(2007) L’air est saturé par l’odeur ferrique du sang. On pourrait se dire qu’à force, elle est censée être habituée à ces effluves : non seulement son ancien métier n’en était pas exempt, mais en prime c’est pas la première battue à laquelle elle tente de survivre. Là, avec la neige qui macule le terrain et les buissons, et rend donc la moindre tache de couleur aisément repérable et en fait une cible facile, il faut bien reconnaître que les flaques de sang çà et là sont très esthétiques, rubis plus ou moins gros disséminés entre les troncs d’arbre sombres.

Néanmoins pour l’heure, Faye n’a pas la liberté d’esprit nécessaire pour admirer le tableau qui aurait pu la fasciner à une autre époque moins âpre. Le sort cuisant que vient de lui lancer un chasseur a labouré les chairs superficielles et l’odeur de cochon brûlé s’ajoute aux senteurs métalliques des alentours tandis qu’elle sent sa manche droite devenir de plus en plus humide. Ça ne devrait pas tarder à devenir poisseux de sang, Pas le temps de chipoter, va falloir trouver une solution en vitesse, parce qu’elle sent que courir longtemps ne lui sera d’aucun secours.

Qu’est-ce qu’elle a été conne de les croire, quand ils faisaient miroiter une remise de peine possible si on remplissait plusieurs conditions. Elle aurait dû se douter que c’était une arnaque, qu’il n’y avait rien à gagner à part des faux espoirs, un air respiré mais irrespirable quand on y repense, qu’elle allait y laisser sa peau plus vite qu’à Azkaban. Mais elle a voulu y croire : elle ne savait rien de ce lieu mystérieux où on proposait de les envoyer, et naïvement (quoi que ce soit rarement un qualificatif employé à son encontre) Faye avait tablé sur le fait que ce serait toujours mieux que d’être plongée vingt-quatre heures sur vingt-quatre dans ses pires souvenirs (tous plus ou moins en rapport avec la mort d’un des membres de sa famille, soit constatée par ses soins après coup, soit vue en chair et en os à l’instant où elle survenait).
Maintenant qu’elle avait du recul, elle se demandait si franchement Azkaban n’aurait pas été préférable. N’importe où plutôt qu’ici.


(1995) Potter a dit que le Seigneur des Ténèbres est de retour. Ce genre d’informations ne reste pas dans l’oreille d’un sourd lorsqu’elle parvient au Bureau des Tireurs d’Elite de Baguette Magique (Hit Wizards & Witches). Certes, ce sont leurs collègues du Bureau des Aurors qui gèrent les mages noirs et autres recrudescences d’une époque bien sombre, mais si les renseignements sont exacts (fiabilité pour l’instant estimée très basse, puisqu’après tout, c’est un adolescent qui a proféré pareille information), il y a de grandes chances qu’il faille protéger les personnalités du Ministère assez vite ainsi que sécuriser les rencontres sportives et autres grandes réceptions par prudence.
Enfin, ça c’est si on arrive à convaincre le Ministre que la menace est réelle, parce que ça voudrait dire recruter davantage de monde et donc débourser plus de gallions. Autant dire que ça va prendre du temps d’obtenir les crédits nécessaires et qu’en attendant, on va doubler les heures des équipes.
Dans le doute, et par précaution, Kelspeth Dorean, le chef du bureau des Hit Wizards&Witches réunit les troupes pour une réunion de crise. Faye, assise sur une table à côté de quelques collègues, faute de chaises suffisantes, assiste à la discussion, attentive et silencieuse. Dorean est un Hit Wizard qui ne va plus au front, mais dont les capacités cognitives sont toujours au beau fixe : considérant qu’il serait bon de ne pas se faire dépasser par les évènements, il donne comme instructions de se rapprocher des Aurors, sans forcément affirmer qu’on croit ce que dit Potter mais pour mettre en place une coopération plus régulière, ainsi que de faire en sorte de réveiller les réseaux d’informateurs préexistants et devenus dormants. Les regards se croisent entre les concernés, chacun sachant ce qu’il lui reste à faire.
À vingt-huit ans, Faye est dans la moyenne d’âge de la Brigade, mais n’a pas encore beaucoup de responsabilité. Néanmoins, pour connaître de nom certains Aurors, grâce à des formations communes internes au Ministère, elle s’inclut dans le lot des discutants. Ça lui permet d’oublier que son frère Broderick, Langue-de-Plomb et fidèle serviteur du Ministère, est à Sainte-Mangouste après avoir perdu la raison, et ne reconnaît plus aucun des siens. On l’a retrouvé errant dans les couloirs du Département des Mystères, hurlant d’horreur et incapable d’expliquer ce qu’il s’était passé. Faye rudoie les Psychomages qui l’enveloppent d’explications toutes douces sans lui dire l’atroce vérité et le couperet tombe enfin : sa guérison relèverait quasiment d’un miracle. Elle a besoin d’oublier ce genre de nouvelles déprimantes, alors elle traîne et parle d’autres choses avec des membres de la Justice Magique.

