On pourrait dire ‘journée de merde’ mais quand on a un boulot de merde et une famille de merde finalement, tous les jours méritent ce titre alors ça devient redondant. Si la pluie a épargné – pour le moment du moins – la grande cité de Londres, la campagne a décidé de se faire un remake de l’ancien testament, version Noé. Cela ne fait pas encore quarante jours mais au niveau du ressenti, on miserait certainement sur quarante ans. De toute façon, de ce côté-ci de la Manche, on appelle juste ça l’été. Toute la mâtinée la brigade a été embusquée dans un coin de forêt, attendant de vérifier que leur info sur le passage des rebelles était de bonne facture. Si Jeong-Hui s’est autorisé un léger sortilège de parapluie, les plusieurs hounds à son service pour cette mission ont dû rester des heures durant à prendre la pluie jusqu’à-ce que même leurs os soient trempés. ‘Un trop grand dégagement de magie est détectable et peut alerter à notre présence’ qu’elle leur a dit. La réalité étant qu’elle n’avait guère envie de leur rendre la vie plus facile alors qu’elle avait une occasion de les emmerder. Ils n’avaient pas osé se plaindre, bien conscient de la futilité et de la dangerosité de l’action. Enfin, aux alentours de midi, quelques sorciers ont transplané dans la forêt, déclenchant les signaux lumineux sur le détecteur que la brigadière regardait religieusement. Trois silhouettes ont pénétré dans la clairière, baguettes levées, scrutant les alentours. Les hounds ont frémi, sur les nerfs, prêts à mettre fin à cette immobilité éreintante. En un geste la jeune Rosier les a retenus, exaspérée par la stupidité de ces hybrides. Quelques minutes plus tard le détecteur à nouveau fait jouer ses lumières, quatre rebelles de plus viennent occuper la clairière et elle lance le signal. Les résistants sont en train de se poser des questions de sécurité, focalisés sur le danger qu’ils représentent les uns pour les autres, ignorant la réelle menace qui est en train de leur tomber dessus. Les hounds ne sont pas des lumières mais ils sont bien dressés, et la manœuvre est parfaitement exécutée. Une fois le piège mis en branle, son issue est inéluctable. Journée de merde mais journée fructueuse.

De retour au ministère elle fait l’inventaire des prisonniers. Pas de haut gradé de l’ordre, rien de plus que des résistants de bas étage mais chacun est une victoire pour notre Lord and saviour, le Lord. Le plus vite possible elle les a refilés à son hound, n’ayant pas la moindre envie de faire connaissance avec ces criminels. Sait-on jamais, il se pourrait bien que ce soient des gens sympathiques et après elle aurait des remords, ce qui la fout quand même mal. « Va les coller en cellule puis appelle Nicola pour s’occuper de leur transfert au département des mystères. » Elle fronce le nez. « Et va prendre une douche tu sens le chien mouillé c’est dégueulasse. » C’est faux, après tout, il ne sent que le mec mouillé puisqu’il s’est pris la pluie toute la mâtinée grâce à mademoiselle mais le nez de Cat décèle toujours les arômes lupins sous-jacents, transmettant son dégoût olfactif à sa maîtresse. Tous ces gens sortent enfin de sa vue et elle rejoint son bureau pour une bonne dose d’administratif à lui en coller la migraine. Parfois, à la fin de la journée, il lui semble que les lettres dansent devant ses yeux et qu’elles se moquent d’elle. Cela lui rappelle ces soirées interminables à Poudlard, à bûcher en vain sur tous ces bouquins dont aucun mot ne voulait rentrer. Parfois elle croit même entendre la voix exaspérée de Eun-Ji lui dire que ‘quand même c’est pas compliqué’.

