tw: mention de secte, de mort, de bullying, de ptsd

Tu es lentement en train de te ratatiner sur toi-même en sentant le regard pesant de l'Archiviste sur toi - et puis, tu essayes vainement de cacher ton embarras à la remarque d'Artie et son doigt pointé dans la direction générale de ton torse. Peut-être qu'avant tu aurais trouvé la force de la réprimander, en faisant passer ton rougissement pour de l'énervement; peut-être qu'avant tu n'aurais même pas daigné lui montrer la moindre sympathie, et lui aurait simplement envoyé un sortilège à la figure.
Mais ce que vous avez là est bien trop fragile pour que tu oses trop chambouler (encore!) le lien qui vous unit. À peine rematérialisée de l'autre côté du Voile, tu as l'impression d'être un hématome encore frais: tendre, douloureuse et commençant lentement à s'étendre.

Tu écoutes la conversation entre le dénommé Adhémar et Artie sans rien dire, même si tu les espionnes avec une attention obsessionnelle, notant les intonations impatientes d'Artie et celles bizarrement plates de l'autre homme. Quand vous passez devant lui en toute hâte, toi menaçant de trébucher sur tes propres pieds dans ta précipitation, tu sens ses yeux bleus qui picorent ton profil. Ta peau te démange, et tu ravales ton malaise en enfonçant le bas de ton visage dans le col du hoodie. "You might want to introduce your friend from the other side to Islabeth, Arthur! - Will do, bye!" Tu jettes un regard en coin à Artie, qui ne relève pas la remarque pourtant équivoque. Tu ne sais pas quoi en penser, et tu ronges ton frein.

Tu pensais naïvement que les vibes de l'Institut ne pouvaient pas devenir pires: tu te trompais. En entrant, tu sens tes oreilles se remplir d'un bourdonnement désagréable et tu grimaces en sentant ta vision devenir momentanément trouble. Tu as la singulière impression que l'AMI est en train de t'inspecter ou de voir à travers quoi, ou alors que quelqu'un vient de jeter un sort de Divination à ton encontre pour révéler tes intentions.

C'est vrai, ça, qu'est-ce que tu fais là, Priam? Tu sais intimement que tu te rapproches de ton corps et des circonstances de ta mort. Mais tu n'as pas vraiment envie de savoir, n'est-ce pas? Tu ne veux pas te souvenir. La douleur, le sang, la séparation avec le monde des vivants... la fin de votre lien privilégié avec Artie. Elle nous sera peut-être utile, mais tu dois me promettre de ne pas me trahir. Sinon, c'est elle qui en souffrira.

"Ade is a weirdo but he’s harmless…" Tu clignes lentement des yeux en te rendant compte que tu t'es arrêtée de marcher en plein milieu d'un couloir. Tu te hâtes pour rejoindre Artie, qui est apparemment en train de parler... tu t'en veux de ne pas avoir entendu le début mais qu'importe: tu espère qu'elle ne remarquera pas ton inattention. "I mean, it seems to be a requirement to work there…" Comme souvent, tu n'entends pas le non-dit dans ses mots - la subtilité n'a jamais été ton fort. "Being harmless is a requirement?" tu marmonnes, confuse, parce que cet endroit et l'Archiviste te semblent tous les deux être tout sauf inoffensif. "I think that’s why they’re keeping me… I uh— appear in weird circumstances, carrying and saying weird stuff…" Tu finis pas comprendre qu'elle voulait dire la partie weirdo et tu renifles. Artie n'est pas weird (tu tiens beaucoup de fierté dans le fait de l'être, à excès parfois). "I mean, you're carrying a sword with you everywhere you go. That's weird," admets-tu après une pause, en regardant l'épée posée sur son épaule avec son balai. La manière qu'ont ses biceps de se tordre quand elle fait ça est vraiment distrayante; tu détournes les yeux.

"Do you like it?" Tu penses à un moment qu'elle parle de ses biceps et tes yeux s'exorbitent, ta bouche déjà tordue dans une litanie de négation, mais tu es fort heureusement interrompue avant d'être embarrassée plus que nécessaire: "I can show you the library, if you want; you love books and uh— their content? - ... Artie, why would anyone like books except for their content," souffles-tu, comme si tu ignorais le fait que la majorité des livres achetés par Artie une fois adulte l'étaient à cause de leur couverture. "They even have stuff about Camelot, like, not actually written by the nuns! People actually studied the cult?? It’s so weird, I feel like a superstar, you know! - What." Tu fronces les sourcils en l'entendant. Tu attends à ce qu'elle te dise que c'est une blague, mais rien ne vient.
Alors tu convoques toute la condescendance arrogante de ton vivant, tout le savoir de ta famille immémoriale, toute la force du Prince Sans-Mort, et ton menton se lève, et ta bouche se pince alors que tu dis, sentencieuse, méprisante: "Impossible."

