Londres Moldu, juillet 2006, aux alentours d’une heure du matin


« N’est-il pas un peu trop tard pour passer à table ? » Tu prononces cette phrase sur le ton de l’humour. C’est ce que tu fais toujours lorsque tu rencontres quelqu’un qui t’intrigue. La créature que tu viens de prendre sur le fait n’a pas eu l’air de t’entendre arriver, trop occupée qu’elle était à vider le sang de sa vulgaire proie. Néanmoins tu restes sur tes gardes, tu sais pertinemment que les vampires ont plus d’un tour dans leur sac. Rien n’est encore gagné, mais tu jubiles déjà de l’avoir enfin retrouvée. Après tout ce temps. Deux ans durant, tu n’avais pu t’enlever cette image de la tête. Tu te souvenais encore de la façon, dont elle avait autrefois férocement bondi sur le jeune homme qui avait eu le malheur de croiser son chemin. Fasciné par cette force surnaturelle qui l’habitait, tu avais attendu un petit moment avant de t’interposer. Tu avais observé la scène patiemment de là où tu te trouvais. Sa technique t’avait paru parfaitement rôdée, elle avait su taire les cris de sa victime en à peine quelques secondes. Le jeune homme avait vaillamment tenté de se débattre afin de se défaire de son emprise, sans succès. C’était la première fois que tu assistais à une attaque de vampire. La violence de l’acte t’avait remémoré tes plus noirs souvenirs, ceux-là même où tu t’étais retrouvé dans le rôle de la victime, face à tes bourreaux, les détraqueurs. Néanmoins, ce vampire-là avait agi avec une certaine grâce, et une agilité sans pareille. Tu étais absolument conquis par sa férocité. Constatant peu à peu que le jeune homme ne se débattait pratiquement plus, tu songeas qu’il était tout de même temps d’agir. Qui sait, peut-être était-elle en train de se nourrir de l’un des tiens. Étrangement, tu n’avais pas envie de lui faire du mal, tu voulais lui laisser une chance de s’échapper. Tu te disais qu’elle serait peut-être reconnaissante et que la prochaine fois que tu croiserais son chemin, elle accepterait de rejoindre ta noble cause et de mettre ses divins talents au service du Lord. Tu avais alors sorti ta baguette magique et t’étais rapproché de la scène. Lançant rapidement un sortilège d’expulsion sur la créature, tu t’étais préparé à une riposte de sa part, mais le vampire -visiblement repus- préféra éviter l’affrontement et pris la fuite. Dès le lendemain, tu avais informé tes équipes de la présence d’une créature de la nuit dans les rues de Londres et leur avait intimé de mener l’enquête comme il se devait. Durant de longs mois, personne n’entendit plus parler de ce mystérieux vampire. Pas du genre à baisser les bras, tu finis pourtant par te résigner face au manque d’informations et rejetas ton attention perfide sur d’autres êtres malchanceux. Tu en vins même à regretter de t’être montré aussi généreux et de ne pas avoir cherché à la capturer immédiatement. Jusqu’à ce jour où plusieurs de tes employés vinrent te rapporter des preuves de plusieurs attaques de vampire, non loin de là où s’était produite celle dont tu avais été témoin il y a près de deux ans. Tu ignorais si cela avait un lien avec la multiplication de lois anti-hybrides promulguées par le gouvernement, ou si ton vampire était tout simplement en quête d’attention, mais toujours est-il que ses attaques formaient peu à peu une sorte de schéma. C’était comme si la créature venait de se changer en une espèce de tueur en série, attaquant selon un motif très particulier. Plusieurs mois passèrent, durant lesquels tu te penchas jour et nuit sur cette affaire, tu étudias les indices en ta possession jusque dans le moindre détail et finis même par passer plusieurs soirées par semaine dans les rues de Londres, attendant patiemment qu’un vampire fasse son apparition. Tes employés pensaient tous qu’il te manquait une case, mais tu t’en fichais royalement. Lorsque tes ancêtres étaient obnubilés par quelqu’un au point de vouloir en faire leur esclave, ils étaient prêts à se salir les mains personnellement pour parvenir à leurs fins. Et toi tu faisais parfaitement honneur à la famille... Cette crinière blonde et ce visage si pâle, tu les aurais reconnus entre mille. Et maintenant que tu les avais enfin de nouveau face à toi, tu n’allais pas les laisser t’échapper aussi facilement. « J’espère que tu te souviens de moi. »