La porte de son bureau s’ouvre brutalement, faisant sursauter le chat qui était étalé sur la table comme s’il était en vacances. « Rosier, avez-vous une minute ? J’ai une affaire urgente à traiter avec vous. » Marlon Travers, chef de la brigade de police magique. Pas une petite pointure quoi. Il ne descend pas souvent voir les handlers, ce n’est pas trop de son niveau, il a des sous-fifres pour ça. Alors Jeong-Hui n’a pas la moindre idée de ce qui peut l’amener dans son bureau mais elle ne va certainement pas faire l’erreur de l’en renvoyer. « Pour vous toujours monsieur. » Pas très naturel pour elle comme formulation mais elle a vu pléthore de secrétaires de son père lui dire ça d’une voix mielleuse quand elles voulaient se trouver une place dans ses bonnes grâces. La voix mielleuse, Jeong-Hui ne sait pas faire, mais elle espère que ça marchera quand même. « De quoi s’agit-il ? » En espérant qu’elle n’ait pas foiré quelque chose sinon c’est mort pour la promotion.

Un gros problème dans sa vie, un gros problème dans sa carrière, Jeong-Hui n’est pas douée pour faire du lèche-botte. Elle a du mal à savoir qui exactement courtiser, et surtout ce qu’ils veulent entendre. Au final son plus terrible défaut c’est que ça lui importe très peu, courir après les hauts-gradés de ce monde pour en devenir un ne l’a jamais intéressée. Et elle le paye aujourd’hui, terrée dans ce département de ratés, à faire pâlir la réputation des Rosier par son métier de sous-fifre. Peut-être aurait-elle dû écouter ses parents toutes ces années mais on ne peut créer une passion pour le networking là où il y a un néant d’ambition et une incapacité relationnelle. Tout ce qu’elle peut faire c’est du mimétisme et à chaque nouveau paramètre elle se retrouve coincée. Sauf que voilà, elle hait cette putain de brigade et tout ce qu’elle représente, ne rêve que de s’en échapper. Alors s’il lui faut maintenant goûter aux joies du cirage de pompes, elle le fera. Enfin elle tentera. Vraiment, essayer de la sociabiliser c’est comme planter un citronnier en plein milieu de l’arctique, ça prendra pas. « Depuis combien de temps faites-vous ce métier ? » Une éternité monsieur, délivrez-moi, qu’elle manque de lui répondre mais arrive à s’arrêter juste à temps. « Deux ans. » Quasiment dès sa sortie de Poudlard. Elle n’a eu que quelques mois de formations aux sortilèges de défense contre les forces du mal puisqu’elle en aurait besoin sur le terrain. Autant dire que pour une élève lente ce n’était pas assez. « Si vous n’avez rien remarqué d’inhabituel chez deux de vos nouveaux prisonniers, vous devriez peut-être songer à vous reconvertir. » Ouch. L’humiliation lui arrive dessus comme une claque, lui laissant les joues rouges. Qu’est-ce qu’elle a fait encore ? C’est le thème principal dans sa vie décidément. L’énorme chat exotique se met à feuler vers le directeur, du haut du bureau, décontenancé par les émotions de sa partenaire, mais June lui intime bien rapidement d’arrêter. Pourtant elle est sûre de tout avoir bien fait. Ce boulot est merdique mais il est simple, et ces deux blondinets n’avaient rien de spécial. Si ce n’est qu’ils étaient vraiment très blonds, et jumeaux. « Si vous parlez des jumeaux je ne pensais pas que ça suffise à rendre quelqu’un inhabituel. » A la limite, ça pourrait intéresser le département des mystères et ses expériences, mais la police magique ? Ce doit être autre chose. « Je viens vous demander de faire transférer Azaël et Jarod Nielsen vers la brigade de police magique. Leur cas relève de la compétence de mes équipes. » Bordel ils n’ont pas intérêt à être encore porteurs d’une maladie bizarre là, elle n’a pas envie de retourner à Sainte-Mangouste. Encore que… Pour voir la jolie docteur… Il a l’air autoritaire le directeur mais Jeong-Hui est rarement intimidée par ce genre d’attitudes, trop rôdée par ses parents. Il confirme au moins qu’il s’agissait des jumeaux mais elle ne comprend toujours pas leur particularité. Ce ne sont pas des hybrides, pas des membres importants de l’ordre… De banals gamins qui ont cru que s’opposer au Lord serait une fun activité de vacances somme toute, pas de quoi rameuter l’illustre Travers. « Il va de soi que j’attends que cela survienne dans la journée. Voyez cette affaire comme le symbole de la coopération entre nos deux services. » Bon, si c’est pour la coopération, c’est sacré. Peut-être même verra-t-il là un geste digne d’un peu de reconnaissance, la mettant sur la voie d’une avancée professionnelle. Mais quelque chose cloche et dans ces cas, la jeune Rosier n’est pas du genre à ne pas poser de questions, pas quand ça la regarde. Femme de peu de mots mais femme de beaucoup de curiosités. « Qu’est-ce qu’ils ont de spécial ? Puisque je n’ai rien remarqué. » Un employé plus fin avec les mots aurait essayé de faire passer cela pour une tentative d’éducation, pour ne plus réitérer l’erreur, mais elle n’est pas un de ces employés. « J’ai regardé le dossier, il n’y a pas grand-chose, ils n’ont rien fait de spécial par rapport aux autres du lot, ils ne sont pas hybrides, ils n’ont pas l’air particulièrement doués. Pourquoi la brigade de police magique ? » La VB a-t-elle si peu de valeur qu’elle est incapable de gérer des prisonniers lambdas ?

