gravity's holding me back

@Siham Al-Massri | Janvier 2008

Cette journée s'annonçait bien. Hunter s'était enfin débarrassée de la trace de sang qui avait imprégné son pull blanc, et elle était pour la première fois depuis un an satisfaite de son maquillage, qui ne faisait certes pas totalement disparaître ses horribles cernes, mais qui ravivait nettement son teint de pêche. Ça faisait partie de ces petites choses du quotidien qui la rendait folle depuis sa morsure. Elle avait tout essayé, une quinzaine de produits au moins sans pour autant être une experte. Ceux conseillés par Boris lui donnaient l'air d'être une poupée Barbie qui n'a pas vu le soleil depuis trop longtemps. Elle n'avait même pas écouté l'avis de Billy, for reasons, et avait dû se faire sa propre idée, en écumant des magasins spécialisés qui ne l'intéressaient pas spécialement. Mais aujourd'hui le résultat était plus que satisfaisant, presque naturel, et ça suffit à lui arracher un sourire, et à lui faire oublier qu'elle allait encore passer une journée avec Burke, à faire des trucs horribles qu'elle tenterait vainement d'oublier le soir, en évitant de croiser son regard dans une glace.

Sauf que ce qu'elle n'avait pas prévu, ce jour-là, c'était que sa chance allait tourner. Sacrément tourner même. Arrivée dans les bureaux surpeuplés de la VB, Hunter salue comme à son habitude les autres hounds, et c'est en terminant son secret handshake avec Barlow qu'elle remarque le bureau vide de son handler. Elle fronce les sourcils et demande en pointant du menton la chaise inoccupée : “ Où est-ce qu'il est ? ” Billy hausse les épaules et Yaxley intervient. “ Burke est en voyage de noces. ” Elle lève les yeux au ciel. Elle aurait dû s'en douter. Imaginer son handler avec sa nouvelle épouse la dégoûte encore mais sa moue est interrompue par le big boss. “ Wallace, t'es avec Al-Massri aujourd'hui. ” Son estomac descend instantanément dans ses chaussettes. Elle tourne la tête vers la concernée, pour voir qu'elle tire exactement la même gueule. Nice...

Cela fait presque un an qu'Hunter a rejoint la VB, plus par la force des choses que par vocation, soyons honnêtes. Quoi qu'il en soit, cela fait aussi presque un an qu'elle évite soigneusement la handler, qui le lui rend bien. Et avant ça, quelques années supplémentaires passées dans des services différents du Ministère, à se croiser dans les couloirs sans un regard, à faire semblant d'avoir oublié un papier avant de monter dans l'ascenseur, lorsque celui-ci n'était occupé que par Al-Massri. Alors bosser une journée entière ensemble... C'était les forcer à franchir cette distance de sécurité instaurée depuis près d'une décennie.

Le début du voyage se passe d'abord en silence. Hunter ne sait pas où elles vont, et peu importe, parce qu'elle rumine sur sa situation, absolument pas à l'aise avec ce pairing forcé. Même Burke, finalement, aurait été un compagnon plus simple à gérer pour elle, pourtant Merlin sait combien elle le déteste. Mais Siham, c'est compliqué. A chaque fois que son regard tombe sur elle, Hunter est saisie par tous ces rappels de ce qu'elle est devenue. Ces cheveux blonds qui la changent complètement. Les rides qui naissent au coin de ses yeux et qui marquent son évolution. Et la Marque. Évidemment, la Marque, qu'Hunter est incapable de regarder sans sourciller. Elle l'évite, Siham, parce que la voir la rend triste, pour plus de raisons qu'elle aimerait l'admettre. Parce qu'elle ne comprend pas comment elle a pu en arriver là. Parce qu'elle avait l'impression de la comprendre, à l'époque, de mieux la connaître. La Siham qu'elle fréquentait à Poudlard n'aurait pas pu rejoindre les mangemorts, elle refuse d'y croire. Pourtant, la Marque est bien là, et la nargue en ondulant sur son avant-bras gauche, et la rend triste. Triste aussi parce qu'elle représente ses derniers souvenirs à Poudlard. Dans son regard, qui est probablement la seule chose qui n'a pas changé, elle voit danser les souvenirs de cette époque, heureux malgré tout, malgré Umbridge, malgré le début de la guerre. Et quand elle la voit, elle sait combien tout ça s'est envolé. Combien elle a perdu. Alors oui, c'est souvent plus simple de ne pas la regarder, car ça lui éviter de regarder ses propres erreurs, ses propres choix qu'elle regrette aujourd'hui plus que jamais. Et parce qu'elle lui en veut, à Siham, comme elle s'en veut à elle-même, sauf que c'est bien plus facile de cristalliser sa frustration sur une tierce personne que de regarder la vérité en face.

Elles sont dans un quartier de Birmingham, et il est près de vingt-trois heures. Il fait froid, mais ça ne dérange pas Hunter, qui est bien plus à l'aise avec les températures hivernales depuis quelques mois. Elles marchent sur le goudron humide d'une rue endormie, loin de la frénésie du centre-ville. Hunter n'a jamais été très à l'aise avec le silence. Elle est plutôt du genre lourdingue à faire des remarques gênantes pour extérioriser son malaise et c'est sûrement pour ça qu'elle lance, de but en blanc : “ Les cheveux blonds, c'est moi qui t'ai donné l'idée, ou... ? ” Elle ose toujours pas la regarder, se contente d'avancer vers une destination qui lui échappe toujours. Elle reconnaît cependant la rue, pour y être passé quelques fois avec Bagshot. “ J'aurais pu te donner des tips, mais comme tu m'évites c'est compliqué. ” Oui bon, l'hôpital qui se fout de la charité, on connaît. “ Mais bon s'agirait pas que tes collègues te voient traîner avec une hybride, qu'en penserait le Lord ? ” Sa mâchoire se serre légèrement, elle sait qu'elle est allée trop loin, trop vite, et lui jette même un petit regard pour appréhender sa réaction.