« N’est-il pas un peu trop tard pour passer à table ? » Cette voix. Greta ne parvient pas à la remettre immédiatement, mais son corps se fige, d'instinct. Elle sait que ça ne lui dit rien qui vaille. « J’espère que tu te souviens de moi. » Greta laisse tomber le corps inerte qu'elle tenait à bout de bras. Les yeux exorbités, tournés vers le ciel, l'homme s'effondre dans un bruit sourd, le cou couvert de sang. Ce même sang qui goutte encore du visage de l'allemande, qui fait à présent face à son interlocuteur. Elle le reconnaît, maintenant. Marlon Travers, chef de la brigade de police magique. Crap. Ça pourrait être pire, songe Greta, elle aurait pu tomber nez-à-nez avec Corban Yaxley. Mais loin d'elle l'idée de se réjouir de la situation. Travers, elle l'avait déjà croisé cette fameuse nuit, quelques années en arrière, alors qu'elle avait commis la première erreur de sa "carrière". Elle était sur le point d'achever cet homme dans une rue non loin de celle où elle se trouve actuellement, mais l'arrivée du haut gradé l'a fait fuir. Elle ne voulait pas tenter le sort et risquer de finir comme pantin du Ministère. Elle a donc laissé derrière elle deux témoins connaissant son visage. Une menace qui l'obsède depuis lors.

« Le soleil a tendance à me couper l'appétit... » Greta préfère répondre normalement, ne pas provoquer les hostilités trop tôt. Elle ignore de quoi Travers est capable mais se doute que sa magie doit être puissante, s'il est arrivé aussi haut dans le Ministère. Il est un adversaire de taille. Et le vampire ignore aussi s'il est venu seul ou accompagné. Une chose est sûre, Greta doit se montrer bien plus prudente que ces derniers temps. Elle s'accorde bien trop de libertés pour une vampire vivant dans une société qui déteste les hybrides. Si tant est qu'elle reste libre à l'issu de cette rencontre.

Une chose trotte tout de même dans son esprit. La dernière fois, Travers aurait pu l'arrêter. Il aurait pu essayer du moins, et ne pas la laisser partir au bout de quelques secondes. Il avait simplement sauvé l'homme, qui ne le méritait pas d'ailleurs. Mais il ne s'était pas lancé à la poursuite de cet hybride en liberté et visiblement dangereux. « Je n'ai pas oublié que tu m'as laissé partir. » Greta reprend finalement confiance et se dresse de toute sa hauteur. Elle se veut menaçante, du moins, elle tâche de retrouver sa contenance habituelle. Elle s’essuie distraitement le sang maculant ses mains et lance un regard de défi à son interlocuteur. Il l'intrigue. Elle ne comprend pas pourquoi elle est encore en liberté. « Non pas que je me plaigne, c'est sûr, c'est juste plutôt surprenant venant du chef de la brigade de police magique.  »

