C'est vrai que c'est bien sympathique de profiter d'évènements sans avoir à les organiser. Blaise a insisté pourtant, mais Pansy a dit non. Pour un évènement du standing de leur mariage, c'est vrai  qu'il valait mieux engager de vrais professionnels plutôt que celui qui organise des soirées libertines plusieurs fois par mois en proposant à sa clientèle de la compagnie aux moeurs légères et des substances illégales tant à boire qu'à fumer. Ça aurait certainement rendu leur cérémonie de mariage un poil plus intéressante, mais même Blaise peut avouer que les photos seront certainement plus correctes ainsi. Quand bien même... Rosier Events... ils auraient pu éviter l'affront pour la fierté de Blaise...

Ils ont quatre tenues chacun de prévues, ont choisi ensemble la plupart — sauf la principale, celle dans laquelle ils se marieront pour de vrai — afin qu'ils soient parfaitement accordés. Le noir et le doré sont de mise (et Blaise vérifie à chaque fois qu'un nouvel invité arrive qu'il est bien accoutré), les tenues changeront de couleur pour devenir blanches au moment du mariage en lui-même... d'ici là il y a une longue réception dans le parc entourant la résidence des Shacklebolt, puis la cérémonie, puis une deuxième réception pour partager nourriture, boissons et voeux.

Rien que ça. Blaise est debout depuis huit heures du matin (il a dormi quatre heures), il a pris le petit-déjeuner en plein air avec sa mère et le reste des Shacklebolt et a failli s'endormir sur son assiette plus d'une fois. Depuis, il est debout et seul le regard perçant de Pansy sur lui l'empêche de courir partout pour vérifier que les serviettes sont bien pliées, que les fées ont bien été enchantées pour voler partout tout en brillant d'une lumière douce et apaisante, que les robes de tout le monde sont des bonnes couleurs, que la fontaine éternelle de vin de   takju (spécialité coréenne) fonctionne bien — bref. Quand c'est pas Pansy qui le fusille du regard, c'est Benjamin.

Il craque seulement en fin d'après-midi, une fois tous les invités accueillis et certains assis à leurs tables, quand il s'aperçoit que Theodore a fait l'affront de venir. Il est invité bien entendu. Il reste le cousin de Pansy. Mais tout de même. C'était lui qui était supposé l'emmener hier soir écumer les bars: au final il y est allé avec d'autres amis, riches et purs, mais peut-être un peu moins proches. C'est Theodore qui le fait craquer et il est en train d'avaler sa première coupe de champagne plutôt goulument (avec un air coupable) quand il remarque qu'il manque au bouquet principal les lys dorées qu'il avait commandées, franchement Aloysius est un incapable qui n'est même pas foutu de-- “ Blaise. ” Sa mère. Elle tend la main, il lui rend la coupe de champagne presque finie. “ Après, ” lui dit-elle d'un ton menaçant et Blaise se confond en bien sûr et évidemment et pour qui tu me prends en laissant ses yeux détailler l'assemblée.

Il y a le clan Rosier bien entendu, et le clan Parkinson, sans compter toute la famille Shacklebolt ainsi que les cousins qui sont venus du Ghana pour l'occasion. Il y a son père aussi, bien entendu, qui lui adresse un sourire en le voyant de l'autre côté de la pièce, avant de jeter un coup d'oeil anxieux du côté de sa mère... Il y a les Rowle ainsi que (malheureusement) les Crabbe parce que Blaise s'est senti obligé d'inviter Vincent. Les Nott, quelques Macmillan, une seule Prewett, deux-trois Shafiq, les Flint (il s'en fiche de Marcus mais Persephone est présente, ainsi que son fils, c'est tout ce qui compte), Carrows, Black mais pas son fils, Yaxley, Travers, Avery...

