AUGUST 2001 — UK
Elliott et Rafaela Walsh. Les Avery cachés, les premiers enfants de son père. Lexie n'a qu'un très vague souvenir de la tête d'Elliott, ce dernier ayant quitté Hogwarts il y a quelques années déjà, avec une ribambelle d'étudiants rebelles. Rafaela en revanche elle l'a sous les yeux, là de l'autre côté de la salle principale du glacier Fortescue alors qu'elle semble galérer à empêcher ses deux boules de lui fondres sur les doigts. Leurs cheveux sont similaires, elle imagine. Mais c'est à peu près tout. Rafaela et Elliott sont jumeaux, mais elle a peu souvenir d'une ressemblance ultra flagrante entre eux non plus. De faux jumeaux, de toute façon, pas comme Flora et Hestia, justement assises en face d'elle avec leurs glaces identiques. Lexie se demande si les Walsh ont quand même ce lien particulier, fusionnel, qui lui donne l'impression à elle en tous cas quand elle voit les jumelles qu'elles peuvent lire chacune dans les pensées de l'autre. Elle se demande surtout s'ils sont au courant, sûrement. Comme tous ceux qui étaient à Hogwarts pendant la première vague de tests, ils ont dû passer le test Von Baüme pendant l'été. Mais peut-être que leurs parents ont gardé les résultats pour eux. Ou peut-être que Rafaela sait. Peut-être qu'elle et son frère savent depuis le début.
Lexie n'arrive pas à croire que c'est vrai. Mais Rafaela est là, elle existe, elle mange son cône et elle parle avec sa voisine et elle n'en a rien à faire d'elle et des Avery, sûrement. Lexie, quand elle a appris la vérité, elle a passé une semaine dans sa chambre à faire la gueule après une journée au moins dans le déni total. Parce que c'était pas possible. Son Da' est trop parfait, trop un modèle pour elle pour pouvoir être entaché ainsi. Aucun enfant n'aime découvrir que son parent adulé n'est qu'un humain finalement, plein de défauts et capable de faire des erreurs. Quelque part, elle aurait dû être rassurée par le fait qu'au moins tout ça s'est passé avant que Ma' n'entre dans sa vie, avant qu'ils ne se marient. Il n'a pas trompé Ma', c'est déjà ça. Pourtant, Lexie trouve ça presque pire : elle n'est plus l'aînée de Da'. Elle ne l'a même jamais été. Ce n'est pas à l'héritage Avery qu'elle pense — et Ma' a cru bon de la rassurer à ce sujet de toute façon — mais c'est juste… elle pensait être spéciale pour son père. Elle pensait être sa première fille, son trésor, son successeur. Ceci dit au moins, assise avec ses amies, à jouer avec son pot parfum rose pistache elle est sûre d'une chose : elle est la seule à avoir hérité des yeux de Da'. Est-ce que ça compte pour quelque chose ça ?
Ça n'a pas beaucoup de sens cette jalousie mal fondée alors elle n'en a parlé à personne. Elle ne voulait pas blesser Ma' qui, malgré les apparences doit déjà bien souffrir de la chose. Et elle sait que ça change pas l'affection que son père a pour elle. Ses parents ont même dit que ça ne changeait rien, que ça ne changerait rien à leur vie de famille et c'est peut-être ce qui a le plus choqué Lexie. Comment est-ce qu'elle peut faire comme si de rien était ? Elle s'inquiète pour Joyce aussi, qui a pris la nouvelle au moins aussi mal qu'elle. Au moins, elle a cru comprendre que de ce point de vue les choses étaient claires : elle est la seule grande sœur que Joyce veuille reconnaître. Mais devrait-elle lui écrire pour lui dire à quoi ressemble Rafaela ? Lui dire que leur demi-sœur était à Gryffindor et qu'elle est passionnée par les dragons — seul fait suffisamment connu d'elle pour que Lexie ait pu l'entendre de la bouche d'autrui alors qu'elle ignorait encore qu'elle n'était pas la seule Avery à Hogwarts. Elle peut pas s'empêcher de l'observer, même si elle sait que si quiconque l'y surprenait elle aurait l'air bien étrange voire franchement creepy. Elle peut pas s'empêcher de se comparer à elle de loin, chercher à la connaître sans lui parler.