« Le soleil a tendance à me couper l'appétit... » Cette franche réplique parvient à t’arracher un léger sourire. D’ordinaire les vampires ne sont pas véritablement réputés pour leur sens de l’humour. On les reconnait plutôt à leur teint blafard et leur austérité poussiéreuse. Mais il se trouve que tu as là à faire à un bien étrange spécimen. « Je n'ai pas oublié que tu m'as laissé partir. » Ainsi t’avait-elle immédiatement reconnu. Voilà une hybride pleine de bon sens. Paraissant tout juste reprendre ses esprits, elle se souvient de ce qu’elle était en train de faire lorsque tu as fait irruption. Aussi s’essuie-t-elle la bouche d’un revers de la main, faisant disparaître le sang qui tâchait ses lèvres comme si de rien n’était. Plus tu te perds dans l’observation de la créature qui te fait face, plus tu ressens ta curiosité grandir. « Non pas que je me plaigne, c'est sûr, c'est juste plutôt surprenant venant du chef de la brigade de police magique. » Oh elle s’était même renseignée sur ta personne et semblait parfaitement savoir qui tu étais. Voilà qui était remarquable. Tu n’en attendais pas autant. « Je suis flatté d’avoir attiré ton attention et d’être encore là pour le dire. » Tu étais à peu près certain que les gens qu’elle avait pour habitude de suivre à la trace ne se faisaient pas souvent de vieux os. Peu désireux de lui avouer les véritables raisons qui t’ont poussé à la laisser s’enfuir ce soir-là, tu enchaînes directement avec une question. « Dis-moi, que fais-tu dans la vie à part tailler de pauvres innocents en pièce ? » Cela n’avait rien d’une attaque, au contraire, tu étais tout à fait intrigué, tu voulais tâter le terrain et voir si elle avait encore un peu de temps libre pour rendre service au gouvernement. Sur un air impudent de défi, tu t’approches d’elle. Tu fais comme si tu ne la craignais absolument pas, alors qu’au fond de toi subsiste un certain respect envers la créature. Repoussant les limites du raisonnable encore un peu plus loin, tu fais de nouveau un pas en avant et viens t’accroupir devant la dépouille de la victime. Cette fois, tu es intervenu trop tard. Dévisageant les restes du cadavre gisant à tes pieds, tu te demandes qui cela pouvait bien avoir été. Tu espérais simplement qu’il ne s’agissait pas d’un pureblood. Quel gâchis cela serait-il… « Es-tu capable de déterminer la pureté du sang rien qu’en le goûtant ? » Cette question t’avait toujours fasciné, mais tu n’avais jamais véritablement eu l’occasion de la poser. « Tu sais, je pourrais t’aider à te nourrir en toute légalité, si tu étais prête à m’écouter un instant. » De là où tu te trouvais, tu pouvais encore apercevoir quelques gouttes de sang opaques reluire sur son visage.

« Je suis flatté d’avoir attiré ton attention et d’être encore là pour le dire. » Greta rôde, le visage toujours tourné vers son interlocuteur, aux aguets, mais ne fait aucun geste brusque, de peur de déclencher une altercation qu'elle ne serait peut-être pas à même de gagner. Elle préfère donc observer, gagner du temps avec un peu de small talk et réfléchir à ses options. « Disons que quand on mène une vie comme la mienne, il vaut mieux se tenir informée. Une erreur est si vite arrivée. » La preuve. Greta tâche de ne pas trop s'en vouloir malgré une inattention récente assez inquiétante. Pourtant, comme elle l'a si bien dit, elle fait toujours attention, se renseigne sur tous les individus qu'elle croise, assimile rapidement un maximum d'informations afin de ne jamais être surprise, de toujours contrôler la situation. « Dis-moi, que fais-tu dans la vie à part tailler de pauvres innocents en pièce ? » Automatiquement, Greta a un rictus et étouffe une petite exclamation. Elle n'est pas née de la dernière pluie et ne va pas s'amuser à dévoiler son emploi du temps au chef de la brigade de police magique... Voudra-t-il son adresse en prime ? En revanche, la Steinberg a noté le ton curieux du sorcier. Il semble réellement intéressé, comme si Greta était une bête de foire un peu curieuse, étonnante, sur laquelle il souhaitait se renseigner. En un sens, c'est toujours mieux que de la haine et du dégoût, mais cet intérêt a tout de même quelque chose de dégradant. Greta aime l'attention, mais préfère l'obtenir grâce à ses charmes que grâce à sa particularité. « Ils ne sont pas tous si innocents... » Elle préfère répondre à côté, éviter de divulguer trop d'informations.