“ Je vais m'évanouir. — Ne sois pas ridicule, ” marmonne sa mère en finissant sa coupe. “ Plus que six heures et c'est fini. Allez. ” Et elle le pousse en avant, le forçant à marcher avec un sourire en direction du premier couple qu'il voit: ces foutus Rosier, en l'occurence ceux qu'il apprécie le moins. “ Je n'ai pas eu l'occasion jusqu'à maintenant de vous remercier d'avoir aidé à organiser cette somptueuse réception, Aloysius, ” dit-il à l'adresse de Monsieur, et vers Madame il baisse la tête pour marquer son respect, ce satané sourire toujours sur les lèvres. “ Vous êtes tous les deux ravissants. ” Un peu trop même, mais Blaise peut bien pardonner à Aloysius et Jae-Hwa: lui aussi aurait tout fait pour être le mieux habillé à l'évènement le plus important de l'année.

Le plus dur à organiser, finalement, dans ce trafic, c’était que la famille soit au complet. S’assurer que tous les enfants viennent, et surtout que sa femme se pointe. C’était une question de politesse et de respect. C’était quand même leur nièce qui se mariait. Le reste, au bout du compte, relevait surtout de Junior : Aloysius avait vu tant de mariage qu’il en finissait presque blasé — de fait il avait vaguement écouté les demandes, roulé des yeux avec le plus de respect possible aux propositions, fait tout prendre en note par sa secrétaire, pour que ce soit fait au plus vite par les employés. On ne s’attendait quand même pas à ce que ce soit lui qui plie les serviettes en forme de grue non ? Puis il avait cherché des tenues pour ses enfants. Et pour lui. Des couleurs pour les enfants, histoire qu’ils ne se fondent pas dans la foule comme des rejetons de plébéiens. Du doré pour lui, comme d’habitude, trainante, comme d’habitude. Comme d’habitude. Il reste un instant devant les modèles pour jeune fille. Puis pour adulte. Non.
Pas pour sa femme.
Il essayait de ne pas penser à sa femme.
Bref.

Le jour du mariage, il arrive avec Celyn et Jeong-Hui qui avait quitté la maison pour venir le retrouver avant de faire son entrée. C’est machinalement qu’il lui lissa les plis de sa robe, passa quelques doigts dans ses cheveux pour réajuster des mèches, sourit dans le vide, avant de souffler : « Je suis content, tu es superbe dedans ma puce. » Ses doigts se contractent un peu sur le tissu de la robe de sa fille, l’accroche un instant avant qu’il ne la laisse partir. « C’est bien d’avoir mis celle que je t’ai acheté. » C’était un remerciement, plus qu’une félicitation. Impossible pour Aloysius de véritablement le dire cependant. Tout était bloqué au fond de sa gorge.
Jeong-Hui, entre tous ses enfants, pouvait bien comprendre cela.

En arrivant, il vérifie que la famille est là, cherche les jumeaux dans la foule, cherche son autre fille. Cherche sa troisième fille. Sent son cœur se serrer et fait tout pour ne pas chercher sa femme en prime. Il regarde le sol, râle : « Mais regarde-moi ça Celyn ? Ils ont refilé le ménage à des sang-de-bourbe ou quoi ? Y en a qui vont m’entendre demain… » Si des employés traînaient dans les parages (ce qui serait fort étonnant) autant dire qu’ils prévoyaient de se faire un petit congé maladie pour le lendemain.
Puis, en fin d’après-midi, après avoir lorgné du côté de Flint pendant un bon bout de temps, histoire de vérifier comment se comportait son futur beau-fils, il fit quelques pas, dans la foule et là. PAF. Comme dans un cauchemar. Il tombe. Sur Jae-Hwa.
Jae-Hwa Rosier-Hwang.
Sa femme.
Ay.
En tenue traditionnelle coréenne. Qui lui allait mais si b-. La coiffure pas au top, il a même un mouvement malheureux pour essayer de lui remettre quelques boucles derrière l’oreille mais se retient à temps, droit comme un piquet, comme si on lui avait enfoncé un Nimbus 2000 dans le…
Putain. Et maintenant ? Juste tourner les talons ? Pas comme s’il ne l’avait pas déjà fait.
Il allait filer, quand il vit Zabini arriver. De gentils compliments au bout des lèvres : « Oh c’est peu de chose, » assura-t-il en s’inclinant, réussissant à sourire à son tour en se redressant. « Nous sommes habitués à faire des mariages de ce genre, après tout. » Puis, sans regarder sa femme, détaillant plutôt Blaise avec un sourcil haussé et un petit air de bienveillance : « Vous n’êtes pas mal non plus. Ma nièce a… beaucoup de chance. » Tellement à essayer d’oublier sa femme qu’il ne l’inclue même pas dans le possessif.
Que ne donnerait-il pas pour une coupe de champagne, là maintenant.