(Janvier 1996) Broderick est mort dans la nuit du réveillon. Un Filet-du-Diable a eu raison de lui et Faye ne parvient pas à comprendre ce qui a bien pu se passer. Ignorant que son frère a été tué pour ne pas révéler les plans de Voldemort, préalablement soumis à un sortilège d’Imperium lancé par Lucius Malefoy (cf HP5), Faye n’arrivera pas à mettre bout à bout les éléments qui auraient pu lui permettre de voir le schéma global.

(Juin 1996) Le sol du Département des Mystères est jonché de débris de verre et d’autres vestiges du combat de la nuit passé. Sous la semelle de la Hit Witch, les éclats crissent d’un petit son désagréable. Faye a les mains dans le dos et s’est fait l’ombre d’une Hit Witch plus expérimentée qui a été invitée à ausculter la scène pour apporter son expertise combattante aux Aurors déjà sur place. Le corps de Bellatrix Lestrange trône encore là où elle a été abattue et Faye se surprend à étudier avec précision les traits figés de la défunte, tentant de comprendre ce qu’elle allait faire au moment où elle a été stoppée net. Le souvenir de Broderick plane dans le lieu, sans que Faye ne sache faire le lien non plus.

(Octobre 1996) Kelspeth Dorean est remplacé à la tête des Tireurs d’Elite, sur ordre du Ministre de la Magie, peu avant la propre démission de Fudge. Désormais sous l’autorité d’un fonctionnaire qui n’a jamais mis les pieds sur un théâtre d’opérations, les Tireurs d’Elite commencent à se rencontrer en petit comité, non pas par esprit de défiance mais par besoin d’entre-soi et de soutien entre combattants. Progressivement, ils voient leurs missions se réduire à un contrôle de la sécurité des stades de Quidditch et leur mission de lutte contre les criminels réduite à néant. Faye, dans tout ça, discute régulièrement avec un collègue français qui était détaché au Ministère de la Magie britannique pour quelques années. Tout en l’appelant Fée, Daniel compatit à son manque d’enthousiasme et lui suggère peut-être de demander à être mutée dans une unité qui convient plus à son caractère sanguin et combattif.
Le problème c’est que ce n’est pas le moment de demander une mutation, vu qu’elle vient d’être promue par jeu de vases communicants. Elle prend son mal en patience, peut-être que ça va redevenir plus intéressant, le boulot. Elle en profite pour boire des coups avec les Aurors, histoire de voir un peu si eux aussi, ils ont l’impression que ça pue, cette histoire.
Dans le fond de son crâne, la menace toujours présente d’un retour de la menace d’On-Sait-Qui flotte, sans qu’elle ne parvienne à l’effacer vraiment.