La rue devient de plus en plus familière et Hunter sent l'inquiétude grandir, à défaut de sentir son cœur accélérer. Elle espère autant qu'elle peut, prie tous les leprechauns du monde pour ne pas qu'elles s'arrêtent là mais Siham les mènent en face d'une porte qu'elle ne connaît que trop bien. Derrière elle, il y a un pub qu'elle fréquente régulièrement, depuis que Boris l'y a emmenée. Un pub qui accueille à peu près toute la lie de la société, les nés-moldus, les hybrides, les gays ou tout simplement ceux qui souhaitent profiter de substances et de loisirs interdits par Celui-dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom. Hunter y a de nombreux amis, quelques conquêtes, mais surtout trop de souvenirs, de moments où elle peut enfin respirer, hors de son quotidien austère. Elle sait ce qu'elles sont envoyées y faire. Elle sait qu'il y aura des victimes, des arrestations, qu'elle aura les mains sales parce qu'elle n'a pas le choix. Avec Burke, elle parvient à dissocier. A faire des choses qui lui donnent envie de vomir mais elle compartimentalise, elle arrive à enfermer ça dans une boîte et ne jamais l'ouvrir. Burke est un monstre, elle n'a qu'à être un monstre aussi, par mimétisme, et se persuader le soir que ce n'est pas elle. Avec Siham, elle est pas sûre d'y parvenir. Avec les gens qui sont à l'intérieur non plus. Aussi décide-t-elle de s'interposer entre la porte et la handler. “ Pas ici. ” Elle sait qu'il lui faudra plus que ça mais elle ne sait pas quoi ajouter. Pas ici parce qu'elle a des amis là-dedans ? Pas ici parce que c'est son pub préféré ? Pas ici parce que Siham elle-même aurait pu fréquenter cet établissement si elle ne jouait pas la parfaite petite soldate du Gouvernement ? “ S'il-te-plaît, pas ici. ” Elle sait que ses suppliques ne servent à rien. Elle sait que la Siham qu'elle connaissait n'existe plus. Pourtant elle s'en voudrait de ne pas essayer.

Elle n'aimait pas être de service de nuit pour tout un tas de bonnes raisons dont la principale était qu'elle ne pouvait pas sortir (ou alors sortir mais avec Rayane dans les pattes, option uniforme ce qui ne le faisait pas trop (à part dans certains établissements qu'elle ne fréquentait pas)). L'avantage était qu'elle pouvait faire ce qu'elle voulait la veille, la matinée pouvant être passée à dormir. C'était ce que Siham avait fait jusqu'à un peu trop tard pour être de bonne humeur - chose qui ne lui arrivait plus très souvent - et le cerveau un peu trop embrumé pour savoir d'où venait l'énorme bleu sur son tibia. Le chat miaulait trop aigu, la musique du voisin était trop forte et le fond de l'air était trop froid mais il fallait aérer parce que l'appartement sentait trop le cendrier. Elle alla noyer sa peine sous une douche brûlante et une potion anti mal de crâne avant d'enfiler son uniforme à reculons.

Arrivée à la VB un peu tardive, louvoyage jusqu'à Felix pour lui taxer un paquet de cigarettes contre deux minutes d'hochements de tête en réponse à ses histoires wickamesques, Siham alla ensuite voir le meilleur élément de la brigade : la machine à café. Coup de pied retourné pour que le précieux breuvage coule plus vite (et parce qu'elle n'avait plus de noises dans ses poches), mug "I l♡ve the WVDB" aussitôt rempli aussitôt siroté, Siham fila récupérer son ordre de mission et se dit qu'elle aurait vraiment du rester sur son canapé avec un plaid et une excuse bidon. Ok, Fitzroy était du soir aussi ? Qu'elle échange ni vu ni connu (il pourrait donner des coups de cannes à des ivrognes en plus, trop l'éclate)... Yaxley droit devant, elle le dépassa sans trop le regarder (elle n'était pas d'humeur à se faire recruter pour trier du courrier) mais finit par le regarder d'un œil hagard quand elle entendit son nom. "Wallace, t'es avec Al-Massri aujourd'hui." Comment ça Wallace avec Al-Massri ? "Mais Rayane..." commença-t-elle avant de s'arrêter net vu comment le chef faisait bien le regard du roquet sous amphet et à deux doigts de mordre. Cela devait vouloir dire un get over it Al-Massri ou un truc du style, il n'y avait aucun Nils dans le coin, elle avait un binôme qu'on pouvait qualifier de... Urg.

Il faisait froid dans les rues, son café était à peine tiède et bientôt fini, le regard d'Hunter pesait sur son avant-bras et Siham fixait résolument devant elle. Elle n'aimait pas du tout la situation et plus particulièrement pas du tout du tout la mission. Elle, sa spécialité, c'était les trucs un peu suicidaires où fallait courir de partout, envoyer des maléfices, faire rôtir des ennemis récalcitrants, pas les descentes dans des bars pour arrêter tout le monde (et surtout pas dans les bars gays, elle ne voulait pas fréquenter ces gens là sur ses heures de travail). Même pas de Rayane à emmener au karaoké quand ça serait fini, juste Wallace dont le teint était moins blanchâtre que d'habitude (pour l'instant, parce qu'elle ne savait pas encore qu'elle était la mission, ça promettait d'être génial). Hunter, la vampire, bavassait - c'était son truc de bavasser pour meubler, elle la connaissait la connaissait un peu - Siham était en mode impassible. "Les cheveux blonds, c'est moi qui t'ai donné l'idée, ou... ?" Hunter, seule blonde de sa vie since 1995. "Oui, bien sûr."  Ton plat, note à soi-même, repasser au brun fissa (déjà qu'Alvarez lui avait demandé si elle n'avait pas matché la couleur avec Angel). "J'aurais pu te donner des tips, mais comme tu m'évites c'est compliqué. - Oui, bien sûr." Pour les tips, ou pour l'évitement, ou encore pour le "cause toujours tu m'intéresses". "Mais bon s'agirait pas que tes collègues te voient traîner avec une hybride, qu'en penserait le Lord ?" Elle retint le ricanement étranglé et commença à regarder aux alentours si il n'y avait pas un endroit pour se resservir en café. La réponse était non.