Tu as tort. Artie n'est que trop contente de te le montrer, te guidant à travers le dédale de couloirs qui te font mal à la tête, jusqu'à la plus belle librairie que tu aies jamais vu de ta vie. Une autre Archiviste, qui te donne l'impression d'une araignée, vous regarde entrer d'un air méfiant, mais tu n'as pas d'yeux pour elle: ils sont rivés sur les innombrables rangées de livres qui s'offrent à toi.
Artie te guide jusqu'aux ouvrages mentionnés et tu tournes les pages lentement, fascinée et à la fois profondément choquée de voir, effectivement, des études avoir été conduites et écrites sur l'environnement de votre enfance. Tu grimaces quand tu vois une photo d'un groupe de jeunes adeptes avec leurs tonsures (vous n'aviez le droit de laisser pousser vos cheveux qu'à votre entrée à Hogwarts) faisant la queue leu leu devant un bâtiment administratif.

Tu te sens un peu malade, mais pas autant que tu pensais. Tu caresses pensivement la photo, en te remémorant le visage d'Artie à cet âge, les vêtements trop grands et crades dont on l'avait vêtue, le fait qu'on lui ait fermé toutes les portes au nez, qu'elle n'ait jamais eu la moindre famille, lea moindre ami.e, la moindre attention, affection, amour, pendant votre temps à la Citadelle.
Tu te sens un peu plus malade, et tu refermes le livre dans un claquement sonore.

"You're already a superstar," que tu lui dis en relevant les yeux vers elle, vers ses tâches de rousseur, autant d'étoiles sur sa peau, et ton visage fait cette expression étrange qui n'est pas du tout un sourire (tu fronces trop les sourcils et fais trop la moue pour ça), mais qui est l'équivalent d'un sourire pour toi. "There's a picture of your face in the dictionnary next to the word moron, remember?" Tes lèvres tressautent, et tu détournes le regard. "When you say you were saying weird stuff... what kind of stuff, Artie?"

Vous êtes - comme toujours - interrompues par une porte qui s'ouvre. Il n'y avait pas de porte sur ce mur avant, et tu regardes la nouvelle arrivant d'un air consterné. Elle est immensément grande, incroyablement effrayante, et franchement malaisante; comme par magie, elle est rapidement rejointe par Adhémar dans l'autre angle de ton champ de vision. "Well well well! Arthur, what a great surprise! You must be Priamhark. How joyful!" Ils se rapprochent de vous comme deux prédateurs entourant leur proie; tu te presses à Artie, épaule contre épaule, en devenant blême. "I was thinking we could make a short trip to go and see your corpse, what do you think? I think you have many things of interest to tell us. Don't worry, Iseul and Adhémar here will take great care of Arthur." Quand est-ce que la troisième Archiviste est apparue dans ton angle mort? Tu te serres un peu plus à Artie.

"I..." Tu ne sais pas quoi dire, et tu sens quelque chose comme de la panique enfler dans ta poitrine, tes yeux verts papillonnant autour de vous avec angoisse, en réalisant que vous êtes piégée. "I don't want to..." Tu n'arrives pas à dire ces mots à haute voix: que tu n'as pas envie d'être séparée d'elle, de ne plus l'avoir sous les yeux, de peur qu'elle te soit arrachée pour de bon.
C'est Adhémar qui te rassure, avec un sourire aussi plat que son regard. Sa voix n'est ni amicale ni chaleureuse, mais rassurante tout de même - quand bien même il a a voix de quelqu'un ayant fumé trois paquets de cigarettes dans les deux dernières heures. "She doesn't want to see this. She... can't see this. We don't know why but... she can't come."

Tu comprends alors que les Archivistes sont arrivés à la même conclusion que toi, et tu jettes un regard coupable à Artie, qui n'a pas l'air d'en mener large. Tu déglutis, et réalises que tu as attrapé sa main dans ton émoi; tu la relâches brusquement, comme si elle t'avait brûlée. "I'll go with them," dis-tu lentement, essayant d'insuffler dans ta voix quelque chose qui n'avait jamais eu raison d'être entre vous: de la réassurance, et de la confiance.
Tu la regardes dans les yeux, et ça te fait mal et te donne envie de hurler, mais Artie a des grands yeux bruns qui débordent de plein d'émotions que tu n'arrives pas à déchiffrer mais qui sont rassurantes pour toi comme un baume sur tes propres sentiments malmenés. "It's fine, I'll go with them and I'll see you right afterwards, yeah? It's- I'm sure it's fine. We'll sort this out and then maybe we can... I don't know... go to McDonald's or something... and you can show me your new sword tricks... and it'll be fine. Alright, Artie?" Avant, tu agissais sans jamais demander son opinion, n'ayant pas d'égard à l'idée de l'abandonner, encore et encore, comme on se débarrasserait d'un chiot sur le rebord de la route; désormais, cette simple perspective te déchire le coeur. "I'll be right back." C'est les derniers mots que tu lui as adressés avant de partir au-delà du Voile.