(1997) Faye voudrait participer aux différentes manifestations qui dénoncent les licenciements au Ministère, mais son devoir de réserve lui interdit de signer les pétitions qui circulent sous couvert et elle doit plutôt assurer la sécurité des regroupements. A trente-deux ans, elle a sous ses ordres deux jeunes recrues qui viennent d’être engagés. Le problème, c’est que ces deux petits fumiers ont des idées bien arrêtées pour des sang-mêlés et qu’elle n’aime que très moyennement leurs allusions à la soi-disante nécessité de purifier les rangs des Hit Wizards.
Ce n’est qu’en août qu’ils révèlent leurs vraies allégeances, au moment où Lord Voldemort sort de l’ombre et prend officiellement le pouvoir des mains de ce pantin de Pius Thicknesse. Censée défendre le Ministère contre les attaques extérieures, elle a dévoilé son orientation politique dans la dernière bataille, en combattant à visage découvert aux côtés des résistants de l’Ordre du Phénix contre les partisans du Seigneur des Ténèbres. Elle tremble de rage face à pareil retournement de situation et se dit qu’elle aurait du écouter la petite voix qui fredonnait dans le fond de son crâne que ça sentait très mauvais, vraiment très mauvais. Assise dans un refuge opportun, elle soigne ses blessures superficielles en appliquant soigneusement l’extrémité de sa baguette contre ses plaies, le pli sur son front se creusant régulièrement lorsqu’elle presse trop fort ou sur une section trop sensible. Autour d’elle, certains collègues Tireurs d’élite sont tout aussi amochés qu’elle. Ils ont perdu certains des leurs, pris en traîtres par des nouvelles recrues qui n’avaient été intégrées que pour mieux les noyauter. Un goût amer se mêle au sang qui macule certaines bouches. Outre les cinq ou six tireurs d’élite présents, Faye repère d’autres visages, Résistants soupçonnés jusque là.
Faye date du 21 août 1997 son entrée dans la Résistance, et plus précisément dans l’Ordre du Phénix, relevé de ses cendres. C’est sans doute une des décisions qu’elle ne regrettera pas, même si son maintien dans la Résistance active est fort court.
Sa défection du Ministère est connue et la répression ne tarde pas à s’abattre sur les siens : sa sœur Ophelia, mariée avec un né-moldu qui avait pourtant accepté de se recenser auprès du Bureau de Recensement des Nés-Moldus avant le retour du Seigneur des Ténèbres, trouve la mort avec l’intégralité de sa famille en octobre de la même année, lors d’une visite de la Brigade de Police Magique (qui de ce qu’on dit envoie des Tireurs d’élite désœuvrés) qui dégénère au moment où les agents du Ministère tentent de confisquer la baguette de Morag, l’époux d’Ophelia. Le Daily Prophet, considéré comme un tissu de mensonges par Faye à partir de cet incident, range cet événement dans une catégorie de faits divers qui tendent à prouver la violence et l’agressivité des nés-moldus n’ayant encore intégré leur nature : ainsi on peut y lire que les agents de la Brigade de Police Magique n’ont eu d’autre choix que de riposter pour se défendre et que, de rage, Morag Sandberg a choisi de mettre le feu à la maison, tuant ainsi sa femme et ses enfants sang-mêlés.
Le pire dans tout ça, c’est qu’elle était sur place au moment où tout ceci s’est produit. Faye venait de les convaincre de se préparer pour quitter le pays mais leurs préparatifs avaient été interrompus par l’arrivée de cette escouade. Redoutant que les agents du ministère viennent pour Faye, Ophelia l’avait cachée sans lui laisser le choix. Dès lors que Morag avait demandé pourquoi il devait donner sa baguette, les Tireurs d’Elite avaient sortis la leur et avaient abattu le couple, avant d’aller finir le travail avec les gamins qui s’étaient mis à hurler. Tout était allé trop vite pour qu’elle puisse comprendre ce qu’il se passait, mais les bruits l’avaient horrifiée. Tireuse d’Elite rendue impuissante par les circonstances, elle avait eu à peine le temps de sortir de la cache que les partisans des Ténèbres mettaient le feu à la maison. Elle avait lutté quelques instants contre les flammes, suffisamment pour constater qu’Ophelia et Morag étaient morts. Un sortilège de Gêle-Flammes appliqué sur son corps, Faye avait ensuite fait en sorte de regrouper les cadavres de sa famille dans un même espace et avait transplané avec eux dans une des planques de l’Ordre, refusant de laisser leurs corps derrière.
Résultat des courses : éreintée par le transfert qui avait nécessité toute son énergie magique, la Hit Witch s’était retrouvée alitée pendant trois jours, le temps de reprendre ses forces, avant d’enterrer ses morts. Elle en porte la culpabilité encore maintenant.