Travers s'approche, avec un air de défi. Méfiante, Greta le regarde sans rien dire, mais ne recule en aucun cas. Elle ne veut pas lui donner l'impression qu'il a le dessus. Elle aussi, peut faire semblant d'être détendue dans cette situation. Il se rapproche du corps de l'homme que le vampire vient de tuer. Il le touche, le soulève légèrement. Oui, il est bien mort. Mais une chose est sûre, Greta ne s'attendait pas à la prochaine question de Marlon Travers. « Es-tu capable de déterminer la pureté du sang rien qu’en le goûtant ? » C'est bien une question du Ministère, ça. Eux qui aiment tant prétendre que le sang sorcier est merveilleux quand il est pur, elle se fait un plaisir de répondre de but en blanc : « Pas du tout. A vrai dire, le sang ça reste du sang, il n'y a pas de grand mystère là-dedans. Mais je ne doute pas que certains d'entre vous ont du pus de bubobulb à la place. »

« Tu sais, je pourrais t’aider à te nourrir en toute légalité, si tu étais prête à m’écouter un instant. » Nous y voilà. Greta a enfin sa réponse. Si elle est encore en vie malgré la multitude de ses crimes, c'est parce que Travers souhaite la convaincre de rejoindre la brigade. Bien qu'elle soit tout à fait certaine que ce jour n'arrivera jamais, et qu'elle préfère mourir complètement que de servir de caniche apprivoisé au Ministère, l'allemande est aussi curieuse de connaître quels seront les arguments de l'éminent sorcier. Alors elle fait un pas en arrière, affiche un air curieux et lance avec sarcasmes : « Et si je reste plantée là à t'écouter, tu ne vas pas "appeler" tes amis du Ministère j'imagine ? » Greta recommence à rôder autour de Travers et du cadavre. Elle pourrait partir, là tout de suite, tenter une échappée et mordre le sorcier s'il s'approche d'un peu trop près. Aucun doute qu'il apprécierait le geste. Mais la Steinberg reste là, parce qu'elle aussi, elle est curieuse. « Ça m'intrigue, malgré tout... Comment compte-tu me convaincre que ce qu'il y a de mieux pour mois, c'est de donner à un incapable le droit de vie et de mort sur moi ? » Des incapables, oui. Travers ne partagera probablement pas son point de vue. Il n'empêche que pour faire ce job, il faut avoir un certain problème d'ego. Et peu importe la personne, Greta ne mettrait jamais sa vie entre les mains d'une tierce personne. Elle a déjà donné.

Cette entrevue a tout d’une rencontre du troisième type. Tu es là à discuter calmement avec un vampire qui vient de s’abreuver. Comme si de rien n’était, comme si la situation était parfaitement normale. En tant que chef de la police magique, tu devrais déjà être en train de l’arrêter afin d’aller la livrer à la VB. Mais, voilà, la VB et toi n’êtes pas les meilleurs amis du monde et toi tu n’es pas le flic le plus exemplaire qui soit. Ce n’est pas tant le respect et le maintien de l’ordre qui te tiennent à cœur, mais plutôt la poursuite de tes propres intérêts. Et tu étais certain qu’avoir un vampire sous la main pourrait être une bonne chose pour les affaires. Mais puisque tu n’envisageais pas d’aller travailler pour la VB, il te fallait donc agir par tes propres moyens.
La réponse de Greta quant au goût du sang te surprend et te déçoit quelque peu mais tu tâches de ne rien laisser paraître. Tu prends cela sur le compte de la provocation et te persuades que la créature se joue de toi dans l’unique but de te taper sur les nerfs. Dans ton for intérieur, tu en es convaincu, le sang-pur n’a absolument pas les mêmes caractéristiques qu’un sang souillé. Las de ces plaisanteries qui ne t’amusaient en rien, tu décides de passer directement au vif du sujet. Peut-être que le vampire cessera ainsi de te provoquer inutilement. Pour une créature aussi sanguinaire, Greta se montre particulièrement sur la défensive. Elle entreprend de rôder autour de toi, comme si elle avait besoin de se raccrocher à cela pour se remettre dans le rôle du prédateur. Tu observes son comportement et prends cela pour un manque d’assurance. La situation t’amuse, tu aimes jouer avec le feu. « Si tu sais véritablement qui je suis, tu devrais également te douter que je n’ai besoin de personne pour mener mes affaires à bien. Je me sens offensé par ta remarque. Et par le fait que tu sembles émettre l’hypothèse de t’attaquer à moi, bien entendu. »  Ton visage affiche une mine faussement offensée. Non, tu n’as pas peur d’elle, mais d’un autre côté, tu ne serais pas certain de remporter un combat contre un vampire à l’estomac bien rempli, aussi restes-tu sur tes gardes et prends bien soin à ne pas dépasser les limites du raisonnable. « Oui je conçois que le Ministère n’est pas toujours géré par les personnes les plus compétentes. Néanmoins je ne traiterais pas tous les employés d’incapables, cela serait un peu exagéré. Si tu t’es suffisamment bien renseignée sur moi, tu sauras également que je ne travaille pas à la VB. Je n’aspire pas à promener des chiens toute la journée. Certains hybrides valent d’ailleurs mieux que cela. »  Tu marquas une courte pause, comme pour la laisser assimiler ce que tu venais de dire, comme pour lui faire comprendre que tu ne la voyais pas uniquement comme un monstre de foire que tu désirerais exhiber à tes côtés où que tu ailles, quoi que tu fasses. « Disons plutôt que certaines affaires que nous traitons à la brigade de police magique ne peuvent être officiellement résolues. Il ne serait dans l’intérêt de personne qu’elles se voient publiées dans la presse et trainées devant le magenmagot. Parfois, il est préférable pour tous de faire justice soi-même. »  Comme dans cette histoire qui te relie dangereusement à deux rebelles de l’Ordre, sang-mêlé de surcroit… « C’est justement pour ce genre d’affaires que j’aurais besoin des services d’un agent externe au Ministère. Cela pourrait fonctionner selon une logique de contrats. Je te donne un nom, tu t’occupes du problème de la manière qui te chante et bénéficies de ma protection, sans avoir à être enchainée au Ministère ou à porter cet affreux tatouage sur la joue. » Voilà, l’offre est énoncée, tu n’as plus qu’à attendre.