Elle est pleine de bonne volonté Jeong-Hui en cet instant, comme bien souvent, mais c'est que les gens ne savent pas reconnaître cette bonne volonté ou l'utiliser correctement. Elle s'épuise très. « J’imagine que handler à la VB n’était certainement pas la profession dont vous rêviez depuis toujours. Surtout quand on sait de quelle noble famille vous descendez. Vos parents n’ont pas dû beaucoup se réjouir de votre affection dans ce service. Je vais donc fermer les yeux cette fois-ci et ne vais pas vous reprocher votre soudaine curiosité. » Elle est pleine de bonne volonté Jeong-Hui mais par exemple en cet instant précis elle s'est épuisée d'un coup. Pouf, disparu. Il faut dire qu'il a bien mal choisi ses mots le directeur et a frappé pile là où il ne fallait pas. Ou droit dans le mille si son but était de l'humilier. Mais l'humilier n'était pas une bonne solution. Parce que la petite Rosier, quand on l'illumine, devient feu de forêt. Elle cache parfois l'incendie derrière un mutisme déterminé mais toujours, toujours l'incendie gronde. Travers lui a rappelé une fois de plus qu'elle est coincée dans ce département de merde dans ce boulot de merde avec ces hybrides de merde, et que sa famille a honte d'elle. En plus de ce fait on va lui reprocher d'être curieuse, la seule chose qui la sort de ce cocon morose d'ennui et de haine de soi ? Il vient de franchir la mauvaise ligne le boss. Et puis après tout ce n'est même pas son boss à elle. Cat gronde longuement, sa queue battant sur le bureau avec un bruit sourt. « Vous vous doutez bien que mon métier exige un certain degré de confidentialité. Je ne peux donc malheureusement pas vous dévoiler tous les détails de l’affaire. Mais pour faire court, cela fait un moment que la brigade de police magique suit le dossier des jumeaux avec attention. Et maintenant qu’ils sont entre les mains du Ministère, il serait particulièrement dommage que mes équipes ne profitent pas de l’occasion pour les interroger comme il se doit. » Comme si la VB n'était pas équipée pour les interrogations, comme s'ils n'avaient pas l'habitude de tout faire cracher à leurs prisonniers. La brigade de police n'a qu'à retourner aux sorciers qui se saoulent la gueule et portent des vêtements moldus, puis aller faire une descente dans un bar underground gay en espérant que cela emmerde le crime organisé. L'ordre c'est votre rayon à vous. « Les jumeaux ne sont certes pas des hybrides, mais ils sont membres de l’Ordre du Phénix depuis bien des années. Nous collectons des informations sur leur compte depuis de longs mois, nous connaissons leur dossier absolument par cœur. Je suis convaincu que la VB, et plus particulièrement votre équipe, fait un travail remarquable avec les arrestations d’hybrides hors la loi, mais dans cette affaire, c’est à moi de prendre le relai. » Il ne sait pas sur quel pied danser entre réprimande et compliment, mais elle n'en déduit pas immédiatement que cela traduit son désespoir. Tout ce qu'elle voit c'est qu'il la pense conne. Comme tout le monde. « Vous savez je déteste qu'on me prenne pour une idiote. Vous pouvez pas me reprocher d'avoir foiré une seconde puis venir dire qu'on fait un travail remarquable. »June ne s'est pas levée mais elle fixe son supérieur droit dans les yeux, s'efforçant de ne pas laisser transparaître sa colère, de la contrôler. « Vous voulez les jumeaux ? Je veux une explication. Sinon, vous pouvez aller voir Mr. Yaxley pour une demande de transfert. S'il signe, je vous fais ça dans la minute et avec plaisir. » Enfin, pas réellement avec plaisir. Mais au moins avec indifférence.

