck were you?"

(CHAOS #2)
for you alone, I will be weak.

CARRIE DUG A FINGER IN BAO'S CHEEK AND FORCIBLY TURNED HER HEAD AWAY. "DON'T LOOK AT ME LIKE THAT. I AM NOT YOUR ANSWER, AND YOU SURE AS FUCK AREN'T MINE."

Early 2006 - London

Bao savait que ce n’était pas une bonne idée, mais Bao n’a rien dit. Elle s’est contentée de contacter une poignée des habituels gaillards, de leur donner rendez-vous au portoloin, et de suivre Quon, gardant pour elle ses réticences et aidant son frère à transporter les malles d’Opium. Les deals d’importantes quantités ne sont pas si rares que cela, au contraire, le Clan ayant le quasi-monopole de son importation et sa revente sur le sol britannique. Quatre éléments ont néanmoins su éveiller l’alarme interne, constamment sur le qui vive, de Bao. Tout d’abord, il s’agissait d’un nouveau client ; le chien des Wang ne relâche déjà jamais sa méfiance avec les habitués, autant dire que les nouveaux lui arrachent toujours des soupçons plus imposants encore. Ensuite, qu’un groupuscule souhaite acheter une telle quantité dès la première commande, sans même avoir testé le produit, était relativement inédit, assez pour que Bao reste sur ses gardes. Mais c’est principalement quand Quon lui a dit qu’ils devaient eux-même transporter la marchandise, jusqu’à un lieu de rendez-vous fixé par les clients, plutôt que d’effectuer le deal dans un des entrepôts sécurisés du Clan, n’était clairement pas un bon signe. Sans compter que, selon les dires de son frère, le prix n’avait pas encore été annoncé, et que les négociations se feraient sur place ; le clou enfonçant définitivement la suspicion de Bao. Ces bâtards allaient essayer de leur mettre à l’envers, mais les détails des choix de ses supérieurs n’entrant pas dans le spectre de ses responsabilités, elle s’est contenté d’un haussement de sourcils, d’un soupir, et d’obtempérer en emboîtant le pas à Quon - de toute façon, il lui aurait probablement rétorqué un habituel est-ce qu’il y a quelqu’un qui n’essaye pas de nous baiser, dans ta tête ?
"Oh, je dirais que c’est l’histoire d’une heure, grand max. Pourquoi ? − J’ai des trucs à faire après. − Tu fais des trucs, toi ? − Ta gueule.” Une heure, grand max. Le temps de négocier, refourguer la came, empocher l’argent, rentrer à Londres, et rejoindre Carrie. Carrie n’aime pas que Bao soit en retard, et Bao n’aime pas être en retard pour Carrie ; Bao n’aime pas se rendre dans l’appartement où elles se retrouvent régulièrement pour le trouver vide, déserté par son amante trop impatiente pour attendre qu’elle se pointe. Et c’est bien pour cette raison - et peut-être un peu parce qu’elle le savait, bordel - qu’elle a serré violemment la mâchoire quand elle a aperçu l’un des sorciers accompagnant leur prétendu “client” discrètement dégainer sa baguette.

Bao enfonce la montre à gousset dorée dans sa poche en pressant le pas. Les aiguilles lui indiquent qu’elle a trois heures de retard ; elle a beau ne pas percevoir le temps comme les autres, le chiffre lui semble assez élevé pour risquer de se retrouver seule sur leur lieu de rendez-vous. Mais, instinctivement, sans se poser de questions, elle s’y rend. Elle s’y rend toujours, et, elle, attend toujours Carrie - quitte à passer la nuit seule dans leurs draps, et à ne partir que quand elle se réveille au milieu de la nuit.
Trois heures. Déjà, le ventre de Bao se tord quand elle enjambe les marches, ignorant les vagues douleurs sur son visage tuméfié et son flanc gauche. Carrie ne sera pas là. Et si elle avait fait part à Quon de ses soupçons, si leurs “clients” s’étaient gentiment laissés tuer sans se débattre, si elle n’avait pas eu à se débarrasser elle-même de leurs corps, peut-être que Carrie aurait encore été là. Putain de boulot, putain de Quon, putain de fouteurs de merde, putain de journée de merde, putain de Carrie.

Le chien de garde ouvre la porte à la volée en serrant les dents, pénétrant dans l’appartement en la claquant violemment sur son passage. "You're one fucking time-waster." Carrie est restée, et les yeux de Bao s’arrondissent légèrement, s'immobilisant à l’entrée de la pièce en croisant le regard sévère de la Warlock. Carrie est restée, et les entrailles de Bao se dénouent, juste un peu, juste un instant, faisant un pas dans sa direction, jusqu’à ce que la voix à la mélodie un peu trop haute ne lui fasse pincer à nouveau les lèvres. "Do I look like I have your kind of time? Do I look like you can just have me sit on my ass for what- three hours?" Les yeux de la Wang se pose sur la montre agitée sous ses yeux, qui s’assombrissent malgré elle. “Carrie. − You're one fucking lucky bitch I had work to do. Where the fuck were you?" Bao relève son regard vers la moue renfrognée de la blonde, lui offrant un visage certainement tout aussi mécontent. Elle n’a pas passé les dernières heures à corriger des insolents pour se faire corriger en retour par la seule personne qui arrive à faire taire le bourdonnement incessant dans ses oreilles. Et sous ses reproches, plutôt que d’être chassé, le bourdonnement s’intensifie. “I had work to do myself. And I’m not in the fucking mood for your high pitched voice.” s’entend-elle gronder en serrant sa main libre, l’autre venant déposer sur le guéridon à sa droite les Qiu dans un mouvement brusque, ne quittant pas Carrie des yeux. “So please, just drop it.” L’animal secoue légèrement la tête, serrant un peu plus le poing et la mâchoire en tentant de chasser elle-même le bourdonnement familier qui lui vrille les tympans. “Really, not today, Carrie.” Putain. Putain de Quon, et putain de Carrie.

Bao a le culot d'être en retard, l'audace d'être amochée et, en plus, le cran d'avoir l'air tout aussi agacée que Carrie. Non mais franchement, il y en une qui est dans l'abus le plus total, et ce n'est clairement pas Carrie. “I had work to do myself.” Carrie arque un sourcil en entendant ça, à la fois curieuse de quel work pourrait être plus important qu'elle, et aussi tout simplement intéressée par les affaires des Wang, comme toujours. Comme si c'était la seule raison de la présence de Bao ici. “And I’m not in the fucking mood for your high pitched voice.” Carrie s'étouffe sur sa propre salive. "Excuse me?!" (Elle-même remarque que sa voix grimpe de quelques octaves en disant cela; ça l'agace). “So please, just drop it.” Au moins, Bao ne semble pas prête à partir (tant mieux, parce que Carrie ignore ce qu'elle ferait si elle prenait tout d'un coup la direction de la porte; cette simple possibilité la remplit d'une colère titanesque) et dépose ses affaires.