Plus elles s'approchaient de l'endroit moins Siham se sentait bien (ou du moins plus elle se sentait mal parce que de base ce n'était pas non plus la joie). Elle se serait bien allumée une cigarette pour s'occuper les mains mais elle n'osait pas devant Hunter - comme pour pas casser l'image de la parfaite sang-pur qu'elle était officiellement devenue - tout comme elle n'osait pas démarrer une quelconque conversation. En réalité, elle ne savait pas trop quoi dire, ni trop quoi faire quand la blonde était dans les parages, elle était un peu dégoûtée quand elle voyait le triangle rouge sur sa joue, elle avait honte d'être dégoûtée (mais ce n'était rien comparé au dégoût que lui inspirait sa marque), elle ne savait définitivement pas sur quel pied danser. Puis merde, Wallace foutait quoi à la VB d'abord ? Elle ne devrait pas être dans la Résistance avec Elena et compagnie plutôt qu'ici à lécher les pompes du régime ? Siham s'était toujours étonnée de la voir dans les couloirs du ministère plutôt qu'ailleurs, elle avait même profité l'air de rien des pannes de magie pour voir si des cercles apparaissaient au poignet d'Hunter mais rien. Wallace était apparemment juste lâche et bonne à bavasser (décevant).

Le bar était au bout de la rue et Siham remercia encore une fois tous les dieux qu'elle connaissait car au moins, ce n'était pas le Pegasus. Elle connaissait l'établissement de nom et n'y était jamais allée parce qu'elle n'était pas vraiment la clientèle visée n'étant ni assez hybride, ni assez né-moldue (quitte à frayer avec les gueux, autant direct aller dans des clubs moldus ou personne ne la connaissait hein). Par contre, vu la tronche qu'Hunter tirait, il devait en être autrement pour elle (cela aurait été trop facile sinon, hein ?). "Pas ici." Waw, ça s'était carrément jeté sur la porte. Et si Siham avait l'air un petit peu moqueur, elle n'en menait pas large intérieurement. "S'il-te-plaît, pas ici." Elle regardait partout sauf dans les yeux d'Hunter. "Qu'en penserait le lord ?" Sourire carnassier (elle se détestait), elle attrapa la blonde par le bras pour la pousser du chemin (elle se détestait encore plus) et... S'écarta de la porte pour laisser un groupe de jeunes avinés sortis fumer. Wallace relâchée dans la foulée - quelques jurons marmonnés en arabe pour marquer le coup - avant de soupirer. "Avec Burke aussi tu gâches les effets de surprise ?" siffla-t-elle alors même qu'entre la nuit et le degré d'alcoolémie, les fêtards n'avaient même pas du noter qu'elles étaient de la VB (mais Siham parla fort exprès pour y remédier).

tw: mention de pensées suicidaires et de haine de soi

Au-delà de l'amertume, c'est avant tout de la tristesse que recent Hunter face à la distance qui les sépare. Des réponses à demi mot, des regards fuyants et des rictus narquois. Voilà tout ce que lui sert Al-Massri depuis qu'elles sont arrivées à Birmingham. Elle lui fait l'effet d'une étrangère tapie dans le corps d'une vieille amie, si on peut dire les choses ainsi. Pas sûre qu'elles aient jamais été amies, en réalité, Hunter a toujours eu du mal à définir ce qu'elles étaient à l'époque. De toute façon, c'est bien l'avantage des relations cachées, il n'y a rien besoin de définir. Mais peu importe les murs qu'elle avait tenté de construire pour se protéger - de la carapace de Siham, des railleries de ses camarades, de son homophobie internalisée - Hunter était forcée de constater qu'elle les avait bâtis en contreplaqué plutôt qu'en béton armé. La distance émotionnelle qu'elle avait tenté d'instaurer lors de sa septième année n'était qu'une vaste mascarade qui perdurait encore aujourd'hui. Symptôme de cette situation : l'immense frustration qu'elle ressent face à ses “ Oui, bien sûr ” et autre expressions méprisantes qu'elle ne daigne même pas lui envoyer en pleine face. Hunter serre la mâchoire. En cet instant, elle la déteste. Mais elle déteste peut-être encore plus la part d'elle qui continue vainement de croire, d'espérer que la Siham qu'elle connaît est toujours là quelque part, et qu'il ne s'agit que de sa fidèle carapace, devenue plus urticante que jamais avec les années. Il suffit d'un rapide coup d'œil à sa Marque pour réduire cette idée en fumée.

