rat poison (kavemann)

Alois remercia d'un sourire et d'un geste de tête le serveur venu déposer une choppe de bière sale sur le comptoir poisseux du bar auquel il était accoudé. Il en but une gorgée puis deux alors que ses yeux plissés parcourait la salle. Son voisin de gauche fumait un espèce de cigare à l'odeur bien trop âcre et à la fumée d'une couleur indéfinie. Le guérisseur songea un instant à se pencher à son oreille pour lui susurrer tous les problèmes de santé qu'il encourait. Il ajouterait plein de détails sur les toux interminables, les glaires noirâtres qui lui remonteraient le long de l'œsophage, les poumons nécrosés juste pour le voir écraser le cigare dans le cendrier jamais vidé qui trônait face à eux mais il n'en fit rien : ce n'était pas lui qui était censé se battre ce soir (et l'homme était beaucoup plus lourd que l'irlandais qui préférait qu'on ne lui tombe pas dessus).

A la place, il posa ses iris bleutées vers l'arène où un lycanthrope gringalet se faisait dérouiller par un espèce de mastodonte à l'air bovin (certainement un demi-géant qui avait eu plus que son compte de commotions cérébrales pour prétendre ne pas avoir perdu de neurones). Un son de cloche retentit, le gars maigrichon tangua avant de s'effondrer et l'arbitre n'eut même pas le temps de faire un signe dans sa direction qu'Alois avait déjà déserté son tabouret et sa bière pour se diriger vers eux. L'homme avait le pas beaucoup plus sûr que tous les sorciers qui l'entouraient, il était surtout beaucoup plus sobre et l'encre de ses paumes brillait d'un éclat bleuté signifiant que plus que pour boire, il était là pour bosser. Ou plutôt rendre service contre quelques pintes de bières tiédasses : un chef de service n'avait pas besoin d'arrondir ses fins de mois mais si c'était pour filer un coup de main à un copain ainsi qu'à une poignée d'hybrides... Accroupi auprès du loup-garou inconscient à qui il ouvrit un œil pour y foutre la lueur d'un lumos, il répondit aux quelques blagues de l'arbitre avant de secouer la tête. "KO de chez KO et j'parle même pas du mal de crâne à son réveil... Faudrait peut-être faire des pouls de poids, hein ?" Il savait pertinemment que son conseil n'était ni demandé, ni écouté mais conscience professionnelle obligée. Ses paumes brillèrent de plus belles quand il les posa sur le crâne de l'inconscient. Il murmura quelques mots incompréhensibles à l'issue duquel le blessé bâtit des paupières, émit un grognement et retourna dormir. Haussement d'épaules d'Alois qui, lui, retourna à sa bière.

Elle l'attendait toujours, bien sagement au bar et il hésita un instant avant d'y tremper les lèvres (après tout certains ne cracheraient pas sur sa disparition et l'empoisonnement était une méthode comme une autre (mais pas très prisé dans un repère de brutes, trop féminin)). Son voisin fumeur avait laissé place à un visage autrement plus familier et cette fois-ci, il ne découvrit pas les dents pour prendre l'air excédé par l'odeur mais pour étirer ses lèvres dans un sourire bonard. "Tiedemann ! Je sais sur qui j'parie ce soir !" Et certainement à qui il remettrait une épaule (quoique le combattant vieillissait mais ça, Alois ne lui dit pas). Le doigt se pointa vers le demi-géant qui enchainait avec un deuxième combat. "Sacré morceau celui-là, j'aimerai pas me retrouver en face." Il avait - après tout - beaucoup besoin de ses mains alors la perspective de les éclater contre les abdos en béton armé du molosse...