Carrie la regarde comme si elle ne l'avait jamais vue auparavant. Elle remarque son visage ensanglanté en partie (elle devine que ce n'est pas que son sang à elle; ses tripes se tordent d'un soulagement honteux et d'une fierté inavouable), et toute son attitude tendue qui lui laisse deviner que n'importe quel travail elle était en train d'exécuter pour les Wang, ça ne s'est pas passé admirablement bien.

Les affaires des Warlocks sont bien mieux huilées, ça, Carrie en est convaincue. “Really, not today, Carrie.” Carrie secoue légèrement la tête. Déjà elle insulte sa voix et ensuite elle pense sincèrement pouvoir juste remettre ça sous le tapis comme si de rien n'était? Trois heures! Et en plus, elle n'a même plus de cigarettes. "Not today? Well, technically, we were supposed to meet, yesterday." Elle brandit son poignet en avant, face de la montre sertie d'or et de diamands en direction de Bao, comme si cette dernière pouvait la lire de loin. "But it's half past twelve. Because you were three hours late. Am I talking to a wall right now?" Carrie lève ses mains dans un geste exaspéré avant de s'approcher d'elle de quelques pas, secouant légèrement la tête et croisant les bras. "So, again: where were you and what the fuck happened to you? You look horrible." Les multiples emphases ne font qu'attirer sa voix dans des aïgus de plus en plus absurdes (et elle s'en rend compte, ce qui l'agace, parcqu'apparemment ça agace Bao, mais elle n'avait qu'à pas être en retard), et elle espère franchement que sa colère parvient à masquer les accents d'inquiétude sincère qui transparaît malgré elle dans ses propos.

(CHAOS #2)
for you alone, I will be weak.

CARRIE DUG A FINGER IN BAO'S CHEEK AND FORCIBLY TURNED HER HEAD AWAY. "DON'T LOOK AT ME LIKE THAT. I AM NOT YOUR ANSWER, AND YOU SURE AS FUCK AREN'T MINE."

Early 2006 - London

TW : crude language, mention of blood

Habituellement, le tempérament capricieux dont sait faire preuve Carrie est relativement toléré par Bao. Il serait exagéré de dire qu’il est agréable de se prendre des claquements de langue et yeux au ciel à la moindre contrariété ; néanmoins, il y a quelque chose, dans les reproches que la Warlock peut lui adresser de temps en temps, qui lui apporte une satisfaction inavouée et complexe à définir. She cares. Assez pour hausser un sourcil devant certaines de ses tenues douteuses et prendre le temps de l’habiller à son image, assez pour lui donner régulièrement rendez-vous, assez pour leur trouver un appartement où elles peuvent profiter pleinement l’une de l’autre. Assez pour rester, assez pour s’étrangler face à son retard. Autant de faits qui ne passent pas inaperçus aux yeux du chien de garde, qui se gorge de ce qu’elle considère comme des marques d’attention.

Que Carrie soit révoltée face à son arrivée tardive pourrait, une fois de plus, se muer en une preuve de que la Wang compte pour elle, dans l’esprit constamment à la recherche d’une forme de validation et d’affection auprès de ceux que Bao estime. Elle aimerait pouvoir remuer la queue en s’excusant mollement pour apaiser l’agacement de son amante, se lover contre sa peau pour lui faire oublier le léger affront qu’elle lui a fait en la faisant ainsi patienter. Elle l’a déjà fait, et sûrement le ferait-elle à nouveau, si la voix stridente n'amplifiait pas le désagréable grondement dans ses oreilles, ternissant son regard déjà noir planté dans celui de Carrie. ”Not today? Well, technically, we were supposed to meet, yesterday” Bao pince plus sèchement les lèvres, secouant la tête en ne prenant la peine de poser ses yeux sur la montre agitée sous ses yeux. ”But it's half past twelve. Because you were three hours late. − I know. − Am I talking to a wall right now?” Putain de merde. Ce sont désormais les poings de l’animal qui se serrent, se laissant progressivement atteindre par les paroles lui agressant aussi bien les tympans que les synapses. Elle en oublie le début de chaleur qu’elle a pu ressentir en remarquant la présence de Carrie dans l’appartement, l’ombre de soulagement de savoir qu’elle pourrait passer la nuit à ses côtés après les évènements de la soirée. Il n’y a plus rien de soulageant à se retrouver seule dans la même pièce que la Warlock ; il n’y a plus que le bourdonnement et l’envie de lui faire fermer sa gueule pour de bon.

”So, again: where were you and what the fuck happened to you? You look horrible.” Bao prend toujours soin de faire disparaître les traces fraîches laissées sur sa peau par son travail avant de rejoindre Carrie - ou de manière générale, avant de se rendre où que ce soit, soucieuse de ne pas attirer les regards outrés, et par extension, l’attention sur les activités du Clan. Seulement ce soir, l’idée de filer sous la douche pour faire disparaître le sang qu’elle remarque tout juste sur ses mains, qu’elle peut vaguement sentir sur son visage, ne lui a même pas traversé l’esprit quand elle a transplané au coeur de Londres pour s’enquérir de la présence de Carrie. Et, en cet instant où la blonde lui faire remarquer sa déplorable apparence en s’avançant vers elle, Bao n’en a rien à foutre. Elle n’en a plus rien à foutre. Tout ce qui lui importe, c’est de faire taire la voix emplie de reproches, de chasser l’acouphène sourd qui prend possession de son crâne, et qu’on arrête de la faire chier une bonne fois pour toute.
Putain. Furieusement, le chien de garde abat son poing sur le petit meuble à ses côtés dans un son sec. ”I said drop it for fuck’s sake! Just fucking shut it now!” De concert avec l’explosion des derniers nerfs résistants à l’accumulation des contrariétés, Bao se sent dégringoler au fond d’elle-même, une chute familière contre laquelle elle ne lutte plus - contre laquelle ne sait pas lutter. ”I just told you I was working ! Do you ever listen anything else than the sound of your own voice?! I was WORKING, and I just CAN’T fuck off in the middle of killing assholes just for you bloody eyes!” L’animal lève une main au ciel en dévisageant Carrie d’un regard furieux, restant fermement ancrée sur ses appuis, sa voix grondant avec violence. ”What’s with everyone today? Do you all want me to kick your ass? Is that what you fucking want Carrie ?! Well, fuck you!” La rage définitivement aux commandes, sa jambe se lève pour venir butter contre le guéridon, le meuble se renversant dans un sourd fracas. ”Fuck you all !” Tous, tous autant qu’ils sont, à la prendre pour une conne, à la laisser gérer leurs conneries. A lui manquer de putain de respect.

