Harmonie du soir [ALMON I]

Le goût amer de la trahison dans la bouche, tu regardes la pluie s'abattre inlassablement sur les carreaux. Les mois ont passé mais tes plaies n'ont pas encore été pansées. L'aveu terrible de Freya résonne encore et toujours dans ton esprit, il te hante un peu plus chaque jour et te poursuit la nuit jusque dans tes rêves, remettant en cause ton héritage de mangemort. Comment avait-elle pu te duper si brillamment durant plus de quatre longues années ? Pas une seule fois, tu n'avais eu l'ombre d'un doute quant à la loyauté de cette reine de coeur à la peau d'albâtre. Emportée dans un tourbillon d'amertume, de déception et de colère, votre relation avait fini par sombrer dans les profondeurs. Et pourtant, malgré ce naufrage retentissant, tu n'avais pu te résoudre à la trahir à ton tour. D'ordinaire peu enclin à faire preuve de clémence, tu avais cette fois-ci refusé de livrer à Azkaban celle qui avait failli devenir la mère de ton enfant. Au lieu de cela, tu avais pris tes distances, préférant observer cette ennemie de loin, sans courir le risque de te brûler les ailes une nouvelle fois. C'est d'ailleurs ainsi que tu avais fini par te trouver une nouvelle proie. Parce que Freya avait un jour su si savamment te provoquer en prenant son déjeuner en compagnie d'Elrik Lindhölm, celui-ci s'était inévitablement taillé une place de choix tout en haut de ta longue liste d'ennemis. Enlisé dans les affres de ta paranoia, tu te persuades qu'il y a là plus qu'une simple relation professionnelle entre deux collègues d'un même département. Bien malgré lui, Elrik se retrouve cantonné au rôle de traitre, que tu lui affubles dans l'espoir d'éradiquer un rival trop encombrant. Tu te refuses de l'avouer, mais Freya Abbott a encore et toujours de l'ascendant sur toi.

De l'autre côté de la fenêtre, un vif et bref éclair attire ton attention. Un mince sourire vient étirer tes lèvres alors que tu reconnais la gracieuse silhouette de la sorcière qui vient d'apparaitre au beau milieu de la rue. Parée d'une allure à la fois menaçante et élégante, tu observes Alma Salviati battre le pavé d'un pas sec et déterminé. Amante d'hier, précieuse alliée d'aujourd'hui, la redoutable sorcière aux origines italiennes fait son entrée et s'approche de la table à laquelle tu es assis. Ce n'est pas pour se rappeler de la splendeur des moments passés que tu l'avais conviée ici ce soir. Sachant Alma redoutable prédatrice, tu savais qu'elle ne tarderait pas à te livrer les informations sensibles que tu lui avais bien gentiment demandé de récolter. Alors plutôt que d'exposer vos manigances aux yeux de la plèbe peuplant le Ministère, tu avais pris soin de l'inviter dans l'un de ces établissements réservés à l'élite sorcière. Ceux-là même où l'ampleur des secrets que l'on s'y échangeait n'avait d'égal que l'exorbitance des prix en vigueur. Rattacher une femme comme Alma à sa cause valait bien tous les gallions du monde. Tu l'observes se frayer un chemin entre les tables, et te lèves pour l'accueillir une fois sa course achevée. « Bonsoir, Alma. Redoutablement élégante, comme toujours. » Tes lèvres se posent sur sa main que tu attrapes du bout des doigts. Il est rare que tu fasses preuve d'autant de manières, mais le cadre et le public s'y prêtent plus que jamais. Alors que tu reprends place sur ta chaise, un serveur s'avance à demi-apeuré et vient déposer deux menus sur la table. « Comme d'habitude, ou bien es-tu d'humeur à changer ce soir ? »

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harmonie du soir

@marlon travers & @alma salviati

Soupape en bastion sous le glas d'un vent quelque peu pervers, la robe longue s'agite au gré de la brise, ondule comme océan atteignant falaises, chutant contre ses mollets, diablement assurés sur les pavés. Londres n'est qu'un amas de crasse dont elle arbore les cuirasses. Alma n'a qu'une seule affection : celle de croire qu'elle a quelque peu bâti cette cité-vermine, et qu'elle participe à sa grandeur d'aujourd'hui. Comme une Reine sur la croupe d'un canasson parfaitement dressé, c'est de toute sa fierté, comme d'accoutumée, qu'elle déambule sur les trottoirs, comme une armée de soldats balayant un champ de bataille qui leur appartiendrait. Une déferlante, voilà ce qu'elle inspire, lorsque les passants étirent leurs oeillades de ses chausses à son ceinturon, de ses lèvres rougeâtres à sa tignasse obscure. Bon nombre n'oseront guère soutenir son regard. On ne connait que trop bien son visage pour oser entacher son champ de vision. Qui pourrait prétendre à telle inclinaison ? Personne, sauf peut-être celui qu'elle entend rejoindre.

Marlon est un homme qui se distille sans conteste de la masse assurément ennuyeuse de sorciers et sorcières londoniens. Peu attisent pourtant l'attention de la Gorgone ! Il fut l'un des seuls hommes à obtenir ses privilèges. Et surtout le seul à ne pas avoir failli dans son estime. Classe et envergure épousent le dos de sa paume, aurores de baisers de jadis qui émoustillent toujours entre les côtes, restes cramés de brasiers tumultueux. « Marlon... Tes charmes te précèdent. » Ronron des reins, elle déploie les ailes de sa pélerine, qui s'échoue élégamment sur la chaise où elle prend finalement place. Les échos alentours lui sont aussi doux que la richesse quelque peu flamboyante qui se dissout derrière le décor environnant. Les cuisses s'échauffent, à cheval l'une sur l'autre, elle ne prétend pas offrir son attention - si précieuse soit-elle - au serveur. « Comme toujours. » On lui apportera une bouteille de vin rouge au prix quelque peu exorbitant, tout droit venu de France.