(1998) Au sein de la Résistance, l’expérience de Faye se révèle utile en terme d’organisation martiale et de structure. Loin de faire partie des cadres de l’organisation, l’ancienne Hit Witch ne perd pas de vue son objectif principal : assurer la survie de ce qu’il reste de sa famille, à savoir son père. Elle le fait passer dans une planque de l’Ordre autour du mois de mai. Il n’y a plus qu’eux dans la famille Moroz, et ils s’engueulent beaucoup en ukrainien, pour des broutilles. Il a peur pour elle, Nikita Moroz. Il sait que sa fille est une dure à cuire, mais il sait aussi que les nombreux décès autour d’elle, récents comme anciens, sont autant de failles dans son armure mentale que d’entailles dans son poitrail. Il la voit se fermer, se durcir malgré le contact des autres, et il n’aime pas ça.
Peu importe à Faye ce qui plaît à son père : elle refuse de laisser les morts de Broderick et Ophelia sans vengeance et ils ont des discussions houleuses régulières quant à l’action à réaliser. Ce qu’on comprend souvent de leurs engueulades, c’est le nom de Voldemort qu’ils se balancent, l’un avec crainte, l’autre avec fureur, l’insultant tous deux dans la langue maternelle, vestige de cette époque passée dans l’Ukraine soviétique.
Le problème, c’est qu’un temps ils se pensent en sécurité au Square Grimmaurd, où Faye a obtenu une place pour pouvoir participer aux combats qui demandent une réactivité immédiate, sous l’égide de membres plus hauts dans la hiérarchie, avertie de telle ou telle action par sa pièce enchantée. Son père est trop vieux, trop meurtri pour agir, tandis qu’elle a le feu de la rage dans les veines.
Le Square tombe pourtant aux mains des Mangemorts en septembre, alors qu’elle commençait à s’y habituer. Dans le chaos, elle voit néanmoins son père être frappé d’un rayon vert et, livrée à l’horreur et au chagrin le plus terrible, elle est capturée par les partisans du Seigneur des Ténèbres sur place. Ne laisser aucun des corps des siens derrière lui aura été fatal à un moment.

(1977) Broderick et Ophelia sont serrés entre elle et leur père, sur un tronc d’arbre volant. Dans les mains de Faye, une petite urne qui chatoie ponctuellement, apaisant étrangement l’adolescente de douze ans. Conformément aux traditions du secteur, les Moroz quittent leur pays d’origine vers l’Angleterre sur un tronc massif de chêne, acheté une misère à un sylvimage. Personne ne parle, le voyage est un peu long, et le sol défile sous leurs pieds, les maisons à peine plus grosses qu’un minuscule point qu’ils pourraient tenir entre leurs doigts.
L’épidémie de dragoncelle qui a frappé la région a eu une ampleur assez conséquente et Alma n’a pas survécu. Pour éviter que ses enfants ne succombent aussi, le médicomage a préféré quitter le secteur pour de bon, tout en emportant les cendres de son épouse, inculquant par là-même un principe qui suivra ses enfants même dans les pires moments de leur existence : on ne laisse personne derrière, et on emmène ses morts avec soi, sinon physiquement, au moins dans l’esprit.