Hunter s'interpose entre la handler et la porte du pub qu'elle a finalement reconnu. From making out in the hallways to arresting gay people together ne sonne pas vraiment comme une amélioration de leurs activités communes. Évidemment, sa tentative est complètement vaine puisqu'AL-Massri lui sert à nouveau une de ses piques au regard fuyant. “ Qu'en penserait le lord ? ” Elle lui saisit alors le bras et Hunter tente de la dégager d'un revers d'épaule. “ You're such a bitch! ” Elle n'a même pas le temps de lui cracher tout ce qu'elle a dans son répertoire que la porte s'ouvre sur un petit groupe de sorciers trébuchant à moitié en riant à gorge déployée. Hunter ne les remarque pas plus que ça, trop occupée à foudroyer du regard sa "partenaire" du soir. “ Avec Burke aussi tu gâches les effets de surprise ? ” Mâchoire qui se sert à nouveau. Elle repense aux missions qu'elle réalise avec Burke. A ce qu'elle est amenée à faire quand il est là. Hors de question qu'elle lui laisse cette chance là à elle.

“ Huney!!! ” La concernée détourne enfin son regard pour venir scruter le petit groupe qui vient de sortir du pub, dont l'attention a sûrement été captée par la dernière pique d'Al-Massri. Elle met quelques secondes à reconnaître d'où sort la voix - une sorcière à l'air trop enjoué et aux joues trop rouges pour remarquer immédiatement l'insigne brodée sur son uniforme. Une sorcière qu'elle a rencontré dans ce même pub, quelques soirs plus tôt, mais qui semble moins seule que la dernière fois qu'elle l'a vue. Good for her I guess. L'attention de tout le groupe est maintenant focalisée sur la fière escouade envoyée par la brigade et leurs expressions passent de l'ivresse euphorique à la peur de manière presque risible. Mais Hunter n'est clairement pas d'humeur à rire. Ils se passe quelques secondes beaucoup trop longues où tout le monde se dévisage - et où on réalise petit à petit que la bonne vieille Wallace qui paie sa tournée à chaque fois est en réalité une connasse de la VB. Quelques secondes que Wallace finit par interrompre avec un air agacé. “ Courrez, lance-t-elle avec évidence. ” Il y a un nouveau mouvement d'hésitation et quelqu'un qui finit par crier suffisamment fort pour qu'on l'entende depuis l'intérieur du pub (du moins faut-il espérer que la musique ne soit pas aussi forte que d'habitude) : “ La brigade !! ”

Hunter se tourne enfin vers Al-Massri. Elle sait que ça ne va pas se passer aussi simplement que ça. Elle sait que la sorcière n'a même pas besoin de baguette pour lancer un sort aussi que peut-elle bien faire pour l'empêcher de sauter à la gorge de ces pauvres gars qui commencent à détaler dans des directions opposées. Avec un peu de chance, l'un d'eux s'en sortira et ce sera sa victoire du jour. Mais ce n'est pas avec sa baguette bridée et le glyphe qu'elle sent picoter sur sa peau qu'elle va servir à grand chose. Néanmoins, elle lui saisit à son tour le bras, plus pour la distraire et laisser une chance aux autres de s'enfuir qu'autre chose. “ Je t'ai dis, pas ici. ” Elle se sent peut-être pousser des elles parce qu'elle n'est plus avec Burke. C'est peut-être aussi une manière inconsciente de régler ses comptes avec la sorcière. Inconsciente aussi dans le sens où rien ne lui garantit qu'Al-Massri ne va pas tout simplement activer son glyphe et mettre un terme à tout ce cirque une bonne fois pour toutes. Peut-être que c'est justement ce qu'Hunter cherche à voir. Jusqu'où est-elle prête à aller pour son Lord ? Hunter a-t-elle raison de croire qu'elle n'est pas vraiment comme Burke et les autres, ou bien est-elle juste profondément stupide, auquel cas une hound de plus ou de moins ne changera pas vraiment la face du monde ? En particulier une hound aussi naïve, qui, si elle était vraiment honnête, admettrait que l'activation de son glyphe est une issue plus alléchante que celle que sa soif brûlante la force à envisager depuis le début. “ Je te laisserai pas. ” Phrase aussi inutile que ridicule mais est-elle à ça prêt ?

cw. violence (mentions)

Siham sentait le mal de crâne arriver à des kilomètres à la ronde sans même avoir l'odorat surdéveloppé du hound moyen. Elle avait lâché le bras Hunter, main restant un instant en suspens dans le vide avant de glisser le long de son corps. Pour l'entrée en toute discrétion, c'était raté (un peu de sa faute ou plutôt grâce à elle, c'était mieux s'il n'y avait pas trop d'arrestations non ?). La situation tournait au chaotique ridicule (soit l'alignement dnd de pas mal de ses collègues), les gens bourrés couraient de partout et il y avait même une fille qui s'était stoppée en mode super contente de voir l'autre blondasse avant de réaliser quel uniforme ladite blondasse portait. Après les insultes (Siham lui avait décoché un regard noir de compétition), les conseils dans la lignée fuyez pauvres fous alcoolisés, histoire de bien saboter la mission (quel dommage).

La sorcière l'eut un peu plus mauvaise quand ce fut à son tour de se faire attraper par le bras. Cela faisait longtemps qu'elle n'avait pas été si proche d'Hunter, elle pouvait presque lire le je ne dois pas sortir la nuit qui lui ornait le dos de la main (ou du moins l'imaginer, pas sûr qu'il en reste grand chose avec les années). "Je t'ai dis, pas ici." Le regard d'abord surpris passa au blasé. Elle recevait carrément des ordres maintenant. Le bar était si bien que ça ? Siham ne l'aurait pas juré au vue de la devanture un rien défraichie. "Je te laisserai pas." Petit sourire suffisant, yeux sombres plongés dans ceux noisettes d'Hunter, l'air de dire empêche moi. "Tu t'es soudainement découverte une conscience ou il y a autre chose Huney ?" Et la main libre de Siham pointa nonchalamment en direction de la fille que l'hémovore connaissait (elle n'était même pas si jolie que ça). Such a bitch, right ?