Peut-être qu'un jour elle osera, ceci dit.
JULY 2004 — UK
“
Keep me posted, ” murmure une Siobhan inquiète, les poings remplis des pans de sa cape qu’elle cherche à maintenir sur son cœur en dépit du vent. Lexie hoche la tête rapidement presque sévère, l’esprit déjà trop ailleurs. C’est l’été qui suit sa première année à la LAAW, la libération, le premier voyage entre amies, aussi, une exploration à dos d’Abraxan de l’Irlande du Nord. Entre histoires autour du feu et baignade dans des lacs cachés, sa semaine a été splendide ainsi qu’elle l’a même écrit à Joyce, elle-même ravie d’être enfin au Thicknesse Youth Camps — une initiative qui n’a jamais parlé à sa sœur aînée, en revanche. “
Tell the others I said goodbye. ” Répond Lexie en vérifiant d’une main tremblante qu’elle a bien rassemblé toutes ses affaires dans son sac. Heureusement, elle n’a pas besoin d’attendre qu’un portoloin d’urgence soit créé pour elle, elle a appris à transplaner il y a près d’un an déjà et obtenu son permis il y a des mois. Ce n’est pas ce qui la met le plus à l’aise au monde — et elle a toujours apprécié de pouvoir observer les paysages, dans un train ou un bateau ou à dos d’Abraxan — mais là, il y a urgence. La campagne irlandaise disparaît pour laisser place aux grilles qui isolent le manoir Avery du reste du monde. Le même vent marin semble balayer ses cheveux, c’est pratiquement le même ciel orange-rose au dessus de sa tête mais si sur la côte irlandaise Siobhan était avec elle, de ce côté-ci du Royaume-Uni Lexie est toute seule. Elle se précipite vers le domaine de ses parents, de son père, criant déjà le nom de ce dernier, celui de Joyce aussi. La lettre de sa mère a été brève, elle ne lui a même pas demandé de rentrer, ce qui pour qui la connaît est carrément une invitation à rester à l’écart. Sauf que ce serait mal connaître sa propre fille que de penser qu’elle n’abandonnera pas tout ce qu’elle fait pour venir au chevet de son père et réconforter sa sœur. Les deux informations cruciales sont passées au moins dans la brève note de Katherine : accident de Da', disparition de Ha-Yun. Et dans le tout la mention furtive d’un loup-garou. Là où elle s’attend à trouver une maison endeuillée, elle a l’impression de trouver au contraire un conseil de guerre. Ma’ fait les cent pas dans le salon, elle a du sang sur les mains, Lexie ignore a qui il appartient. Elle dicte rapidement une missive à une plume à papote. Ni Joyce ni Da’ ne sont là. “
Ma’? ” Katherine sursaute violemment. “
Ma’ what happened? ” Elle se retourne vers elle d’un mouvement un peu brusque et la prend par les épaules un peu rudement avant de la presser contre elle, dans un câlin maladroit. “
Ma’ where are Dad and Joyce? ” L’état de sa mère rajoute à son inquiétude. “
Your sister is alright, sleeping in her bed I gave her a calming draught. ” Lexie soupire de soulagement au moins sa sœur est là, saine et sauve, mais elle n’est pas encore complètement rassurée. “
And Dad? ” Quand elle s’écarte de l’étreinte inhabituelle, son cœur s’affole un peu à la vue de l’expression sur le visage de sa mère. Indescriptible et franchement illisible, Lexie ne sait qu’une seule chose ; rien ne va. “
Ma'? Where is he? ” Katherine secoue la tête et sa fille sent les larmes lui monter aux yeux. Elle a tenté de garder son calme en lisant la lettre de sa mère le soleil à peine levé sur leur petit camp, ne réveillant qu'une seule amie pour lui dire qu'elle partait sur-le-champ. Elle n'a pas voulu céder à la panique, elle a tenté d'être brave et d'attendre d'avoir tous les faits. Mais ce qu'elle lit dans les yeux de sa mère lui fait trop peur pour qu'elle arrive à se contenir. “
He's. He's one of them now, a wolf. ”
Quand elle s'effondre sur le tapis, Lexie pense que le pire est là. Elle ne saisit pas encore, si maligne soit-elle d'après ses parents, tout ce que ça veut dire. Elle ne comprend pas encore que ça veut dire que son père n'est pas au manoir et qu'il n'y reviendra d'ailleurs pas. Elle ne comprend pas encore, trop assaillie par sa propre douleur pour penser à celle des autres, que la mort de Ha-Yun marquera profondément sa petite sœur, que celle-ci ne voudra plus jamais parler de Da', elle ne pense pas au fait que ses parents vont devoir divorcer et que sa propre petite vie ne sera jamais plus la même et qu'aucune platitude que ses parents pourraient lui servir, aucun mensonge ne pourra jamais changer ça. Là, tout de suite, Lexie ne pense qu'à son père, son père qui a été mordu, qui doit tant souffrir, physiquement comme mentalement de sa transformation, sans personne à son chevet.