(1999-2006) Enfermée à Azkaban, elle a de nouveaux démons qui la hantent. Ses morts tournent autour d’elle, et elle se raccroche à des moments de santé mentale étranges et absurdes presque lorsque les ombres macabres des détraqueurs s’intéressent à d’autres prisonniers. Elle se sent, lentement mais sûrement, glisser dans une espère de demi-conscience, demi-raison, et la partie la plus combattive répond présente lorsqu’il faut se décider quand on propose à elle ainsi qu’à d’autres une autre fin de vie, ou une remise de peine, comme on leur fait miroiter.
Condamnée à perpétuité à Azkaban pour avoir été une traître à son sang et à son rang au Ministère de la Magie, Faye n’attend pas grand chose de Gracefield -nom dont elle aurait dû se douter qu’il n’avait rien de prophétique. Un peu moins de traumatismes, probablement, moins de cris. Sauf qu’une fois par mois, c’est la forêt toute entière qui tremble, déchirée par les hurlements de ses hôtes, terrifiés comme carnassiers. Les Battues sont une saloperie : sans baguette, livrée à elle-même, Faye court, trébuche, se blesse, pense qu’elle va y passer à plusieurs reprises mais se relève toujours, parfois avec l’aide de certains des malheureux prisonniers de Gracefield.
Les années passent, sans vraiment que Faye n’ose les compter. Loin d’imaginer ce qu’il se passe réellement au dehors, de l’autre côté du bras de mer qui sépare l’île de la Grande-Bretagne, elle se nourrit des maigres informations que les nouveaux arrivants apportent avec eux. Elle reconnaît certains anciens collègues, les laissent venir à elle s’ils en ressentent le besoin. Dans ses yeux, brûle un feu nouveau : celui de la volonté de survivre coûte que coûte. L’arrivée d’un certain Auror change pas mal la donne quant à l’orientation de la survivante quant à la communauté de Gracefield : Jay, un ancien collègue du Ministère -Auror avec qui elle allait boire des coups après les heures les plus sombres du département de la Justice Magique- et qui au fil des années était devenu ce qu’elle considérait comme son meilleur ami.
Ce n’est jamais rien de bien joli, les nouvelles qui arrivent : de toute façon s’il y avait un mieux dans le monde sorcier, ce camp serait libéré. Or ça n’est pas le cas : l’Ordre est encore loin de remporter la partie, semble-t-il. Cela ne veut pas pour autant dire qu’il est impossible de résister à l’intérieur de Gracefield et Faye se rallie aux efforts de JayÀ partir d’un moment qu’elle n’identifie pas vraiment chronologiquement -aucun petit bout de Daily Prophet à se mettre sous la dent, elle en devient presque folle de n’avoir rien à lire- il lui semble qu’il y a davantage d’intérêt pour ce jeu terrible que les sangs-purs partisans des Ténèbres ont inventé : elle reçoit des cadeaux, sans vraiment comprendre d’où viennent les onguents ou les vivres miraculeuses. Un court instant, un seul, elle croit à un type qui tenterait de prendre contact avec des résistants, pour les faire s’éveiller de l’intérieur. Mais au vu des présents reçus par certaines, Faye comprend qu’il n’y a point de bienveillance à leur égard, mais simplement une envie de faire tourner encore la machine des Battues. Elle partage avec ceux qui en ont besoin, évidemment : la solidarité les sauvera, elle en est persuadée.
Bon, ça crame, Gracefield, à un moment. Trop pour qu’ils puissent s’enfuir comme c’était prévu, sans baguette ni possibilité de lancer un petit gèle-flammes salvateur pour passer les barrières enflammées. Alors ça continue comme avant : l’entraide, les échanges, la carotide tendue d’une humaine vers les canines d’une vampire. Faye n’avait jamais vraiment donné de sang avant Azkaban : elle considère qu’elle a rattrapé largement tout le retard accumulé en quelques années à Gracefield, entraînant dans ses pas les quelques Hit Wizards & Witches toujours en vie dans cette île de merde.
Ce qu’elle préfère à Gracefield, ou plutôt, ce qui est le moins pénible, c’est les soirées passées avec Jay. Ça fait tellement longtemps qu’ils se connaissent aussi qu’elle voit en lui un pilier inébranlable et qu’elle a l’impression de le connaître par cœur, et réciproquement. Pourtant, le colosse, elle l’a vu vaciller à son arrivée aux Battues. Jamais elle n’a cherché à éteindre la colère qui brûlait dans son poitrail, déjà parce que la rage d’Alvarez nourrissait la sienne, et parce qu’elle savait que c’était la fureur qui l’avait fait tenir dans Azkaban.

(1982) Elle intègre la Brigade des Tireurs d’Élite de baguette magique à dix-sept ans, diplômée haut-la-main de Koldovstoretz. Ça fait un an à peine qu’une escouade d’entre eux a arrêté le jeune Sirius Black, soupçonné par l’ensemble de la société sorcière d’avoir assassiné Pettigrew et une douzaine de Moldus dans le périmètre. Les rangs des Hit Wizards ont besoin d’être étoffés si bien que personne ne fronce le nez en voyant une jeune femme tout juste naturalisée anglaise, à l’accent de l’est qui roule dans ses mots, se présenter à l’examen de recrutement. Ses réflexes sont testés, ainsi que ses connaissances théoriques acquises en cours de Défense contre les Forces du Mal. Avec des OWL.s très satisfaisants dans une bonne partie des matières passées, elle obtient bientôt le sésame pour entrer dans la troupe de jeunes recrues. Le salaire est plutôt pas dégueu, ce qui correspond sans aucun doute aux risques encourus à une période où il reste encore des mages noirs à identifier (le travail des Aurors) et à arrêter (souvent en opération conjointe Aurors/Hit Wizards). Les avantages en nature sont par contre assez… désespérants : déjà, elle apprend qu’elle dispose désormais d’un lit à son nom à Saint Mungo’s, ce qui la fait doucement rire (elle y fera six ou sept séjours, plus ou moins longs, dans toute sa carrière) ; mais surtout on lui fournit un balai de fonction, qui lui semble ridiculement petit à côté des troncs d’arbre qu’elle chevauchait pendant les parties de Quidditch à Koldovstoretz (elle y était attrapeuse pour l’équipe A de sa promo, et jouait des coudes ou des branches pour choper ce foutu vif d’or).