Si l’attention d’Artie n’est pas complètement tournée vers Priam parcourant les livres sur la Citadelle, c’est parce qu’elle surveille la Toile du coin de l’œil. Du reste, elle s’empresse de faire tourner les pages plus vite à Priam, lui montrant le peu de photos qu’on avait pu arracher au Culte, les visages flous sur les impressions de mauvaise qualité, et elle insiste d’ailleurs, certaine que cette silhouette un peu vague, tenant un balai et un seau d’eau, c’était elle (rien n’était moins sûr, sachant que le cliché datait de quelques dizaines d’années avant sa naissance).
Artie n’est pas dupe; elle se souvient d’avoir souffert, pendant son enfance. Elle se souvient des punitions, du froid, des vêtements qui grattent. Elle se souvient de l’indifférence de Priam, de ses parents. Elle se souvient des exercices dans le froid et des professeurs intransigeants. Son enfance à la Citadelle avait été aussi dure et rigide que les murs du château. Mais c’est consciemment qu’elle refusait de n’en retenir que ça, et tout aussi consciemment qu’elle recouvrait le tout d’une couche nostalgique et parfois même amusée.

"You're already a superstar," Artie détourne son regard du couloir qu’elle fixait, persuadée d’avoir vu la Toile les surveiller. Lorsqu’elle plante ses yeux dans ceux de Priam, comme à chaque fois qu’elle quémandait son approbation, son visage est rouge et chaud. "There's a picture of your face in the dictionnary next to the word moron, remember?" Artie fait la grimace, ignorant si elle a envie de rire ou de cringe: "Fuck, I love you—r joke so much, siffle-t-elle entre ses dents, se pinçant l’arête du nez.
"When you say you were saying weird stuff... what kind of stuff, Artie?" Artie fronce un peu les sourcils: "Hmm, things like… I wanted to go back, but also like how much I didn’t want to go back? I guess at some point I mentioned that I failed… and uh something about a g—" "Well well well! Arthur, what a great surprise! You must be Priamhark. How joyful!" Par réflexe, Artie s’est elle aussi figée, collée à Priam, tous ses muscles se crispant d’un coup à mesure qu’Isla approche. Sans bouger d’un poil, elle ne lâche pas Isla, ni Adhémar des yeux. "I was thinking we could make a short trip to go— - Wait, what no! gémit Artie en tournant sur elle-même, réalisant que la Toile était apparue, sûrement la seconde près où elle avait arrêté de la surveiller. "I think you have many things of interest to tell us. Don't worry, Iseul and Adhémar here will take great care of Arthur."

"I… I don’t want to… [color=indianred]- She said she doesn’t want to!"[/colo] proteste Artie à l’intention de la Toile, chouinant suffisamment fort pour ne pas faire attention à Adhémar (how convenient); mais ce qu’il dit semble faire mouche, puisque l’instant suivant, Priam change d’avis: "I’ll go with them." Artie lui attrape son autre main (elles se tenaient déjà la main?): "You don’t have to, Priam! - It's fine, I'll go with them and I'll see you right afterwards, yeah? Artie secoue la tête de gauche à droite, la lèvre tremblante, son pouce pressant à intervalles nerveux le dos de sa main. Elle est envahie d’un sentiment d’alerte, d’un sentiment de perte. "It's- I'm sure it's fine. We'll sort this out and then maybe we can... I don't know... go to McDonald's or something... and you can show me your new sword tricks... and it'll be fine. Alright, Artie?" Son menton tremblote de bas en haut désormais, alors que Priam est parvenue à la persuader à son tour.

Les dernières paroles de Priam résonnent dans sa tête, et une tristesse sans fond saisit Artie à la poitrine. Elle se sent aspirée, éloignée de Priam (la Toile est déjà en train de conduire Artie ailleurs (how?? she’s not even moving!!)), et pendant quelques instants, la douleur, la réalisation, l’impression qu’elle ne la verra plus jamais. Plus intense encore; le souvenir qu’elle pourrait la perdre, qu’elle l’a perdue à jamais. Une douleur aiguë remonte dans son bras, rampant jusqu’à son cœur. Artie reste prostrée lorsqu’Adhémar et Iseul l’éloignent. "She’ll be fine, Arthur; she’s seen worse! plaisante Adhémar sans joie sur son visage. Let’s go check if your seals are still working; we wouldn’t want that big old sword to suck the life out of your arm again, right?" Ils continuent de lui parler, lui prodigant le confort d’interlocuteurs vides, sans qu’elle entende quoi que ce soit que les battements de son cœur hurlant à tout rompre dans sa poitrine, essayant d’exploser de sa cage thoracique, afin qu’elle puisse le lancer en direction de Priam, comme une ancre qui pourrait aussi bien la ramener à elle que la faire couler pour de bon.