Il n'y a pas à tergiverser, Greta n'est pas tranquille. Elle est sur ses gardes et elle serait prête à mettre sa main à couper que Travers le sent. C'est un sorcier expérimenté, l'allemande ne met pas en doute sa puissance, et elle ne tient pas spécialement à entamer un duel avec lui. Il n'empêche, son air confiant a quelque chose de profondément agaçant. Greta a l'habitude des regards apeurés, des larmes, des cris. Elle aime qu'on se mette à genoux pour la supplier de ne pas aller plus loin. Qu'on tente vainement de lui expliquer que, vous comprenez j'ai une femme et des enfants, j'ai peur, maman, je mérite pas ça. Elle se laisse bercer par les "Pourquoi ?" répétitifs qu'on lui lance, meurtre après meurtre. Pourquoi ? Oui, il y a de quoi se demander pourquoi. La plupart du temps, Greta s'attaque à des hommes qui se pensent dans leur bon droit, qui se sentent supérieur et tentent d'utiliser leur force ou un autre de leurs atouts pour obtenir ce qu'ils veulent. Le vampire déteste les hommes comme ça. Elle s'en prend aussi aux femmes, si celles-ci sont assez bêtes. Elle agit dans l'impulsion du moment, satisfait ses désirs, ne voit pas plus loin. Elle n'a pas de "cause" à défendre, de greater purpose. Elle tue parce qu'elle en a envie. Et même si elle a envie de tuer Marlon Travers, elle ne peut pas. Pas encore.

Il est énervant.

Non, sérieusement, l'allemande a vraiment du mal avec cette assurance qu'il se permet d'avoir face à elle. Il ne tremble pas, il n'a pas peur. Il est même méprisant dans sa façon de parler. C'est insupportable. La fierté de Greta la pousse à se ressaisir, à reprendre contenance face au sorcier. Qu'il vienne du Ministère ou non, il n'a rien de plus qu'un autre. C'est ce qu'elle tente de se convaincre du moins. Alors elle se redresse, bien grande, et prend son regard de dédain, celui qu'elle maîtrise bien, alors qu'elle vient s'adosser au mur adjacent. « Certains hybrides valent d’ailleurs mieux que cela. » Il la flatte. Elle n'est pas dupe. Mais aussi frustrant que cela puisse être, il a capté son attention. « Parfois, il est préférable pour tous de faire justice soi-même. » Greta hausse un sourcil. Voilà des paroles bien étranges venant du chef de la brigade de police. Peut-être qu'il a raison, sans doute ne le connait-elle pas assez. « C’est justement pour ce genre d’affaires que j’aurais besoin des services d’un agent externe au Ministère. Cela pourrait fonctionner selon une logique de contrats. Je te donne un nom, tu t’occupes du problème de la manière qui te chante et bénéficies de ma protection, sans avoir à être enchaînée au Ministère ou à porter cet affreux tatouage sur la joue. » Greta prend le temps d'assimiler l'offre de Travers. Il n'y a pas à dire... C'est tentant.