Le poing de Bao s'abat dans un bruit sourd sur le guéridon dans l'entrée, faisant sursauter Carrie qui ne s'y attendait pas. Ses traits sont momentanément suspendus dans une expression surprise, voire choquée, avant que ses sourcils se froncent. Que vient-il de se passer?
Les pensées de Carrie vont très vite. Est-elle en danger? Non, Bao ne lui ferait pas le moindre mal. Est-ce qu'elle a révélé leur relation au reste des Wang? Elle doute que Martin et les autres soient aussi, hm, bien intentionnés. Carrie, bien entendu, a laissé Maxim pour la soirée — depuis qu'elle a été attaquée, le garde du corps la suit comme son ombre sur les ordres de Jin, mais même lui malgré son crâne épais a fini par comprendre que la Fox préférait encore à ce qu'il ne soit pas à attendre à la porte quand elle est occupée dans un cadre non-professionnel.
Le bruit soudain, et l'expression furieuse déformant les traits de Bao, coupe le souffle à Carrie pendant un bref instant.

”I said drop it for fuck’s sake! Just fucking shut it now!” Dire que Bao ne l'a pas habituée à ce genre de colère, surtout face à elle, surtout envers elle, est un euphémisme. Les traits de Carrie se froncent de plus belle, et elle-même serre les poings, essayant dans sa confusion de se souvenir des quelques rapides leçons de Jin en terme de self-defense. Que se passe-t-il? Depuis tout ce temps, est-ce que Bao l'attirait dans un piège? ”I just told you I was working ! Do you ever listen anything else than the sound of your own voice?! I was WORKING, and I just CAN’T fuck off in the middle of killing assholes just for you bloody eyes!” Sous ses yeux, Bao redevient le chien féral qu'ont créé les Wang - une image qu'elle a toujours trouvé à la fois réductrice et horripilante, presque dérageante parfois.
Une partie de son esprit continue ses calculs apeurés. Face à Bao, elle n'a absolument aucune chance, peu importe ce que lui a appris, peu importe toute la puissance de la magie instable qu'elle sait si bien invoquer sous le coup de la colère. La seule arme qu'elle possède se trouve dans la poche de son manteau, sauf que Bao se tient entre elle et ce dernier. Elle ne possède pas de baguette, ni rien qui puisse l'aider en cet instant précis.
Une autre partie de son esprit a envie de se jeter en avant pour effacer du bout des doigts cette expression sur le visage de Bao.

Il y a des regards qu'elle ne supporte pas, parfois - ça dépend des jours. Bao la regarde parfois comme ça. Ça l'énerve, ça l'agace, ça l'excite, ça l'irrite, ça lui fait plaisir, quand Bao la regarde avec une curiosité dévote, un désir évident, une admiration en demi-teinte. Autant qu'elle méprise ceux qui sont esclaves de leurs envies, comme le sont à ses yeux tous ceux qui l'ont jamais regardée comme ça, elle ne peut pas s'empêcher d'éprouver une pointe de satisfaction quand c'est quelqu'un qu'elle a choisi qui la regarde comme ça.
Mais là, c'est un tout autre regard que Bao lui réserve. C'est un regard furieux, adressé à elle. Après tout ce qu'elle a fait pour elle, tous les moments qu'elles ont partagé, ce secret énorme et dangereux qui plane sur leurs têtes.
Carrie sait parfaitement ce qu'elle ressent face au désir de Bao; mais elle est complètement démunie face à sa colère.

”What’s with everyone today? Do you all want me to kick your ass? Is that what you fucking want Carrie ?! Well, fuck you!” D'un air interdit, Carrie regarde Bao donner un coup de pied au meuble, l'envoyant valser avec le vide-poche posé dessus: les Qiu, les clefs de l'appartement que Carrie a déposé là en entrant, d'autres bibelots qui explosent sur le sol en mille fragments. Carrie reste immobile. ”Fuck you all !” Carrie reste immobile, et Carrie reste silencieuse.
Elle sait qu'elle pourrait la planter là sans mal. À regarder Bao reprendre sa respiration et ne plus rien dire, elle pense qu'elle pourrait la contourner, attraper son manteau et ses dossiers, et se barrer — elle ne la retiendrait pas, du moins, elle ne pense pas. Elle n'a jamais été témoin d'un tel accès de colère, de sa part ou de quiconque d'autre. La colère de Carrie est glaciale, la colère de Jin est furieuse et à mi-voix, celle de Stan est paniquée et confuse, celle de Yanli est silencieuse et mortelle. Une telle explosion d'émotions la gênerait peut-être en temps normal.
Bizarrement, ça la rassure. Bao est fidèle à elle-même. Elle est humaine, forte, intense et dangereuse - à deux, elles sont le cocktail parfait pour un désastre.

Le silence s'étire et Carrie finit par cligner des yeux. Elle ne sait pas trop quoi dire (puisqu'apparemment sa voix est si agaçante en plus, n'importe quoi, elle a dû dire ça sous le coup de la fatigue, de la douleur ou de la colère), alors elle ne dit rien, s'avance jusqu'à Bao sans la quitter des yeux, prête à s'enfuir comme un animal affolé au moindre geste brusque dans sa direction. Bao se laisse approcher. Quand Carrie lève les mains et les tend en direction de son visage, Bao se laisse toucher et Carrie effleure sa mâchoire, glisse ses doigts sous ses oreilles, dans son cou, dans ses cheveux. "You really think you can kick my ass? Tsk, I'd like to see you try." Le trait d'humour est énoncé d'une voix presque incertaine, comme toujours, comme si Carrie n'était pas trop sûre de comment être drôle en essayant. Elle sent une énergie fébrile vibrer à l'intérieur de Bao, comme si elle allait exploser, ou que d'autres coups allaient voler. Elle ne s'éloigne pas.
Ses mains retombent à la naissance de son cou, s'immiscant sous les pans de sa veste. Un pouce s'attarde sur sa gorge, sous laquelle elle sent les battements de son coeur. Une humaine comme tout le monde, au final, avec un coeur battant trop vite quand elle s'énerve et des émotions parfois difficiles à contenir. Carrie aime beaucoup trop toucher la gorge de Bao, à la fois parce qu'elle aime se rappeler qu'elle est en vie et présente, et aussi pour se rappeler du contrôle qu'elle a sur elle - comme si elle aurait jamais la force ou l'envie de lui écraser la carotide. En attendant, son pouce caresse rapidement sa peau. La tendresse chez elle est toujours maladroite, mais bizarrement présente. Surtout avec Bao.