Ok, Wallace n'avait pas choisi d'entrer chez les hounds mais avant, elle était quand même de la BPM ce qui était à peine mieux (ou plutôt moins bien selon la guerre VB vs BPM qui n'intéressait personne à part les protagonistes) alors ses petites actions de justicière du dimanche... Puis merde, elle la prenait vraiment pour un espèce de monstre ou tout simplement pour l'adepte moyenne du Lord. Dans les faits, ce n'était pas faux, même que Siham faisait de son mieux à coller à l'image. Mais de là à ce qu'Hunter - fille à qui elle avait quand même écrit deux-trois poèmes jamais donnés (et heureusement parce que son don pour la poésie était inversement proportionnel à son talent pour foutre des chassés dans la gueule de ses adversaires, on était donc très loin d'al-Mala’ika) -  pense qu'elle allait salement dégommer des gens "comme Hunter" sous ses yeux ? Il y avait des gens devant lesquels il était plus dur de se la jouer facho convaincue, surtout quand ces derniers se la jouaient tous blancs tous innocents alors qu'ils ne valaient pas mieux (puis qu'au fond, elle n'était même pas comme ça mais qu'il fallait bien faire illusion).

Elle était en rogne maintenant (il ne lui en avait jamais fallu beaucoup pour qu'elle s'énerve, Hunter était prodigieusement agaçante). "Tu me prends pour qui au juste ? Tu pensais que j'allais entrer, faire un massacre et tout incendier ?" Exemple d'action hypothétique remarquablement mal choisie. Quiconque la connaissant un peu savait sa passion pour les boîtes d'allumettes couplées aux bidons d'essence. Siham ne sembla pas s'en rendre compte, occupée à fulminer. "Je ne suis PAS Burke" finit-elle par cracher, saisissant le poignet d'Hunter encore accroché à son bras (la peau était froide sous ses doigts, ça lui fit bizarre). Ni Burke, ni Beckett soit. Mais il y avait un monde entre les deux qui laissait la place à toute une gamme d'interventions plus ou moins civilisées (et un poil douteuses car estampillées VB).

La mission lui donnait la nausée depuis le début mais la mission était réalisable sans rayer de la carte tout le quartier. Siham comptait donc entrer dans le bar, éclater au sol le premier qui protesterait pour donner l'exemple, casser deux-trois trucs, renverser deux-trois tables (mouvement à haut potentiel drama-queen, elle aimait) et se contenter d'embarquer le patron (parce que s'il n'arrivait pas à s'enfuir avait qu'on ne lui mette la main dessus, ça devenait son problème, il n'avait qu'à courir plus vite). "Alors maintenant tu me lâches, t'arrêtes ton numéro et si tu tiens tant que ça à ton inutilité, tu n'as qu'à rester là et me garder ma tasse. Elle lui fourra son mug dans la main, espérant qu'Hunter ne lui renvoie pas à la gueule car un, ça ferait mal, deux c'était son mug parce que même si le slogan était nul, il avait une jolie couleur. Les yeux de nouveau plantés dans ceux d'Hunter (ou peut-être un peu au-dessus), Siham attendit une poignée de secondes pour lui laisser le temps de répondre, muscles bandés prête à agir si les mots ne lui convenaient pas. 

“ Tu t'es soudainement découverte une conscience ou il y a autre chose Huney ? ” Hunter ne cille pas, pas même pour jeter un œil en direction de la sorcière désignée par Al-Massri. Elle garde son regard furieux planté dans celui de la handler, l'air de lui répéter fuck you fuck you fuck you quinze fois. Parce que c'est tout ce qu'elle est capable d'articuler dans son esprit, où se bousculent un mélange de culpabilité, de honte, de haine et de frustration. Elle déteste se laisser atteindre aussi facilement. Elle déteste cet air suffisant et elle déteste encore plus qu'elle ait raison. Au fond, Hunter n'est qu'une hypocrite qui ferme les yeux sur son quotidien et qui évite soigneusement de croiser son reflet une fois rentrée chez elle. “ Tu peux parler. ” Sa voix grince, amère, parce qu'Al-Massri n'est pas la mieux placer pour parler conscience mais de toute évidence, elle n'en a plus rien à faire. Et puis c'est toujours plus simple de blamer la personne d'en face plutôt que de regarder ses propres torts. “ Tu me prends pour qui au juste ? Tu pensais que j'allais entrer, faire un massacre et tout incendier ? ” Quelque chose change dans son expression. C'est imperceptible mais c'est bien là. Le doute. L'espoir. Peut-être... Peut-être que Siham n'a pas tellement changé. Elle aimerait y croire, mais c'est difficile quand la Marque pulse à quelques centimètre d'elle. C'est difficile quand elle la voit partir tous les jours faire elle-ne-sait-quoi en mission et c'est difficile de ne pas croire les bruits de couloirs et la réputation qu'elle se traîne à présent - pourtant, Hunter should know better que d'écouter les ragots sur Al-Massri, n'est-ce pas. “ Je ne suis PAS Burke. ” Poigne ferme et brûlante sur son propre bras pâle et glacé. Le contact la fait légèrement frissonner. Elle lâche un nouveau rire amer. “ C'est pourtant pas l'impression qu'tu m'donnes. ” Les yeux d'Hunter glissent ostensiblement vers le tatouage immonde qui danse sur l'avant-bras de la mangemort. Une moue de dégoût se peint sur son visage. C'est de la provocation, rien que de la provocation. Parce qu'au fond elle sait que Siham n'est pas Burke. Elle n'a rien de Burke et ne l'a jamais été. Mais il y a cette incompréhension, cette peur de s'être trompée. D'être blessée si Siham est bel et bien devenue un monstre. Ou pire, si elle l'a toujours été. Alors elle provoque, comme elle sait si bien le faire, jusqu'à ce que Siham lui dise d'elle-même de quel côté de la barrière elle se trouve.

