Pour l'anniversaire du petit Callum, Blaise se rend chez les Flint sans demander l'avis de personne, les bras chargés de boîtes soigneusement emballées. Il n'aurait pas fait le chemin tout seul pour quiconque d'autre bien entendu: mais pour Persephone Flint, il peut faire quelques efforts tout de même. Ils sont amis, d'une manière absurde, s'étant retrouvés à quelques soirées ensemble à l'époque où elle n'était pas mariée, et ayant sympathisé à des réceptions bien plus décentes après ça. Ils sont amis, alors quand elle l'a invité à l'anniversaire du petit Callum, Blaise a passé près d'une semaine à chercher le cadeau idéal, avant de simplement se décider à en acheter dix (dont trois sur recommandation de Pansy). Qu'est-ce qu'un gamin de neuf ans apprécie? Blaise n'en a aucune idée, alors il a posé la question à dix personnes différentes, et a suivi leurs conseils à la lettre. Pansy n'a pas voulu venir, elle a un travail de jour (quelle idée d'avoir un véritable travail tout court) alors il est seul, transportant les boîtes qui ne flottent pas autour de lui, les laissant tomber sans ménagement sur l'elfe de maison qui lui ouvre la porte. Il arpente la maison Flint comme si elle lui appartenait, et trouve rapidement Persephone qu'il salue, prend dans ses bras, avant de poser genou à terre pour saluer Callum.

Le gamin le fait rire, ils ont des discussions très philosophiques, cumulant tous les deux un âge mental qui ne dépasse pas la trentaine. Persephone demande à l'elfe de faire monter du thé alors que Blaise prend la main de Callum, tout en lui posant des questions sur son week-end et sa semaine et l'école, se laissant joyeusement traîner jusqu'à la salle de jeu. Il se met à genoux pour jouer avec lui, Persephone les observant d'un air tendre chahuter et créer des histoires et échanger des jouets. Blaise discute avec elle en même temps, à demi-mot, elle lui parle de son mariage qui arrive bien vite, il répond du bout des lèvres, anxieux et impatient à la fois. Elle lui parle de Theodore, comment va-t-il, et il sourit, répond gentiment. Blaise ne perd jamais son sourire, il est très bon pour mentir.

Finalement, Callum finit par avoir gain de cause: il veut ouvrir au moins la moitié de ses cadeaux et Blaise, en bénéfacteur au coeur bien trop mou pour lui refuser, accepter. La pièce se met aussitôt à résonner des bruits de papier se faisant sauvagement déchirer, des exclamations joyeuses, et faussement joyeuses, du gamin qui découvre ses cadeaux.

La porte s'ouvre un peu brutalement, avec une maladresse et une force qui n'est pas celle du mari de Persephone. Blaise n'a pas besoin de lever les yeux pour savoir que c'est le benêt qui arrive: la première chose qu'il voit est son nez qui se profile, entre en conquérant dans la pièce, tordu mais majestueux, jetant presque une ombre sur le reste du visage qui suit. Le reste du visage apparaît lentement, mais comment se détourner de tel édifice? Il semble bâti à la gloire des dieux, ce nez si fier qui se fronce légèrement quand les yeux de Marcus se posent sur Blaise. Peu importe: fasciné, ce dernier n'y voit rien, ses yeux rivés sur l'appendice qui tient presque de la trompe, cause pour laquelle Pansy et lui ont répandu à Hogwarts tant de jolies insultes à l'intention du Flint. Mais même après toutes ces années, rien ne peut vraiment préparer au mufle de la bête qui, pataud, reste dans l'encadrement de la porte en le regardant bêtement, semblant se demander ce que peut bien faire Blaise là. Un léger soupir ose s'échapper de ses naseaux, et Blaise se force à sourire un peu plus. C'est toujours triste de voir Marcus, mais c'est toujours drôle de le regarder. “ Ah, il est là, lui. ”

Callum ressemble beaucoup plus à Persephone et Isaac qu’à Marcus, alors autant dire que c’est toujours un peu compliqué pour lui de devoir faire la conversation à son filleul. De base, Marcus n’est pas doué avec les gosses, ils ont tendance à le paralyser un peu parce qu’il ne sait pas comment il doit agir avec eux et il finit toujours par être un peu trop brusque, ou juste beaucoup trop silencieux et awkward pour les intéresser. A vrai dire, il a tendance à préférer la seconde option, Marcus n’a jamais été le plus à l’aise avec les interactions sociales et c’est encore plus compliqué lorsque son interlocuteur est un gosse, alors il préfère autant qu’on l’ignore.
Sauf que Callum est son filleul et il a neuf ans aujourd’hui, alors il faut qu’il marque un peu le coup. Pour être tout à fait honnête, Marcus se demande toujours pourquoi Sephy l’a choisi lui pour être le parrain de Callum. Bien sûr elle est plus proche de lui que d’Isaac et avec sa… condition, son frère ne pourrait pas s’occuper de leur neveu s’il venait à arriver quelque chose à Persephone et son mari. Mais Marcus, s’occuper d’un gosse ? Il y a des jours où il est à peine capable de s’occuper de lui-même et où Oliver est obligé de le recadrer, Callum ne tiendrait pas une semaine sous sa garde.