2004-2005 — USA
Lexie aurait aimé que le voyage soit long, elle aimerait aimé que comme pour les moldus il dure des heures et des heures si épuisantes qu’elle aurait fini par s’endormir à des kilomètres de hauteur. Et puis elle aurait pris un taxi qui se serait tapé une heure de bouchons avant de la laisser débarquer à l’hôtel où sa mère lui a réservé une chambre. Katherine était un peu déçue de ne trouver qu’une école sur la côte Ouest pour prendre sa fille sur une candidature de dernière minute, elle n’a pas arrêté de le dire d’ailleurs, en l’accompagnant jusqu’à l’Office des Portoloins. Lexie a fait la tête, comme elle fait la tête depuis des semaines, contre sa mère et contre le monde entier de ne pas lui offrir le pouvoir de l’envoyer bouler comme elle le mérite. Côte Est ou Ouest ça lui était à elle
complètement égal. Pour tout ce qu’elle a aimé visiter les États-Unis dans son enfance pendant une semaine ou deux durant l’été elle n’avait absolument
aucune envie de déménager.
Surtout pas maintenant.
Ce n’est pas que la LAAW avait un attrait fou pour elle, même si elle comptait effectivement y finir ses études, peut-être aller jusqu'à obtenir deux diplôme, pour faire comme son père et sa tante préférée et devenir
quelque chose. Peut-être travailler aux Archives et diriger le Bureau un jour, en bonne Avery. Elle avait des plans mais ce n'est pas ça qui la contrarie. Ce qui la contrarie, c'est l'air affable de sa mère alors qu'elle discute avec les douaniers et lui dit d'arranger ses cheveux
for goodness' sake Alexandra. Ce qui la contrarie c'est la manière dont son père est devenu, si facilement, persona non grata au manoir qui l'a littéralement vu naître, son désormais un véritable tabou. Lexie, défit cet interdit jour après jour pour ne se prendre à la figure que des regards noirs voir des cris indignés.
La bonne blague, c'est que ce matin même on a organisé la lecture du testament de son père comme s'il était mort. Des heures plus tard, les joues de Lexie supportent encore les traces de ses larmes de rage. Paraît que le manoir lui appartient maintenant. Paraît que c'est elle l'héritière. L'Avery qui
compte, tout fille qu'elle est pourtant.
Pourtant malgré ses propres cris, malgré son refus catégorique, malgré le fait qu'elle ait défait ses bagages plusieurs fois à la grande frustration de l'elfe de maison, elle n'a pas su faire changer d'avis sa mère. Et toute majeure et héritière qu'elle est, elle l'a pris le portoloin finalement, seule avec son autorisation de sortie.
Peut-être parce que, quitte à pas pouvoir voir son père, elle préfère pas voir sa mère non plus.
Et il a été si facile ce voyage, en pratique. Pas du tout le reflet de sa difficulté émotionnelle. En quelques minutes, elle a changé de continent, changé de vie.