Mais Greta reste sur ses gardes. L'homme est intelligent, ça pourrait très bien être un piège, une tentative pour lui faire baisser sa garde. Alors elle se permet de lancer quelques sarcasmes. « Il est vrai que ces tatouages sont hideux, mon visage est bien trop beau pour supporter ça... » Elle gagne un peu de temps pour peser le pour et le contre. L'idée de servir un membre du Ministère, qu'il ait un quelconque ascendant sur elle, a quelque chose de révoltant. Elle sait que si cette proposition n'est pas une farce, le sorcier compte avant tout se servir d'elle. Comme la VB. Mais sans tatouage. Il n'empêche, s'il la laisse libre et qu'elle gagne au passage un semblant de protection... C'est peut-être mieux que la seconde option qui s'offre a elle : elle ne doute pas que le mage n'hésitera pas à entamer le duel si elle décline sa proposition. « Disons que j'accepte... Qu'est-ce qui me dit que tu ne vas pas tenter de "m'asservir" d'une quelconque façon ? Que tu ne vas pas vouloir me contrôler, avec des runes ou un autre type de magie ? Même dans le dos du Ministère. Même pour ton usage personnel. » Elle le scrute un instant, le laisse choisir sa réponse. « Et si je refuse ? Tu me laisses vaquer à mes occupations ? »

En réalité, Greta ne se l'avoue pas totalement, mais elle sait déjà qu'elle ne refusera pas. A leap of faith. Parfois c'est ce qu'il faut pour avancer. Ces derniers temps, elle commet de nombreuses erreurs, des fautes qui la mettent en danger. Des sorciers qui connaissent son visage. Des personnes qu'elle n'a pas finit de tuer. Un peu de protection ne ferait pas de mal. « J'ai un passé compliqué avec les hommes manipulateurs. J'ai tendance à ne pas les supporter. Alors si possible, j'aimerais que notre partenariat, s'il a lieu, se fasse sous le signe de l'honnêteté. Je peux tuer qui tu veux, si tu n'essayes pas de me mentir. Je peux épargner les sorciers de ton choix, si en échange tu me laisses prendre mes propres décisions dans le reste de ma vie. »