Enfin, Persephone et son mari vont bien et Marcus n’a aucune raison de s’imaginer élever son filleul, parce que rien ne va leur arriver.

Et c’est tant mieux, parce qu’il a bien failli oublier l’anniversaire de Callum et c’est Olie qui a dû lui rappeler. Alors Marcus a fait un tour sur le Chemin de Traverse en express et légèrement paniqué pour trouver un cadeau à Callum et c’est définitivement en retard qu’il finit par se pointer au manoir Flint. Son père n’est pas là, on ne peut pas dire que Marcus soit surpris et surtout, ça l’arrange bien de ne pas avoir à le croiser. C’est sa mère qui l’accueille avec son habituel sourire lorsqu’elle pose les yeux sur lui.

“You’re late,” glisse-t-elle avant de déposer un baiser sur sa joue après qu’il se soit penché pour lui permettre de l’atteindre - elle est petite, si petite comparé à lui - et Marcus affiche un air un peu penaud.

“Yeah, I uh--”

“Forgot?” suggère-t-elle, un sourcil arqué et un sourire amusé aux lèvres.

Son visage s’enflamme un peu et il baisse la tête avant de passer une main dans sa tignasse trop longue et un peu en bataille d’avoir couru partout pour trouver un cadeau digne de ce nom à Callum. Ca tire un rire à sa mère qui lui indique qu’ils se trouvent dans l’ancienne salle de jeu des gamins Flint et Marcus hoche la tête avant de prendre la direction de l’étage.

Il aurait dû faire léviter l’énorme paquet qu’il porte, ou ouvrir la pièce d’un sort, mais Marcus se retrouve à batailler avec la poignée et finit par ouvrir la porte avec un grand bruit, avant de se figer lorsqu’il voit qu’il a définitivement attiré l’attention sur lui.

“Désolé,” marmonne-t-il avant de froncer les sourcils lorsqu’il aperçoit Blaise Zabini assis à côté de son filleul qui semble déjà bien occupé à déballer tout un tas de cadeaux.

“Ah, il est là, lui,” fait l’ancien Slytherin avec son faux sourire, de son ton toujours aussi dédaigneux, ce même ton qui donnait envie à Marcus de lui enfoncer la tête dans un mur à Hogwarts.

L’agacement prend la place de la gêne et le Flint arque un sourcil. “Aux dernières nouvelles, j’suis ici chez moi,” qu’il réplique, acide.

Il a envie de demander ce que Zabini fait ici, mais se rappelle que pour une raison qui lui échappe, Persephone et lui sont amis. Alors Marcus soupire et s’approche de sa soeur, avant de se pencher pour l’embrasser à son tour et marmonner des excuses pour son retard.

“Hey,” fait-il à l’attention de Callum qui est toujours occupé à déballer ses présents. “Joyeux anniversaire.” Il dépose l’énorme paquet à côté de la pile qui se trouve déjà par terre. Ca semble enfin réveiller l’intérêt du gamin, dont les yeux s’allument un peu lorsqu’il voit la taille du cadeau.

“Merci, oncle Marcus!” qu’il s’exclame avant de se lever, clairement prêt à déchiqueter le papier cadeau dans son excitation, mais il semble se raviser au dernier moment. “Je peux?” qu’il demande en levant de grands yeux vers Marcus.

“Uh, sure.”

Aux dernières nouvelles, Callum était obsédé par les potions. Ca a toujours été le point fort de Persephone qui est souvent enfermée dans son labo et d’après sa soeur et sa mère, Callum adore l’accompagner quand Sephy ne travaille pas sur quelque chose de trop dangereux et l’y autorise. C’est Oliver qui lui a rappelé ce détail, alors Marcus a jeté son dévolu sur un kit de jeune potioniste. Il y a là-dedans chaudron, fioles et ingrédients, bref, la totale permettant à un enfant sorcier de faire des potions qui ne nécessitent pas de faire de la magie et surtout, qui ne présentent absolument aucun risque pour un gosse.