**
Le vent marin balaye ses cheveux, mais pas de manière aussi désagréable que la veille quand le sable venait littéralement lui fouetter tout le corps, comme pour lui faire regretter d’avoir osé le violer avec ses petites tongs bleues. Elle s’est levée un peu plus tôt aujourd’hui, avec bon espoir que la leçon serait un peu plus longue. Elle trouve, assez humblement, qu’elle apprend plus vite et qu’elle mérite qu’on la prenne au sérieux et lui apprenne des trucs plus difficiles — et excitants. L’océan Pacifique est un véritable mystère pour elle, habituée aux eaux comparativement très calmes qui bordent le Royaume-Uni, surtout de son côté à elle, orientée vers la Manche depuis les falaises de Douvres. C’est un tout autre monde de ce côté là du
Pond, un monde, notamment de sports aquatiques fascinants. Le Quidditch à côté c’est tellement ennuyeux. Tenter de rester debout sur une planche en bois face à une vague de plusieurs mètres de haut ça c’est impressionnant, surtout quand ladite planche est ensorcelée pour elle-même se secouer dans tous les sens. Bon, Lexie n’en est pas encore arrivée à ce stade là, ni pour les vagues, ni pour la planche ensorcelée, mais elle y
arrive, doucement mais sûrement. Malik lui-même n’arrête pas de le lui dire avec son grand sourire plein de dents blanches et très lisses. Elle n’a jamais remarqué des dents avant les siennes ; c’est qu’elles sont vraiment très blanches et très lisses, c’est même un peu distrayant quand elle essaye de se concentrer sur ses instructions. C’est peut-être pour ça que malgré un certain talent qu’on ne peut à ce stade qualifier que d’inné, elle perd l’équilibre à cause d’une erreur de débutante, tombant tout droit dans les bras de Malik. “
Careful darlin’ ” encore ce sourire impossible et Lexie rosit comme une pré-adolescente. Elle glousse un peu — elle n’aime pas trop ce son, très nouveau dans sa bouche — et grimpe de nouveau sur la planche, aidée un peu par son le californien. “
One last time L.A., I gotta go after the next wave, got class in fifteen… ” Ce n’est vraiment pas raisonnable d’être encore à la plage quand on a cours à l’autre bout de la ville dans quinze minutes, mais Malik n’est pas très raisonnable, ni même malin : là où Lexie aurait grassement payé pour ces cours individuels, il les lui offre tout à fait gratuitement. Peut-être qu’il est juste généreux, ceci dit. Lexie aime bien se dire que c’est aussi parce que lui aussi il doit bien aimer son sourire.
**
“
So we got a a Whisky-Eldeberry, a bloody mary, a Salem-on-the-Beach, two CurseBreakers and a pint of mead? ” Le serveur dépose habilement chacun des verres devant la bonne personne alors que les étudiants le regardent à peine, trop pris dans leur discussion, en train de décider de ce qu’ils vont faire de leur spring break dans quelques semaines. “
Hey wait we’ll have shots too, right guys? Yeah Firewhisky shots twelve of them please. ” Kayla commande sans vraiment attendre de réponse. Deux shots chacun c’est plutôt raisonnable, jusque-là. “
I wanna go to New Mexico, ” argue Sibel, par-dessus sa pinte d’hydromel. Lexie sait qu’elle va la siroter toute la soirée là où tous les autres auront fini leur premier verre dans cinq minutes. Elle a l’air d’être la seule à l’avoir remarqué, mais elle n’a jamais pensé à en informer les autres. “
Two words for y’all: Grand Canyon. ” Suggère un Tag toujours très sûr de lui. Kayla secoue sa queue de cheval blonde en levant un doigt dans les airs, l’air soudainement très inspirée. “
Guys…we have to have the beach. ” Son commentaire emporte une vague de grognements, surtout du côté droit de Lexie où se trouve les caractères les plus aventuriers ; ils habitent déjà en Californie, en bord de mer, c’est l’occasion de changer un peu. Lexie les comprend. “
How ‘bout Costa Rica? ” propose soudain Tristan comme si l’idée venait de le frapper alors que Lexie le soupçonne de préparer son coup depuis des semaines. Il doit même déjà avoir un plan détaillé du roadtrip qu’ils pourraient faire là-bas. La proposition semble faire son petit bout de chemin même si la discussion est interrompue quand le serveur revient avec les douze shots que les six amis se partagent joyeusement — Lexie attrape sans y penser à deux fois ceux de Sibel qui lui adresse un petit regard reconnaissant.
