Même si Cat fait très bien le mec qui s'en fout, Lee est très fier de son petit tour et de la stupeur qu'il a vu sur son visage, le choc aussi quand il a fait référence à ce surnom qu'on lui a révélé à mi-mot. Il le regarde rougir en mâchonnant son chocolat, son sourire - plus tellement doux, mais légèrement goguenard - lui donnant un air malin et un peu sardonique. « T'as... C'était quoi ? » Lee aime beaucoup l'entendre poser des questions, des vrais questions: c'est une victoire, ça! Évidemment, Cat semble se rendre compte de son côté qu'il perd du terrain et Lee le voit froncer des sourcils et du nez en se reprenant: « J'y crois pas à ton truc de gentils. J'crois même pas que vous vouliez m'aider, vous êtes pas là pour ça, vous, aider. » Légère moue de la part de Lee, qui presse sa joue contre son épaule, toujours en mâchonnant un peu le chocolat qui l'enveloppe dans sa chaleur réconfortante.
Comment le convaincre? Comment lui faire voir? Lee aimerait bien toujours trouver les bons mots mais parfois, ils lui échappent, même à lui. « Pourquoi vous voulez que j'apprenne la magie ? C'est quoi, le vrai plan ? » Lee ouvre la bouche — Cat l'interrompt. « Non. » En suivant son regard, il voit qu'il observe la baguette. En a-t-il peur? Lee ne peut pas imaginer une vie sans magie, sans baguette, sans tout ce qu'il sait. Il est familier avec le monde moldu pourtant, il s'y connaît même très bien — mais ça reste un monde autre, un monde qui n'est pas du tout le sien.

Cat ressent-il la même chose avec le monde magique? “ Tu sais ce que c'est, un Obscurus? ” C'est une question rhétorique — Cat le regarde comme si il venait d'inventer un mot faussement latin. “ C'est un truc qui fait franchement peur. C'est quand un sorcier refuse d'utiliser la magie, et elle se concentre dans son ventre. T'sais quand t'as trop bouffé et que t'as l'impression que tu vas exploser? Comme ça, mais avec de la magie. Et puis la magie consume le sorcier, et il meurt, en dévastant tout sur son passage. ” Lee frissonne à ces mots. Il se souvient avoir appris ça en septième année, en cours de Défenses contre les Forces du Mal. Enfin, si on pouvait appeler ça comme ça, sous le règne d'Umbridge... il n'y avait eu que quelques lignes rapides dans le bouquin donné par le Ministère, et il avait fait le reste de ses recherches à la bibliothèque, puis avait demandé à son père.
“ T'es pas obligé d'utiliser une baguette, ou de dire des trucs en latin, ou de porter des robes de sorcier. Mais la vérité est là: t'es un sorcier. Tu as de la magie en toi. Maintenant, tu peux soit retourner là-bas, ” fait-il en pointant la fenêtre du pouce, pour dire l'extérieur, “ et devenir le larbin et le souffre-douleur des connards qui te considèrent comme de la merde sur leurs pompes. Soit tu peux rester avec nous, et on va t'apprendre à utiliser cette magie, parce qu'elle fait partie de qui tu es et que peu importe d'où tu viens, elle fera toujours partie de toi. ” Lee hausse les épaules (inconfortable quand il s'appuie sur l'un de ses bras) et finit par se redresser, se lever pour se dégourdir un peu. Il laisse la baguette et le chocolat avec Cat. “ Maintenant, à toi de voir qui sont les gentils et les méchants mais d'après moi, la ligne est bien tracée. ” Sourire sympathique, quoiqu'un peu fatigué et triste. Découragé, peut-être, pendant un bref instant.

Il s'étire - comme un chat - et grogne quand un os dans sa nuque craque. Il se dirige lentement vers la porte, hésite un peu. “ T'as faim? Tu veux que je t'apporte à bouffer? ” propose-t-il après une hésitation marquée, ne voulant pas que Cat interprète la chose comme ce qu'était le chocolat: une offre de paix. “ T'as l'air d'avoir manqué deux-trois repas. Allez viens, j'te montre où est la cuisine. Tu dis rien à personne hein... ”

Cat cille légèrement, en l'entendant. C'est comme une magie diffuse, dans le ton de Paws, et Cat se demande un instant s'il n'a pas dans la voix un sortilège d'envoûtement quelconque ; son discours paraît cette fois plus authentique, sans filtre – Francis fronce les sourcils quand il lui parle de « bouffe », à la fois pour le familier soudain de son vocabulaire, et pour le choix de ce thème si cher au sorcier en herbe. Lui aussi lit dans ses pensées ou quoi ? S'il se renfrogne un peu devant cette vague de justesse et d'honnêteté brute, Cat, chocolat dans le ventre et sensible dans l'âme, sent les mots du lynx s'infiltrer dans son torse pour gonfler son cœur d'une chaleur tendre. C'est la lassitude, c'est l'air bonhomme de Paws quand il le débarrasse des baguettes, des robes et des allures de ce qui fait, dans l'imaginaire de Francis, un sorcier légitime comme il a pu tant en voir dans le salon de Dolohov. La magie fait partie de toi. Merde. Cat se rend compte qu'il y croit, qu'il le croit lui, jusqu'à cette histoire d'Obscurus qui semble tomber à pic pour le faire frémir – un conte horrifique pour pousser les gentils petits sorciers à faire de la magie comme c'est la tradition. Sauf que Cat retrouve au fond de son ventre la boule au ventre qu'il lui décrit, celle faite de peur constante, d'incertitudes, de doutes auxquels personnes depuis Ruth ne peut répondre – il y aurait de la magie refoulée, là-dedans ? La réponse qui se dessine le fait s'agiter sur le matelas de fortune ; en avoir jusque dans les boyaux et ne rien pouvoir y faire le rend malade – plus encore que de demander à Paws si ça s'enlève, la magie, d'une façon ou d'une autre.

Lèvres scellées, Cat ne dit rien. Cette foutue réponse le brûle, comme l'évidence de ce choix qui n'en est pas un, après avoir posé un « non » de gosse buté. Si quelques minutes plus tôt, il était prêt à retourner à la rue et risquer de retrouver Dolohov au coin de la rue plutôt que de se plier à leurs exigences, Francis sent que Paws a tout simplement raison. Le danger ou apprendre à faire deux-trois tours de passe-passe pour le compte de l'Ordre – il aura tout le temps de voir d'ici-là si on essaie de faire d'eux de la chair à canon, se dit-il.

Et puis, Paws lui propose de la nourriture. Pas le truc affreux qu'on lui sert depuis quelques jours, non ; il lui propose d'aller en cuisine. Ses yeux s'illuminent ; c'est encore mieux que de lui proposer un festin au Ritz – il pourra choisir quoi, comment, en quelle quantité manger. Francis se lève rapidement, tâchant, gauchement, de masquer un empressement visible. C'est que Paws est déjà à la porte, et le chocolat lui a ouvert l'appétit.

Cat attendra néanmoins d'être dans la cuisine, en terrain neutre, pour lui demander, entre deux placards : « C'est un sort, pour se transformer ? » Il ne faudrait pas, qu'en plus de se montrer curieux à son sujet, la magie l'intéresse.