« J'ai fait quelques avancées concernant notre affaire. » Quelques semaines plus tôt, sous la cape d'une nuit d'orage, les deux amis s'étaient retrouvés en secret pour échanger à propos d'Elrik Lindhölm. Un homme quelque peu ordinaire, travaillant au Ministère et servant de façon exemplaire le Nouveau Ministère, du moins... si l'on ne regardait pas sous la surface, aux dires de Marlon. La suspicion bien ancrée dans le coeur, ce fut avec tout son venin qu'Alma s'était intéressée à lui. Tout particulièrement à son passé. Au nom de quoi, au nom de qui, peu lui importait. Seulement... l'idée-même de démasquer un traître lui faisait l'effet d'un orgasme plus que violent. « Comme tu t'en doutes, je me suis entourée de quelques personnes de confiance qui se sont intéressés à son cas. Je me suis moi-même rapprochée de lui afin d'enquêter plus concrètement. » Alma se contente d'un léger sourire. Un atroce, douloureux, endiablé, petit sourire sournois. « Si je n'ai trouvé aucune preuve concrète d'un lien direct avec l'Ordre du Phénix, il se trouve que ce cher Elrik a côtoyé, de son passé, bon nombre de membres avérés de celui-ci. » Elle ne sortira guère les quelques paperasses, qu'elle a elle-même rédigées, de son sac. Plus tard. « S'il ne semble pas, au premier abord, en faire partie, il est clair que de nombreux liens peuvent être mis en lumière. » Et elle-même ne peut faire croire une seule seconde que sa méfiance semble croître chaque seconde un peu plus à son égard.

smoke and mirrors

Ce qu’Alma désire, Alma l’obtient immédiatement. D’un signe de la main tu commandes ce breuvage dont elle était déjà si fervente autrefois. La différence étant qu’aujourd’hui, avec les lois en vigueur dans le pays, le liquide carmin que l’on déverse dans vos verres ne contient pratiquement plus une goutte d’alcool. Qu’importe, tu n’as guère besoin de cela pour voir tes sens s’émoustiller. L’aura sulfureuse que dégage la régente des Salviati suffit à raviver les braises d’un feu ayant crépité plus que de raison dans le passé. Et alors que ses paroles semblent s’envenimer, tu comprends que le petit jeu des confidences vient de débuter. Aussi, tu te penches quelque peu en avant afin de ne rien rater de ses intrigantes messes-basses. Tu ne demandes pas grand-chose, une simple piste à exploiter, à manipuler à ta guise afin de te démontrer la culpabilité d’Elrik, voilà toute l’étendue de ta requête. Rien de bien extravagant, rien d’impossible. Par le passé, de simples fausses preuves avaient suffi à faire tomber un directeur de département pour haute-trahison. Tu ne donnais pas cher de la survie d’Elrik Lindhölm, maintenant que les dés semblaient jetés, maintenant qu’Alma Salviati en personne avait décidé de se pencher sur son cas. Les déclarations de la prédatrice qui te fait face te laissent sur ta faim. Oui il y a là un certain potentiel. Mais tu es avide d’en savoir plus, d’entrer dans les détails les plus sordides. Alma te connaît depuis des décennies, elle sait parfaitement comment tu fonctionnes et comment il convient de jouer avec tes nerfs. Elle laisse échapper suffisamment d’informations pour parvenir à gagner toute ton attention. Elle retient les éléments les plus cruciaux, comme pour s’assurer de la fidélité de son auditoire. « Je sais que tu ne me décevras pas. » Tu lui réitères ta confiance, tout en laissant supposer que tu attends des résultats concrets. Avant de reprendre la parole, tu portes ton verre à tes lèvres et tâches de te concentrer sur les éléments de réponse fournis par Alma. « Tu dis qu’il a côtoyé des membres de l’Ordre dans son passé. Tu crois que cela n’est plus le cas aujourd’hui ou qu’il couvre plutôt bien ses traces ? Après tout, toi et moi nous sommes fréquemment croisés à l’époque et nous voilà aujourd’hui autour d’une rencontre des plus confidentielles. » Un sourire en coin vient étirer tes lèvres. Tu espères que l’évocation de votre passé commun rendra Alma un peu moins avare en détails. Et puis tu n’avais jamais rien eu contre l’idée de lier l’utile à l’agréable… « Tu en sais un peu plus sur ses fréquentations ? D’après les archives, il n’a pas de femme ni d’enfant. Ce n’est pas chose commune pour un sang-pur. » Sous cette interrogation déguisée se cache ce même sentiment mêlant paranoïa et possessivité, que tu avais ressenti lorsque tu avais aperçu Freya aux côtés d’Elrik. « En tout cas, j’apprécie que tu te sois personnellement rapprochée de lui. Mais tâche de ne pas trop l’abimer, d’accord ? Je tiens à finir le travail de manière officielle. » Ce petit sourire carnassier dont tu avais le secret, réapparait une nouvelle fois sur ton visage.

@alma salviati

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