FEBRUARY 2008. cw: drogues Rien n'a changé ici. L'atmosphère de danger règne toujours dans les rues d'Hackney. Les poubelles jonchent le sol et un nombre important d'immeubles voit leurs fenêtres recouvertes de lattes en bois - parce qu'ils sont vides ou pour le faire croire. Il lui arrivait d'avoir peur quand il devait sortir de chez lui à l'époque. Se couvrait d'une couche de vêtements pour se faire plus impressionnant et avait appris à marcher le pas pressé en regardant droit devant lui. quand on trainait dans le coin, c'était soit pour chercher les emmerdes, soit pour les créer. Mais c'était son quartier et Nial l'aimait, l'aime encore même s'il ne s'autorise plus à y retourner.

Avec le renforcement des lois contre les hybrides, il lui est compliqué de sortir en dehors des heures acceptées mais c'est surtout qu'il ne veut pas prendre le risque de tomber sur sa mère ou sa fratrie qu'il n'a pas revus depuis sa transformation. Il se sent lâche, un peu. Pas assez pour changer.

Aujourd'hui, quand il vient ici, Nial porte un beannie et met ses écouteurs (un des seuls moyens pour tenir les voix à distance), il met des lunettes de soleil.
Aujourd'hui, quand il vient ici, c'est pour rencontrer Siham à son spot. Ce vieil immeuble dont les travaux n'ont jamais abouti - un de ces nombreux projets abandonnés. Il n'a plus besoin de se grandir, sa carrure suffit à éloigner les gens. Aujourd'hui, c'est lui le danger. Hackney n'a pas vraiment changé en  sept ans, mais lui si.

Les mains dans les poches, Nial arrive devant l'immeuble, celui-ci n'est pas entièrement recouvert de son habit gris, des tiges de fer rouillé sortent d'un peu partout et les fenêtres sont de simples ouvertures béantes. Il se sent un peu comme cet immeuble. Destructuré, avec un trou béant quelque part où le vide peut passer. Dans sa montée, Nial accélère au niveau du troisième étage parce que ça pue le souffre et la poussière et que les voix sont plus fortes à cet endroit. Il retient sa respiration, plisse le nez. Redevient calme seulement quand il arrive tout en haut.

Le vent parle ici, d'une plainte lancinante.
Parfois, Nial se met au bord des trous béants et regarde vers le bas, ses mains appuyés contre les rebords.

Cette fois, il se dirige directement vers le vieux canapé en cuir écorché et s'y affale, ses jambes tendues qui se posent sur un support en bois, sa tête qui retombe en arrière. Il a besoin de se défoncer. Mais aujourd'hui, c'est lui qui invite et on ne commence pas sans ses invités.

Pour attendre, Nial sort tout le matériel nécessaire : slim, tabac, pochon, grinder, et se met au travail avec une minutie qu'il n'a dans aucune autre activité de sa vie, sauf peut-être quand il jardine ou joue de la guitare et quand il baise aussi.

Il vient à peine de terminer le roulage du joint, passe son index et son pouce sur le cylindre de feuille pour le lisser avant de pincer le bout et le secouer un peu pour tasser le tout quand ça crépite dans l'air. De ce son si familier du transplanage. Il sent l'odeur de Siham avant de la voir. — T'arrives pile à l'heure. tu l'fais exprès pour pas avoir à rouler ? Je t'ai appris comment faire pourtant. enchaîne-t-il en levant la tête vers l'invitée. Un sourire en coin, les yeux cernés qui pétillent alors qu'il vient mettre le spliff entre ses lèvres et a déjà attrapé le briquet. Mais tu connais la règle, qui roule bamboule... Et de prendre une grande bouffée, puis deux et trois le temps que Siham le rejoigne jusqu'au canapé ... Et qui s'incruste déguste.. en lui tendant le joint entamé alors que dans un souffle ses épaules s'affaissent, un effet placebo plus qu'autre chose à ce stade de consommation. Un joint ne lui fait plus grand chose.