Le Travers elle l’avait déjà croisé dans les couloirs mais jamais ne lui avait adressé de mots qui n’étaient pas ‘bonjour monsieur’. A part, des fois, ‘bonsoir monsieur’. Elle avait fait profil bas somme toute. Pas baisser la tête, ça non, ce n’est pas quelque chose qui se fait chez les Rosier ; pour autant elle n’avait pas fait preuve de beaucoup de caractère. Après tout il n’est pas son directeur à elle. Maintenant que l’occasion se présente de lui parler vraiment Jeong-Hui n’a pas l’intention de s’écraser, elle n’a jamais supporté qu’on lui marche dessus après tout malgré la liste très – très – longue de gens ayant essayé. Il faut dire, une grande asperge maigrichonne à l’air maladroit qui bute sur un mot sur quatre, c’est la proie parfaite. Eh ben loupé. De son côté elle foire un peu aussi, incapable de machinations élégantes, de faire comprendre en sous-texte qu’il va falloir allonger autre chose pour avoir sa faveur. Un chantage aussi brut de décoffrage ça pourrait lui revenir en pleine figure. « Ce transfert a des enjeux personnels que Yaxley ne saurait comprendre. C'est avec vous que je veux négocier et personne d'autre. » C’est bien la première fois qu’on la veut elle et personne d’autre, même de la part de ses parents c’est une rareté – encore qu’il arrive qu’Aloysius veuille son avis et celui de personne d’autre de la famille sur une tenue, parce qu’il sait très bien qu’elle répétera son avis à lui et qu’il sera conforté dans sa décision. Pourtant on sent bien que Mr. Travers, lui, aurait préféré négocier avec une personne moins emmerdante, un brigadier plus respectueux de la hiérarchie, pourquoi pas un aspirant mangemort qui se serait plié en quatre. Dommage, June n’aime pas les tatouages. « Que voulez-vous en échange, Rosier ? A quoi aspirez-vous véritablement ? » Ah la boulette. La question à un million. « Je pourrais probablement vous aider à faire évoluer votre carrière dans une direction plus… satisfaisante. Si vous êtes prise de passion pour la justice magique, je pourrais vous obtenir un autre poste au sein du département. » Elle n’est certainement pas prise de passion pour la justice magique. Là est bien le problème, elle n’est prise de passion pour rien, à part les chats et les sucettes anisées, et à moins d’ouvrir une confiserie pour félins c’est mal barré. La seule chose qu’elle sait c’est ce qu’elle ne veut pas – en soi c’est un bon début – c’est-à-dire… Ce boulot. « A moins que vous ne soyez intéressée par le département des mystères. J'ai encore des contacts là-bas. » Pas besoin de lui, tu les as tes contacts au département des mystères avec mummy dearest. Le problème c’est qu’il faut quand même être un minimum doué pour s’y rendre utile et tu serais bien incapable d’être chercheuse. En quoi que ce soit. A part en zoologie, matière désespérément absente du ministère – si on ne compte pas les services d’extermination. « Voyez cela comme un échange de bons procédés entre nos deux familles. » Bien sûr, dit comme ça c’est bien plus plaisant que la réalité de cet échange sous la table d’affaires qui pourraient potentiellement trahir le régime. Parce qu’après tout elle ne sait ni ce qu’il veut au jumeau ni ce qu’il veut en faire, et il est fort possible que des règles plus importantes que celles de transfert soient brisées dans le processus. « D’abord je veux savoir ce que vous allez faire d’eux. » Non pas par intérêt ou inquiétude pour ces deux raclures de l’ordre mais par pure curiosité, parce qu’elle s’improvise détective, entre ses tentatives de percer ce qui se passe au département des mystères et maintenant ce qui se passe du côté de Travers. « Je ne dirai rien. » Pour essayer de le rassurer un peu, d’avoir l’air de négocier. Entre temps les méninges tournent dans la caboche de Jeong-Hui qui essaie désespérément de trouver un poste à demander. Le service des bêtes c’est bien parce que les animaux c’est son truc mais d’un autre côté c’est quand même des bestioles sacrément désagréables et puis neuf fois sur dix il faut les tuer. « Je veux un poste au département des accidents et catastrophes magiques. » Moins d’hybrides mais on ne doit pas trop s’ennuyer, le compromis parfait. Pour une fois peut-être, qu’elle répare des choses au lieu de les briser, ça changera de sa vie.