Ils ne lui ont même pas demandé si elle voulait venir, ils ont renvoyé le RSVP à sa place avec un oui retentissant. En même temps ils ont bien fait, ils savaient bien qu’elle aurait dit non et qu’alors, il aurait fallu répondre oui au RSVP avec la légère culpabilité de savoir qu’ils sont en train de la forcer à venir. Les Rosier ont pris la technique de demander pardon plutôt que permission, et ils feignent à perfection l’innocence. ‘Oh mais je pensais que tu aurais voulu y aller, c’est ta cousine après tout ! Désolé mais maintenant qu’on a dit oui… Je te trouverai une super robe !’ Même sans être douée avec le sous-texte, Jeong-Hui savait bien que son père se foutait de sa gueule, tout simplement, il ne lui serait jamais passé par la tête de se dire que sa fille avait envie d’aller où que ce soit. Malgré tout, selon la loi sacrée du RSVP, la demoiselle a dû déclarer forfait face au coup fourré. Une écrasante victoire pour papa, une de plus sur la liste. La revanche sera terrible, et comme un ado en pleine crise, Jeong-Hui se rendra donc à la fête mais une promesse est faite : elle fera la gueule tout du long.

Toute la famille y va ; mais ils n’y vont pas en famille. La nuance est invisible aux yeux de tous sauf aux concernés. Celyn et elle se sont rendus chacun de leur côté aux bureaux de Rosier Events, où papa a arrangé la coiffure de sa fille, son maquillage, sa robe. En guise de pot au vin pour qu’elle se tienne bien à la réception il lui a refilé une boîte de cigares de qualité. A moins que ce ne soit une offrande, ou bien pour s’excuser de la faire venir, ou bien pour la remercier de n’avoir pas bronché et d’avoir tout fait comme il a dit. « Elle est jolie cette robe. » C’est qu’il lui en a prise une de sa couleur préférée. Un doré pas trop brillant, profond, tirant sur le roux, presque imitative du pelage de Cat, lequel est naturellement dans le thème, comme une diva.

Et lorsqu’ils arrivent à la réception les regrets la frappe de plein fouet, comme une vague en plein corps. Il lui semble boire la tasse. Ils l’ont fait venir, c’est quasiment de la maltraitance. Tous ces gens passent autour d’elle avec leurs bribes de conversations, avec leurs robes qui la frôlent et la hérissent. Putain il y en a qui n’ont pas compris que le principe du parfum ce n’est pas de se baigner dedans. Sur le plateau du serviteur le plus proche elle attrape deux coupes de champagne et s’en enfile une cul sec. Elle supportera tout ça vachement mieux quand elle sera pompette. Maintenant qu’elle a des munitions, elle se dirige vers un coin où il y a une superbe plante dont les feuilles ont été repeintes pour l’occasion. June se plante à côté du pot, en espérant qu’on la confondra avec une décoration et qu’on lui foutra la paix. Sirotant sa coupe elle scrute la foule, se disant que tant qu’elle est là, autant en tirer un peu d’amusement avec du people watching. C’est un étrange ballet de gens bien habillés (ou qui croient l’être) qui rient tous un peu trop fort pour se faire remarquer. Il lui semble voir au loin Marcus Flint, qui lui n’a pas l’air de rire ou d’avoir envie d’être là. Il lui semble voir les jumeaux et Eun-Ji, parfaitement dans leur élément comme d’habitude. Le marié, qu’elle suit des yeux, a l’air aussi crispé que s’il avait pris quatre viagras et espérait que personne ne remarque rien.  Père et mère se sont retrouvés dans la foule, comme un fulgurant accident de balai. Tout ce beau monde s’agite, et Jeong-Hui suit les mouvements de la ruche comme un bon film. Jusqu’à-ce qu’elle se rende compte que Cat n’est plus à ses côtés. Elle voit à travers lui défiler des dizaines de chevilles, chaussures à talons, bas de robes ornés… Elle essaie de lui intimer de revenir mais le chat, lui, a une grande envie d’aventure et compte bien profiter de ce mariage. Il est temps pour lui de chercher un buffet et d’y faire festin, dut-il aller le trouver dans les cuisines.