"You're trembling." Sa voix n'est plus qu'un murmure, maintenant, et Carrie soupire légèrement en laissant ses mains se glisser sous le col de sa veste pour commencer à la lui enlever. "I'll run you a bath," décide-t-elle, en faisant tomber le vêtement au sol. "Come." Une de ses mains retombe pour attraper les doigts de Bao et la tirer à sa suite. Carrie enjambe sans hésitation les victimes brisées de l'éclat de colère de Bao étalées sur le sol, et les mène jusqu'à la salle de bains immaculée que Carrie n'utilise jamais. Elle sait néanmoins qu'il y a une baignoire. Elle lâche la main de Bao pour s'en approcher. "Take off your clothes." Carrie se penche pour boucher la baignoire et commencer à faire couler de l'eau chaude, cherchant du regard une serviette de bains pour l'après, mais elle finit par se retourner quand elle n'entend pas de bruit de la part de Bao qui n'a pas bougé. "Stop looking at my ass." Carrie se redresse et s'approche de nouveau d'elle, allant à l'encontre de tous ses sens et son esprit de préservation qui lui hurlent de la laisser tranquille. "If you really think you're getting a damn kiss with all that blood on your face, then maybe you are as daft as they say," ment-elle effrontément, comme si elle pouvait refuser quoique ce soit à Bao quand elle la regarde comme ça.
Il lui faudra encore définir ce ça mais elle pense qu'elle aime bien.

(CHAOS #2)
for you alone, I will be weak.

Early 2006 - London

Plus rien ne parvient aux oreilles de Bao, si ce n’est son propre souffle rauque, le bourdonnement enragé résonnant inlassablement dans sa boîte crânienne, et le son douloureux des pensées furieuses buttant contre les parois de son esprit fébrile. Elle se laisse aller à l’incontrôlable rage qui lui échappe si souvent, qui ne dort jamais bien longtemps au plus profond d’elle-même, gardant toujours un oeil ouvert, guettant la moindre occasion de prendre possession de sa voix, de ses gestes, de sa force ; de tout ce que Bao peut mettre à son service. Bien souvent, cette intarissable colère se nourrissant copieusement de son manque de contrôle apparaît comme une alliée salvatrice, satisfaisante, lui autorisant à exploser sous le trop plein de frustrations - justifiées ou non - sans même la consulter. Elle impose à la Wang l’inconfort de tout ce qui l’agite : l’anticipation d’un deal foireux, l’alarme naturelle se déclenchant au fond de ses entrailles pour protéger son frère, l’obligation d’en venir aux mains pour une simple livraison, les coups reçus sur son corps et son visage, le retard à son rendez-vous, les reproches de Carrie. Un cocktail où se mêlent d’autres maux remontant par la même occasion à la surface, sans y être invités, brouillant un peu plus les pistes de sa raison.

Il serait habituellement si simple de retrouver son chemin, en laissant pleinement la hargne l’envahir, pour se défouler sur le premier venu, abattre sur celui ou celle versant la dernière goutte d’eau faisant déborder la coupe déjà trop pleine de son irritabilité. Bao connaît sa propre colère, les mécanismes simples pour évacuer - quand bien même elle ne la quitte jamais en la laissant indemne. Face à Carrie, plus rien ne lui apparaît comme une évidence. Car Carrie, sa place même dans la vie de Bao, déconstruit tout ce que le chien de garde a toujours connu. De la même manière qu’elle n’aurait jamais pensé avoir besoin de recevoir l’affection de qui que ce soit, ni à placer une confiance nouvelle et vertigineuse en les mains d’une étrangère au Clan, la sorcière n’avait pas anticipé son explosion sous les yeux de la Warlock - comme si elle était réellement capable de prévenir ses accès de rage. Et ce qu’elle avait encore moins vu venir, est la nature que revêt sa fureur quand elle lui échappe face à Carrie. Bao, stupéfaite, voit son corps se contracter sur place, plutôt que de s’élancer vers Carrie, réagir de la même façon qu’avec les siens : une laisse autour de son cou l’empêchant formellement d’avancer davantage, son esprit se recroquevillant sur lui-même. Elle ne peut pas, autant qu’elle ne veut pas, uniquement apte à exploser sur place, soufflant quelques injures étouffées dans sa respiration sulfureuse, le visage crispé.

Les yeux sombres et douloureux se lèvent vers la silhouette de Carrie glissant jusqu’à elle, détaillant les traits qui se placent en face des siens. La proximité inattendue lui fait serrer brusquement la mâchoire, immobile et étourdie sous les mains qui s’approchent de son visage, ses sourcils se fronçant plus sèchement encore dans un réflexe curieux, soubresaut incontrôlé de son corps semblant ne chercher à se méfier qu’à moitié. Bordel, jusqu’à ses muscles sont confus quand Bao rencontre le regard de Carrie, ses pensées se figeant bientôt. Le contact des paumes sur sa mâchoire, plongeant doucement dans ses cheveux, envoie une décharge stupéfiante sous sa peau, lui arrachant une expiration bruyante, emprunte du chaos intérieur qui butine encore ses tympans.
Le chien de garde connaît les mains de Carrie. Elles ont parcouru son corps tant de fois, suffisamment du moins pour l'imprégner définitivement de leur chaleur ; et ce n’est pas tant de sentir les doigts caresser sa nuque, que de les sentir en cet instant précis qui lui fait ouvrir des yeux décontenancés, presque choqués. "You really think you can kick my ass? Tsk, I'd like to see you try." À sa colère, n’a jamais succédé qu’une violence encouragée. Jamais on ne l’a touchée ainsi, jamais on ne lui a parlée ainsi, pour répondre à ses insultes essoufflées et maladroites. Jamais la douceur surprenante avec laquelle Carrie glisse ses mains dans son cou n’est apparue comme une solution. Et Bao continue de la regarder, interdite, la laissant ôter sa veste sans réagir, ne l’entendant qu’à peine, une lueur agitée et méfiante se logeant dans ses pupilles.