Marcus se dit qu’il a pas trop mal géré pour une fois. C’est peut-être pas la montagne de cadeaux ramenée par Zabini, mais avec un peu de chance, il aura visé juste.

Même à l'époque, Blaise ne trouvait rien de plus drôle que Marcus Flint. Même Crabbe et Goyle — surnommés Lobster et Gore par lui-même et Pansy — n'était rien en comparaison au grand dadais comme l'appelait Blaise, quand il ne l'affublait pas de sobriquets tous plus obscurs et insultants les uns que les autres (Beak, Cyrano, Knobhead, Toucan, the Hatrack, et d'autres plus colorés et plus insultants encore). Ce qu'il aime encore plus, même par rapport à son apparence ridicule, ses yeux de victime, son nez éléphantesque et sa stature gênante, c'est la haine qu'il peut lire dans ses yeux. Le fait que les insultes fassent mouche à chaque fois. “ Aux dernières nouvelles, j’suis ici chez moi. ” Les remarques cinglantes sont communes et comme d'habitude, Blaise sourit. Un grand sourire, un vrai sourire, presque conciliant. Il sait que ça énerve Marcus encore plus alors c'est tout bénef. Bien entendu, Persephone aimerait bien qu'il fasse des efforts. Et Blaise, il promet à chaque fois. Oui, oui, il sera sympa au brunch. Oui, oui, il va laisser Marcus tranquille même si il a une chemise mal repassée. Persephone ne sait pas, contrairement à Pansy, que Blaise ne tient jamais ses promesses.

Et quand bien même a-t-il parfois des bonnes résolutions, elles s'effondrent à chaque fois qu'il voit le joli minois du Flint. Blaise suit Marcus du regard alors qu'il va saluer Persephone, mais finit par regarder Callum qui continue de regarder les cadeaux de Blaise au grand plaisir de ce dernier. “ Hey. Joyeux anniversaire. ” La taille du cadeau que Marcus ajoute à la pile semble attirer son attention ceci dit. “ Merci, oncle Marcus! ” Blaise est un peu déçu à l'idée que le gamin abandonne ses cadeaux à lui pour ceux du benêt, mais garde une expression humble en le regardant se précipiter vers l'énorme paquet. Blaise se demande bien à quel cadeau Marcus a pu penser pour qu'il soit si grand et parfait pour un gamin à l'attention dissipée comme Callum... “ Je peux? — Uh, sure. ” Blaise se relève du sol où il était assis pour prendre place sur un fauteuil près de Persephone, attrapant au passage sa tasse de thé. Les deux amis échangent un sourire, celui de Blaise un peu crispé, celui de Persephone très tendre tandis qu'elle se tourne vers son fils.

L'enfant déchire avec beaucoup d'entrain le paquet cadeau sous le regard curieux (et jaloux de Blaise). Lui aussi aurait dû prendre un gros cadeau! Pansy l'a dissuadé d'acheter un balai grandeur nature. Il aurait dû. Callum finit par extirper la boîte à grand mal, et par regarder pendant un long moment la photo animée qui la recouvre. “ C'est quoi? ” demande-t-il en se tournant vers sa mère qui a un air un peu gêné. “ C'est un kit de petit potioniste, mon chéri, ” fait-elle d'un ton diplomate alors que Blaise ouvre de grands yeux, son sixième sens lui indiquant qu'il y a du drama délicieux qui va arriver de manière imminente. “ Tu peux faire des potions avec et-- — Nul, ” dit simplement Callum en relâchant la boîte qui tombe parterre dans un bruit de verre brisé. Blaise espère qu'il y a un sortilège réparateur d'inclus... “ C'est nul les potions. Ça pue. ” Il se détourne aussitôt pour retourner à son petit tas de cadeaux de la part de Blaise, alors que celui-ci rayonne en regardant Marcus d'un air ravi. “ Tu pourrais peut-être le garder pour toi, ” propose gentiment Blaise avec un visage d'ange. “ Si je me souviens bien, t'en aurais eu besoin à l'époque d'Hogwarts... mais tu sais qu'il n'est jamais trop tard pour apprendre. — Blaise... ” soupire Persephone, avec toutefois une moue vaguement amusée, prenant leurs boutades pour des moqueries innocentes datant de l'époque d'une rivalité depuis longtemps enterrée. Blaise voit bien au regard de Marcus que ça va bien plus loin que ça, bien entendu. Parfait.