—
Le soleil des Barbade tape encore plus fort que celui de Californie. Finalement ils ont décidé de faire une escapade sur la mère des Caraïbes, mais sans les aventures dans la jungle que promettait le Costa Rica. Ça ne dérange pas vraiment Lexie. Elle aime bien les journées à la plage et les journées où ils essayent des quads moldus, des grosses machines qui font beaucoup de bruit et un peu peur, mais beaucoup moins quand elle peut enrouler ses bras autour du torse tatoué et très musclé de Malik pendant qu’il conduit. Elle aime bien aussi la virée shopping imposée par Kayla, et les après-midi dans le jacuzzi. Pendant une journée de randonnée, elle remarque qu’encore plus qu’en Californie, les yeux noisettes de Sibel semblent refléter le soleil lui-même, d’une manière presque aveuglante pour le commun des mortels.
Le soir ils campent au sommet d’un petit mont, avec des tentes beaucoup trop luxueuses qu’ils ne partagent même pas. Après avoir un peu bu avec ses amis autour du feu, Lexie retourne à la sienne avec un petit nœud dans le ventre. Elle aimerait bien… elle aimerait bien aller voir si Malik a pas d’autres trucs à lui raconter sur les jolies tortues qu’ils ont aperçu la veuille en allant très tôt sur la plage. Elle aimerait aller voir Sibel pour lui demander si elle ne peut pas lui prêter un peu de son baume à lèvres, parce que c’est vrai qu’il rend ses lèvres à elle très roses et jolies. Elle ressort timidement de sa tente, grimaçant un peu en entendant les gloussement de Kayla dans la tente de Tag, peut-être que c’est une mauvaise idée tout ça. Elle ne sait pas trop. Elle hésite longuement, avant de finalement se diriger vers la tente la plus proche, celle de Malik. “
Oh, hi.” Le premier visage qu’elle voit est celui de Sibel, elle ne porte plus que son short et un haut de maillot de bain qui lui va très très bien et Malik lui est torse nu, pour changer. Lexie rougit beaucoup bafouillant déjà prête à faire demi-tour, mais aucun des deux n’a l’air particulièrement mécontent de la voir. “
Hey, come in… ” propose Malik alors que Sibel sourit de manière très accueillante. Lexie les rejoint un peu timidement sans être trop certaine de ce dans quoi elle s’embarque.
Quand elle sort de la tente, le lendemain aux aurores, elle est plus confuse que jamais.
**
Trying hard to reach out but when I tried to speak out, felt like no one could hear me, wanted to belong here but something felt so wrong here, so I pray I could breakaway la radio braille à un volume un peu trop puissant la musique que passe SIRIUS XM, radio moldue très en vogue. Tristan a proposé en riant d’aller au concert de Kelly Clarkson cet été, c’était pas une blague à vrai dire, mais vu la réaction de ses amis il a fait genre que si. Lexie n’est jamais allée à un concert moldu. En fait elle n’est même jamais allée à un concert. C’est un peu fou, trouve-t-elle, le nombre de trucs qu’elle n’a jamais fait juste parce qu’elle y pensait pas, juste parce que c’était pas trop le genre de trucs qu’on faisait autour d’elle. Ses cheveux sentent encore le sel et la mer et il faut qu’elle prenne une douche, mais elle est trop investie dans le magasine moldu qu’elle piqué sur la commode de Sibel en attendant que celle-ci revienne des toilettes. Elle est en train de faire un test pour savoir qu’elle est la couleur qui la représente le mieux ; ils ont quand même des idées bizarres les moldus.
Elle entend le verrou de la salle de bain et elle roule sur le dos sur le lit deux places, pour voir son amie revenir, ses longues boucles impassiblement noires masquant une partie de son visage. “
You okay? —
Yeah… ” Elle n’a pas l’air trop okay, mais Sibel est courageuse et forte et elle ne répondra jamais autre chose à ce type de questions. Elle revient s’allonger sur le lit avec un petit soupir et une main sur son abdomen. “
Can I…? ” Pas besoin même de prononcer le verbe que son amie hoche la tête, presque habituée désormais. Pour Lexie c’est nouveau et même si ce n’est pas la première fois non plus elle hésite encore, la main à quelque centimètres de la peau dorée de Sibel, à peine recouverte par son petit crop top. Avec douceur et délicatesse elle vient effleurer le rebond de son ventre, fascinée.