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Ce soir encore, l’ambiance est lourde dans l’arène. L’air y est toujours plus moite et épais qu’au rez-de-chaussée, où se mêlent les parfums délicats de la haute-société à la luxure la plus défendue. Dans les sous-sols, point de glamour. Le sang fait corps avec la sueur et les relents de bière trop chaude. Un comble pour une famille allemande que de servir un tel breuvage dans son établissement. Mais Ulrike répète toujours que la clientèle qui vient assister aux combats clandestins, elle se fiche royalement de la température de sa boisson. Généralement, ceux qui viennent parier ou simplement assister aux combats sont déjà bien trop alcoolisés pour remarquer quoi que ce soit. Mais bien sûr, il y a une exception à la règle : Alois Kavanagh. Cela fait longtemps maintenant qu’il traîne par ici, il boit sa bière tranquillement, et finit toujours par réparer une épaule déboitée ou deux. Vous avez suffisamment sympathisé pour que tu aies pris l’habitude de le saluer dans ta langue natale. Une fois n’est pas coutume, alors que tu prends ton service, tu le vois accoudé au bar. Mais alors que le combat s’achève et que l’un des deux protagonistes s’effondre au sol, tu observes Alois se précipiter sur le pauvre hère afin de s’assurer de son état de santé. Sa remarque quant au système de combat plus que douteux mis en place par l’Alberich t’arrache un mince sourire moqueur. Un sourire qui disparaît néanmoins rapidement alors que tes pupilles d’acier se posent sur Ulrike von Bäume, assistant silencieusement au spectacle du jour. Tu la connaissais suffisamment pour savoir qu’elle n’était pas du genre à apprécier la moindre critique que ce soit. Si son oncle Engel était tout aussi peu commode, il avait au moins le mérite d’être franc et impulsif. Tandis qu’Ulrike, elle, était réputée pour agir de façon plus vile et détournée…

Alors qu’Alois retourne à sa place pour savourer sa bière tiédasse, il s'aperçoit finalement de ta présence et te salue chaleureusement. Tu réponds d’un signe de tête poli, que tu ne réserves qu’aux clients respectueux. “Normalement, ce soir, je reste derrière le bar. Va falloir que tu trouves une autre source de divertissement, et de revenus.” Tu n’avais pas été ajouté sur le planning des combats, mais tu savais pertinemment, que les imprévus n’étaient pas rares dans le milieu des combats clandestins. Et en cas d’abandon ou de morts de l’un des gladiateurs, il te faudrait certainement improviser et entrer dans le ring à la dernière minute. Rien n’était impossible lorsqu’il s’agissait de ravir les spectateurs. Alors qu’Alois commente le dernier combat, tu jettes un regard en direction du demi-géant qui venait de remporter le round. Mouais, rien qui ne t’impressionne outre-mesure. “Il est moins redoutable qu’il en a l’air. Face à un adversaire qui s’y connait un peu plus que le petit louveteau, il ferait pas long feu. Sa taille le désavantage.” L’expérience que tu trainais douloureusement derrière toi te donnait bien des atouts. Tu avais l'œil pour déceler en quelques instants les faiblesses du moindre combattant qui croisait ta route. “Tu ferais mieux d’éviter de critiquer les règles des combats quand la boss est là. J’ai pas envie de devoir te sortir d’ici en te mettant des coups de pied au derrière.” Le dernier que t’avais évincé comme ça était un mangemort du nom de Nicholas Riley. Tu sais pas vraiment ce que le bougre avait fait pour énerver la patronne, mais ce qui est sûr, c’est que l’on t’avait donné l’ordre de ne plus jamais le laisser fouler le parquet reluisant du Devil’s Snare.

Avant qu’Alois ne porte une nouvelle fois les lèvres à son verre de bière, tu lui servis une nouvelle pinte, fraîchement pressée. “Alors t’as sauvé combien de vies importantes, aujourd’hui ?” Kavanagh n’était pas un sorcier comme les autres, il ne faisait pas partie de cette élite au sang-pur qui se croyait absolument au-dessus de tout et de tout le monde. Et c’est précisément la raison pour laquelle tu l’avais à la bonne.

Un soupir faussement déçu lors du verdict : pas de combat pour Tiedemann (ce qu'Alois approuvait intérieurement : cela lui ferait un risque de commotion en moins), juste du remplissage de bières. Le blond fit d'ailleurs glisser la sienne vers le barman pour qu'il refasse le niveau, sortant quelques noises de la poche de son manteau usé (mais classe, il l'avait depuis ses vingt ans environ et n'avait jamais pu se résoudre à le changer) pour payer. Les yeux bleus se posèrent sur le colosse qui avait remporté la dernière victoire puis sur le tableau magique annonçant les combattants de la soirée. Les noms des éliminés étaient comme avalés par des crânes ricanant au moment des défaites sous les huées de la foule. Alois secoua la tête, ne sachant pas trop si il aimait l'ambiance ou pas (dans tous les cas, il y avait besoin d'un guérisseur, il était bien forcé d'être là).