Elle aimerait pouvoir croire qu’elle pourra rester dans ce coin toute la soirée et qu’on va l’oublier. Elle aimerait pouvoir le croire mais il faudrait être sacrément stupide, ce qu’elle n’est malheureusement pas. En revanche elle sait que personne ne va penser à l’emmerder pour au moins une quinzaine de minutes, ce qui peut lui permettre de s’enquiller… Trois flûtes de plus. Pas le temps de niaiser quoi. Elle laisse l’amertume des bulles passer dans le fond de sa gorge en gardant une partie de son attention sur les sens que lui communique Cat. En soi c’est une autre façon de profiter de la fête. Elle remarque d’ailleurs un bon nombre de personnes qui n’ont pas correctement astiqué leurs chaussures avant de venir ce qui est vraiment, vraiment de mauvais goût pour une fête de cette envergure. Encore une preuve de plus que la véritable distinction, on naît avec – comme son père – ou on ne pourra jamais l’apprendre correctement – comme elle, qui se laisse traiter comme une poupée pour qu’on l’emmène à ces événements sinon elle n’aurait l’air de rien.

Jeong-Hui en est déjà à deux coupes de champagne quand elle repère quelque chose qui ne va pas avec la trajectoire de son compagnon. Là, à l’angle de son champ de vision, un plateau roulant enchanté qui se dirige droit vers lui. D’un cri mental elle l’avertit et d’instinct commence elle-même à fendre la foule pour le rejoindre. Qu’il ait atteint le buffet ou non, sa petite escapade va causer un désastre et il est temps d’y mettre fin. Le problème c’est que lui n’a guère envie d’arrêter, et il continue à se faufiler entre les jambes des inconnus. June y est presque, il n’est plus loin, elle va l’avoir… Le chat, effaré d’être bientôt fait comme un rat, ne fait plus attention à où il va. Le désastre est là. Peut-être qu’il était inscrit dans les étoiles depuis des millénaires, inévitables. Peut-être que ce con de chat pourrait regarder où il va.

Tout se passe trop vite. Le chat frôle la crise cardiaque quand il passe à un cheveu d’être écrasé, le cœur de June manque un battement avec cette frayeur, le grand dadais dont le pied a failli être guillotine vacille, son coude se dirige vers le visage de la jeune femme à une vitesse bien trop affolante. Elle a à peine le temps de réagir, faisant un pas en arrière. Le champagne la trahit, les talons haut aussi, double couteau dans le dos, et c’est à son tour de vaciller.
Flottement.
L’angle de la pièce change un instant puis l’horizon retrouve son sens quand elle atterrit sur le carrelage. Une douleur cuisante au coccyx mais rien de bien horrible. Reprenant ses esprits, elle lève les yeux vers le responsable qui ne s’avère être autre que Marcus Flint. Cette relation est définitivement partie du bon pied. Puis quelque chose d’autre la frappe. Quelque chose qu’elle aurait voulu plus que tout au monde il y a une minute. Le silence. Les bruits des discussions se sont faits bien lointains. Alors elle regarde autour d’elle pour voir chaque visage la fixer. Ils la scrutent tous, étonnés, et désapprobateurs. Ce n’est pas sa faute mais ça, ils ne le savent pas et après tout ils s’en foutent. Face à cette galerie de faciès divers et variés, Jeong-Hui se sent soudainement accusée dans une salle de jury qui a déjà rendu son verdict. L’humiliation la terrasse, lui monte aux joues. Le plus vite possible, grimaçant de douleur, elle se relève, espérant fuir. Pourtant la voilà plantée là au milieu de la foule, la voilà qui se met à trembler sans savoir si c’est de la honte, de la rage ou un savant mélange des deux. « Vous regardez quoi ? » Elle crie presque. On part plutôt sur la rage là du coup. Des murmures s’élèvent, certains détournent la tête, pris en flagrant délit.