“ Alors maintenant tu me lâches, t'arrêtes ton numéro et si tu tiens tant que ça à ton inutilité, tu n'as qu'à rester là et me garder ma tasse. ” Et voilà qu'elle lui refourgue son vieux mug dans les mains comme à un elfe de maison. Hunter voit rouge et presque automatiquement, elle lui remet la tasse d'un geste tout aussi vivace. “ C'est facile de monter sur tes grands chevaux et de t'donner des airs mais comment tu peux oser me parler de conscience quand tu l'as rejoint ? ” Elle lui saisit à nouveau le poignet pour mettre en évidence la Marque (elle prend soin de ne pas la toucher et de ne pas la regarder). “ C'est pour faire plaisir à tes parents ou parce que tu t'es dit que ça s'rait assorti à ta garde-robe ? ” Elle marque une pause. Être si proche d'elle (pour la première fois depuis cent-treize ans), fait ressortir tout un tas de souvenirs qui muent sa colère en peine (et sa peine nourrit sa colère bref she's a mess). “ Parce que j'ai du mal à comprendre... J'suis p't'être naïve mais j'vous pas comment toi tu as pu... ” Elle ne finit pas sa phrase. “ Éclaire-moi. ” Lueur de défi qui ne quitte pas ses prunelles, le cœur qui bat à tout rompre d'appréhension, elle ne remarque presque plus les sorciers qui continuent de fuir le bar dans la précipitation.

"C'est pourtant pas l'impression qu'tu m'donnes." Heureusement, non ? Ou pas. Siham ne savait pas trop des fois mais cela faisait plus de dix ans qu'elle tenait le rôle, il aurait été mal venu d'avoir aucune crédibilité en tant que mangemort même si Burke était rien que physiquement aux antipodes. Mais quand même, c'était Hunter, elle la connaissait mieux que ça, non ? - Il fallait se foutre de l'avis d'Hunter. - Siham suivit son regard et fut presque surprise de tomber sur la marque à son avant-bras. Elle aussi esquissa une moue dégoûtée, tenta de la faire passer pour celle qu'arboraient les sang-purs face aux hémovores trop ramenards.

Petite tentative de régler la mission en solo pour mettre vite fin à la mascarade, vite rentrer, vite rejoindre sa machine à café adorée, vite avortée par Hunter qui manqua de fracasser la tasse par terre (Siham ne s'était pas attendue à ce qu'elle la lui rende, elle n'avait pas vraiment l'habitude qu'on n'aille pas dans son sens lorsqu'elle commençait à s'impatienter). Regard furibond, un instant elle se demanda si ça allait déraper en octogone sans règle avant de se rappeler qu'en face, c'était prodigieusement agaçant mais pas Alvarez. "C'est facile de monter sur tes grands chevaux et de t'donner des airs mais comment tu peux oser me parler de conscience quand tu l'as rejoint ?" Elle roula des yeux, s'apprêta à répondre un truc bien cassant mais fut coupée nette par la main froide d'Hunter de nouveau sur sa peau. Le plus ironique était peut-être que les doigts d'Hunter étaient posés pile au niveau du cercle de l'Ordre et Siham n'avait plus qu'à prier que la magie ne vacille pas. Les restes de henné et même la couche de fond de teint qu'elle avait utilisé pour le recouvrir ne suffiraient pas à le dissimuler quand on avait littéralement la main dessus. Elle aurait aimé redescendre la manche de son uniforme pour cacher la marque (parfois, elle rêvait qu'elle s'arrachait la peau à force de gratter et que la douleur n'était rien au final comparée à la nausée permanente (mais ses feudeymons n'avaient jamais été aussi grands)).

"C'est pour faire plaisir à tes parents ou parce que tu t'es dit que ça s'rait assorti à ta garde-robe ?" Siham aurait pu répondre qu'elle n'avait jamais été emo au point de verser dans le tatouage d4rk de fille rebelle, qu'elle avait toujours eu un minimum de goût et un minimum horreur des serpents mais elle était restée bloquée au mot parents (elle-même trouvait ça pathétique à quasiment trente ans). "Laisse ma famille en dehors de tout ça !" cracha-t-elle. Surtout maintenant qu'ils avaient même enterré Nahel, qu'il ne restait quasi plus que des ruines et des mauvais souvenirs. "Parce que j'ai du mal à comprendre... J'suis p't'être naïve mais j'vous pas comment toi tu as pu..." Le bar, les fuyards, même la main d'Hunter autour de son poignet, tout était oublié au profit de l'air de défi peint sur la face d'Hunter. Siham ne marchait pas à la provocation, elle courrait. "Éclaire-moi." Et l'envie de surenchérir la prit aux trippes, car elle n'avait de compte à rendre à personne et encore moins à une hound de la VB qui se contentait d'obéir aux ordres sauf quand c'était Siham qui les donnait.