Son mutisme, uniquement brisé par sa respiration toujours rapide, ne la quitte pas quand Carrie l’entraîne par la main ; Bao la suit, dans cette transe confuse, déchirée entre la rage - qui semble s'amenuiser à chaque souffle qui franchit ses lèvres -, et la déroutante tiédeur qu’a fait naître la sorcière dans sa poitrine où se débat un coeur furieux. "Take off your clothes." La conscience de la Wang ne semble ouvrir les yeux qu’à cette phrase, cillant au son de l’eau coulant soudainement dans la baignoire, vers laquelle elle tourne un regard nerveux. "Stop looking at my ass." Elle tourne à nouveau son visage vers Carrie, la détaillant un instant en reprenant son souffle.
Bao se sent vulnérable quand Carrie s’approche d’elle, et c’est cette même vulnérabilité qui prend possession de son regard perdu face à tant de tendresse. Une vulnérabilité qui l’assomme, tant elle l’habite complètement désormais, et surtout à quel point elle vient se loger naturellement sous sa peau ; comme si la douceur de Carrie était la solution, depuis tout ce temps, et que son corps le découvrait seulement.

"If you really think you're getting a damn kiss with all that blood on your face, then maybe you are as daft as they say." Difficilement, Bao décroche son regard de son amante pour se poser sur ses mains, encore couvertes d’un sang tâchant jusqu’à ses vêtements. Elle déglutit en s’observant ainsi, le souffle alourdi par un lent retour vers la raison. “Hm, yeah… I should….” Sa propre voix lui semble lointaine et ridicule, et l’entendre à nouveaux la gêne quelque peu, sa fébrilité contrastant avec les insultes grondées quelques instants plus tôt. Le voile se lève peu à peu, avec une lenteur proche de la torture, réalisant tout juste qu’elle est en effet couverte de sang, terriblement mal à l’aise désormais rien qu’à l’idée d’effleurer la peau de Carrie en étant ainsi souillée, et de déposer sur son visage les restes des audacieux “clients” de Quon.
Plongeant à nouveau dans les yeux de Carrie, elle retire doucement son tee-shirt - en grimaçant quand le tissu frôle le flanc où elle a reçu un violent coup, sur son visage légèrement tuméfié -, faisant tomber au sol, progressivement, le reste de ses vêtements en maintenant le regard de la blonde, comme si le quitter n’était pas envisageable. Et Bao embrasse un peu plus la nouvelle vague de vulnérabilité qui l’envahit en se retrouvant nue devant Carrie, lui offrant pleinement la vue de son corps marqué par les cicatrices de son existence de chien de garde.
Avec lenteur, et une certaine peine, elle finit par tourner la tête vers la baignoire pour l’enjamber, s’accroupissant aussitôt dans les quelques centimètres d’eau dans une posture toute aussi vulnérable et hébétée, les jambes repliée contre son torse nu. Bao incline la tête en arrière, retrouvant le visage de Carrie. “Aren’t you joining me?” La voix aussi fébrile que son regard, déjà, elle peut sentir les restes de son explosion fondre dans l’eau chaude, et le début d’une migraine naître à l’arrière de son crâne.

Carrie est déjà en train de se hisser sur la pointe des pieds pour embrasser Bao quand celle-ci détourne les yeux et les baisse sur ses doigts recouverts de sang. Un mélange d'amusement et d'agacement s'empare de Carrie, qu'elle repousse franchement - après tout, à trop jouer avec Bao, elle comprend bien que celle-ci puisse prendre tout ce qu'elle lui dit sans la questionner - avant de suivre son regard. Imaginer le sang d'inconnus recouvrir ses vêtements ou pire, son corps, la dégoûte profondément. C'est pourtant avec un peu de déception qu'elle retourne à plat sur ses pieds, se contentant de humer légèrement au “ Hm, yeah… I should….” hésitant de Bao.
Le chien de garde se met enfin en marche et commence à retirer ses vêtements - sans la quitter du regard. Cet état de fait gêne un peu Carrie qui, pourtant, reste impassible et soutient son regard, l'esquivant seulement quand le visage de Bao se froisse de douleur, pour observer les dégâts. Si les cicatrices sont habituelles et notées avec la même indifférence qu'avant, les nouvelles blessures qui bariolent le corps de la jeune femme de sang et de bleus, provoquent un léger froncement de sourcils chez Carrie. Une colère complètement indue se réveille en elle. Que quelqu'un ait touché à Bao - sa Bao comme elle la considère dans le secret de sa tête - réveille en elle une fureur presque nauséeuse.

Carrie n'aide pas Bao à enjamber la baignoire puis à s'y glisser, préférant la suivre du regard et s'approcher un peu pour vérifier la température de l'eau du bout des doigts en la regardant s'accroupir au fond du bac. Elle semble si minuscule, et si vulnérable en cet instant précis. Carrie se sent toujours énervée, un peu gênée, mais aussi attendrie, surtout quand Bao relève la tête pour la regarder. “Aren’t you joining me?” Comme souvent lorsqu'on lui pose une question, Carrie ne répond pas pendant quelques instants, et fixe Bao comme si elle ne comprenait pas le moindre mot d'anglais.
Non, bien sûr que non elle ne va pas la rejoindre dans son bain. Déjà, c'est sale. L'eau est déjà rose, et s'épaissit à mesure que le niveau monte. Elle ne pense pas que ce soit très hygiénique.
Ensuite, la dernière fois qu'elle a été nue dans un bain avec quelqu'un... les narines de Carrie frémissent en se remémorant le mois qu'elle a passé enfermée dans la chambre de Jin. Elle se souvient vaguement des bains qu'il lui a donné, doux et attentionné comme toujours avec elle. Le goût amer de la vulnérabilité et le sentiment de faiblesse, sont venus après. Et repenser à cette période, aux crises de manque, la fièvre, le reste...

Ça la dégoûte. Jamais elle n'y retouchera.

"Sure," s'entend-t-elle dire d'une voix lointaine. Elle se surprend elle-même, et pourtant se redresse un peu comme si de rien n'était, ses mains s'aplatissant anxieusement sur ses cuisses. Elle aimerait beaucoup avoir une cigarette, ou deux, ou trois sous la main, mais elle sait bien qu'il est inutile de demander à Bao qui n'en aura pas. Dommage.
Carrie se détourne sciemment de Bao pour se déshabiller, et réprime difficilement le haut-le-coeur quand elle commence à déboutonner sa robe et qu'elle sent son regard sur elle. Elle plie robe et collant méticuleusement avant de les poser près du lavabo. En sous-vêtements, elle se tourne vers Bao en retirant ses boucles d'oreille.
Le regard avec lequel elle la recouvre - il n'y a pas d'autre mot pour exprimer ce que Carrie ressent en cet instant précis - n'est pas exactement dans le contexte qu'elle imaginait, et n'a pas vraiment la lueur qu'elle désirait, mais elle saura très bien s'en convenir.