Franchement, même quinze minutes de paix c’était trop demander, elle aurait dû s’en douter.

Blaise essaye vainement s'imaginer à la place de M. et Mrs. Rosier dans dix ans, avec Pansy. Mariés, heureux, fondateurs d'une famille si parfaite qui réussit si bien. Il sait bien que les apparences sont trompeuses pourtant, qu'il y en a plus qu'on se doute derrière l'épais rideau de la performance constante... mais tout de même. Serait-il fier, ou las, ou simplement fatigué, ou même nerveux à l'idée de toujours veiller sur son clan? « Oh c’est peu de chose. » Peu de chose qui avait tout de même coûté une fortune à Blaise: mais enfin, c'est un mariage alors on ne compte pas. Surtout qu'il avait eu droit à une réduction généreuse. Il aurait préféré une exonération. Pour ça au moins, il ne pourrait pas pardonner à Benjamin. « Nous sommes habitués à faire des mariages de ce genre, après tout. » Il en ferait presque la moue: après tout, à ses yeux, aucun mariage n'est de ce genre. Ce mariage est unique, parfait, révolutionnaire... il aimerait bien.

« Vous n’êtes pas mal non plus. Ma nièce a… beaucoup de chance. — Merci. ” Blaise s'autorise un petit sourire. De manière générale, il semble incapable de porter une chemise et de passer tous les boutons: à croire qu'il aime se promener à moitié nu. Pour une fois il a fait un effort et la chemise noire, pailletée de doré comme pour imiter un ciel nocturne. « Charmante réception, » renchérit avec entrain la femme de Rosier. « Vous devez être aux anges. — Oui, merci. C'était un travail de longue haleine mais il a payé... ” commence-t-il à discuter, toujours avec le charme et l'aisance du baratineur-né, complètement inconscient de tout ne se résumant pas à son humble personne aujourd'hui (non que les autres jours soient très différents pour être honnête).

Il s'interrompt à l'entente de quelque ruckus. “ Vous m'excuserez... ” dit-il et sans finir sa phrase, un certain sixième sens le guidant déjà ailleurs, il adresse un dernier sourire au couple avant de se diriger en direction de la perturbation. Il s'empourpre presque autant de honte et de rage quand il y voit le grand benêt comme il l'appelle, Marcus. Incapable fêlé du crâne, Blaise fend la foule en regrettant déjà de l'avoir invité: il aurait été difficile de l'esquiver, il fait partie de la famille de la mariée après tout mais... à quoi sert-il? Persephone encore, il supporte parfaitement. Son frère...