C’est avec beaucoup d’appréhension qu’il regarde Callum déchirer le papier qui enveloppe son cadeau. Marcus n’a jamais été doué pour faire des cadeaux, surtout lorsqu’il est obligé d’en faire. Ca lui arrive souvent de tomber sur quelque chose qui lui fait penser à un de ses proches et de se dire fuck it, I’ll take it, pour offrir des trucs complètement random parfois. Mais devoir réfléchir à un cadeau à cause d’un anniversaire, Noêl, un mariage, n’importe quelle autre célébration où la règle veut que chacun apporte quelque chose sous peine de passer pour un connard malpoli et pingre ? Marcus déteste ça, parce que ça lui colle toujours une angoisse terrible. Et si le cadeau ne plaît pas ? Et si quelqu’un d’autre apporte le même ? Et si la personne le déballe devant tout le monde et affiche sa déception ? Les fêtes d’anniversaire sont particulièrement anxiogènes pour Marcus, qui passerait volontiers le restant de ses jours à ne plus jamais participer au moindre rassemblement de ce genre.

Sauf qu’il ne peut pas vraiment manquer l’anniversaire de son filleul sans passer pour un gros con et s’attirer la colère de sa soeur.

Les lèvres pincées, il observe Callum, dont le visage passe de la curiosité à la confusion une fois que le papier déchiré révèle la boîte contenant le kit de potions. “C’est quoi ?” demande-t-il à Sephy dont l’air gêné qu’elle n’essaye même pas de dissimuler noue l’estomac de Marcus. Il s’est planté, donc. “C’est un kit de petit potioniste, mon chéri.” La tronche de Callum lui confirme ses doutes et Marcus a déjà envie de s’enterrer. “Tu peux faire des potions avec et--” “Nul,” lâche-t-il en même temps que la boîte qui retombe avec fracas.

C’est terrible, l’effet que ça a sur lui. C’est comme une gifle. C’est terrible parce que Callum n’est qu’un gosse et Marc est un adulte de plus de trente ans maintenant, un adulte qui sait très bien que lorsque Callum dit nul, il parle du cadeau et que ce n’est pas grave, parce que les enfants sont comme ça, parce qu’il a le droit de ne pas aimer le cadeau. Mais il y a cette partie de lui qui ne peut pas s’empêcher de penser que ce nul est pour lui. L’habitude, peut-être. Parce qu’il avait de toute façon oublié l’anniversaire de Callum, comme il oublie plein d’autres choses. Parce qu’il n’a pas pensé que son filleul n’aimait peut-être plus tant que ça les potions. Parce qu’il aurait dû trouver un truc plus cool à offrir à un gamin de huit ans.
“C’est nul les potions. Ca pue.” Et il se détourne du kit probablement endommagé pour aller vers les cadeaux de Blaise et Marcus serre les dents. “Tu pourrais peut-être le garder pour toi,” glisse alors Zabini et tous les muscles du Flint se crispent brusquement. Il voit rouge. “Si je me souviens bien, t'en aurais eu besoin à l'époque d'Hogwarts... mais tu sais qu'il n'est jamais trop tard pour apprendre. — Blaise... ” Et Persephone qui semble amusée par tout ça, qui ne se rend même pas compte de l’effet que ça a sur lui, mais est-il bien surpris, finalement ? Sephy n’a jamais su voir ces choses-là.

C’est à peine s’il se souvient qu’il ne devrait vraiment pas éclater le crâne de Zabini contre un mur alors qu’un gosse de neuf ans est dans la pièce. Marcus ferme les poings et inspire profondément pour se retenir de faire quelque chose de stupide.

“Ecoute, Zabini,” siffle-t-il entre ses dents, assez bas pour que seuls Blaise et sa soeur puisse l’entendre, tandis que Callum commence à déballer ses autres cadeaux avec enthousiasme. “Je sais toujours pas ce que Sephy te trouve et j’m’en branle, mais puisqu’on est amenés à se voir de temps en temps, on va faire un truc.” Il plonge son regard dans le sien. “Fais comme si j’existais pas.” Il enchaîne avant que Zabini puisse ouvrir sa grande gueule : “Je sais, c’est dur, je suis si grand, si large, ma stupidité prend toute la place dans la pièce, mes oreilles sont trop grandes,” énumère-t-il d’un ton las. “T’en as plein d’autres en réserve, j’en suis sûr, pas besoin que j’continue. Mais j’suis sérieux. Ne m’adresse pas la parole, en fait, me regarde même pas, ça t’évitera d’avoir envie d’agir comme si t’avais encore douze ans et qu’on était encore à Poudlard.” Puis il se tourne vers sa soeur. “C’était top, j'peux m'tirer maintenant ou tu tiens vraiment à c'que j’reste ici pour amuser ton pote ?” demande-t-il sèchement.