Incapable d'y résister, pourtant, elle ne peut pas s'empêcher de briser le silence d'un "you're staring" affable. Et, en reposant les boucles d'oreille près de sa montre et de son collier: "good." Elle retire son serre-tête et puis, un peu déçue, se débarasse aussi de ses sous-vêtements hors de prix (elle est parfois bien contente d'être la seule ayant le droit de jeter un coup d'oeil à ses comptes; elle pense que même Jin se serait étouffé en voyant la note) et s'approche de la baignoire.
Sa peau fourmille d'une manière plutôt désagréable, mais habituelle, comme à chaque fois qu'elle est nue, surtout en présence d'autrui. L'intense sentiment de vulnérabilité et de fragilité qu'elle ressent, ainsi que la vague gêne de sentir les yeux de Bao sur elle, la paralysent presque pendant un moment. Elle reste interdite face à la baignoire, inspire profondément, puis rompt la distance jusqu'à Bao pour arrêter le flot de l'eau dans son dos. Ses doigts effleurent son omoplate, une caresse aussi rapide que légère, avant qu'elle n'enjambe le rebord à son tour et s'installe en face de Bao de l'autre côté.

L'eau, effectivement, est rose et pas assez mousseuse au goût habituel de Carrie, mais elle est un peu rassurée quand le niveau monte jusqu'à recouvrir sa poitrine. La baignoire est plutôt grande - quoique pas autant que celle qui se trouve dans son appartemment - et elles sont de toutes façons plutôt menues. Il y a plus qu'assez de place pour elles deux et pourtant Carrie ne peut pas s'empêcher d'aller chercher le mollet de Bao du bout de son pied. "Don't be shy," lui intime-t-elle en la voyant toujours prostrée de son côté du bac. "Come on." Carrie se redresse un peu et, prétendant être complètement indifférente à la situation pourtant inédite et franchement étrange, presque absurde, à laquelle elles sont confrontées, elle attrape l'un des nombreux produits assis sur l'étagère au-dessus de la baignoire Elle semble le découvrir, comme si elle n'était pas celle l'ayant acheté en même temps qu'une dizaine d'autres trucs auxquels elle ne touche jamais quand elle a commencé à louer le petit appartement. Un investissement plutôt généreux, mais valant le coup à ses yeux. Non pas qu'elle oserait jamais le dire à haute voix.
"That'll do." Elle verse une généreuse quantité du produit magique dans l'eau tiède et aussitôt, une fine mousse rose vient en recouvrir la surface. Carrie semble particulièrement satisfaite par la chose et en attrape un morceau avec une main. Elle lève sa main jusqu'à son visage et souffle, soudainement, envoyant la mousse en direction du visage de Bao.

Un très, très léger sourire vient éclairer le visage de Carrie. "Loosen up," lui recommande-t-elle avant de se rasseoir dans son coin, étirant ses jambes sous l'eau sans aucune gêne et reposant son genou contre celui de l'autre jeune femme avec aise.

(CHAOS #2)
for you alone, I will be weak.

Early 2006 - London

La température se glisse sous sa peau, l’envahit doucement, au fur et à mesure que l’eau emporte sur sa lente progression le sang teintant ses mains, que Bao referme nerveusement sur ses chevilles en soutenant le regard de Carrie avec appréhension. Elle n’est pas censée vouloir quoi que ce soit, ce n’est pas ce qu’on attend d’elle, et encore moins désirer. Bao n’a pas de désirs ; au mieux, elle a des besoins, au pire des pulsions. C’est ce qu’elle s’est répétée tant de fois pour ne pas regarder en face cet écart à son dressage strict qu’elle s’autorise de plus en plus fréquemment - dans lequel elle plonge même quand elle demande à Carrie de la rejoindre, elle-même surprise par sa capacité presque naturelle, sur l’instant à formuler ce qui lui apparaît en effet comme une envie. Elle a envie de la Warlock au plus près d’elle, qu’elle franchisse la distance qui les sépare, et qu’elle glisse à nouveau, avec la même douceur qu’il y a quelques minutes, ses mains dans ses cheveux sombre pour chasser la douleur familière qui se répand dans son crâne.

”Sure.” Le coeur de Bao cogne un grand coup contre sa poitrine, s’harmonisant bientôt avec le rythme déjà effréné de ses palpitations quand Carrie se redresse, s’éloignant de la baignoire pour retirer sa robe. Il y a toujours un elle-ne-sait-quoi qui l’envahit quand elle redécouvre le corps de son amante. Elle en a vu pourtant, des corps nus - d’hommes surtout, de femmes moins -, ne lui provoquant que l’ombre d’une satisfaction sous l’expectative de l’accomplissement d’un énième besoin rapide et passager. La vue de celui de Carrie, néanmoins, n’engendre en rien le même sentiment. Encore moins quand elle la regarde d’en dessous, avec toute la vulnérabilité qui l’habite, du fond de sa baignoire où elle recroqueville un peu plus quand la Warlock se retourne vers elle. ”You're staring.” Bao se rend compte de son regard malvenue, traînant sur la peau de Carrie, qu’elle remonte vers ses yeux abruptement en retenant sa respiration. Et c’est aussi ce qui la rassure, dans leur complicité, tout comme dans leur intimité : elles ne s’appartiennent pas, et Bao n’a de droits sur Carrie que ce qu’elle lui offre sciemment. ”Good.” Alors, l’animal se permet à baisser à nouveau les yeux sur ses sous-vêtements, appuyant sa tête contre le rebord de la baignoire fébrilement en reprenant possession de ses nerfs. “Yeah… It suits you.” souffle-t-elle en remontant ses paumes sur ses genoux, se redressant bientôt quand la main de Carrie la frôle pour éteindre le jet dans son dos. Inlassablement, Bao la suit du regard quand elle la rejoint, s’asseyant face à elle dans l’eau déjà teintée par le sang.

