| | | La main d'Aleksander est lourde sur son épaule désormais et, comme avec tout contact, Sylas se love contre sa paume en cherchant sa chaleur, son contact, son toucher. Ça fait tellement longtemps qu'on ne l'a pas touché... “ It's okay. ” Sylas n'est plus très fort pour lire les émotions des autres mais il croit comprendre que non, ce n'est pas okay. Un bruit lui échappe quand Aleks s'éloigne — une sorte de glapissement sourd. Mais Aleks n'y fait pas attention en se relevant et en attrapant l'appareil photo. “ I guess you don't like the light. ” Douleur fantôme: Sylas a mal aux yeux et grimace, sans répondre, baissant les yeux sur ses mains. Il a une cicatrice sur le doigt, et il se demande souvent d'où elle vient, mais il s'en souvient maintenant. Il s'en souvient, parce que c'est à cause d'Alexis qu'il l'a. Il s'en souvient, parce qu'Alexis et lui étaient dans un bar, et qu'elle ne voulait pas l'écouter quand il lui disait qu'il avait un mauvais pressentiment. Et que des Rafleurs (à l'époque) ont débarqué, et qu'il a cassé une fenêtre avec son poing parce qu'Alexis lui avait fait tomber sa baguette, et qu'ils avaient failli y passer. Ils avaient couru et transplané pendant des heures, suivis de près par les autres sorciers, si bien que la plaie avait empiré et s'était infectée une fois qu'ils étaient parvenus à revenir au camp. Même la magie n'avait pas pu le débarrasser de la cicatrice.
Désormais, Sylas la regarde et la caresse avec le bout des doigts de son autre main, et il se souvient, il se souvient.
Un silence s'installe. Sylas n'oserait pas parler en temps normal mais là, c'est différent. Là, il se souvient, et il pense à Alexis. Il sait qui est Alexis. Depuis des mois on lui demande, on le tourmente, on essaye de le lui faire cracher et pour la première fois, il peut effleurer ce prénom du bout des doigts... Il ne voit pas son visage, mais il sait qui elle est. “ It's pointless. ” Sylas ne l'écoute pas, le regarde à peine. Il regarde ses mains, et il se souvient de ce qu'elles ont un jour tenu, caressé, aimé. Il regarde ses mains, et sa cicatrice, et il repense à Alexis et il sait qu'il devrait retourner voir le Basilik, et qu'il devrait lui dire qu'il se souvient maintenant, au moins un peu.
Mais il n'a pas envie.
Il n'a rien. Il a une chambre, trois changes de vêtements, quelques Gallions. Penelope lui a offert de quoi dessiner. Et... c'est à peu près tout. Alors il aimerait garder ce prénom pour lui. Alexis. Il aimerait pouvoir garder ses souvenirs — du moins, le peu qu'il en a — pour lui. La cicatrice, les cookies, les quiches, la légendaire dispute qui a suivi leur escapade avec les Rafleurs. Tout ça, pour lui, juste pour lui, ça ne fera pas de mal, si?
“ Get up. ” Il faut quelques instants pour que Sylas comprenne ce qu'il est en train de dire et, plutôt que de sauter sur ses pieds comme il l'aurait fait ordinairement, il ne bouge pas. “ It's been nice. It's getting late and I'm feeling all kinds of blue. ” Ses yeux toujours baissés sur sa main, il caresse et masse la cicatrice qui mord le gras de son pouce. “ You've been a terrific guest and I'd love to hang out again. ” Sylas ne répond pas à la tentative laconique d'Aleks d'amabilité, ne réagit pas à grand-chose d'autre. Et puis lentement, se lève. Lentement, le rejoint. Tend la main — cette main, avec la cicatrice, si précieuse — vers Aleks. “ Get up. ” Sylas l'observe sans commenter. Il attend, et il se pétrifie quand Aleks le prend dans ses bras.
Il veut tellement être touché, tenu, vu, écouté. Et pourtant, soudainement, il a envie de le repousser. Il est pétrifié, immobile, tendu comme la corde d'un arc, et ne répond pas à l'étreinte. Une part de lui aimerait s'y réfugier, s'y recroqueviller, laisser les bras d'Aleks l'envelopper et le rassurer. Une autre partie de lui fait un énorme rejet. Mais il n'ose pas le repousser, cette possibilité n'existe pas dans son monde, alors il se laisse faire. “ Goodbye now! ” Et il va lui ouvrir la porte, son sourire toujours accroché aux lèvres. Sylas se déplace lentement. Sa démarche n'a plus rien de l'aplomb et de l'efficacité habituelles. “ Goodbye, Aleks, ” dit-il, sa voix un peu éraillée, alors qu'il se penche dans l'encadrement de la porte. Aleks semble sur le point de claquer la porte dans son dos mais Sylas est plus rapide et pose sa ma main sur le battant et le force à rester ouvert. “ Alexis... ” dit-il doucement. “ She... she liked the little things too. The cheesy twists, with the bacon. I think she... she used to make them. I... ” Il baisse les yeux. “ I don't remember. She's not... she's not in my head... I don't think... but... but she liked the little things. ” Sa main retombe et il se détourne pour partir, les sourcils froncés. Sa main finit par trouver l'autre, retourner masser cette foutue cicatrice. |
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