"J'ai fait ce que j'avais à faire pour le bien des miens." Même pas un mensonge, fallait juste déterminer qui étaient vraiment les siens (si la blonde savait qui lui avait demander de prendre la marque...). "Et au moins, je me suis positionnée moi." Elle n'était pas restée à mener sa petite vie à attendre que ça passe (elle n'aurait pas pu de toute façon, avait du mal à comprendre que ça ne soit pas le cas pour tout le monde). Elle préférait même passer pour un monstre (elle l'était peut-être un peu dans le fond et avec Longbottom entre les mains des Carrow...) plutôt que pour une lâche. "Pourquoi n'es-tu pas avec Alvarez ? C'était le grand amour pourtant." Sourire plein de fiel volé à Angel. Parce qu'il aurait fallu être aveugle pour voir comment Hunter regardait Elena (et comment elle n'avait jamais regardé Siham même à l'époque, quand elles étaient tout sauf ensemble). Mais sous la provocation et le regard franchement glacial, elle se posait vraiment la question. Les Weasley avaient rejoint l'Ordre tout comme Jordan et Alvarez. Elle même avait été débauché par Amalthe quasiment à sa sortie de Poudlard, Joseph avait été recruté également à cette période là. Quasiment toute la promotion était passée du côté des résistants (de quoi rendre la vieille McGonagall fière), tous sauf Hunter (à moins que ? peut-être qu'elle aussi espionnait, Siham aimerait bien). "T'as pas assumé ?" ajouté d'un ton doucereux, comme si ça n'avait pas été leur spécialité à toutes les deux de ne rien avoir assumé du tout au point de changer de trottoir pendant des années plutôt que de se croiser.

“ Laisse ma famille en dehors de tout ça ! ” Hunter a un rictus et le coin de son œil se pince légèrement. Elle a une forme de satisfaction mal placée à l'idée de savoir qu'elle a tapé là où ça fait mal tout en se sentant profondément nulle. Fuck, elle déteste ça. Elle déteste cette conversation et elle déteste Siham et plus que tout elle se déteste. “ J'ai fait ce que j'avais à faire pour le bien des miens. ” Nouveau rictus, vocal cette fois. Alors c'est vraiment pour ça ? Vraiment pour sa famille ? Hunter a du mal à y croire. Ou peut-être qu'elle refuse tout simplement de voir la vérité en face ? Peut-être qu'elle a toujours trouvé des excuses à Siham parce qu'elle s'en voulait de l'avoir traitée comme elle l'a fait pendant des années. Peut-être qu'elle n'a jamais vu que ce qu'elle voulait voir chez elle parce qu'elle avait besoin de quelqu'un pour lui faire oublier Lena et combien elle se sentait en dessous de tout. “ Et au moins, je me suis positionnée moi. ” Une gifle lui aurait fait le même effet. Hunter sent toute sa colère et sa frustration en ébullition et elle aimerait lui cracher qu'il vaudrait par fois mieux fermer sa gueule avant de se féliciter d'avoir rejoint le Seigneur des Ténèbres plutôt que de rester neutre mais Siham a, comme toujours, visé dans le mille. Tout son fiel ne dépasse pas la barrière de ses lèvres et Hunter se contente de lui jeter un regard assassin, dans le genre qui pourrait presque envoyer des flammes mais hors de question de lui donner cette satisfaction. “ Pourquoi n'es-tu pas avec Alvarez ? C'était le grand amour pourtant. ” “ Shut up! ” La remarque fuse presque instantanément. Elle n'a pas le droit. Elle n'a pas le droit de ramener Lena dans tout ça. Hunter tente de chasser le regard de déception et d'incomprehension qu'Elena lui a lancé quand Hunter lui a dit qu'elle n'irait pas avec elle. Sans doute le moment qu'elle regrette le plus. L'idée que les choses aient pu être radicalement différentes lui a bien souvent effleuré l'esprit. L'idée qu'elles aient pu avoir une chance et qu'elle l'ait balancée dans la gueule du dragon la hante encore aujourd'hui. L'idée qu'elle ait tiré un trait sur leur amitié... Et pour quoi au juste ?

“ T'as pas assumé ? ” Sa mâchoire se serre légèrement alors qu'elle reporte son attention sur la mangemort. L'idée de planter ses crocs dans sa nuque et de taire ce ton suffisant lui traverse l'esprit. Au lieu de ça, Hunter se recule légèrement et lâche enfin le poignet de Siham. Elle secoue légèrement la tête, son regard toujours vissé dans celui de la sorcière. “ Je croyais vraiment que j'pourrais faire la différence, avoue-t-elle avec une amertume non dissimulée. J'pensais que j'pourrais faire quelque chose de l'intérieur. ” Elle a un rictus, parce qu'elle se rend compte de combien elle a pu être naïve. Et de combien elle n'en a plus rien à faire qu'une mangemort soit au courant de son réel alignement politique. Après tout, c'est pas comme si elle pouvait faire quelque chose pour se rebeller, avec son triangle sur la joue et son glyphe dans le cou. “ J'ai essayé. ” Elle secoue la tête en pensant à toutes les missions qu'elle a saboté à la BPM, à toutes celles qu'elle a enrayé pour l'UIC, dès qu'il s'agissait de l'Ordre ou d'innocents nés moldus. “ Mais... La vérité c'est qu'j'étais juste stupide, hein ? ” Nouveau rictus amer. “ Vraiment stupide. ” (Et égoïste) “ J'ai jamais rien pu faire de plus qu'aider quelques innocents à s'échapper comme là. ” Elle pointe distraitement en direction du bar d'où s'échappent encore quelques personnes. C'est tellement ridicule. “ Alors en fin de compte j'le mérite, hein ? ” Rapide geste en direction du triangle rouge. “ Pour avoir été si naïve. ” Et faible. “ J'peux même plus m'regarder dans l'miroir. J'suis devenue un monstre. ” Son visage est toujours amer. Pas triste, résigné, et avec un un éternel rictus pour ironiser la situation. “ J'suis un monstre, et toi aussi. ” Elle se rapproche à nouveau de Siham, son regard ne cille jamais. “ Est-ce que tu peux te regarder dans un miroir ? ” Puis, pointant à nouveau sa marque. “ Est-ce que tu peux regarder ça ? ”

