tw: internalised homophobia, ableism

Regarder Celyn peiner à se relever est un supplice pour Caesar, le voir si faible et fragile et inutile est terriblement embarrassant et agaçant et... culpabilisant. Bien sûr qu'il n'aurait pas dû l'attraper, encore moins le pousser, encore moins le regarder se redresser et se relever sans lui offrir sa main pour l'aider. Bien sûr qu'il aurait dû être meilleur frère, meilleur support, plus attentif, plus à l'écoute, moins impitoyable avec lui. Bien sûr.
Mais la raison est bien loin, en cet instant précis. Il ne sait pas pondérer ses actions comme Celyn, ou suivre tout le temps les règles comme Eun-Ji: Caesar est injuste et, réalise-t-il sans l'apprécier, il veut être injuste. Il veut en vouloir à Celyn de ne plus être le grand frère qu'il était avant l'accident, il veut pouvoir hurler, insulter, vociférer, exulter un peu de cette pression qui n'a eu de cesse d'augmenter pendant des semaines, des mois, qui n'arrive pas à sortir: Caesar s'interdit des sorties au Pegasus, et Caesar n'arrive pas à peindre, sculpter, écrire, créer, et Caesar s'enlise dans une vie dont il ne veut pas parce qu'il n'a pas le choix. Il n'a plus de Basil pour l'écouter, plus de Papa à qui parler, plus d'Umma à qui demander son avis: il lui reste, effectivement, l'infirme et la débile, et c'est tout. Jusqu'au départ de Basil, Caesar ignorait qu'il n'avait pas d'amis à proprement parler, et qu'il considérait le reste de sa fratrie avec la même distance naturelle que le reste du monde: des gens sur lesquels il pouvait se reposer, mais qui n'étaient pas Basil.

Caesar veut que Celyn comprenne qu'il a peut-être perdu des mois, qu'il a peut-être perdu sa magie, qu'il a peut-être perdu sa force; mais que Caesar, lui, a perdu une partie de son âme.

"니 자식이 우리 이름을 받는데도 불구하고, 너한테 배울 게 뭔가 있는데? 니가 이기적인 변덕쟁인데다가 음욕에 빤진지 몇 년이나 됐찮아." Si le début lui fait rouler des yeux, la fin le crispe et Caesar blêmit sous ses joues rougies par l'alcool, ses sourcils se fronçant sans comprendre. Dans sa poitrine, son coeur plonge et dans sa tête, ses pensées commencent immédiatement à paniquer et à s'exciter dans tous les sens. Il a l'impression d'être de retour au Pegasus, il y a presque un an maintenant, et de se retrouver face au regard sombre et plein de jugement d'Eun-Ji. Un mauvais pressentiment s'asseoit sur son estomac et Caesar ne peut que regarder son frère d'un air interdit, ses yeux sombres affolés essayant presque de le dissuader de continuer, alors que sa bouche, déjà, s'ouvre: "I don't-- - 그래, 알고 있었지. 바질이 말하기 전에도 다 알고 있었고."
Caesar cligne des yeux et a un mouvement de recul distinct, comme si on venait de le gifler. Basil... Basil avait parlé à Celyn? Mais de quoi, de lui? De... Non, il doit mentir, jamais Basil ne ferait ça, jamais il ne le trahirait ainsi, c'est impossible. Celyn n'est qu'un menteur-- "엄마와 아빠가 너를 얼마나 사랑하셨는데." Malgré son choc, son incompréhension et sa colère, Caesar sent des larmes acides lui monter aux yeux. Il aimerait pouvoir se réfugier dans ces mots pour toujours, se faire bercer par la confiance indubitable dans la voix de Celyn quand il les prononce. Oui, Umma et Papa l'aimaient; mais ils n'auraient jamais aimé ce qu'il est devenu, et ce qu'il a été pendant des années dans le plus grand des secrets. Caesar le sait.

"너를 그대로 사랑해주셨는데 니가 아무것도 못 봤찮아." Alors qu'il était prêt à s'effondrer, à vouloir s'expliquer, le mensonge de Celyn réveille en Caesar un monstre qui dort au fond de ses entrailles depuis bien fort longtemps, et qui garde jalousement son trésor et n'est pas prêt à s'en débarasser: le savoir intrinsèque qu'il y a quelque chose qui ne tourne pas rond chez lui, et ne tournera jamais rond, et que ça aurait été le défaut de trop aux yeux de sa famille qui l'aurait rejetée en l'apprenant. Basil ne l'avait pas fait, ni Eun-Ji, mais maintenant Caesar est confronté à cette réalité devant son frère, dont les traits déformés par le heurt ne font qu'empirer son propre état à lui. Ce serait si simple de s'excuser et de pardonner et de se précipiter dans ses bras, de lui dire qu'ils vont s'en sortir, à deux, ensemble.
"너를 좀 봐. 이 게 다야? 그런 사람이 되고 싶어?" Sauf que Celyn pose une question rhétorique, alors que Caesar sait que la seule réponse acceptable est oui. Oui, c'est ce qu'il a envie de devenir, c'est une tare qu'il a envie d'enfermer au fond de lui et à laquelle il ne veut plus penser, il veut une famille nombreuse et heureuse et que le nom des Rosier prospère, soit sur toutes les lèvres. Il veut faire honneur à ses parents et à leurs parents et à ses ancêtres, leur prouver que lui, Caesar Rosier, a toujours eu le courage et la force d'être un Rosier, et qu'au moment voulu il a pris ses responsabilités. "멍청하고 교만하면서 다 큰 거라고 생각하는 꼬맹이가. 제발 카에사르, 그렇게 하고 싶으면 결혼하든가 하고, 장난 그만해라."