« Vous regardez quoi ? » La soeur Rosier, Jeong-Hui, vers laquelle il faisait déjà un mouvement pour l'aider à se relever. Pas besoin de lui apparemment, et les mains que Blaise avait levé en sa direction retombe. “ Tout va bien, ” dit-il par automatisme, son regard sombre perçant à travers la foule pour entrer en contact avec celui du jazzman qui joue la musique d'ambiance: aussitôt elle reprend, après un écart et une pause stupéfiée devant la scène absurde. Que demander de plus de la présence de Marcus après tout? Furibond, Blaise le regarde avec son mépris habituel, et quand il ouvre la bouche semble prêt à déverser sa diatribe familière à l'encontre de Monsieur le Nez; Persephone, pas folle, l'a vu venir et déjà apparaît à côté d'eux en posant une main sur l'épaule de Blaise. “ Tout va bien Blaise: cette réception est aussi somptueuse qu'elle peut l'être. Tâchons de ne pas la transformer en scène de théâtre? — D'accord, mais à condition que ton idiot de frère cesse de faire le pitre comme toujours et si en plus il peut éviter de blesser les autres invités, alors ce serait parfait, ” grince le marié entre ses dents, avant de se tourner vers la pauvre victime de sa violente maladresse.

Les regards, encore, traînent sur eux et la petite scène dont ils sont les personnages principaux. C'est embarrassant et Blaise en bout de rage. Il aurait pu rester à la maison avec son honteux jumeau. Personne ne veut de cet abruti ici... “ J'espère qu'il ne t'a pas fait de mal. ” Sa voix, à l'intention de Jeong-Hui, serait presque douce. Tout ceci semble de mauvais augure pour leur futur mariage... “ Je m'excuse de sa part: il fait de son mieux tu sais. ” Malheureusement son petit cerveau ne semble pas très bien contrôler son grand corps, sauf sur un balai de Quidditch. Hochement raide de la tête, petit sourire charmant aux invités, regard noir à Marcus et puis Blaise se redresse, laissant à Persephone le soin de mener son frère loin de lui (et ses nerfs en pelote qui menacent d'éclater) et de Jeong-Hui (de peur qu'il lui foute un autre coup comme si de rien n'était).

Et d'un pas raide, de s'en aller s'occuper de la prochaine crise. Où est ce foutu Benjamin quand on a besoin de lui?

Eun-Ji a passé l'âge de croire que les mariages sont synonymes de fête, bonheur et bienveillance. Techniquement, enfant pragmatique, elle n'a jamais réellement gobé le morceau -en dehors de celui de son père et de sa mère, dont Jae-Hwa lui a brossé le portrait avec les artifices nécessaires pour baigner sa fille dans l'illusion d'un bonheur conjugal total, instantané -entier. Non, si on se goinfre et on ricane comme des trolls dans les sous-classes, chez les Sangs-Purs et Eun-Ji le sait, ce n'est là qu'un autre exercice de mondanité auxquels les mariés se rôdent pour la première fois ensemble, en prévision aux décennies d'alliance à venir. Les invités doivent ainsi, en apparence, se tenir à carreau, laisser aux futurs époux le rôle central, l'épicentre social de la fête, et graviter, polis, souriants, autour du manège d'un soir.

Seulement, les Rosier naviguent, depuis plusieurs mois, dans une tension permanente. Et, depuis plus récemment encore, Eun-Ji pressent l'implosion de leur noyau paternel, redoutant chaque entrevue accidentelle, jouant, plus que jamais, son rôle de médiatrice biaisée, d'assistante pilier, préposée au bien-être de sa mère -laissant à Celyn le soin de tenir hors de son chemin la traîne fabuleuse d'Aloysius.

Ce soir, Rosier tremble devant le cataclysme à venir, soufflant au-dessus de leurs têtes comme un mauvais présage. Il suffirait d'un mot, d'un regard, d'un geste malheureux... Pour se distraire de son angoisse, Eun-Ji réajuste le cordon bleu et or ceignant sa taille, un maedeup cher à son cœur -un porte-bonheur, si elle avait été une superstitieuse dénuée de logique et de bon sens. Les Hwang-Rosier faisaient la chance ; en aucun cas, ils ne la subissaient.