Siham pensait avoir visé juste, Alvarez balancée dans la conversation tout sauf innocemment. Pour que ça pète et que ça s'énerve un bon coup comme elle savait très bien le faire. Une fois furieuse, tout lui était plus facile : les missions de la VB, les arrestations pour des motifs douteux et même écarter Hunter de son chemin d'un maléfice bien senti. Elle avait entrevu la réussite puis tout était retombé, comme un soufflet, la laissant face les yeux ronds d'étonnement. "Je croyais vraiment que j'pourrais faire la différence" Siham récupéra son poignet, le frotta machinalement, regardait un peu partout sauf trop vers la blonde. Rien que le ton de sa voix la rendait mal à l'aise. "J'pensais que j'pourrais faire quelque chose de l'intérieur." Gloussement moqueur retenu de justesse. Ok Potter mais pour changer les choses de l'intérieur, il ne fallait pas déjà être quelqu'un ? Ou du moins plus qu'Hunter Wallace qui ne pesait pas lourd face à... Abram Carrow qui hantait ses cauchemars depuis des années ? Ou dans une moindre mesure rien que le handler attitré d'Hunter faisait froid dans le dos (sans parler de son épouse qui allait quand même tuer des monstres marins avant le petit-déj). "J'ai essayé." Il lui faudrait le petit ballon Merci d'avoir participé songea Siham qui pensait toujours aux pires punchlines quand elle ne savait pas où se mettre. "Mais... La vérité c'est qu'j'étais juste stupide, hein ?" Oui. Non. Peut-être. Elle avait un petit faible pour les idéalistes  "Vraiment stupide." Si elle insistait. "J'ai jamais rien pu faire de plus qu'aider quelques innocents à s'échapper comme là. - T'y arrives très bien" grinça Siham qui se devait de l'avoir mauvaise (surtout qu'il y en avait qui couraient vraiment pas vite, ça tenait de la sélection naturelle à ce stade).

"Alors en fin de compte j'le mérite, hein ?" Siham posa enfin vraiment son regard sur le triangle écarlate et ne put constater que ça ne changeait pas tant Hunter que ça. Qu'elle avait même un joli teint et que dans l'absolu elle ne méritait rien (sauf son ballon claqué). "Pour avoir été si naïve." Les confessions s'éternisaient, elle était à deux doigts de regarder l'heure ou mieux, de chercher une issue de secours. "J'peux même plus m'regarder dans l'miroir. J'suis devenue un monstre." Normal, les vampires étaient censés ne pas avoir de reflet (dixit les moldus, elle n'était pas censée avoir la référence). Mais ils n'étaient pas des monstres (Rayane n'en était pas un, Nahel n'en était pas un, Curran en était peut-être un (ou juste un robot)). "J'suis un monstre, et toi aussi." Nous y voilà. "Est-ce que tu peux te regarder dans un miroir ?" Hunter croyait qu'elle faisait ses traits d'eye-liner à l'aveuglette peut-être ? (Elle avait raté à ce point son maquillage ?) "Est-ce que tu peux regarder ça ?" Cette fois-ci, elle put remonter la manche de son uniforme jusqu'à son poignet, soustrayant une bonne fois pour toute la marque aux regards dégoûtés d'Hunter.

Elle resta silencieuse un moment, ne sachant pas trop quoi répondre à part un "ok" maladroit. "Qu'est-ce que tu veux que je te dise ?" Elle voulait un câlin ? Qu'on lui dise que tout allait s'arranger, qu'on lui paie un chocolat chaud et qu'on l'enroule dans un plaid ?  Ce n'était pas comme si Siham pouvait le faire (ou le voulait, elle n'était pas une putain de poufsouffle). Elle était handler, mangemorte de surcroît  alors les petites traîtresses... "Et pourquoi tu me racontes tout ça ?" Ton froid mais l'air impassible-ennuyé était moins convaincant que d'habitude. Elle comprenait un peu, préférait la fille stupide à  l'autruche (quoique dans le fond elle n'avait pas d'avis à donner) mais aurait quand même choisi d'accomplir la mission sans y mettre trop de zèle plutôt que la session confession. Elle aimerait presque vider son sac à son tour, dire que non, cela faisait des mois qu'elle évitait de fixer son bras (ou alors restait des heures yeux dans les yeux avec le crâne comme si ça allait le faire fondre), que depuis qu'elle avait pris la marque c'était la merde et qu'elle faisait n'importe quoi. Mais Siham ne pouvait pas parler de ça (même à l'Ordre, elle ne savait pas trop ce qu'ils réservaient aux espions qui dérapaient, surtout maintenant qu'elle avait la capture de Neville à son palmarès). "Tu ne veux pas qu'on y retourne ?" finit-elle par demander, désignant le bar de la main, presque timidement (elle était nulle en gens trop bavards, elle irait presque demander un verre au barman pour s'en remettre). "On finit vite et on en parle plus." Voire même on ne parlait plus tout court et surtout pas de miroir et de monstruosité.

Là le miracle fut : Hunter se mit en mode professionnel et arrêta de faire chier (carrément louche en fait). Siham posa soigneusement sa tasse dans un coin, se mit en mode professionnel et arrêta également de faire chier (ce n'était plus une mission de la VB mais un concours de dissociation). L'histoire fut pliée en un temps record vu que la plupart des gens avaient fui et l'alcool avait eu le temps d'être caché. Il avait juste fallu renverser trois-quatre verres avec l'air féroce, glisser quelques menaces et refuser l'argent proposé car jamais la brigade n'acceptait de pot de vin (du moins pas Siham mais si par contre ils avaient du café, elle voulait bien qu'on remplisse sa tasse). Bref, un succès finalement, au point que la brune leva même sa main pour faire un check avant de se rappeler que ce n'était pas Rayane mais Hunter qui était très certainement en train de réfléchir à la meilleure méthode de se débarrasser de son corps (elle avait illico fait semblant de remettre une de ses mèches de cheveux en place avant de se noyer dans son café).