Le chien de garde pose ses yeux sur son visage, silencieuse, incapable de parler sous le torrent d’émotions conflictuelles qui l’agitent, relevant plus franchement le menton au pied qui vient caresser son mollet. ”Don’t be shy. Come on.” Et ce n’est pas tant de la timidité qui la pousse à rester de son côté de la grande baignoire - Carrie fait toujours tout en grand, lui semble-t-il, contrastant avec la sobriété presque désintéressée du matériel de Bao -, que cette confusion lancinante dûe à son explosion, et immanquablement aux symptômes suivant sa colère. “I’m not.” Elle-même peu convaincue par le timbre nerveux de sa voix, elle dénoue ses doigts entrelacés sur ses genoux pour glisser une main sur la cheville de Carrie, en une caresse maladroite pour crédibiliser ses propos. La jeune Wang fronce tout de même les sourcils dans une moue peur assurée en l’observant s’emparer d’un des produits disposés sur l’étagère, déversant une dose du liquide rose dans l’eau chaude. Bientôt, une fine mousse apparaît à la surface de l’eau sous le regard sceptique de Bao, qui lève sa main libre pour en attraper une poignée en plissant les yeux.
Ses traits se froissent, fermant les paupières brusquement en rabattant sa main devant son visage pour se protéger de l’assaut soudain de la mousse soufflée par Carrie vers elle. ”Loosen up.” L’animal ouvre à nouveau les yeux, pour attraper l’esquisse de sourire qui se dessine sur ses lèvres, en faisant naître un de concert, plus discret encore, dans ses pupilles brunes.

Se détendre n’est pas exactement un concept saisi par Bao. Enfant déjà, la pousser à s’amuser avec ses frères et soeurs la plongeait immédiatement dans un certain malaise ; elle ne comprenait tout simplement pas ce que l’on attendait d’elle, jamais on ne l’avait mis face à une telle situation avant d’être amenée au Royaume-Uni. Aujourd’hui encore, quand Carrie l’invite à lâcher prise, Bao n’est pas certaine de ce qui lui est demandée. Sa colère est déjà retombée, n’est-ce pas ce que cela signifie, se détendre ?
Elle accuse le contact du genou contre le sien en plongeant sa main dans l’eau, dans une geste calme, pour finalement la passer sur son visage pour nettoyer le sang qu’elle peut encore sentir sécher sur sa peau. Toute trace de sa rage disparaît avec celles de sa lutte meurtrière, et seule l’eau semble encore en porter les preuves désormais. Sa respiration se stabilise, malgré les battements rapides dans sa cage thoracique, plus furieux encore lorsqu’elle retrouve le regard de Carrie posé sur elle.

Losen up. “Whatever that means.” Bao laisse un imperceptible sourire s’emparer de sa bouche pincée, avant de se redresser pour glisser lentement vers Carrie, la mousse s’écartant sous son passage, et la main sur sa cheville voyageant à l’extérieur de sa cuisse dans un même mouvement. Elle ignore la migraine qui bat désormais à l’avant de son crâne, pour se pencher sur les lèvres de la Warlock, sur lesquelles elle pose fébrilement les siennes, dans un baiser qui fait naître une chaleur dans son torse, fermant bientôt les yeux pour l’embrasser plus avidement. Se détachant finalement de quelques centimètres, et prenant à peine conscience de la paume qui est remontée jusqu’à la nuque de Carrie, elle souffle en accrochant son regard “Sorry I barked.”

Il ne manque qu'une chose à Carrie: une cigarette. Elle n'aurait même pas besoin de la fumer; juste la tenir à proximité de son visage et la laisser se consumer l'aide parfois à se détendre, l'odeur âcre et mordante de la nicotine à la fois réconfortante et familière pour elle. La cigarette, c'est Jin, c'est Elias, c'est Stan, c'est les bureaux enfumés du Dancing Phoenix, c'est le fief des Warlocks. Prendre un bain désormais parfumé à l'eau de rose en fumant une cigarette: le rêve.
Carrie doit donc se contenter d'observer Bao en silence. Et même si elle n'a pas encore le don d'alléger le moindre de ses maux comme la cigarette, elle est pour une fois loin de pouvoir se plaindre.

Elle regarde Bao lui jeter un regard incertain et lui adresse un simple haussement de sourcil pour l'inviter à lui poser la moindre question, mais Bao n'en fait rien. A la place, Carrie la regarde plonger sa main dans l'eau et s'essuyer le visage, le nettoyer des traces de sang récalcitrantes qui le striaient jusque là. Sans bouger ni rien dire, Carrie l'observe faire avec un intérêt non-feint, sentant elle-même quelque chose se défaire en elle quand Bao reprend un visage à peu près humain. Autant qu'elle a appris à ne plus sourciller devant la violence - quoiqu'elle ne puisse tout simplement pas se souvenir d'une période de sa vie où la violence n'a pas été une solution viable à la plupart de ses problèmes -, autant elle n'apprécie ni la saleté, ni le douloureux rappel de leurs deux situations différentes.
Si le terme de Dog au sein des Warlocks est synonyme de bien des choses - opportuniste, petite main, chair à canon, nouvelle recrue -, elle n'aime pas ce que les Wang ont fait de leur chien de garde aux yeux humides qui semble bien plus incliné à accepter les coups de bâton que les caresses.
Tant pis pour eux, tant mieux pour elle, à vrai dire.

Les yeux de Bao se posent sur elle de nouveau et Carrie sent quelque chose lui chatouiller l'arrière de la nuque; l'impression est renforcée quand la bouche de Bao se fend d'un léger sourire. C'est plutôt désagréable. “Whatever that means.” Elle ne bouge pas en regardant Bao se redresser et s'approcher d'elle, même si un frisson d'attention descend le long de sa colonne vertébrale, en même temps qu'un autre remonte le long de sa jambe que Bao effleure du bout des doigts. Carrie soutient son regard sans rien dire tout du long, fermant les yeux quand Bao l'embrasse enfin. Carrie se laisse fondre dans ce baiser, juste un peu. Il n'y a personne pour l'attaquer, ici, personne pour la menacer, personne pour l'agresser: juste Bao. Bao, qui l'embrasse, dont les doigts remontent jusqu'à son épaule et sa nuque, appuyant sur la source de bourdonnement qu'elle trouve, au final, plutôt agréable.
Quand elles se détachent, Carrie en est presque déçue. “Sorry I barked.” Le petit sourire de Carrie, cette fois n'est pas réprimé par quelconque retenue. "Sorry about my supposedly high-pitched voice," répond-t-elle d'un ton qui n'est pas désolé du tout.

