cw. expérimentation humaine (mentions)

La missive n'indiquait qu'une heure de rendez-vous, un lieu (soit un café quelconque du Chemin de Traverse) et un point d'interrogation car Alois ne donnait pas d'ordre à Hayes (ni n'était très certain que le marin répondait à ses invocations). Pas d'explication sur le pourquoi du comment alors que le guérisseur en était à dix pages de protocole d'expérience (quatre versions différentes, une hésitation sur les variables à prendre en compte, des schémas peu clairs, des références à des articles obscures et beaucoup de ratures) : il prenait en compte le pauvre gars de la censure qui lirait la lettre (Alois était contre le traumatisme des gens lambdas pour peu qu'ils ne soient pas de sang pur) ainsi que le B-A-BA des bonnes manières : personne ne voulait savoir qu'il était invité uniquement parce que sa malédiction était marrante à étudier. Comprendre marrante dans le sens scientifiquement originale. De plus, parler de têtes coupées de but en blanc... Non, Alois était un gentleman (sic) et préférait payer le café en guise de préliminaires.

Le guérisseur se serait bien mis en terrasse mais les quelques rayons de soleil qui arrivaient à traverser les nuages étaient ceux typiques du mois de janvier et même sous son manteau en cuir de dragon, Alois frissonnait. Il s'était donc réfugié à l'intérieur, juste à côté de la baie vitrée pour profiter de la clarté relative et de la vue sur les passants. Il commanda un premier café avant de sortir un long parchemin de son sac. Son avance au rendez-vous était toute calculée : il allait pouvoir corriger au chaud le dernier mémoire de son étudiant sans être interrompu par ses collègues (bonus : les banquettes des lieux étaient ce qu'il y avait de plus confortable). Et si Hayes ne venait pas, au moins le temps n'aura pas été perdu.

Au début, il relevait la tête au moindre bruit, suspendant les gribouillis de son crayon à papier pour regarder qui entrait, qui sortait, qui passait avec un air perdu pour demander où était les toilettes. Au bout d'une demi-heure, il y aurait pu y avoir un débarquement de dragons dans le café qu'Alois n'aurait même pas cillé, toute son attention occupée par le parchemin. Son café était froid désormais, cela lui arracha une grimace quand il prit la tasse pour en boire une gorgée. Il sortit sa baguette pour le réchauffer d'un sort et son regard se perdit dans le vide quelques longues minutes avant qu'il ne se repenche vers le parchemin pour y rayer une longue phrase et écrire sa version reformulée. Mouais, mieux.

Il eut le temps de recommander un café (déca s'il-vous-plaît, après je ne dors plus) au serveur et de finir ses corrections avant qu'Hayes ne se pointe (il était arrivé trop en avance peut-être parce qu'il était impatient). Parchemin troqué pour exemplaire de la Gazette, Alois tentait de ne pas trop ricaner en lisant le récit des fiançailles catastrophiques d'Anthea Burke quand on vint dans sa direction. Il releva la tête avant de se fendre d'un sourire plus ou moins amical. "Alors ? Prêt à partir faire des ronds dans l'eau ?" en guise de salut et Alois rangea toutes ses petites affaires pour faire de la place au nouveau venu qu'il détailla de ses yeux perçants. "Café ?" demanda-t-il avant de faire un signe au serveur pour qu'il prenne la commande. "J'avais une expérience à te proposer..." commença le blond qui si, finalement, allait parler de têtes coupées de but en blanc.