Il écouta l'expertise de Friedhelm sur le demi-géant (c'était lui le gladiateur pro après tout), hochant distraitement la tête. Il voyait l'idée, n'en restait pas moins sûr qu'il se ferait éclater en très peu de temps (ou du moins voulait le laisser penser, il n'était certes pas un combattant mais les tatouages alchimiques encrant ses paumes pouvaient servir à autre chose qu'au soin). "Il me semblait quand même assez rapide pour sa stature..." Il haussa les épaules et prit une gorgée de bière tiède à l'arrière goût métallique. "Puis les règles, j'y connais rien moi. J'suis juste un vieux con qui donne son avis, faut pas m'écouter tu sais bien !" Alois se laissa un peu aller en arrière, ricanant avant de poser les yeux vers là où la patronne se tenait. Une ombre de dégoût passa sur son visage avant qu'il ne retrouve son air décontracté. Décidément, cette nana cochait toutes les cases pour le débecter (mais il ne voulait pas non plus se mettre une genre de mafieuse-mangemorte à dos).

La pinte de bière fraîche fut accueillie chaleureusement, Alois leva son verre vers Friedhelm - cheers - avant de le porter à ses lèvres, se retrouvant la moustache dans la mousse. Il prit l'air malicieux alors qu'il plongeait ses yeux bleus dans ceux du selkie, petit geste de la main faussement modeste. Lui ? Sauver des vies importantes ? Comme si toutes les vies ne se valaient pas (haha). "Au risque de te décevoir, à part peut-être celle du petit loup de toute à l'heure, j'ai surtout fait de la paperasse." Ses yeux se levèrent au ciel alors qu'il repensait aux dossiers supplémentaires qu'on leur demandait de remplir dés le moindre décès depuis l'apparition des revenants (soi-disant pour servir de base de données sur les cas de résurrection, chose qui intéressait beaucoup Alois qui jugeait cependant les questions posées stupides). "Et j'ai du livrer un sorcier au N9. Un crétin de sang-pur mort dans un stupide accident de balai qui a cru bon débarquer aux urgences parce qu'il se sentait bizarre. Il s'était même pas rendu compte qu'il était mort, t'imagines ?" Son ton puait le jugement. "Il hurlait comme un gosse quand il a compris qu'on le refilait à Carrow et sa clique de psychopathes, c'était... Divertissant." Sourire un rien carnassier, Alois replongea dans sa bière tant qu'elle était encore fraîche. "Sinon toi, quoi de neuf ?"

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CAlois Kavanagh est un drôle de personnage. Tu comprends pas bien pourquoi un homme tel que lui (instruit, canon, altruiste, drôle ??) n’ait rien de mieux à faire de sa soirée que de traîner tout seul dans les sous-sol viciés du Devil’s Snare. Si on t’avait demandé ton avis, t’aurais bien dit que tu trouvais ça dommage qu’une si belle gueule reparte non accompagnée à la maison. Mais bon, t’étais pas là pour flirter avec les clients. Ca, c’était le job des employés de l’étage supérieur. “T’as bien de la chance que la patronne aime les vieux cons.” Une simple remarque presque innocente quant aux préférences d’Ulrike en matière d’hommes. Le dernier qu’elle avait reçu dans son bureau, un certain Göran Falk, cochait parfaitement toutes les cases. “De la paperasse ? Tu dois pas être un médecin très utile aux yeux du gouvernement.” La remarque avait beau être abrupte, elle n’était en rien destinée à être une critique. Il s’agissait là plutôt d’une sorte d’avertissement, de conseil à l’égard d’un bon gars, à qui tu voulais pas qu’il arrive malheur. La suite de son discours attire finalement toute ton attention. T’es à peu près certain qu’il n’a absolument pas le droit de te raconter tout cela, dans le mesure où il s’agissait certainement de secrets d’état, que le gouvernement ne voulait pour rien au monde ébruiter. “Tiens donc, un sang-pur mort qui vaut autant qu’un hybride. Quelle douce ironie.” Même la pureté du sang semblait être incapable de sauver le sujet d’une étude scientifique à la Carrow. La simple vue de ce visage émacié et féroce en une du Daily Prophet suffisait désormais à te glacer le sang. En fin de compte, Louis Travers n’était peut-être pas le pire de tous. Quoique. Du coin de l’oeil, tu aperçois encore la silhouette raide et glaciale d’Ulrike, perchée en haut des gradins (suffisamment loin de l’arène pour ne pas être importunée par l’odeur de sang et de sueur, mais suffisamment proche pour observer les combats qui faisaient rage). “Il vaudrait mieux que l’on poursuive notre conversation à l’extérieur. Fais-moi confiance.” Sans même laisser le temps de la réflexion à Alois, tu contournes le comptoir et viens te placer face à lui avant de l'attraper sans ménagement par le col de sa chemise. D’un geste de ta main libre, tu signifies à Ulrike - à qui rien n’échappe- que la situation est sous contrôle. Puis, tu t’éloignes de l’arène en traînant Alois à tes côtés. Tu ne le relâches qu’une fois la porte de service passée. Dehors, l’air se fait soudain bien plus léger que dans les sous-sol. La tension retombe, alors que tu observes les alentours et ne détectes pas âme qui vive. Tu reportes finalement ton attention sur Alois. “J’espère que je ne t’ai pas trop secoué.” Tu lui octroies une vive tape dans le dos comme pour le remettre d’aplomb. “Il se pourrait bien que d’ici quelques semaines, j’ai l’occasion de tester l’un de tes fameux sérums sur le sang-pur idéal.” Les préparatifs de l’attaque de la NSFW sur le manoir de Louis Travers battaient déjà leur plein. L’assaut aurait lieu lors du lancement de la Fashion Week, événement qui rassemblerait une grande partie des forces de l’ordre. “Tu serais partant pour me fournir une dose dans le cadre d’un… essai clinique ?”