Les traits de Caesar, ouverts par la surprise initiale, l'émotion à la mention de l'amour de ses parents, et le reste, se referment d'un coup, comme le rideau final à la fin d'une pièce. "See, this is why you were always bad with people, hyung, and why Dad always preferred us." Une vague grimace se forme sur ses lèvres en disant cela, et Caesar fait déjà un pas en arrière pour aller panser ses blessures ailleurs. "You never quite understood that this pretending game you speak of does not stop for anyone and that we all need to play our part in it, always, whether we want it or not." Que Celyn y ait échappé en négociant avec leurs parents à l'époque passe encore; qu'il continue sur cette voie après leur disparition, reste en travers de la gorge de Caesar. Mais peu importe, qui voudrait l'épouser, lui? "Maybe I'm stuck with two retards after all." Caesar lève les yeux au ciel et fait demi-tour, pour pénétrer dans une maison qui n'est pas la leur, et commencer seul une vie dont il ne veut pas - avec ou sans le support de son frère.

tw: ableism, suicidal thoughts

"See, this is why you were always bad with people, hyung, and why Dad always preferred us." Les sourcils de Celyn se froncèrent sous le nouvel assaut, une nuance d'incompréhension douloureuse, d'une colère réveillée par la mention de ce père qu'il avait suivi toute son existence comme une ombre. "You never quite understood that this pretending game you speak of does not stop for anyone and that we all need to play our part in it, always, whether we want it or not." Celyn dut prendre une seconde pour s'assurer qu'il s'agissait, en face de lui, bien de Caesar ; c'était bel et bien sa voix, son visage, sans aucun doute, mais son ton et son expression, eux, appartenait à quelqu'un d'autre. Il peinait à croire que son frère ait pu changer si vite et si fort, suite à la claque tragique que leur avait administré le destin ; c'était un simple masque, un ersatz de la dureté de leur mère et de la puissance de leur père – des termes que le Caesar qu'il connaissait, avait connu, n'aurait jamais prononcé, et encore moins adressés à son propre frère, son aîné, qui plus était. "아무것도 모르는 거구나", constata Celyn, embrassant vivement du regard le visage de Kaz, sidéré par la hauteur de ce mur érigé entre eux deux, désormais. Caesar ne comprenait pas – il ne comprenait rien, que c'était justement que parce que Celyn avait compris dès le début les règles de ce jeu qui était le leur, qu'il avait pu avec tant de certitude y jouer sans se forcer à des contraintes stupides, futiles, balayées par les propres valeurs de leurs parents. N'avait-il pas entendu, quelques instants plus tôt, cette déclaration d'amour rapportée du passé ? Que ni leur père, ni leur mère ne se serait détourné de lui pour être un semblant lui-même ?

La gorge de Celyn se serra devant l'absurdité de cette situation terrible. En cet instant, le message était clair : Caesar était l'aîné par intérim, responsable, lucide, terriblement terre-à-terre – et peut-être que quelque part, se dit Celyn, Caesar était effectivement le plus à même de prendre sur ses épaules le reste de leur famille d'eux, qu'il avait raison, et qu'ainsi Celyn pourrait fermer les yeux, s'endormir, disparaître sans avoir à se soucier du reste des Rosier, entre les mains sûres et entêtées de son cadet. "Maybe I'm stuck with two retards after all." Une tiédeur honteuse glissa sur ses joues, décolorant un peu plus son visage blême. "Caesar", appela-t-il en le voyant faire volte-face ; mais sa voix manquait de force et de conviction, et Celyn n'avait simplement plus le courage d'affronter son frère, épuisé et las, plaqué au sol par une lourde chape sur ses épaules ; la réalisation qu'ils étaient par trop différents, fatigués, impropres à s'entendre. Caesar était trop immature, buté, stupide – Celyn serra douloureusement les mâchoires, une révolte acide lui brûlant l'estomac sans qu'il pût l'en sortir.

Alors plutôt, Celyn choisit de lâcher-prise. Il était plus simple de porter sa souffrance dans un coin de son cœur, auprès des autres, que de s'acharner à lutter contre l'inévitable, l'entêtement aveugle d'un petit frère qui lui tournait le dos à son tour, le laissant, dans cette fratrie brisée, invariablement seul, sur le banc de touche. Il voulait dormir, oublier, replonger de nouveau – l'appel de l'abysse était le plus fort, et Celyn considéra avec regret la faible quantité de potions somnifères que lui avait laissé son médicomage – assez pour apaiser ses maux et s'abrutir, terriblement peu suffisant pour disparaître complètement comme il en avait la terrible envie, sur l'instant. "Iris, please have some chrysanthemum tea brought to my room." Le regard mouillé de l'elfe de maison lui était insoutenable, comme mettant à jours l'impulsion mélancolique qui le saisissait avec une force laconique ; Celyn détourna les yeux sans la voir, et se mit en chemin vers son aile, que Ben et sa tante avaient aménagée pour ses soins.