Sibel a le même âge qu’elle, elle est même née seulement quelques jours après Lexie ce qui les a beaucoup amusé au début de leur amitié. Elles ont fêté leur dix-neuf ans ensemble d’ailleurs, dans un bar sorcier de San Francisco. Leurs familles respectives leur manquaient tant, c’est peut-être pour ça qu’elles se sont rapprochées si vite, pour compenser un peu. Et de temps en temps quand elles sont seules, Sibel lui parle de Ayla et Taner et Lexie lui parle de Joyce.
“
Are you going to tell him you think? ” Tout le monde se pose la question, mais personne n’ose la prononcer à voix haute, personne sauf Lexie dans le secret du studio de Sibel, sa voix à moitié masquée par celle de Kelly qui chante encore :
I'll spread my wings, and I'll learn how to fly, though it's not easy to tell you goodbye I gotta take a risk, take a chance, make a change and breakaway. Elle s’y connait peut-être pas trop en musique Lexie, mais elle aime beaucoup cette chanson. “
I don’t know, ” répond très sincèrement l’autre avec un petit soupir. Dans un mouvement qui deviendra bientôt habituel, elle se redresse, cherche une position confortable pour son dos. “
Hmphf, screw him anyway. ” propose Lexie avec enthousiasme, riant un peu lorsque son amie rétorque avec un sourire : “
I did, that’s the problem. ” Usher vient remplacer Kelly Clarkson pendant que Sibel s’installe mieux et que Lexie roule sur le vendre, le menton au creux des mains. “
What will you name it? —
Hm…I don’t know yet… ” C’est vrai qu’elle ignore encore même le sexe de l’enfant, c’est peut-être tôt pour trouver un nom. L’autre jour elles ont fait le plein de bouquins sorciers comme moldus sur la grossesse et tout ça et Lexie a découvert que les moldus avaient beaucoup développer leur “science” et ont même une technique pour découvrir le sexe du bébé avant la naissance. C’est ingénieux, mais c’est aussi un peu dommage de gâcher la surprise. Elle se dit que ce serait triste que certains décident de renoncer à avoir l’enfant en découvrant par exemple que c’est une fille. Mais peut-être que toutes ces histoires d’héritage ça concerne que les sorciers. Les sorciers purs et anglais. “
I’m a bit scared, ” admet doucement Sibel, alors que Usher enchaîne les
Yeah! Yeah! sur fond de musique de club. Lexie se redresse un peu pour la regarder dans les yeux et esquisse un sourire attendri. “
It’s okay…you’re going to be okay you know? You’re not alone. ” Elle secoue doucement la tête et avec grande prudence, vient effleurer son nombril du bout de ses lèvres. “
I’ll be with you every step of the way. I promise. ”
Comme le reste de leur groupe d'amis bien sûr.
Lexie ne se fait pas d’illusion ; elle n’est pas spéciale.