Bref éclat de rire, si la patronne des lieux aimait les gars à la Alois, lui n'aimait certainement pas les femmes arrogantes et consanguines (il avait pratiqué quelques années même si il s'était avéré que la sienne n'était pas si consanguine que ça, expérience pas top, une étoile sur trip advisor parce que les gamines qui en avaient résulté étaient ultra chouettes). "Au contraire, je ne serai pas utile que je serai déjà mort haha !" Haha. "Mais il s'avère que je suis plutôt bon guérisseur alors on me garde." Cf la chute de la mortalité due à la dragoncelle qui lui avait valu sa position de chef de service et la tonne de paperasse qui allait avec. Au moins, avec les revenants qui arrivaient en masse, Alois ne s'ennuyait pas (au contraire, c'était Noël en permanence). "Le sang doit se corrompre avec la mort, un truc comme ça. D'ailleurs, pour avoir regardé ce que ça donnait, c'est plutôt le cas. C'est même assez étonnant : un genre de fluide noir très visqueux, grumeleux presque, cela ne devrait même pas pouvoir circuler ! Surtout que j'ai pour l'instant rien noté d'anormal au niveau du coeur alors que pour mettre en mouvement ce fluide et sans même que ça se bouche au niveau des capillaires... Je pense qu'en fait que si ils peuvent pas faire de magie c'est que cette dernière est toute utilisée à les faire tenir debout parce que mécaniquement parlant... Bref." Tiedemann n'était peut-être pas l'interlocuteur le plus intéressé par les remarques du blond. Sourire d'excuse, gorgée de bière, il revint un instant à son raisonnement (ça se voit à son regard qui se fait vide) avant de raccrocher à la conversation. Confiance ? Evidemment.

Les yeux bleus suivirent la silhouette massive s'arracher de son comptoir pour mieux le soulever (ils s'écarquillèrent un peu à ce moment là mais Alois ne broncha pas plus que ça, se contentant de feindre les moulinets de bras de l'homme bourré). Il se laissa trainer dehors bien gentiment (parce que confiance ou non, il ne faisait pas le poids contre Tiedemann), espérant juste qu'il n'y ait plus trop besoin de guérisseur pour ce soir. "Tu aurais quand même pu attendre que je finisse ma bière" déclara-t-il - visiblement pas secoué - en remettant en place le col de sa chemise. La tape dans le dos, elle, lui arracha une grimace et le fit avancer d'un bon pas. Ok, il faudrait peut-être penser à aller à la salle pour se muscler plutôt que de passer ses soirées à regarder des hommes torses nus transpirer au corps à corps (maintenant qu'il y pensait, c'était très homoérotique cette histoire). Il oublia tout ça très vite quand la raison de la discussion à l'extérieur parvint à ses oreilles. "Oooh" fut tout ce qu'il trouva à dire avant de sortir un bic de son manteau et ce qui semblait être une liste de courses. "Me faut l'âge du sujet, la condition physique, le sexe, le nom si c'est pas confidentiel !" Il commença à griffonner quelque chose sur son papier, visiblement enchanté/surexcité par la perspective de l'essai clinique. "C'est entendu, évidemment, c'est pour mes recherches que j'ai besoin de tous les renseignements ! Tu peux me les donner après si tu préfères mais me faudra quand même le sexe et le poids approximatif pour le dosage." Après les revenants, ça. Vraiment cette année était son année et il était tout comme un gosse, à deux doigts de sautiller partout. Youhouuu de l'expérimentation humaine, trop coool ! "Tu pourras me raconter, hein ?" finit-il par demander, plantant son regard clair dans celui de Tiedemann, plus sérieux que jamais.

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