Greta Steinberg n'est pas un vampire anodin. Loin de n'être qu'un monstre assoiffé de sang, elle te prouve au fur et à mesure de la conversation qu'elle est bien plus réfléchie qu'elle n'y parait. Tu te félicites du fait qu'elle ne t'ait pas encore sauté au cou et arraché la carotide. Tu as l'impression d'être parvenu à attirer son attention. Tu considères cela comme un succès. Bien que la partie ne soit pas encore gagnée. Néanmoins, elle te répond sur le ton de l'humour et ta stratégie gagne par la même du terrain. Oui c'est vrai, à bien y regarder de plus près, elle a un beau visage. Des traits acérés mais séduisants. En d'autres circonstances, tu aurais pu te laisser charmer par l'Allemande.
Elle ne refuse pas ta proposition, du moins pas pour l'instant. Elle se montre curieuse, méfiante, elle s'interroge sur les termes et les conséquences que ce marché avec toi pourraient avoir. En entendant le flot de questions qu'elle débite à ton encontre, tu laisses échapper un léger rire. Ce n'est nullement une provocation, simplement de l'amusement. Sa vivacité d'esprit et son sens de la répartie attirent ton attention. "Si j'avais besoin de quelqu'un à asservir, j'aurais postulé à la VB, ou bien auprès de l'entreprise d'esclavage d'elfes de maison gérée par mon frère. Et puis je ne m'y connais absolument pas en magie runiste." Tu ne sais pas vraiment ce qu'elle entend par "usage personnel", mais lorsque tu repenses à ta dernière nuit avec Freya, c'était plutôt elle qui t'avait asservi et non le contraire. "Je n'ai besoin de personne pour mon usage personnel. Mais dans le cas où tu viendrais à refuser, je te laisserais partir. Une seule fois seulement. Et lorsque nos chemins se recroiseront, je ne pourrai plus faire preuve d'autant de clémence à ton égard." Les choses étaient parfaitement claires. Elle saurait dans quoi elle s'engageait, qu'elle que soit sa décision. Attendant patiemment sa réponse, tu sors un paquet de Lucky Centaurs de la poche intérieure de ta cape et portes une cigarette à ta bouche avant d'en tendre une polimment à Greta. Tu affiches une décontraction apparente, que tu sais n'être que de façade. Le danger est bel et bien présent, tu ne l'ignores pas. "Ta vie privée ne m'interesse pas. Si tu acceptes mon offre, notre relation sera strictement professionnelle. On s'en tiendra tous les deux aux termes de notre accord. Je ne me mêlerai pas de ce qui ne me regarde pas et tu en feras de même. Il vaut mieux pour tous les deux que notre coopération repose sur l'honnêteté. Si cela peut te rassurer, on peut même sceller ce pacte sous serment inviolable." S'il le fallait vraiment, tu t'y soumettrais, mais tu préfererais que cela ne soit pas nécessaire. Cette proposition avait plutôt pour but de voir de quoi Greta était réllement capable et jusqu'où elle était prête à aller pour sauver son existence maudite.

Greta scrute son interlocuteur avec attention, son regard perçant ne cillant pas un seul instant. Elle observe les traits de son visage se mouvoir lorsqu'il laisse échapper un rictus. Elle se demande s'il se moque d'elle ou si la réaction lui a échappé, sans trop qu'il ne sache pourquoi. Et elle l'écoute avec la même attention curieuse, répondant par une moue convaincue aux excuses qu'il donne pour expliquer pourquoi elle ne finirait pas avec une rune dans le cou avec lui. Elle le laisse poursuivre. Il a l'air songeur un instant, semblant se remémorer un bon souvenir. Puis il lui affirme qu'il la laisserait partir, si elle le désirait. Bien sûr, ce serait la dernière fois, mais Greta juge qu'il a l'air de bonne foi lorsqu'il lui laisse un échappatoire. Elle hésite. Elle réfléchit. Elle pèse le pour et le contre, tandis qu'il sort un paquet de cigarettes de l'intérieur de sa cape. Greta hausse un sourcil. Il y a des avantages à être un des garants de la loi : on peut se permettre de ne pas la respecter. Elle lève la main en signe de refus lorsque Travers lui en propose une. Elle a toujours trouvé l'odeur des cigarettes particulièrement désagréable, et cette impression n'a fait que s’accroître en grandissant, lorsque sa morsure lui a conféré un odorat particulièrement développé.

« Ta vie privée ne m'interesse pas. Si tu acceptes mon offre, notre relation sera strictement professionnelle. On s'en tiendra tous les deux aux termes de notre accord. Je ne me mêlerai pas de ce qui ne me regarde pas et tu en feras de même. Il vaut mieux pour tous les deux que notre coopération repose sur l'honnêteté. Si cela peut te rassurer, on peut même sceller ce pacte sous serment inviolable. » Un lueur naît dans le regard de l'allemande. Intéressant. Elle ne s'attendait pas à ce que le sorcier soit prêt à sceller un tel pacte. Un sourire tord ses lèvres tandis qu'elle se redresse, se décollant du mur pour reprendre ses pas autour de l'employé du Ministère. En un sens, ce pacte ferait peser sur elle aussi une épée de Damoclès. Une obligation éternelle envers Marlon Travers. Quelle différence alors avec les runes de la VB ? Son handler courrait les mêmes risques qu'elle. Cette idée semble plaire au vampire. « As-tu un Enchaîneur de confiance ? » En effet, il n'y a aucun intérêt à ce que les deux soient contraints de fuir suite à une trahison. Il est de l'intérêt de la Steinberg que Travers garde sa place au Ministère, sans quoi il ne pourrait la protéger. Et Greta ne fait confiance à personne qu'elle connaît, ce qui n'est pas très pratique.