DECEMBER 2006 — UK
Lexie grommelle un peu après l’énième petite coupure sur son index qu’elle ne doit qu’au bord des parchemins bien pliés qui recouvrent son bureau. Elle trie efficacement depuis une petite demi-heure déjà, essayant de faire les choses bien mais vite, histoire d’avoir une tâche un peu plus intéressante par la suite. C’est dans ces moments-là que ses vrais sentiments à l’égard de tout ce département ressortent, généralement par le biais de lourds soupirs et de légers jurons sous sa barbe. Elle fait de son mieux pour ne pas être remarquée dans ces moments-là ceci dit, ça serait dommage de ruiner ses beaux efforts sur ces derniers mois. Elle ne s’est pas fait prendre pendant sa crise de larmes dans les toilettes lors de son premier jour, ce n’est donc pas pour qu’on la chope maintenant à insulter des mères. C’est stupide, mais c’est sa manière de supporter tout ça sans s’écrouler tous les soirs en se demandant comment elle va trouver le courage de retourner au Ministère le lendemain matin. L’autre jour au dîner, elle a entendu Joyce dire à sa mère qu’elle voulait travailler au Département de Régulation des Créatures Magiques elle aussi ; Lexie a quitté la table quelques minutes plus tard sur une excuse bidon. C’était ça ou s’emporter sur sa sœur dont les motivations sont pour le moins…répugnantes. Elle devrait se montrer plus compréhensible peut-être, envers Shorty qui a vécu un événement très traumatique, mais elle n’y arrive pas. Pas quand c’est au détriment de Da'. Ses épaules s’affaissent, dès qu’elle y pense et tout d’un coup ça devient plus dur d’être assise ici, près du bureau de Miss Sangha à faire comme si de rien était. D’un autre côté, penser à lui c’est aussi retrouver tout son courage. La vérité c’est qu’en choisissant cette voie-là, Lexie avait son père en tête, son père et sa fuite intervenue juste avant qu’elle ne soit acceptée en stage. Et contrairement à ce qu’elle a dit à Katherine ce n’est pas pour essayer de montrer à la société ce que les Avery pensent vraiment des hybrides. Contrairement à Joyce ça n’est pas non plus pour s’assurer que le boulot est bien fait et que de tels incidents que celui qui lui a pris Ha-Yun ne se reproduisent pas. Non, Lexie se montre affable et polie et professionnelle depuis des mois, même face à Lestrange, même face à Umbridge, même face au chef du service des hybrides pour se faire bien voir, se faire embaucher, comprendre leur travail et, avec un peu de chance le détruire. Elle a déjà glané pas mal d'informations, très aidée par le fait que, tout ce qu'elle lit semble à jamais ancré dans sa tête. Là où elle a le plus excellé jusqu’à présent c’est au Service des hybrides, faisant un travail meilleur encore qu’ailleurs, tout à fait sciemment, dans l’espoir de se voir offrir un poste. Elle ignore si elle y fera long feu vu le nombre de fois où son estomac s’est retourné, notamment quand au déjeuner les employés discutaient en riant de ces tatouages pour hybride qui sont désormais la règle et auquel, elle le sait à cause des documents qui lui sont passés entre les mains, sont père n’a pas échappé. Ça aussi ça lui aura valu un passage aux toilettes. Mais son père au moins a échappé à son Handler, c’est déjà ça. Il y a une photo de lui — pré-tatouage — sur le mur du service dirigé par Lestrange, et c’est étrangement ce qui la motive le
plus. Elle est là pour éviter que l’extermination ne réussisse un jour. Et chaque instant où le nom de son père n’est pas prononcé, elle sait qu’il est encore en vie, quelque part, avec l’Ordre du Phénix peut-être, ou ailleurs. Sain et sauf, elle espère. Elle se demande s’il pense à elle.
Elle, elle n’a pas arrêté de penser à lui. Même à San Francisco, même quand elle a gagné un petit tournoi de surf sorcier, même quand elle a eu son cœur brisé pour la première fois, même quand elle a tenu dans ses bras le fils de Sibel qui a décidé de le nommer Alexis, en son honneur peut-être. Son cher père, qu’elle n’a jamais réussi à voir, lors de ses courtes visites pour renouveler son visa — pas faute pourtant d’essayer de passer au niveau deux après ses visites au Département des Transports et Médias Magiques, c’est juste qu’elle se faisait refouler à la porte, systématiquement : on ne vient pas rendre visite à la DB si facilement, il paraît. Son cher père, qu’elle a pu finalement attraper, le temps d’à peine une heure, une fois revenue à Royaume-Uni, son diplôme en poche toujours prête à faire
quelque chose, sans savoir encore quoi.
C’est quand elle l’a vu qu’elle a compris, qu’elle a été sûre de ce qu’elle voulait le plus au monde : voir son père libre, récupérer son père en fait, retrouver sa famille complète. Alors elle a envoyé son dossier à Umbridge qui a probablement laissé un sous-fifre le lire et décider de la prendre. Et c’est son père qui la motive au quotidien, son père qu’elle ne veut même pas imaginer avec le tatouage que le service qu’elle souhaite intégrer impose à tous les hybrides. Elle n’a pas envie de se retrouver avec ce genre de rôle-là, mais si elle apprend à le poser, peut-être qu’elle pourra apprendre à le retirer, aussi. Pour Da’.