En arrivant, c'est son premier réflexe : parcourir la foule du regard à la recherche de son père, se tenant si proche de sa mère qu'elle pourrait en entendre le souffle nerveux, sous son masque sévère. Elle s'est occupée des coiffures, de la parure de sa mère, et a, pour sa tenue, tendu à la réconciliation entre les deux deux piliers de son existence en mettant, exceptionnellement, la robe que lui a pris son père. Noir sur or, une constellation sombre sur un mordoré scintillant timidement aux bougies de la réception ; il y a plus sobre comme drapeau blanc, mais l'aînée préfère hisser les couleurs clinquantes d'Aloysius que de risquer un incident diplomatique irréparable.

Le premier accroc ne tarde pas. On la bouscule ; une des deux coupes de champagne qu'elle tenait fait des vagues et bascule par-dessus bord. Fronçant les sourcils devant ce manque de respect fulgurant -on ne s'est même pas excusé !- Eun-Ji se saisit de sa baguette. « Je vais chercher une autre coupe », fait-elle à @Jae-Hwa Rosier.

Ils se trouvent alors que la tache disparaît, laissant fleurir sur sa robe un parfum d'encre et de rose. Eun-Ji, impuissante, regarde la scène se refermer sur eux en la présence de Blaise. Le reste s'enchaîne à une vitesse tragique ; Jeong-Hui, Cat et Marcus, puis ses yeux roulent à nouveau vers ses géniteurs -comme toujours, c'est vers eux que son choix se porte, au détriment des autres.

« Bonsoir Papa. » Eun-Ji se poste entre eux, légèrement du côté de sa mère comme un premier rempart, et lance à @Aloysius Rosier les politesses d'usage -sans sourire, mais posant sur lui assez longtemps le regard pour lui indiquer, qu'au moins ce soir, elle n'a pas de réticence à lui adresser la parole en dépit de l'enfer qu'il fait endurer à sa mère. « On devrait aller trouver Pansy, Maman, avant qu'il y ait trop de monde. » Avec douceur, elle glisse un bras sous celui de la sorcière, détourne son attention de l'apparence resplendissante, néanmoins légèrement en-deça de ses apparitions ordinaires, de son père.

D’un geste sec, on la bouscule et par réflexe, ses doigts se resserrent autour du verre de champagne qui manque de lui échapper. Un bref coup d’oeil en arrière pour la cacophonie qui lui parvient jusqu’aux oreilles et un sourcil arqué en une moue réprobatrice, Malia observe la scène avec une avidité à peine masquée. C’est que les réceptions données par l’élite sont généralement d’un ennui affligeant, alors secouer celle de Pansy et Blaise quelques secondes, ça ne peut faire de mal à personne, si ? A moins que son cousin ne pète les plombs et finisse par, dans le meilleur des cas, jarter Flint d’une petite sauterie qui n’a, de toute façon, l’air de lui faire ni chaud ni froid. Alors, elle décide de s’approcher de lui (@Blaise Zabini), quelques pas et un sourire éclatant, elle lui tend la coupe avec bienveillance après un léger regard circulaire — c’est qu’elle aime bien sa tante, mais en a une crainte sérieuse, surtout en un jour où le déroulé est calculé au millimètre près. « T’as l’air d’en avoir plus besoin que moi. » Elle marque une pause, incline légèrement la tête et plisse les yeux pour mieux analyser son cousin — ça ne lui prend que quelques secondes, elle est plus douée pour comprendre que s’exprimer, Malia, alors d’un geste de la tête relativement discret, elle indique un petit coin sur le gauche, puis un autre quelques mètres plus loin un groupe restreint : « si tu cherches Pansy c’est par là, si tu cherches Benjamin, en revanche, c’est de ce côté. » Il lui faut quelques instants supplémentaires pour réaliser qu’elle est presque passée à côté du principal, aussi ouvre-t-elle de grands yeux avant de secouer la tête. « Oh, et félicitations, bien entendu. » Les compliments sur la réception, après la mini crise à laquelle ils viennent tous d’assister, elle passe, parce qu’elle a pas trop envie de jeter de l’huile sur le feu et voir Blaise s’embraser — ou se retrouver avec sa tête sur une pique, pour le coup.