Une main s'invite sous l'eau pour effleurer la taille de Bao, presser son corps contre le sien afin qu'il le recouvre en entier, l'attirant dans un autre baiser. Même dans un moment tendre où elles ne sont pressées de rien, elle ne peut pas s'empêcher d'être impatiente et avide, approfondissant le baiser avec ardeur, humant légèrement contre les lèvres de Bao comme pour l'y encourager. Se retrouver coincée entre le dossier de la baignoire et le corps de Bao a quelque chose de presque rassurant, là où elle devrait sans doute étouffer et, peut-être dans d'autres circonstances, la repousserait sèchement. Mais après l'avoir attendue trois heures, Carrie en a marre de se priver et de faire comme si, en cet instant précis, elle n'avait pas envie d'elle.
Elle suspend seulement les légères caresses de ses doigts sur le corps de Bao quand elle sent celui-ci se contracter; elle se recule avec un froncement de sourcils, fouillant les yeux de Bao avant de les baisser sur son torse. "Will you be okay?" demande-t-elle à mi-voix après avoir rapidement regardé la blessure qu'elle a effleuré par inadvertance, relevant les yeux vers Bao en effleurant son nez du sien. "Guess I'll have to be gentle." En cet instant, il lui semble impossible d'être quoique ce soit d'autre, revenant clâmer les lèvres de Bao contre les siennes en enroulant enfin ses deux bras autour d'elle pour ne pas lui laisser la possibilité de s'éloigner.

(CHAOS #2)
for you alone, I will be weak.

Early 2006 - London

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En retrouvant le sourire de Carrie, juste sous ses yeux, si près de son visage prostré devant le sien, Bao se laisse tout simplement submerger par la vertigineuse chaleur qui remonte jusqu’à son crâne, recouvrant d’une épaisse brume la naissance de sa migraine. Si elle s’autorisait à se poser des questions, sûrement serait-elle surprise de la facilité avec laquelle elle s’oublie dans les bras de la sorcière ; plonger dans ses yeux à cette distance, caresser sa peau nue, revient à balayer brusquement les frustrations de sa soirée, son explosion temporaire face au tempérament capricieux de Carrie, et bien d’autres préoccupations encore logées au fond de son esprit. Parfois seulement, quand elle s’accorde une pensée pour le secret qu’elles partagent, Bao peut ressentir une certaine honte à offrir un visage dénué de son habituelle sécheresse à la Warlock. Elle n’est pas faite pour être tendre, ni pour recevoir de la tendresse. Et pourtant, il est si aisé de l’être avec Carrie, tout comme il l’est de fondre sous ses gestes délicats. Non, aucune honte ne l’habite, quand elles sont si proches ; tout fait sens, comme si son appétit pour la douceur avait toujours été présent, quelque part, dissimulé par l’image qui lui a été imposée.

”Sorry about my supposedly high-pitched voice.” La remarque, soufflé dans un rictus malicieux, fait naître un nouveau sourire dans les pupilles de Bao, à défaut de pouvoir prendre possession de ses lèvres trop impatientes pour s’étirer. Carrie ne lâche jamais prise, sur rien, semblant incapable de revenir sur le détail pouvant la froisser. Et si cela sait parfois exaspérer Bao, tout de suite, cela la flatte quelque peu ; elle peut atteindre Carrie, tout comme Carrie peut l’atteindre. ”Ok, sorry about that too,” souffle-t-elle, mentant légèrement. La sorcière a une voix montant drastiquement dans les aigus quand elle s’emporte. Mais quand elle s’offre avec une telle vulnérabilité, l’animal serait prêt à lui murmurer tout ce qu’elle veut entendre ; à la fois pour ne pas la froisser, autant que dans un réflexe insidieux, qui ne ressort que face à elle.
A nouveau, Bao ferme les yeux en retrouvant les lèvres de Carrie, suivant l’appel de ses mains sans résistance pour presser son corps contre le sien dans une inspiration profonde quand elle trouve sa peau dans l’eau chaude. Un frisson la parcourt immanquablement à la paume voyageant sur sa hanche, ancrant dans sa chaire l’impression de disparaître dans ce baiser, dont la saveur ardente et tendre fait tomber les dernières barrières la séparant de son désir pour la caryatide. Naturellement, Bao glisse ses doigts humides à la naissance des cheveux blonds, y exerçant une légère pression sous l’avidité qui la gagne, enjointe par celle de Carrie.

La Wang n’est que brièvement ramenée à la réalité quand son corps se contracte sous la main frôlant la blessure sur son flanc, la douleur ne la gagnant que dans un second temps. Déjà, elle avait oublié la peau violacée sous laquelle se cache certainement une ou deux côtes fêlés, et à nouveau elle l’oublie quand elle remonte ses yeux vers Carrie, après les avoir brièvement baissés vers l’eau. ”Will you be okay? − I don’t care.” La réponse file immédiatement, sans même avoir à y réfléchir. Bao s’en fout éperdument, si ses terminaisons nerveuses la trahissent sous les caresses de la sorcière, si elle doit serrer un peu les dents pour se gaver de l’intensité qu’elle lui offre. ”Guess I'll have to be gentle. − However you want it.” Tout ce qu’elle veut, comme elle veut, elle n’en a plus rien à foutre.
L’animal pousse un soupir contre les lèvres de Carrie, où transparaît toute la satisfaction de pouvoir s’y perdre sans condition, si ce n’est de garder ces moments rien que pour elles - ce qui n’apparaît donc, en aucun cas, comme une règle insurmontable, Bao n’étant de toute façon pas du genre à s'épancher sur le peu de vie privée qu’elle s’accorde. De concert avec les bras se refermant sur elle, une nouvelle expiration apaisée lui échappe, progressivement étourdie par ce qu’elle ne maîtrise plus, depuis des mois déjà, et sur ce qu’elle n’a plus envie de maîtriser. Sa main libre navigue fébrilement sous l’eau, de la hanche au genou de Carrie, s’aventurant jusqu’à l’intérieur de sa cuisse avec une douceur presque surprenante pour celle qui, quelques minutes plus tôt, s’époumonait sous la frustration. Car aussi rapidement qu’a disparu sa colère, grandit son désir remarquable pour la peau qu’elle épouse en la recouvrant parfaitement de son corps ; cette peau qu’elle caresse encore et toujours, sans se lasser, en faisant courir sa paume sur son aine, sur son ventre, glissant bientôt jusqu’à sa poitrine en imprimant un peu plus ses doigts à l’arrière du crâne de Carrie, dépassée par ce qui bouillonne au fond d’elle.

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