Il fallait toujours que quelqu’un vienne la mettre en colère quand elle était tranquillement en train de s’occuper de ses oignons. Si chacun restait à sa tambouille, elle s’en sortirait beaucoup mieux, et les autres aussi sans aucun doute. Mais non, il avait fallu que Travers vienne la perturber elle, vienne lui faire des menaces, des reproches, des louanges, essayer d’obtenir ce qu’il voulait avec franchement très peu de talent. Quand on veut négocier, il faut savoir avec qui on parle, tout d’abord, et le chef de la Brigade n’a clairement rien saisi à la personne qu’il a en face de lui. Finalement pas très doué pour lire les gens. D’ailleurs, Jeong-Hui elle-même négocie aussi bien qu’un crabe de feu, incapable de lire qui que ce soit et jetant juste des flammes au hasard au moindre accroc, mais de la part d’un membre de l’élite on se serait attendu à mieux. Il fait moins le fier quand il se fait rabrouer par une gamine. Il fait encore moins le fier quand il prend des airs de pivoine et se met à cracher ses poumons disgracieusement. Ce n’est qu’au moment où il fait apparaître une carafe d’eau que la Rosier se dit qu’il aurait été une bonne idée de lui proposer de l’eau avant qu’il ne s’étouffe complètement. Enfin, il s’est débrouillé comme un grand. Le mangemort semble remarquer Cat pour la toute première fois alors qu’il était posé sur le bureau depuis le début de la conversation, à grogner, feuler et battre de la queue. On pourrait dire qu’elle ne fait pas confiance aux gens qui n’aiment pas les chats, mais elle ne faisait déjà pas conscience à son supérieur, alors rien n’est vraiment perdu. « Je vous obtiendrai un poste dans ce département, je vous en donne ma parole. » Sa parole a intérêt à valoir quelque chose parce que June a bien l’intention de la lui faire tenir, il est à présent son ticket d’or pour sortir de ce trou à rats. D’un coup de baguette l’homme fait apparaître sur le bureau un formulaire estampillé de la VB, espérant sans doute être parvenu à ses fins. « En contrepartie, je vous serais gré de remplir cette demande de transfert et de l’apporter à votre supérieur. » Prenant entre ses doigts le papier, elle le survole du regard – du moins a l’impression de le survoler mais doit y passer un temps qui fait grincer Travers, avec la lenteur qu’elle met à lire – pour s’assurer que rien ne cloche et que c’est un formulaire tout à fait classique. Satisfaite enfin elle le repose sur le bois du bureau. « Je le ferai. » Elle ne lui serre pas la main pour concrétiser leur accord, ou même pour le saluer. Le moins elle a à toucher des gens, le mieux elle se porte. Elle baisse la tête, retournant au rapport qu’elle était en train de remplir avant qu’il ne fasse irruption et se remettant à écrire lentement. En levant les yeux une dizaine de secondes plus tard et le voyant toujours là, elle décide d’être de bon service. « Vous pouvez y aller monsieur c’est bon. » Sait-on jamais, il aurait mal pu lire la situation, à elle ça lui arrive tout le temps.