Mais le geste et l'odeur suffisent à lui donner la sensation de s'enrouler dans un plaid. De la mélasse qui lui colle à la peau et l'empêche de penser à tout.

Aux voix, au triangle, à Eden.

Et Siham comprend - enfin il croit. C'est ce qu'il apprécie principalement chez elle et peut-être la seule raison de l'existence de cet étrange duo.

cw. drogue

Elle prit une douche avant d'y aller, la énième de la semaine et elle en prendrait une en revenant. On ne pouvait pas se permettre de sentir la beuh quand on travaillait avec des hybrides aux sens affutés comme des lames de rasoirs (raison de la douche à venir). Ni la salle de sport qu'elle venait de quitter après avoir rempli son quota de tractions (raison de la dernière douche en date). Ni le parfum un rien entêtant et un rien cheap d'Angel (raison de toutes les autres douches). Rayane l'avait déjà fixé bizarrement en lui demandant si elle avait changé de déodorant, c'était dans ces moments précis qu'elle détestait les hybrides. Douche donc, elle en profita pour laver ses cheveux redevenus bruns (une phrase d'Hunter avait suffi pour y remédier), les sécha d'un sort et les lissa d'un second. Elle vérifia que sa frange ressemblait à quelque chose, se maquilla rapidement (ce n'était que Nial après tout) avant de transplaner à l'endroit qu'il lui avait indiqué.

Que Nial, pas Joseph, ni même un Joseph de remplacement à qui elle aurait pu tout dire entre deux-trois commentaires déplacés sur elle ne savait trop qui. Mais ce n'était pas si grave : le regard de Joseph avait changé à l'instant où elle avait pris la marque et il ne l'avait même pas prévenu de sa fuite. Le traître (il lui manquait terriblement). Non Nial, c'était bien, c'était simple, elle n'avait aucun compte à lui rendre. Il lui suffisait juste d'être suffisamment sympa pour qu'il ne lui prenne pas l'envie de balancer deux-trois petites informations à son sujet (il en savait trop et elle ne savait même pas à quel point parce qu'elle finissait en général plutôt satellisée).

A Nial, Siham décocha un sourire un rien mutin. Elle avait toujours le bon timing quand il s'agissait de faire des choses qui pouvaient potentiellement mal finir (quoique les vrais savaient qu'un simple bédo, ça ne mènerait pas au trépas). Le rouquin ne lui avait rien appris qu'elle ne savait déjà, du moins pas dans ce domaine. Le premier joint avait été roulé à quinze ans sur un canapé pareil à celui dans lequel elle se vautra aux côtés du lycanthrope (il s'était révélé infumable et même encore aujourd'hui Siham n'arrivait pas à déterminer si elle en avait trop mis ou pas assez et par quel miracle elle avait réussi à rouler un joint qui ressemblait autant à tout sauf un joint). Un "Merci" sincère quand les doigts ornés de henné à moitié estompé vinrent se saisir du joint tendu. La première taffe avait un goût acre qui lui resta dans le fond de la gorge.

Siham ferma les yeux un instant et se sentit presque détendue (et ça faisait longtemps qu'elle n'avait pas eu cette sensation). "Il nous faudrait des vacances" finit-elle par dire, tête posée sur le haut du dossier affaissé, yeux au plafond (la posture bien droite bien balai dans le cul était réservée aux instants où elle n'avait pas de joint dans la main). Deuxième taffe, troisième taffe, elle rendit le pilon à Nial selon les règles tacites des fumeurs. Des vacances oui, loin des revenants (Aberforth compris), des non revenants et des morts qui ne revenaient pas (elle n'avait même pas assez déçu son père pour qu'il daigne sortir de sa tombe, après des semaines à craindre le contraire, c'était cette éventualité qui avait fini par la travailler). "Des vacances loin d'ici." Style sur une plage avec du sable blanc à perte de vue et à l'autre bout du monde (ce que le Lord n'autorisait évidemment pas).