Greta éprouve une certaine excitation à l'idée de sceller ce pacte. Elle reste toujours sur ses gardes mais la proposition de Marlon tombe à point nommé. Cela faisait quelques mois qu'elle enchaînait les erreurs et de plus en plus de sorciers connaissent son visage. Avoir un "allié" au sein-même du Ministère permettrait d'éloigner la VB et les autorités le plus loin d'elle possible. Ce serait dans l'intérêt de Travers que personne ne lui mette la main dessus, en particulier s'ils en venaient à réaliser un Serment Inviolable.
Greta arrête de faire les cent pas, marque une pause en observant son interlocuteur. « J'accepte. » Et puis comme elle n'est pas du genre à tourner autour du pot, « Shall we start? »

C’est à un jeu dangereux que tu joues là. S’unir à un vampire n’est pas chose anodine. Mais tu n’es pas du genre à renoncer à prendre des risques, surtout lorsque tu es persuadé de pouvoir servir tes propres intérêts. Disons simplement que tu as tes méthodes pour parvenir à tes fins. Et tu estimes en ton for intérieur que le Ministère n’a pas besoin de tout savoir. Tu regrettes même de ne pas avoir échafaudé ce partenariat secret bien plus tôt. Cela t’aurait évité pas mal de problèmes. L’espace d’un instant, tu songes à l’idée de servir le nom de tes enfants sur un plateau au vampire qui te fait face. Oui, cela serait bien plus simple si Greta s’occupait d’eux. Tu n’aurais pas à te salir les mains, ni à porter le poids de la culpabilité d’un double infanticide. Mais avant de lui transmettre le moindre contrat, il fallait d’abord s’occuper de sceller votre pacte, comme il se doit. Tu as bien conscience d’avoir attiré l’attention du vampire en évoquant le serment inviolable. Parfois, il suffisait de si peu pour faire basculer l’adversaire de son côté. Mails il est encore trop tôt pour se réjouir, tant que l’enchantement n’aura pas eu lieu, tu ne pourras pas considérer cette entrevue comme une victoire. Et bien que tu ne rechignes pas à prendre des risques, tu n’as pas l’intention de prêter serment ce soir. Tu ne gratifieras certainement jamais un vampire de ta confiance, mais tu souhaites néanmoins soumettre Greta à une épreuve de bonne volonté. Tu vas lui donner une heure et un lieu de rendez-vous et sa présence, ou bien son absence, déterminera si tu dois la considérer comme une alliée ou comme une ennemie à abattre. « Je n’accorde pas ma confiance à grand monde. Mais je connais un Enchaîneur qui fera l’affaire ». Et tu espérais sincèrement qu’Aleksander ne découvre jamais, ô grand jamais, votre petit secret. Car celui qui te considérait comme son mentor et son sauveur, ne te pardonnerait jamais d’avoir pactisé avec le monstre qui avait failli lui arracher sa vie.
Ta cigarette à moitié consumée, tu jettes ce qu’il en reste au sol, avant de replonger ton regard dans celui de Greta. Tu essaies d’y percevoir la moindre émotion, en vain. Le vampire est impassible, il a appris à contrôler le moindre de ses gestes. « Retrouve-moi ici-même dans exactement six jours, aux alentours de 23h. Et mange avant de venir, je n’ai nullement envie que notre entrevue tourne mal. » Tu n’avais pas l’intention de lui tendre le moindre piège et tu espérais qu’il en allait de même de son côté. Rien ne vous garantissait que vous n’alliez pas vous trahir l’un l’autre, si ce n’est la promesse d’une collaboration des plus intéressantes. « Gute Nacht, Greta. » Tu considères ces adieux dans sa langue natale comme un moindre gage de ta bonne foi. Le temps est donc venu de lui fausser compagnie. Tu lui tournes le dos, non sans une note d’appréhension, avant de disparaître au coin de la rue.

FIN